Cour d'appel de Paris, 20 juin 2007, n° 06/08609

  • Détention·
  • Réparation·
  • Thaïlande·
  • Professionnel·
  • Presse·
  • Participation·
  • Préjudice moral·
  • Emprisonnement·
  • Durée·
  • Monde

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 20 juin 2007, n° 06/08609
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 06/08609

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

1re CHAMBRE – Section N

XXX

DECISION DU 20 JUIN 2007

N° du répertoire général : 06/08609

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Renaud BLANQUART, Conseiller à la Cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée au greffe le 15 mai 2006 par Maître Servane CROSNIER, avocat substituant Maître Denis GIRAUD, avocat de Monsieur Y X, demeurant XXX ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 23 mai 2007 ;

Vu la présence de Monsieur Y X ;

Ouï Monsieur Y X, Maître Denis GIRAUD, avocat assistant Monsieur Y X, Maître Carole PASCAREL, avocat plaidant pour la SCP UETTWILLER GRELON GOUT CANAT ET ASSOCIES, avocats associés représentant Monsieur l’Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GÖRGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 23 mai 2007, le requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;

* *

Monsieur Y X, né le XXX, a été mis en examen le 15 novembre 2002 des chefs de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes ou délits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement et vol avec arme. Il a été placé en détention provisoire le jour même. Il a été mis en liberté et placé sous contrôle judiciaire le 20 novembre 2003. Il a fait l’objet d’une décision de relaxe, pour ces faits, par jugement du tribunal correctionnel de PARIS du 16 novembre 2005, après, donc, une incarcération de 1 an et 5 jours ou 8 mois et 5 jours, si l’on déduit le temps d’exécution d’une peine de 4 mois d’emprisonnement prononcée contre l’intéressé en vertu du même jugement pour refus de se soumettre à un prélèvement, infraction qui avait donné lieu à une mise en examen supplétive. Cette décision est définitive.

Monsieur X n’avait pas été incarcéré précédemment.

Par requête déposée le 15 mai 2006, aux fins de réparation à raison d’une détention, Monsieur X fait valoir qu’il doit être indemnisé pour une détention d’un an et 5 jours.

— S’agissant de son préjudice moral,

qu’il était, avant son interpellation, boxeur professionnel de renommée mondiale et vivait avec sa compagne ; qu’il a subi un choc important compte tenu de l’ampleur donné à cette procédure par la presse et au rejet qu’il a subi du monde de la boxe ; qu’il n’avait jamais été incarcéré auparavant.

Il réclame une indemnité de 40.000 € de ce chef.

— S’agissant de son préjudice professionnel,

qu’il était un boxeur professionnel en pleine ascension, percevait environ 10.000 $ US par combat, en sus des frais de déplacement et des frais de bouche, avait été champion d’Europe, puis du Monde dans sa catégorie et sélectionné en équipe de France lors de tournois internationaux, qu’il a dû subir un entraînement très dur pendant de nombreuses années ; qu’il n’a pu participer à de nombreux combats, a perdu une grande partie de ses qualités physiques et mentales ; qu’à sa sortie de prison, les promoteurs ne lui ont plus fait confiance, ce qui l’a amené à accepter divers emplois mal rémunérés ; qu’il n’a pu reprendre la boxe que le 29 janvier 2005, percevant des sommes inférieures de moitié à ce qu’il percevait auparavant ; qu’il a perdu sa notoriété internationale.

Il sollicite une indemnité de 100.000 €, de ce chef, représentant sa perte financière directe pendant 4 ans.

Dans ses conclusions du 25 septembre 2007, Monsieur l’Agent judiciaire du Trésor, estimant la requête recevable, fait valoir que Monsieur X ayant été condamné à 4 mois d’emprisonnement pour refus de se soumettre à un prélèvement biologique, la durée de cette détention, qui n’est pas injustifiée, doit être déduite de sa réclamation ;

— S’agissant du préjudice moral,

que l’écho donné à la présente affaire par la presse est plus la conséquence des accusations portées contre lui que de sa détention et relève de la responsabilité des journalistes ; qu’il n’est pas justifié, en outre, de cette circonstance ; que le requérant ne justifie pas avoir été privé de sport pendant sa détention ; que les mesures de contrôle judiciaire subies par l’intéressé ne peuvent être indemnisées dans le cadre de la présente procédure. Il estime que le préjudice subi, de ce chef, peut être indemnisé par l’allocation de la somme de 9.000 €.

— S’agissant du préjudice économique invoqué :

que les pièces fournies par le requérant et signées par lui ne démontrent pas qu’il ait effectivement perçu les sommes qu’il invoque alors qu’il apparaît n’avoir déclaré au fisc aucun revenu en 2000 et la somme de 89.997 F en 2001 ; qu’il ne justifie pas du caractère régulier de son activité professionnelle ni de la perte de notoriété qu’il invoque, ni des gains qu’il percevait avant sa détention ; que Monsieur X a déclaré en cours de procédure, avoir participé à 3 ou 4 combats en 2001 et percevoir entre 20.000 et 30.000 F par combat ; que la demande, de ce chef, n’est pas justifiée.

Monsieur le Procureur Général fait valoir, estimant la requête recevable, que la détention injustifiée de Monsieur X, susceptible d’être réparée, est de 8 mois et 5 jours ;

— S’agissant du préjudice matériel :

qu’il convient de réparer une perte de chance de continuer à participer à des combats de boxe mais sans qu’il soit tenu compte des effets du contrôle judiciaire

— S’agissant du préjudice moral :

que l’indemnisation de ce préjudice doit tenir compte de la durée de détention injustifiée, de ce que le requérant était âgé de 26 ans lors de son placement en détention, vivait en concubinage, a été privé d’un entraînement adéquat pendant 8 mois, n’avait pas été détenu précédemment.

SUR QUOI,

Sur la requête :

Attendu que la présente requête est recevable au regard des dispositions des articles 149 à 149-2 du Code de procédure pénale ;

Sur le cadre légal dans lequel s’inscrit cette requête :

Attendu que les dispositions de l’article 149 du Code de procédure pénale sont fondées sur une responsabilité sans faute de l’Etat à raison d’une détention provisoire abusive qui consacre un droit à une réparation intégrale, assorti d’exceptions limitativement énumérées;

Que la loi du 30 décembre 2000 a institué, à travers ces dispositions, un système de garantie sociale, basé sur le principe de l’indemnisation systématique ;

Que le bien fondé de la décision de placement et de maintien en détention, la nécessité de cette détention, la durée excessive de cette détention ou de la procédure, l’absence de diligences du juge d’instruction, la régularité de la décision de placement en détention, le rejet de recours introduits devant la Chambre de l’instruction et la Cour de Cassation, échappent au contrôle de la présente juridiction, statuant en application de ces dispositions;

Que, de même, en vertu des dispositions de la loi précitée, le comportement du requérant, ayant avoué ou contesté les faits, est sans portée sur le principe et le montant de la réparation ;

Sur la durée de la détention devant être réparée :

Attendu que le requérant a fait l’objet, le 16 novembre 2005, d’une décision de relaxe des chefs de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes ou délits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement et vol avec arme et d’une condamnation à la peine de 4 mois d’emprisonnement pour refus de se soumettre à un prélèvement ;

Que la durée de cette peine doit être imputée sur le temps de la détention provisoire exécutée par l’intéressé, qui n’a pas, pour cette seule part, été illégitime ;

Qu’il y a lieu, en conséquence, d’indemniser le requérant au titre du reliquat de la détention exécutée pour autre cause, à concurrence de 8 mois et 5 jours ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que le requérant produit, à l’appui de sa demande de réparation d’un préjudice économique, divers documents justifiant de son activité de boxeur professionnel au moment où il a été placé en détention ;

Que les boxeurs professionnels reçoivent, pour chaque combat, une rétribution ou 'bourse’ à laquelle s’ajoute, éventuellement, le montant des frais de déplacement exposés et qui consiste soit en une somme fixe, soit en un pourcentage sur les recettes de la séance avec minimum garanti ; que des primes d’importance variable sont susceptibles de leur être offertes par les spectateurs ;

Qu’il résulte de l’examen des pièces versées aux débats que Monsieur X a participé, avant d’être détenu, à des compétitions importantes de boxe thaï au Japon, en Finlande, en Suisse, en Italie, aux Pays Bas et en France jusqu’en 1999, qu’il a participé à des matchs de boxe thaï en Thaïlande entre 1999 et 2002, percevant, pour six combats, environ 10.000 $ US par match, qu’il a participé, au mois de mai 2001, au 'Grand Tournoi’ organisé à l’occasion de l’anniversaire du roi de Thaïlande, que son niveau de compétition permettait à son promoteur de combats d’envisager sa participation à deux combats à Saint Martin et à Z A, aux mois de septembre et novembre 2003 et, à Bangkok, au mois de décembre 2003, à l’occasion de la 3e étape du 'Grand Tournoi’ organisé à l’occasion de l’anniversaire du roi de Thaïlande ; qu’il justifie de sa réputation internationale dans le milieu de la boxe en 2002, de sa participation au 'Grand Tournoi’ organisé à Paris, le 6 juillet 2002, moyennant une rémunération de 13.000 € et de sa participation au championnat du monde WMTC des 69,8 Kg ; qu’au mois de mai 2004, les articles de presse versés aux débats font allusion à son 'retour en force sur le devant de la scène internationale, après 14 mois d’inactivité', à sa reprise d’activité à Bankok, le 5 décembre 2003, et à sa 'grande rentrée parisienne', prévue le 22 mai 2004 ;

Que, peu de temps avant son placement en détention, au mois de novembre 2002, Monsieur X déclarait aux enquêteurs qu’il était sportif professionnel et n’avait pas de ressources fixes, avant d’énumérer les rémunérations qui avaient été les siennes en tant que boxeur et organisateur de stages de boxe, pour l’année 2002, pour un total de 210.000 F ou 35.000 €, soit 2.916, 66 € par mois ;

Qu’il y a lieu de lui allouer, en réparation de sa perte de rémunération, pendant la durée de sa détention illégitime, une indemnité de 24.000 € ;

Qu’il y a lieu d’ajouter à cette indemnité celle qui réparera la perte de ressources pendant le temps écoulé entre la date de fin de sa détention et celui de sa rentrée parisienne, à raison de la reprise nécessaire d’un entraînement pour retrouver son niveau précédent, soit, pour une durée de 6 mois, la somme de 17.500 € ;

Qu’il lui sera, donc, alloué, en réparation de son préjudice professionnel, la somme totale de 41.500 € ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que le choc carcéral incontestable qu’a subi Monsieur X, du fait de sa détention, doit donner lieu à réparation ;

Que le requérant ne justifie pas de l’existence d’articles de presse qui seraient la conséquence directe, non de sa mise en examen mais de la détention qu’il a subie ; qu’il ne justifie pas plus du rejet dont il aurait fait l’objet de la part du milieu de la boxe ;

Que le requérant était âgé de 26 ans et vivait en concubinage lorsqu’il a été placé en détention pour une durée de 8 mois et 5 jours à raison des faits ayant donné lieu à sa relaxe; qu’il doit être tenu compte, pour fixer le montant de cette réparation, des circonstances d’aggravation du préjudice considéré et, plus particulièrement, du fait qu’il n’avait jamais été incarcéré ; qu’il y a lieu de faire droit à sa demande, de ce chef, en lui allouant la somme de 12.000 € ;

PAR CES MOTIFS

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;

Disons la requête recevable,

Allouons à Monsieur Y X :

— une indemnité de 41.500 €, en réparation de sa perte de rémunération,

— une indemnité de 12.000 €, en réparation de son préjudice moral,

Ainsi fait, jugé et prononcé par le magistrat délégué soussigné, le 20 juin 2007, où étaient présents : Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller, Madame Lydia GORGEN, Avocat Général et Monsieur Gilles DUPONT, Greffier.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure pénale
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 20 juin 2007, n° 06/08609