Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 24 février 2010, n° 08/10423

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2010

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/10423

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Avril 2008 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2008F00075

APPELANTE

SARL ALL MEAT

représentée par son gérant

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Jean-Yves CARETO, avoué à la Cour

assistée de Maitre AKAR Paul avocat et associés, Tribunal

toque P33

INFIMES

SAS DISTRICOUPE

pris en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

SA BUFFALO GRILL

prise en la personne de son représentant légal

RN20

XXX

représentées par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assistées de Maître Hubert BENSOUSSAN, toque

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Pascale GIROUD, Présidente

Mme Odile BLUM, Conseiller

Mme Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Pascale GIROUD, président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière.

****

Vu le jugement rendu le 17 avril 2008 par le tribunal de commerce d’Evry qui a:

— constaté l’existence d’une relation commerciale continue et durable entre la société All meat et la société Districoupe,

— dit recevable la demande formée à titre principal par la société All meat,

— mis hors de cause la société Buffalo grill,

— dit la société Districoupe bien fondée à rompre sans préavis la relation commerciale établie avec la société All meat,

— débouté la société All meat de l’ensemble de ses demandes,

— débouté la société Districoupe de sa demande de dommages-intérêts,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné la société All meat, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1.000 € à la société Districoupe et la somme de 1.000 € à la société Buffalo grill,

— condamné la société All meat aux dépens;

Vu l’appel relevé par la société All meat qui demande à la cour dans ses dernières conclusions déposées le 18 septembre 2005 et signifiées le 25 septembre 2008, au visa des articles 1382 du code civil, et L 442-6 I 5° du code de commerce, de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a constaté que BG appro (c’est à dire la société Districoupe) était en relation commerciale continue et durable avec la société All meat depuis 1996,

— infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, constater que la société Districoupe a rompu sur ordre de la société Buffalo grill, de façon brutale, les relations commerciales avec la société All meat à effet du 9 novembre 2007,

— dire que conformément aux usages du commerce en gros des produits carnés, le délai de préavis devait être au minimum de 18 mois,

— constater la moyenne du chiffre d’affaire réalisé sur les sept dernières années soit 2.613.998 € par an, soit une marge mensuelle de 31.119 €,

— condamner in solidum, les sociétés Disticoupe et Bufalo grill à payer à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la société All meat la somme de 560.142 € HT plus la TVA au taux 5,5%, soit 590.950 € avec les intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance, et capitalisation des intérêts,

— interdire aux sociétés Districoupe et Buffalo grill de se livrer à des actes de concurrence déloyale envers la société All meat,

— en conséquence, interdire aux sociétés Districoupe et Buffalo grill de commercer directement ou indirectement avec les établissements et abattoirs énumérés au dispositif de ses conclusions, sous astreinte de 15.000 € par infraction constatée pendant une durée de 18 mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

— dire que la cour se réservera la liquidation de l’astreinte,

— condamner la société Districoupe et Buffalo grill à payer la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— débouter les sociétés Districoupe et Buffalo grill de l’intégralité de leurs demandes,

— condamner la société Districoupe aux dépens de première instance et d’appel;

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 9 février 2009 par les sociétés Districoupe et Buffalo grill qui demandent à la cour, au visa des articles 1382 du code civil et L 442-6 du code de commerce, de :

— débouter la société All meat de son appel,

— confirmer le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Districoupe,

— condamner la société All meat à payer à la société Districoupe la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts,

— condamner en outre la société All meat à payer à la société Districoupe la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société All meat à payer à la société Buffalo grill la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— subsidiairement, si la cour entrait en voie de condamnation à l’encontre de la société Districoupe, limiter l’indemnisation au profit de la société All meat à une somme au maximum égale à l’équivalent de 6 mois de marge brute calculée sur les trois dernières années,

— en tout hypothèse, condamner la société All meat aux dépens de première instance et d’appel;

SUR CE LA COUR

Considérant que depuis 1996 la société All meat, spécialisée dans le négoce de produits carnés, était fournisseur de la société Districoupe, laquelle approvisionne la société Buffalo grill en produits carnés; qu’à la mi-novembre 2007, la société Districoupe a cessé de passer des commandes à la société All meat;

Considérant que les 28 décembre 2007 et 4 janvier 2008, la société All meat a assigné les sociétés Districoupe et Buffalo grill devant le tribunal de commerce d’Evry afin d’obtenir leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 590.950 € pour rupture sans préavis des relations commerciales, leur voir interdire de se livrer à des actes de concurrence déloyale et leur voir interdire de commercer directement ou indirectement avec un certain nombre d’établissements ou d’abattoirs;

Considérant que la société All meat, appelante du jugement qui l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, soutient en premier lieu que l’opération de résiliation abusive du contrat d’approvisionnement n’a pu être mise en place qu’avec l’assentiment de la société Buffalo grill qui détient 100 % du capital de sa filiale Districoupe, lui donne toutes instructions et la gère en fait;

Mais considérant que la société Buffalo grill réplique à juste raison qu’elle-même et sa filiale sont deux sociétés indépendantes, qu’elle n’est liée par aucune relation contractuelle avec la société All meat et qu’elle ne peut être tenue de réparer un préjudice prétendument causé par sa filiale; que de surcroît, il n’est pas démontré que c’est sur ordre de la société Buffalo grill que la société Districoupe a mis fin à ses relations commerciales avec la société All meat; qu’en conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a mis hors de cause la société Buffalo grill;

Considérant que la société All meat fait valoir, en deuxième lieu, que le tribunal n’a pas analysé les infractions au cahier des charges et les manquements contractuels qui lui sont imputés; qu’elle souligne qu’elle a toujours repris la marchandise refusée par la société Districoupe et que les incidents qualifiés de mineurs par la société Districoupe sont sans portée ni fondement; qu’elle demande qu’il soit enjoint à la société Districoupe de produire la liste des incidents rencontrés avec ses autres fournisseurs, pour savoir si All meat est victime d’une 'chasse aux sorcières’ ou si les autres fournisseurs sont traités à la même enseigne; qu’elle allègue, concernant les cinq incidents qualifiés de majeurs, qu’elle n’a commis aucune faute lourde et qu’il n’y a eu aucun problème de traçabilité, puisque même s’il manque une étiquette sur les cartons, il y a un étiquette sur chaque morceau de viande enveloppé sous vide; qu’elle prétend encore que la marchandise était vendue sous le bénéfice des dispositions des articles 1585 à 1587 du code civil, la société Districoupe devant garder la marchandise 'dessouvidée’ et ne pouvant prétendre à dommages-intérêts dans ce cas alors que, dans les autres cas, la marchandise était reprise et un avoir établi; qu’elle ajoute que l’article L 212-1 du code de la consommation ne lui est pas opposable puisqu’elle n’est pas responsable de la première mise sur le marché, pas plus que les dispositions de l’article L 213-1 du code civil applicables entre professionnel et consommateur; qu’elle allègue enfin que les sociétés intimées ont rompu les relations avec elle, pour des motifs fallacieux, après voir pillé son fonds de commerce en utilisant ses idées et en s’approvisionnant en direct à compter de 2006; qu’elle invoque un courriel du 23 novembre 2007 par lequel M. X, dirigeant de la société Districoupe, lui a proposé un accord tripartite d’approvisionnement, ce qui révèle selon elle l’inanité des griefs qui lui sont reprochés;

Mais considérant que les relations entre la société All meat et la sociét Districoupe ne s’analysent pas en des ventes à l’agréage; qu’en effet rien ne prouve que les parties se soient accordées pour reporter la formation du contrat de vente des marchandises à l’appréciation de leur conformité aux qualités exigées par la société Districoupe;

Considérant que le cahier des charges auquel était soumis la société All meat lui imposait les mêmes règles de qualité et de traçabilité qu’à un fournisseur; que dès lors c’est en vain que l’appelante expose que son rôle se limitait à celui d’intermédiaire entre les abattoirs et la société Districoupe; qu’elle ne peut s’exonérer de la responsabilité qu’elle encourait en sa qualité de vendeur du seul fait qu’elle reprenait la marchandise refusée en établissant un avoir;

Considérant qu’au cours de la période courant du 2 janvier 2007 au 9 novembre 2007, la société Districoupe a répertorié 41 problèmes concernant les livraisons de la société Districoupe; qu’il ne convient d’examiner que les huit incidents majeurs; que le 25 mai 2007 il s’agissait d’un lot d’entrecôtes à odeur acide et le 9 novembre 2007 de faux filet présentant des bulles d’air et dont certaines pièces dégageaient une forte odeur; que le 19 janvier 2007, l’incident portait sur une date limite de consommation inférieure à 15 jours non conforme au cahier des charges et, le 29 janvier 2007, sur une poche avec date limite de consommation au 19 février 2007 et sur carton 19 janvier 2007; que les autres incidents ont trait à la traçabilité, ceux du 2 mars 2007 et du 28 mai 2007 concernant à chaque fois un carton avec deux abattoirs différents, et ceux du 2 novembre 2007 concernant du faux filet, le premier avec une erreur sur le bon de livraison sur lequel la traçabilité ne correspond pas à la marchandise reçue et le second provenant du passage en atelier d’un lot avec 2 numéros d’abattoir; que ces incidents ont occasionné pour la société Districoupe, qui doit elle-même garantir à la société Buffalo grill qualité et traçabilité de la marchandise destinée à la consommation dans les restaurants, tracasseries et pertes de temps pour les traiter, déterminer des actions curatives et renvoyer la marchandise; que leur multiplicité dans un cours laps de temps démontre une mauvaise exécution de ses obligations contractuelles par la société All meat, laquelle tenue informée de leur survenance, n’a pas exercé d’action correctrice; que le fait que la société Districoupe lui a proposé d’autres modalités de relations contractuelles, sur la base d’un paiement de commissions, ne démontre pas un abandon des griefs et une renonciation à s’en prévaloir; que sans qu’il soit besoin d’enjoindre à la société Districoupe de produire le relevé des incidents concernant ses autres fournisseurs, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que celle-ci était bien fondée à rompre sans préavis la relation commerciale établie avec la société All meat et rejeté la demande en dommages-intérêts de celle-ci;

Considérant que la société All meat, qui n’invoque aucune clause d’exclusivité et qui ne démontre pas les manoeuvres déloyales qu’elle impute aux sociétés intimées, est mal fondée en ses demandes tendant à leur voir interdire d’entretenir des relations commerciales avec ses propres fournisseurs;

Considérant que la société All meat n’a pas fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice; qu’en conséquence, la demande en dommages-intérêts de la société Districoupe pour procédure abusive sera rejetée;

Considérant, vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qu’il y a lieu d’allouer la somme supplémentaire de 2.000 € à la société Districoupe ainsi que celle de 1.000 € à la société Buffalo grill, la demande de la société All meat de ce chef étant rejetée;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, condamne la société All meat, par application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer :

— la somme de 2.000 € à la société Districoupe,

— la somme de 1.000 € à la société Buffalo grill,

Déboute la société All meat de l’ensemble de ses demandes,

Condamne la société All meat aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT

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