Cour d'appel de Paris, 9 octobre 2007

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 9 oct. 2007
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision précédente : Autorité des marchés financiers, 8 mars 2006

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

1re Chambre – Section H

ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2007

(n° 30, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire E : 2006/12937

Décision déférée à la Cour : rendue le 09 mars 2006 par l’XXX

DEMANDEURS AU RECOURS :

— M. F G X

né le XXX à XXX

de nationalité : Canadienne

demeurant : XXX

— M. Z Y

né le XXX à XXX

de nationalité : Française

demeurant : XXX

— la société AI INVESTMENT

agissant poursuite et diligences de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

assistés de :

— Maître Guillaume DOLIDON, D au barreau de PARIS

XXX

— Maître Arthur DETHOMAS, D au barreau de PARIS

XXX

EN PRÉSENCE DE :

— L’XXX

XXX

XXX

représentée par Mme Brigitte GARRIGUES, munie d’un pouvoir

assistée de Maître Dominique SCHMIDT, D au barreau de PARIS

XXX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 juin 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

— M. Alain CARRE-PIERRAT, Président

— M. Henri LE DAUPHIN, Conseiller

— Mme Agnès MOUILLARD, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. J K-L

MINISTÈRE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. B C, D E, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par M. Alain CARRE-PIERRAT, Président

— signé par M. Alain CARRE-PIERRAT, président et par M. J K-L, greffier présent lors du prononcé.

* * * * * *

Le service de la surveillance des marchés de la Commission des opérations de bourse ayant constaté qu’à plusieurs reprises à la fin de l’année 2002 et au cours de l’année 2003, M. F I X avait procédé par l’intermédiaire de la société Dubus, prestataire de services d’investissement, et, dans une moindre mesure, par l’intermédiaire de deux autres prestataires de services d’investissement, les sociétés Omniane et Procapital, à des interventions en cours de séance sur des valeurs, pour la plupart éligibles au service de règlement différé, dont le cours avoisinait un euro (dites penny stocks), dans des volumes pouvant représenter jusqu’à 30% du volume des négociations quotidiennes, a procédé à une analyse approfondie des transactions réalisées dans ces conditions.

L’enquête sur les opérations réalisées sur les marchés pour le compte de M. X et de toute personne liée à ce dernier à compter du 1er janvier 2003, dont l’ouverture a été décidée par le directeur E de la COB le 10 septembre 2003, a permis d’établir que la quasi-totalité des ordres passés pour le compte de M. X et de la société AI Investment, société ayant son siège à l’Ile Maurice, créée le 18 août 2003 par M. X, étaient en réalité le fait de M. Z Y, relation amicale de M. X, devenu en mars 2004 co-directeur et co-actionnaire de la société AI Investment, et qui disposait de procurations sur l’ensemble des comptes-titres dont la société AI Investment et M. X étaient titulaires.

Au vu des éléments réunis dans le rapport d’enquête, la commission spécialisée du collège de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) a décidé, lors de sa séance du 15 février 2005 de notifier des griefs, sur le fondement des articles 3 et 4 du règlement n° 90-04 de la COB relatif à l’établissement des cours, maintenu en vigueur par l’article 47 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, et des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier, à :

— la société AI Investment, représentée par MM. X et Y, co-directeurs,

— M. X, à titre personnel,

— M. Y, à titre personnel.

Des griefs étaient aussi notifiés aux sociétés Dubus, Procapital et Omniane sur le fondement des articles 3-1-1, 3-4-1 et 2-4-17 du règlement E du conseil des marchés financiers, maintenus en vigueur par l’article 47 de la loi susvisée, et des articles L. 533-4, L. 621-9 et L. 621-15 du code monétaire financier.

Par décision du 9 mars 2006, la Commission des sanctions de l’AMF, après avoir estimé que la société AI Investment, M. X et M. Y avaient manqué aux prescriptions de l’article 3 du règlement n° 90-04 de la COB, a, en application des dispositions de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, prononcé à leur encontre des sanctions pécuniaires s’élevant, respectivement, à 7.114.688 euros, 1.770.480 euros et 750.000 euros et a ordonné la publication de sa décision au Bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site internet et dans la revue mensuelle de l’AMF. La même décision a mis hors de cause les prestataires de services d’investissements Dubus, Procapital et Omniane.

La cour ;

Vu le recours formé le 24 juillet 2006 par la société AI Investment, M. X et M. Y à l’encontre de cette décision ;

Vu l’exposé des moyens joint à la déclaration de recours, par lequel les requérants demandent à la cour :

— à titre principal, d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle a déclaré les dispositions des articles 3 et 4 du règlement de la COB n° 90-04 relatif à l’établissement des cours applicables à leur encontre et prononcé des sanctions pécuniaires et de 'les mettre hors de cause de tout manquement au règlement COB n° 90-04",

— à titre subsidiaire, de faire une juste application de la loi s’agissant des personnes punissables et sur le quantum autorisé des sanctions ;

Vu les observations de l’AMF en date du 16 février 2007 ;

Vu le mémoire en réplique de la société AI Investment et de MM. X et Y, en date du 21 mai 2007 ;

Vu les conclusions du ministère public, mises à la disposition des parties à l’audience, tendant au rejet du recours ;

Ouï à l’audience publique du 19 juin 2007, en leurs observations orales les conseils des requérants, le conseil et la représentante de l’AMF, le représentant du ministère public, les conseils des requérants ayant eu la parole en dernier ;

Sur ce :

Considérant qu’après avoir exposé que M. Y, qui a passé l’ensemble des ordres litigieux à partir d’un ordinateur personnel équipé d’un modem bas débit, est ce qu’on appelle communément un 'day trader', qu’il se livre donc à une pratique spéculative à court terme qui consiste, en multipliant les ordres d’achat et de vente , à chercher à tirer profit des mouvements ou des écarts de cours, même de faible amplitude, que compte tenu de ces objectifs, la pratique d’investissement utilisée a pour particularité de porter principalement sur des valeurs qui se distinguent par une grande liquidité et une forte volatilité et qui se concilient mal avec toute oeuvre d’anticipation, que cette pratique d’investissement hautement spéculative apparaît donc incompatible avec toute idée de manoeuvre ou de manipulation et ne porte pas atteinte au fonctionnement régulier du marché, les requérants exposent que la prétendue 'méthode’ impliquant une chronologie d’interventions répétée de manière systématique n’existe pas, que cette méthode, si elle était avérée, n’aurait eu aucune conséquence sur le marché et qu’il n’est à aucun moment rapporté la preuve qu’ils auraient eu l’intention d’entraver les cours ou d’induire autrui en erreur ; que les requérants font notamment valoir, sur le premier point, que le choix d’intervenir principalement sur des valeurs dont le cours est inférieur à un euro n’est qu’une simple stratégie d’investissement qui n’est porteuse d’aucune intention malveillante, que le moyen principal qui aurait été utilisé pour manipuler les cours, à savoir le recours à l’annulation d’ordres, n’est pas en soi illicite, que l’une des principales motivations gouvernant les annulations d’ordres était la gestion du risque de perte due à l’exécution des ordres, laquelle pouvait intervenir à tout moment, que la gestion d’un tel risque consistait le plus souvent à augmenter au fur et à mesure la quantité sur laquelle portait les ordres en annulant les ordres anciens par de nouveaux ordres plus importants, que la méthode qui aurait consisté, pour y parvenir, à passer des ordres complémentaires à une même limite plutôt qu’à des annulations aurait été impraticable tant il aurait été difficile, voire impossible, de gérer autant d’ordres en même temps ; que les requérant ajoutent, sur le deuxième point, que l’AMF, procédant par voie de suppositions, n’a pas rapporté la preuve que la prétendue méthode a non seulement eu pour conséquence de créer une 'barrière’ dans le carnet d’ordres, mais également qu’elle leur a permis de fausser le carnet d’ordres en donnant un 'signal d’achat ou de vente’ au marché, poussant les tiers à acheter plus cher ou à vendre moins cher ; qu’ils soulignent, sur le troisième point, qu’ investisseurs particuliers, sans formation particulière aux marchés financiers, ils n’ont jamais eu conscience de commettre des actions répréhensibles pas plus qu’ils n’ont eu l’intention de tromper autrui, qu’ils n’ont jamais agi de manière dissimulée et que tout dans leurs agissements démontre leur bonne foi, laquelle, au demeurant, ne peut que se présumer ;

Considérant, cependant, que l’établissement des cours sur le marché doit résulter de la libre confrontation des ordres d’achat et de vente et que les ordres transmis sur le marché ne doivent pas avoir pour objet d’entraver l’établissement du prix sur ce marché ni d’induire autrui en erreur ;

Et considérant que, par des motifs pertinents que la cour fait siens, qui répondent, en les écartant, à l’argumentation articulée par la société AI Investment et MM. X et Y comme aux pièces produites par ceux-ci, la commission des sanctions de l’AMF a caractérisé en tous ses éléments le manquement retenu à l’encontre des requérants en raison de la mise en oeuvre par M. Y, agissant tant pour le compte de M. X que pour celui de la société AI Investment, d’une méthode ayant pour objet d’entraver l’établissement du prix sur le marché et d’induire autrui en erreur ;

Considérant qu’il suffit de relever ici, en premier lieu, que cette méthode a consisté à intervenir via internet sur des valeurs particulièrement liquides dont le cours était proche d’un euro, à fort effet de levier, et à créer un intérêt acheteur artificiel par des ordres massifs au regard des possibilités du marché, ordres passés puis annulés et remplacés immédiatement par des ordres portant sur des volumes similaires ou supérieurs, maintenant ainsi le même intérêt apparent, tout en minimisant le risque d’exécution en raison de leur volume important et de leur moindre priorité dans le carnet d’ordres, et à vendre au cours ainsi artificiellement obtenu des titres primitivement achetés à un cours inférieur moyennant une mise de fonds limitée à 20% ; que la même méthode a été utilisée, en sens inverse, pour maintenir une pression à la vente et acheter à un cours ainsi artificiellement créé des titres primitivement vendus à découvert à un cours supérieur ; qu’entre le 1er janvier 2003 et le 27 août 2004, M. Y a, en mettant en oeuvre ce procédé, passé sur les seuls comptes ouverts au nom de M. X chez Dubus 9.689 ordres d’achat dont 6.218 ont été annulés sans avoir été exécutés, même partiellement, soit 64,17%, et 8.071 ordres de vente dont 4.230 ont été annulés sans avoir été exécutés, soit 52,41%, ces opérations ayant généré une plus value globale brute de 590.160,04 euros ; qu’au cours de la même période, la société AI Investment a passé, par l’intermédiaire de M. Y, sur un compte ouvert dans les livres de la société Dubus, 7.768 ordres d’achat dont 4.655 ont été annulés sans avoir été exécutés, même partiellement, soit 59,92%, et 8.565 ordres de vente dont 5.214 ont été annulés sans avoir été exécutés, soit 60,87%, ces opérations ayant généré une plus value globale brute de 2.371.556,11 euros ;

Considérant que le procédé mis en oeuvre repose sur le remplacement systématique d’un ordre ancien par un ordre plus récent – donc moins prioritaire – ayant les mêmes caractéristiques (sens, limite) et portant sur des volumes de titres significatifs selon une chronologie conçue non, comme il est soutenu, pour faciliter la gestion de ces ordres, ainsi que l’établissent les constatations du rapporteur (rapport p. 22), mais pour éviter ou retarder autant que possible leur exécution en repoussant leur priorité temporelle dans le carnet d’ordres et pour créer et maintenir un intérêt renforcé pour le titre considéré, ce qui manifeste que l’objectif poursuivi par les auteurs de ces pratiques était d’entraver le libre fonctionnement du marché et d’induire les investisseurs en erreur en leur faisant croire à l’existence d’une demande ou d’une offre de titres en réalité fictive ; que ceci est clairement illustré par les interventions de M. Y sur le titre Valtech le 4 novembre 2003, séance au cours de laquelle, après avoir effectivement acquis 189.005 actions, M. Y a, en une cinquantaine de minutes, passé sept nouveaux ordres d’achat pour des volumes importants (de 150.000 à 500.000 titres), annulé l’intégralité de ces ordres – l’annulation du premier de ces ordres d’achat pour 150.000 titres, intervenue trente secondes après sa création, ayant été précédée deux secondes plus tôt par un nouvel ordre d’achat de 300.000 titres – et passé un ordre de vente de 200.000 titres ;

Considérant, en deuxième lieu, que le manquement ainsi caractérisé aux prescriptions de l’article 3 du règlement n° 90-04 au cours de la période considérée, soit du 2 janvier 2003 au 27 août 2004, a eu pour effet de fausser le fonctionnement du marché et de procurer à la société AI Investment et à M. X un avantage injustifié qu’ils n’auraient pas obtenu dans le cadre du fonctionnement normal du marché ; qu’il y a lieu de relever, à cet égard, que les requérants ont, en créant ou un accentuant un déséquilibre du carnet d’ordres, conduit une partie des investisseurs – qui, s’ils savent que tous les ordres n’apparaissent pas dans le carnet d’ordres central, ne peuvent soupçonner que ceux qui y sont introduits n’ont pas vocation à être exécutés et qu’ils y sont entrés à seule fin de provoquer de leur part une réaction cohérente et adaptée au signal qui leur est donné – à acheter plus cher ou à vendre moins cher qu’ils ne l’auraient fait dans un marché équilibré ; que le montant des profits obtenus au moyen des pratiques en cause suffit, au demeurant, à établir la réalité de leur influence sur le marché, observation étant faite que le calcul des bénéfices réalisés résulte de l’analyse, qui n’est pas utilement contestée, des données fournies par la société Dubus et mises aux débats, regroupant la totalité des ordres passés et des transactions réalisées au cours de la période considérée sur les différents comptes ouverts au nom de M. X et de la sociétés AI Investment chez ce prestataire de services d’investissement et que la preuve des agissements incriminés n’est pas déduite de l’analyse des ordres passés au titre des seules séances des 10 septembre 2003 (Eurotunnel), 4 novembre 2003 (Valtech) et 7 juillet 2004 (Alstom) mais au titre de 148 séances au cours desquelles une plus value a été dégagée et où ont été trouvés au moins deux ordres successifs passés sur une même valeur, dans le même sens et à une même limite, et annulés, selon une certaine chronologie ;

Considérant, en troisième lieu, que ces manquements aux règles relatives à l’établissement des cours, justement reprochés à M. Y, qui a personnellement transmis sur le marché les ordres litigieux, ainsi qu’à la société AI Investment, représentée par M. Y, qui était son mandataire puis, à partir de mars 2004, son représentant légal, avec M. X, sont également imputables à celui-ci ; qu’il y a lieu de relever, à cet égard, que s’il n’a pas matériellement passé les ordres, il ne pouvait ignorer que les opérations de M. Y, qui agissait en son nom et pour son compte et qui, comme ce dernier l’a indiqué lors de son audition du 29 septembre 2004, le tenait régulièrement informé par téléphone ou par courrier électronique de l’état de son activité, reposaient sur une méthode ayant pour objet d’entraver l’établissement du prix sur le marché et d’induire autrui en erreur ;

Considérant, enfin, que c’est par une juste application du principe de proportionnalité, eu égard à la gravité certaine des manquements commis, que la décision déférée a fixé à 750.000 euros le montant de la sanction pécuniaire prononcée à l’encontre de M. Y ;

Que celui des sanctions prononcées à l’encontre de M. X et de la société AI Investment, fixé en fonction de la gravité des manquements et en relation avec les profits tirés de ces manquements, est également justifié, sans qu’il y ait lieu de s’arrêter à l’analyse des requérants selon laquelle le montant maximal de la sanction applicable à ces derniers doit être déterminé par référence au montant des profits nets réalisés au cours des séances des 4 novembre 2003, 10 septembre 2003 et 7 juillet 2004, desquels auront été soustraits l’ensemble des moins values réalisées au cours des séances considérées ; qu’en effet, ce moyen, erroné en droit dès lors que l’appréciation du montant maximal de la sanction encourue doit être faite par référence aux profits retirés de chaque intervention illicite sur l’établissement des cours et sans déduction des coûts exposés à cette fin, est au surplus inopérant puisqu’il n’est pas établi que le plafond de la sanction pécuniaire légalement applicable selon le mode de calcul proposé par les requérants a été dépassé en l’espèce, étant ici rappelé que l’AMF a, à juste titre, comme il a été dit ci-dessus, pris en considération les 148 opérations qui se sont soldées par une plus value et non pas seulement celles mentionnées par les requérants ;

Par ces motifs :

Rejette le recours ;

Condamne les requérants aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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