CA Paris du 18 février 2009 n° 08/02599 , ch. 16 A

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Chronologie de l’affaire

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Lettre de l'Immobilier · 7 février 2022

Cass. civ. 3ème, 19 décembre 2019, n°18-26.162 L'usufruitier ayant seul le pouvoir de délivrer congé au preneur, il est seul redevable de l'indemnité d'éviction due en application de l'article L.145-14 du Code de commerce et ce, quand bien même le congé en question a été délivré conjointement avec le nu-propriétaire. En l'espèce, l'usufruitier et le nu-propriétaire d'un immeuble à usage commercial ont fait délivrer ensemble au preneur titulaire d'un bail commercial un refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction. Par décision du 20 février 2008, ce refus a été déclaré comme …

 

Elodie Pouliquen · Actualités du Droit · 19 décembre 2019

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Civil - Immobilier 19/12/2019 En cas de refus de renouvellement du bail, c'est l'usufruitier qui a seul la qualité de bailleur. L'indemnité d'éviction est dès lors à sa charge. Le 5 mars 2004, l'usufruitière et la nue-propriétaire, d'un immeuble à usage commercial ont délivré aux preneurs, un refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction, lequel, par arrêt du 20 février 2008, a été déclaré sans motif grave et légitime. Les juges du fond ont condamné in solidum l'usufruitière et la nue-propriétaire à payer l'indemnité d'éviction due aux preneurs. Selon eux, l'usufruitière …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, ch. 16 a, 18 févr. 2009, n° 08/02599
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 08/02599
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 21 janvier 2008, N° 06/10920

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

16e Chambre – Section A


ARRET DU 18 FEVRIER 2009

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/02599

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2008 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 06/10920

APPELANTE

SARL MEDIA ART agissant poursuites et diligences de son représentant légal

XXX

XXX

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Pierre François VEIL plaidant pour la SCP VEIL JOURDE avocat au barreau de PARIS, toque : T 06

INTIME

Monsieur Francis P.

XXX

XXX

représenté par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour

assisté de Me Davina SUSINI LAURENTI plaidant pour la SCP GUILLEMAIN BANIDE SAINTURAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 102

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 5 novembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame GABORIAU, Présidente

Madame IMBAUD CONTENT, Conseiller

Monsieur PEYRON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.

Madame GABORIAU ayant préalablement été entendue en son rapport.


ARRÊT :

— contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

— signé par Madame GABORIAU, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*************


PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 22 janvier 2008, rendu par le tribunal de grande instance de Paris, qui a statué en ces termes :

Déclare la SARL MEDIAT ART forclose en sa contestation de refus de renouvellement et en paiement de l’indemnité d’éviction,

Ordonne l’expulsion de la SARL MEDIAT ART et de tous occupants de son chef, des locaux loués situés 70 rue Bonaparte à Paris 6e passé le délai de trois mois à compter de la présente décision, avec le concours de la force publique si nécessaire,

Fixe l’indemnité d’occupation due à compter du 7 septembre 2004 à la somme annuelle de 22 500 € charges, taxes et prestations en sus,

Condamne la SARL MEDIAT ART à payer à Monsieur Francis P. ladite indemnité d’occupation, en deniers ou quittances, à compter du 7 septembre 2004,

Déboute pour le surplus,

Condamne la SARL MEDIAT ART au dépens. Vu l appel relevé par la SARL MEDIA ART à l encontre de ce jugement,

Vu les dernières conclusions :

de l appelante, déposées au greffe de la Cour, le 2 juin 2008, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, au terme desquelles la SARL MEDIA ART poursuivant la réformation de la décision entreprise prie la cour de :

au visa des articles L. 145-10, L. 145-14, L. 145-17 et suivants du Code de commerce, 595 du Code civil, 1142 du Code civil,

en faisant valoir que la SARL MEDIAT ART n est pas forclose en sa demande de contestation de renouvellement et en paiement d’une indemnité d’éviction, le refus de renouvellement ne reposant sur aucun motif grave et légitime,

dire et juger que la société MEDIA ART est recevable et bien fondée en ses demandes,

dire et juger que le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction signifié le 7 septembre 2004 à la demande de Monsieur Francis P. à la société MEDIA ART ne repose sur aucun motif grave et légitime ; justifierait le refus de renouvellement du bail sans indemnité d’ éviction,

subsidiairement, si par extraordinaire la Cour considérait qu’un motif grave et légitime

Juger que l’absence de mise en demeure d’avoir à faire cesser l’infraction alléguée prive le refus de renouvellement du 7 septembre 2004 de tout motif grave et légitime ;

En conséquence : condamner Monsieur Francis P. à payer à la société MEDIA ART une somme de 197.600 € à ajuster au jour de la libération des locaux, au titre de l’indemnité d’éviction en réparation du préjudice subi du fait du refus de renouvellement du bail du 7 septembre 2004 ;

ordonner le maintien de la société MEDIA ART dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail du 30 décembre 1992 dans l’attente du paiement définitif de l’indemnité d’éviction qui lui est due par Monsieur Francis P. ;

ordonner la fixation de l’indemnité d’occupation à compter du 7 septembre 2004 à un montant annuel de 22.500 € sur lequel s’impute le montant des loyers payés depuis cette date par la société MEDIA ART ;

condamner Monsieur Francis P. à payer à la société MEDIA ART la somme de 10.968,46 € en réparation du préjudice subi du fait de la privation de jouissance des 1er et 2e étages des locaux loués pendant 1 an ;

A titre subsidiaire:

Dire et Juger que l’indemnité d’éviction sera déterminée à dire d’ expert ; sollicitant, en outre, l’allocation d’une somme de 6 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

de l intimé, déposées au greffe de la Cour, le 17 juillet 2008, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, au terme desquelles Monsieur Francis P. , concluant au rejet de toutes les prétentions adverses et poursuivant la confirmation de la décision entreprise, °en ce qu’elle a déclaré la Société MEDIA ART forclose en sa contestation de refus de renouvellement et en paiement de l’indemnité d’éviction, en l’absence de mise en cause dans le délai légal de ceux qui sont les auteurs du congé, refus dont la légitimité est contestée, cette légitimité ne pouvant plus l’être à leur égard, à défaut d’avoir agi contre eux avant le 7 septembre 2006 ;

°en ce qu’elle a ordonné l’expulsion, au besoin avec le concours de la force publique, de la Société MEDIA ART et de tous occupants de son chef des locaux loués passé le délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

et formant appel incident, il prie la Cour de :

RECEVOIR Monsieur Francis P. en sa demande de fixation de l’indemnité d’occupation à compter du 7 septembre 2004 ;

DIRE que cette indemnité sera égale à la somme annuelle en principal de 52.900 € ou subsidiairement à 47.100 € cette valeur étant celle calculée par le preneur lui même ;

CONDAMNER la société MEDIA ART en deniers ou quittances au paiement des indemnités d’occupation qui seront échues au jour de la libération des locaux sauf à déduire le montant des loyers qui auront été acquittés sur l’ancienne base contractuelle pendant cette période ;

à titre très subsidiaire, si la Cour estimait que Monsieur Francis P. peut représenter « les bailleurs» ou qu’il appartient à MEDIA ART de mettre en cause les nus propriétaires sans encourir la forclusion, DECLARER légitime et fondé le refus de renouvellement, la sous location établie et non contestée constituant une infraction grave et irréversible ne justifiant aucune mise en demeure au sens de 3rticle L 145-17 du Code de Commerce ;

CONSTATER que la sous location est, en tout état de cause, établie par les pièces versées aux débats par le preneur elle même et notamment par le constat de Maître BORREL GARBAGE établi le 30 juillet 2004 :

En conséquence, ORDONNER l’expulsion de la société MEDIA ART dans le mois de la signification du jugement à intervenir avec si besoin est le concours de la force publique ainsi que de tous occupants de son chef et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard pendant un délai de 10 jours passé lequel il sera à nouveau fait droit et FIXER l’indemnité d’occupation comme il l’a été demandé ci dessus, à compter du 7 septembre 2004 ;

plus subsidiairement, DIRE la demande reconventionnelle en paiement de l’indemnité d’éviction non fondée au visa de l’article 146 du Nouveau Code de procédure Civile, la mesure d’expertise n’étant pas de nature à suppléer la carence du demandeur dans l’administration de la preuve et la demande d’une valeur de droit au bail ne dispensant pas le preneur d’éclairer la Cour sur ses résultats effectifs ;

dans cette hypothèse FIXER l’indemnité d’occupation due à compter du 7 septembre 2004, sur le fondement de l’article L.145-28 du code de commerce, à la valeur locative et au montant de 47.100 € tel qu’il a été suggéré par le preneur, celui ci, ayant la charge de justifier de la précarité alléguée, ce qu’il n’a pas fait à ce jour ;

sur la demande reconventionnelle en réparation d’un trouble de jouissance, ECARTER cette demande reconventionnelle sans lien de connexité avec l’instance principale ;

à titre subsidiaire, DIRE que l’origine des désordres est purement locative ;

DONNER acte à Monsieur Francis P. de ce qu’il saisira la juridiction compétente pour obtenir répétition des sommes qu’il a dû pour partie supporter seul au titre de la remise en état ;

DIRE que les désordres se sont perpétués du chef du locataire qui a en outre retardé l’exécution des travaux et en conséquence, si cette demande était déclarée recevable, la rejeter comme infondée au vu des pièces complémentaires versées aux débats ;

sollicitant, en outre, l’allocation d’une somme de 5 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.


MOTIFS DE LA DÉCISION

Le cadre juridique

Article L145-9 du code de commerce

Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l’avance.(XXX) Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

Article L145-10 du même code,

À défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa reconduction.

La demande en renouvellement doit être signifiée au bailleur par acte extrajudiciaire. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui ci, elle peut, aussi bien qu’à lui même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S’il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l’un d’eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l’égard de tous.

Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l’alinéa ci dessous.

Dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les

mêmes formes, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

L’acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement.

Article L145-17 du Code de commerce

I. – Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d aucune indemnité : 1º S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L. 145-8, l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ; (XXX)

Article L145-14 du commerce

Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Article L145-28 du commerce

Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation'.

Article 595 du Code civil

L’usufruitier peut jouir par lui même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit.

Les baux que l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu propriétaire que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve.

Les baux de neuf ans ou au dessous que l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur exécution n’ait commencé avant la

cessation de l’usufruit.

L’usufruitier ne peut, sans le concours du nu propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. A défaut d’accord du nu propriétaire, l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte.

Discussion

Les faits

Par acte sous seing privé en date du 30 décembre 1992, Monsieur Francis P. a donné à bail à la SARL MEDIAT ART un local commercial situéXXX, pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 1993, pour un loyer annuel hors charge de 120 000 francs.

La SARL MEDIA ART a signifié une demande de renouvellement du bail, a effet du 1er juillet 2004, par exploit d’huissier en date du 8 juin 2004 à Monsieur Francis P. .

Un refus de renouvellement a été notifié à la SARL MEDIA ART par exploit d’huissier en date du 7 septembre 2004 par Monsieur FRANCIS P. en tant qu’usufruitier et par ses 5 enfants, en tant que nus propriétaires. Il y était invoqué :

à l’occasion d’un désordre occasionné en plafond bas du 2e étage, les requérants alertés par le preneur, diligentaient le maître d''uvre de la co propriété au mois de Juillet 2004, pour prendre des mesures confortatives nécessaires : à cette occasion, il était constaté que les 1er et 2e étages occupés à usage d’habitation l’étaient non pas par le preneur mais par une demoiselle N. et ce, de façon constante, non ponctuelle, cette occupation n’ayant jamais été autorisée par le bailleur ;

Les requérants entendent rappeler qu’aux termes du bail dont le preneur a sollicité le renouvellement, il est stipulé, au titre de la clause « DESTINATION DES LIEUX» que ceux ci étaient destinés au commerce «de galerie de tableaux, création d’art, bijoutier, encadreur et accessoirement à l’habitation du preneur, à l’exclusion de tout autre étant formellement entendu que l’ensemble des locaux présentement loués forment une location unique et essentiellement commerciale. Le preneur ne pourra ni sous louer ni céder son droit au bail, ni prêter les lieux à un tiers sous quelque prétexte ni pour quelque cause que ce soitXXX».

L’occupation des parties en étage à usage d’habitation et par un tiers constitue une infraction à la clause du bail ci dessus rappelée, laquelle infraction est jugée irréversible par les Tribunaux ;

La SARL MEDIAT ART a assigné Monsieur FRANCIS P. seul par acte du 13 juillet 2006 pour contester l’existence d’un motif grave et légitime.

La décision précitée a été rendu en retenant que la SARL MEDIAT ART n’avait pas assigné les nus propriétaires dans le délai de deux ans.

Sur la recevabilité de l’action

En cas de démembrement de la propriété, seul l’usufruitier a la qualité de bailleur.

En application de l’article L145-14 du commerce c’est le bailleur qui en cas de refus de renouvellement doit l’indemnité d’éviction.

Si le refus de renouvellement, au même titre que la conclusion d’un bail, exige l’accord des nu propriétaires et de l’usufruitier – seul bailleur, accord qui, en l’espèce, a été effectif, seul l’usufruitier est redevable envers le preneur de l’indemnité d’éviction.

En effet, l’article 609 du code civil règle seulement les rapports entre l’usufruitier et le nu propriétaire tandis que l’usufruitier est tenu aux obligations du bailleur à l’égard des locataires de l’immeuble sur lequel porte son usufruit.

Ainsi, alors que la décision commune de l’usufruitier et des nu propriétaires de refuser le renouvellement et mettre fin au bail ne peut être remise en cause, seul restant la question du droit du locataire à indemnité d’éviction, l’action a été valablement dirigée contre le seul usufruitier.

Sur le refus de l’ indemnité d’éviction

Seuls les commandements d’avoir à respecter une obligation, comme il est dit à l’article précité, peuvent provoquer le refus de renouvellement, à condition que l’infraction n’ait pas cessé dans le mois qui l’a suivi. Seules les infractions irréversibles ou instantanées, peuvent avoir le même effet sans mise en demeure préalable. Le juge apprécie, par ailleurs, la gravité de l’infraction et la légitimité du motif.

Il n’est pas contesté que le refus d’indemnité d’éviction n’a pas été précédé d’une mise en demeure dans les conditions requises par l’article L145-17 du Code de commerce et seule se pose la question du caractère irréversible de cette infraction qualifiée par Monsieur Francis P. de sous location irrégulière ou occupation irrégulière'. Or une telle infraction, n’est ni irréversible ni instantanée. Dès lors, Monsieur Francis P. ne pouvait se dispenser de mise en demeure préalable.

Au surplus, cette infraction, contestée par la SARL MEDIA ART, n’est pas suffisamment établie par le seul fait que Mademoiselle N. , par ailleurs salariée de la SARL MEDIA ART et domiciliée en un autre lieu que les lieux litigieux, ait pu donner des précisions utiles et anciennes sur la situation de ceux ci et leur état.

Dès lors la SARL MEDIA ART a droit à l’indemnité d’éviction et doit avant sa perception verser l’indemnité d’occupation, à compter du 7 septembre 2004, date retenue par les deux parties à cet égard.

Sur le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation

L’indemnité d’éviction doit être fixée comme il est dit à l’article L145-14 du code de commerce et l’indemnité d’occupation à la valeur locative

Il est justifié d’organiser une expertise sur ces points pour que la cour soit complètement éclairée.

Dans l’attente, la SARL MEDIA ART devra, à titre provisionnel, verser une indemnité d’occupation égale au montant du loyer, charges en sus.

Sur le dommage dont la réparation est sollicitée

Il apparaît incontestable que des désordres se sont produit dans les locaux donnés à bail spécialement au cours de l’été 2004. Les parties sont contraires quant aux causes de ceux ci, considérées par le premier juge comme imputables à un défaut persistant d’entretien du preneur. En l’absence d’élément objectif, alors que par ailleurs cette demande additionnelle se rattache aux demandes originaires par un lien suffisant, il sera demandé à l’expert de recueillir tous éléments utiles pour éclairer la cour à cet égard, la cour réservant donc la demande de la SARL MEDIA ART de ce chef.

Sur les autres demandes

Monsieur Francis P. qui succombe en ses prétentions sera condamné aux entiers dépens de

première instance et d’appel dores et déjà exposés.

Il est justifié d’allouer à la SARL MEDIA ART une somme de 1500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS

La Cour statuant en dernier ressort :

I. Réformant la décision entreprise, et statuant à nouveau :

dit recevable et non forclose l action engagée par la SARL MEDIA ART pour contester le refus indemnité d’éviction contenu dans le refus de renouvellement en date du 7 septembre 2004,

dit que le refus de renouvellement notifié par Monsieur Francis P. usufruitier et les cinq nus propriétaires a mis régulièrement fin au bail liant Monsieur Francis P. à la SARL MEDIA ART, mais que celle ci a droit à percevoir une indemnité d’éviction ;

Dit en conséquence que doivent être fixées l indemnité d éviction et l indemnité d occupation,

Avant dire droit sur le montant de celles ci ordonne une expertise qui aura également pour mission d’éclairer la cour sur les causes et circonstances du trouble de jouissance, des 1er et 2e étages des locaux loués, invoqué par la SARL MEDIA ART et sur ses conséquences éventuellement préjudiciables pour celle ci , la demande de ce chef étant, en l’état réservée,

Commet pour procéder à la mesure d’expertise Madame Françoise M. G. , 30 rue d’Astorg 75008 Paris,

Avec mission de, dans le respect du contradictoire :

se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission, et notamment les dossiers des parties qui lui seront transmis par les soins des avoués,

visiter les locaux litigieux, situés à 75 006 Paris , 70 rue Bonaparte , les décrire, dresser le cas échéant la liste du personnel employé par la locataire,

afin de rechercher les éléments permettant à la cour de fixer, dans le cadre juridique rappelé supra l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation due à compter du 7 septembre 2004, à la valeur locative,

¤ et spécialement, pour l’indemnité d’éviction, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, dans le cas:

— d’une perte de fonds : la valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession d’un fonds d’importance identique, de la réparation du trouble commercial ainsi que de tous autres préjudices éventuels,

— de la possibilité d’un transfert de fonds sans perte conséquente de clientèle sur un emplacement de qualité équivalente et, en tout état de cause, le coût d’un tel transfert comprenant l’acquisition d’un titre locatif ayant les mêmes avantages que l’ancien, les frais et droits de mutation, les frais de déménagement et de réinstallation et la réparation du trouble commercial, ainsi que tous autres préjudices éventuels ;

afin de recueillir tous éléments utiles sur les causes et circonstances du trouble de jouissance des 1er et 2e étages des locaux loués, invoqué par la SARL MEDIA ART sur une durée de 1 an et sur ses conséquences éventuellement préjudiciables pour celle ci ;

Fixe à la somme de 2 500 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert que Monsieur Francis P. devra verser dans le délai de deux mois à compter du présent arrêt ;

Dit que l’expert devra déposer son rapport avant le 31 septembre 2009 ;

Désigne Madame Simone GABORIAU présidente pour assurer le contrôle des opérations d’expertise ;

Ordonne le renvoi de la procédure à l’audience de mise en état du mercredi 28 octobre 2009 ;

Condamne la SARL MEDIA ART à verser à titre provisionnel, à compter du 7 septembre 2004, une indemnité d’occupation égale au dernier loyer du bail expiré, taxes comprises, outre les charges contractuellement dues,

II. Condamne Monsieur Francis P. à verser à la SARL MEDIA ART une somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

III. Condamne Monsieur Francis P. aux dépens de première instance et d’appel, dores et déjà exposés, et autorise sur sa demande, la SCP. FISSELIER CHILOUX BOULAY à recouvrer directement contre Monsieur Francis P. ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,



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