Cour d'appel de Paris, 26 janvier 2006
Sur la décision
Référence : | CA Paris, 26 janv. 2006 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
1re Chambre – Section F
ARRÊT DU 26 JANVIER 2006
AUDIENCE SOLENNELLE
(n° 6, 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire H : 2005/16465
DEMANDEUR :
— M. Z Y
demeurant chez M. X
XXX
XXX
comparant
DÉFENDEUR :
— LE CONSEIL DE L’ORDRE DES AVOCATS DE PARIS
XXX
XXX
représenté par Maître Denis TALON, G au barreau de PARIS
XXX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 décembre 2005, en audience publique à la demande de M. G. Y, devant la Cour composée de :
— M. I J, Président
— Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Présidente
— Mme Chantal CABAT, Présidente
— Mme E F, Conseillère
— Mme Marie-Paule RAVANEL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU
MINISTÈRE PUBLIC :
L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. C D, qui a fait connaître son avis.
DÉBATS : à l’audience tenue le 15 décembre 2005, on été entendus :
— Mme E F, en son rapport
— M. Z Y, en sa demande
— Maître Denis TALON, G représentant le Conseil de l’Ordre des avocats au Barreau de PARIS, en ses observations
— M. C D, G H, en ses observations
— M. Z Y, en ses observations
ARRÊT :
— contradictoire
— prononcé publiquement par M. I J,
— signé par M. I J, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier présent lors du prononcé.
* * *
Le 6 avril 2005, M. Y, qui est de nationalité sénégalaise et titulaire d’un certificat d’aptitude à la profession d’G délivré le 14 janvier 2005 par l’école de formation professionnelle des barreaux de la cour d’appel de Paris, a demandé son inscription sur la liste du stage du barreau de Paris, estimant remplir les conditions prévues par l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ainsi que son admission à la prestation de serment.
N’ayant pas obtenu de décision en réponse à cette demande, il a, le 4 août 2005, formé un recours contre la décision implicite de refus.
LA COUR
Par conclusions du 30 novembre 2005 soutenues à l’audience, le conseil de l’Ordre précise qu’en fait, il avait prévenu M. Y de ce qu’il rendrait sa décision le 12 septembre 2005 après s’être rapproché de la Commission d’accès du Conseil national des barreaux et du barreau du Sénégal, mais que M. Y n’a pas souhaité attendre, les délais qui lui étaient impartis étant sur le point d’expirer. Sur le fond, il objecte qu’il n’existe aucune convention bilatérale relative au libre établissement des avocats ressortissants des deux pays et que, dès lors, il convient de constater qu’il n’existe pas de réciprocité de fait, ce dont atteste une lettre du bâtonnier du barreau du Sénégal en date du 15 juin 2005, ajoutant qu’une telle constatation n’est pas prohibée par l’article XXVII de l’AGCS, qui permet qu’en ce cas soit écarté le principe du respect du traitement de la nation la plus favorisée énoncé à l’article II.1 de ce traité. Il demande en conséquence à la cour de confirmer la décision implicite de rejet et, subsidiairement, pour le cas où l’inscription viendrait à être ordonnée, de dire qu’elle sera subordonnée à la production d’un titre de séjour valide, le titre de M. Y ayant expiré le 8 août 2005, et au règlement des droits d’inscription, non payés à ce jour.
Dans ses conclusions déposées en même temps que son recours et dans ses conclusions additionnelles soutenues à l’audience, M. Y réplique :
— que le Sénégal a signé avec la France une convention multilatérale, l’Accord H sur le Commerce des Services (AGCS) de l’OMC, et une convention bilatérale, la Convention d’Etablissement, datée du 15 mai 2000 et publiée au journal officiel le 3 janvier 2003,
— qu’il est titulaire d’une maîtrise en droit et d’un diplôme d’études approfondies en relations internationales,
— qu’il a obtenu le certificat d’aptitude à la profession d’G de l’EFP de la cour d’appel de Paris,
— qu’il dispose d’un contrat de collaboration,
— qu’il lui est infligé une discrimination eu égard aux admissions passées de quatre compatriotes inscrits en 1974, 1996 et 2003.
Renonçant à la demande de dommages et intérêts qu’il avait formée par écrit, il prie en conséquence la cour de :
— ordonner au conseil de l’Ordre d’admettre sa prestation de serment et de l’inscrire sur la liste du stage,
— condamner le conseil de l’Ordre à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
SUR CE
Considérant que la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 a supprimé le stage à compter du 1er septembre 2005 ; que toutefois, cette loi a prévu des dispositions transitoires qui ont été insérées à l’article 50 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, lequel dispose désormais, en son paragraphe IV, que les personnes en cours de formation professionnelle à la date de l’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2004 poursuivent leur formation selon les modalités en vigueur avant cette date, les titulaires du certificat d’aptitude à la profession d’G n’ayant pas commencé ou terminé leur stage dans les deux ans à compter de cette entrée en vigueur en étant dispensés à l’expiration de cette période de deux ans ;
Qu’il suit de là que la demande d’inscription sur la liste du stage formée par M. Y, titulaire d’un certificat d’aptitude à la profession d’G, reste soumise à la procédure prévue par les dispositions combinées des articles 73 et 74 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, selon lesquelles l’inscription sur la liste du stage est prononcée par le conseil de l’Ordre dans les deux mois de la réception de la demande et, à défaut de notification d’une décision dans le mois qui suit l’expiration de ce délai, la demande est considérée comme rejetée et l’intéressé peut porter sa réclamation devant la cour d’appel dans les conditions prévues à l’article 16 du même décret ;
Considérant que le conseil de l’Ordre n’a adressé aucune notification à M. Y à la suite de la demande d’inscription sur la liste du stage qu’il avait reçue de ce dernier le 6 avril 2005 ; que le recours formé le 4 août 2005 par M. Y contre la décision implicite de rejet de sa demande est donc recevable ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que M. Y remplit les conditions de diplôme et de moralité exigées par l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; que seule reste en discussion la condition liée à la nationalité prévue au 1° de ce texte qui, s’agissant du ressortissant d’un Etat ou d’une unité territoriale n’appartenant pas aux Communautés européennes ou à l’Espace économique européen, subordonne l’inscription à la condition que cet Etat accorde aux Français la faculté d’exercer l’activité professionnelle que l’intéressé se propose d’exercer en France ;
Considérant, à cet égard, que la réciprocité est acquise de plein droit au profit des ressortissants sénégalais en vertu de la convention d’établissement conclue entre le gouvernement de la République française et celui de la République du Sénégal le 25 mai 2000, qui a été publiée au Journal Officiel du 7 octobre 2003 conformément au décret n° 2003-954 du 30 septembre 2003 ;
Considérant qu’en tant que de besoin, M. Y a justifié à l’audience d’un titre de séjour en cours de validité ; qu’enfin, il ne saurait être exigé de lui qu’il justifie par anticipation du règlement des droits d’une inscription qui lui été refusée jusqu’à présent ;
Qu’il suit de là que la décision implicite de rejet de conseil de l’Ordre doit être annulée et la demande de M. Y accueillie ;
Et considérant que M. Y a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu’il convient de lui allouer une somme de 2000 euros à ce titre ;
PAR CES MOTIFS,
Annule la décision implicite du conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Paris rejetant la requête présentée par M. Y le 6 avril 2005 ;
Et statuant à nouveau,
Ordonne l’inscription de M. Y sur la liste du stage du barreau de Paris et son admission à la prestation de serment ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne le conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Paris à payer à M. Y une somme de 2000 euros ;
Condamne le conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,