CA Paris du 7 mars 2012 n° 07/02915 , Pôle 05 ch. 03

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3


ARRÊT DU 7 MARS 2012

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 07/02915

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2007 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 05/01850

APPELANTE

SARL COMPTOIR DES TUILERIES agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

27, Rue de l’Arbre Sec

75001 PARIS

Représentée par la SCP OUDINOT FLAURAUD (avoués à la Cour)

Assistée de Me Marc LANCIAUX, avocat au barreau de PARIS, Toque D0864

INTIMÉE

S. N.C. RIVOXERROIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

124, Rue de Rivoli

75001 PARIS

Représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY (avoués à la Cour)

Assisté de Me Alain FREVILLE, plaidant pour la SELARL A. C.A, avocat au barreau de PARIS, Toque R 160

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Décembre 2011, en audience publique, devant Madame Chantal BARTHOLIN, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée

de :

Mme Chantal BARTHOLIN, Président

Mme Odile BLUM, Conseillère

Mme Isabelle REGHI, Conseillère

Greffiers

Lors des débats : Mlle


ARRET : CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Chantal BARTHOLIN, président et par M. Sébastien PARESY , greffier présent lors du prononcé.

**************

EXPOSE DU LITIGE


Faits et procédure :

Par acte du 20 décembre 1984, la société Grands Magasins de la Samaritaine a donné à bail à la société Comptoir des Tuileries un immeuble situé 27 rue de l’arbre sec- 75001 Paris pour y exploiter le commerce de bureau de change, numismatique et vente de métaux précieux.

Le bail commercial a été renouvelé pour une durée de 9 ans par acte du 5 août 1994, à effet du 1er janvier 1994 jusqu’au 31 décembre 2002.

Le 16 mai 2002, la société Grands Magasins de la Samaritaine a fait signifier à la société Comptoir des Tuileries un congé sans offre de renouvellement et avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction à effet du 31 décembre 2002.

Par acte authentique du 12 juillet 2002, la société Rivoxerrois est devenue propriétaire des murs commerciaux .

Par ordonnance de référé rendue le 31 janvier 2003 à la requête de la société Comptoir des Tuileries, Madame Françoise M. Gaborit a été désignée en qualité d’expert avec mission de donner tous élements permettant d’apprécier les indemnités d’éviction et d’occupation.

Par assignation en date du 28 janvier 2005, la société Rivoxerrois a saisi le tribunal de grande instance de Paris afin de fixer provisoirement l’indemnité d’occupation due par la société Comptoir des Tuileries à la somme en principal de 65000€ l’an depuis le 1er janvier 2003. La société Comptoir des Tuileries a sollicité la désignation d’un nouvel expert.

Entre temps, l’expert préalablement désigné, Madame Françoise M. Gaborit a déposé son rapport le 8 juillet 2005 et a conclu à la fixation de l’indemnité d’éviction à la somme de 320 000€ et à la fixation de l’ indemnité d’occupation à la somme de 49 000€ l’an à compter du 1er janvier 2003.

Par jugement en date du 9 janvier 2007, le Tribunal de Grande Instance de Paris a :

— rejeté la demande d’expertise nouvelle formée par la société Comptoir des Tuileries

— fixé l’indemnité d’éviction à la somme de 413 615€ due par la société Rivoxerrois à laquelle il convient d’ajouter sur justificatif les frais de licenciement qui seront à la charge de la société locataire

— ordonné le séquestre du montant de l’indemnité d’éviction due par la société Rivoxerrois

— désigné Monsieur l. de l’Ordre des Avocats aux fins d’encaisser les sommes ainsi séquestrées

— dit que l’indemnité sera versée par le séquestre au locataire dans les conditions de l’article L 145-29 du Code de Commerce et qu’en cas de non remise des clés à la date fixée et après mise en demeure le séquestre retiendra 1% par jour de retard sur le montant de l’indemnité en application de l’article L 145-30 du Code de Commerce

— fixé l’indemnité annuelle d’occupation à la somme de 32 160 euros due par la société Comptoir des Tuileries depuis le 1er janvier 2003 et jusqu’à libération effective des lieux

— dit que cette indemnité d’occupation produira intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2003 au fur et à mesure des échéances contractuelles et que les intérêts seront capitalisés à compter du 28 janvier 2005 pour ceux dus au moins pour une année entière

— déboute les parties de leurs autres demandes

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile

— dit que les dépens en ce compris les frais d’expertise seront à la charge de la société Rivoxerrois,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire

Appel de cette décision a été interjeté par la société Comptoir des Tuileries et la cour considérant qu’elle ne disposait pas d’éléments suffisants pour départager les parties sur la nécessité ou non d’un plafonnement du loyer, a par arrêt avant dire droit du 29 mai 2008 désigné un nouvel expert, Monsieur Michel M. avec la mission habituelle de donner tous éléments permettant de déterminer l’indemnité d’éviction en tenant compte de la perte du fonds ou de son transfert et de l’indemnité d’occupation .

Ce dernier a déposé son rapport d’expertise le 2 juin 2010 et conclu que la société Comptoir des Tuileries peut prétendre dans le cadre de son transfert de fonds à une indemnité d’éviction de :

-860 000 euros avec plafonnement du loyer,

-694 300 euros avec déplafonnement du loyer,

L’expert a également fait une évaluation de l’indemnité d’occupation de 30 432€, abattement de 10% inclus, au 1° janvier 2003 révisable chaque année.

La société Comptoir des Tuileries par ses dernières conclusions en date du 1 er décembre 2011 demande à la Cour de :

La recevoir en son appel et la dire bien fondée,

Débouter la société Rivoxerrois de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Infirmer le jugement rendu le 9 janvier 2007 par la 18e chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris en toutes ses dispositions Confirmer les conclusions du rapport de Monsieur Michel M. en ce qu’il a conclu à l’absence de déplafonnement du loyer de la société Comptoir des tuileries dans le calcul de l’indemnité d’éviction

Confirmer le montant de l’indemnité d’éviction retenue par l’expert Michel M. à hauteur de 860 400€, en conséquence, condamner la société Rivoxerrois au paiement d’une somme de 860 400 € au titre de cette indemnité

Ajouter à ce montant les postes omis par l’expert pour un total de 224 633 € ; en conséquence, condamner la société Rivoxerrois au paiement de la somme de 224 633€ au titre de l’indemnité d’éviction

Fixer le montant de l’indemnité d’occupation due par la société Comptoir des Tuileries à la somme définitive et non indexée de 30 432 € par an à compter du 1er janvier 2003

Ordonner à la société Rivoxerrois de lui restituer la somme de 11 992,90€ dans les huit jours à compter de la date à laquelle la société Comptoir des Tuileries libérera les locaux du 27, rue de l’arbre sec

Condamner la société Rivoxerrois au paiement d’une somme de 30 000 € au titre de l’article 700 Code de procédure civile

Condamner la société Rivoxerrois en tous dépens de la procédure y compris d’expertise qui seront recouvrés, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure

civile .

La société Rivoxerrois, par ses dernières conclusions en date du 30 novembre 2011 demande à la Cour de :

La recevoir en ses demandes et l’y déclarer bien fondée,

A titre principal :

Débouter la société Comptoir des Tuileries de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Condamner la société Comptoir des Tuileries à payer la société Rivoxerrois une somme de 49 000 € ht /hc/l’an à titre d’indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2003, avec application de l’indexation légale sur l’indice du coût de la construction avec intérêts au taux légal à valoir sur chaque échéance depuis le 1er janvier 2003, capitalisation desdits intérêts par application des dispositions de l’article 1154 du Code Civil

Ordonner que soit appliquée à cette indemnité d’occupation la révision légale fondée sur l’indice du coût de la construction depuis le 1er janvier 2004

A titre subsidiaire :

Condamner la société Comptoir des Tuileries à payer à la société Rivoxerrois une indemnité d’occupation à compter du 1 er janvier 2003, avec intérêts au taux légal à valoir sur chaque échéance depuis le 1er janvier 2003, capitalisation desdits intérêts par application des dispositions de l’article 1154 du Code Civil, comme suit :

Au 1er janvier 2003 à :37 133 €/ht/an Au 1er janvier 2004 à :37 402 €/ht/an Au 1er janvier 2005 à :38 789 €/ht/an Au 1er janvier 2006 à :40 445 €/ht/an Au 1er janvier 2007 à :42 102 €/ht/an Au 1er janvier 2008 à :43 758 €/ht/an Au 1er janvier 2009 à :45 415 €/ht/an

Ordonner que soit appliquée à cette dernière indemnité d’occupation la révision légale fondée sur l’indice du coût de la construction depuis le 1er janvier 2010

En tout état de cause :

Condamner la société Comptoir des Tuileries à payer à la société Rivoxerrois la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Condamner la société Comptoir des Tuileries aux dépens qui seront recouvrés directement conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC,


SUR CE,

Considérant qu’en application de l’article L 145-14 du code de commerce, l’indemnité dite d’éviction due par le bailleur au locataire évincé est égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, cette indemnité comprenant notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ; qu’il est par ailleurs de principe que cette indemnité d’éviction s’apprécie à la date la plus proche possible du départ du locataire évincé ;

Considérant qu’en l’espèce, il est acquis que l’éviction n’entraîne pas la perte du fonds , la société Comptoir des Tuileries ayant trouvé d’autres locaux pour y exercer son activité sans qu’elle prétende que cette nouvelle implantation lui fera perdre l’essentiel de la clientèle attachée au fonds qui se compose, selon elle, non seulement des touristes étrangers de passage, mais encore d’institutions et d’administrations, de notaires, étant observé qu’elle exerce dans les lieux non seulement une activité de change mais également d’achat et de vente de métaux précieux regroupée autour de la Bourse dans le quartier ou précisément, elle envisage de d’installer .

La société Rivoxerrois s’abstient de son coté de toute démonstration selon laquelle la valeur du droit au bail et le cout du déplacement constituant l’essentiel de l’indemnité de transfert excéderaient la valeur du fonds évaluée par le tribunal à la somme 413 615€, indemnités accessoires incluses, sur la base d’un rapport d’expertise critiqué par la société Comptoir des Tuileries et par le second expert M. à la valeur de 472 500€ en ce qui concerne la seule valeur de clientèle .

Il s’ensuit que l’indemnité d’éviction doit donc être une indemnité de transfert du fonds ;

Sur l’indemnité principale :

L’indemnité principale de transfert est déterminée en fonction de la valeur du droit au bail qui se calcule par la différence entre le montant de la valeur locative de marché et le loyer qui aurait été perçu si le bail avait été renouvelé, cette différence étant elle même affectée d’un coefficient multiplicateur au regard de l’intérêt des locaux pour l’activité exercée.

Les parties s’opposent précisément sur le montant du loyer du bail s’il avait été renouvelé, la société Rivoxerrois suivie en cela par le premier expert faisant plaider une évolution notable des facteurs locaux de commercialité survenue au cours du bail expiré tandis que la société Comptoir des Tuileries fait valoir au contraire que, même à supposer qu’une telle évolution a eu lieu, elle est sans incidence sur le commerce considéré , que la rue de l’Arbre Sec est une voie à l’abandon ou les commerces ont fermé les uns après les autres et où les immeubles d’habitation sont murés ainsi que le révèlent tant la lettre de la mairie d’arrondissement que le constat dressé par huissier , qu’il s’agit d’une voie étroite, peu éclairée, qui ne présente aucun attrait , que le premier expert Madame M. Gaborit a fondé à tort son appréciation sur la commercialité de la rue de Rivoli en estimant que le commerce en cause était visible depuis cette rue, que le développement des enseignes commerciales orientées vers l’équipement à la personne ne sont pas en tout état de cause susceptibles de bénéficier au commerce considéré, que l’extension du musée du Louvre n’a pas contrairement là encore à ce que retient Madame M. Gaborit entrainé une hausse de la fréquentation et qu’au surplus, l’entrée du musée a été déplacée vers la pyramide et se trouve ainsi à une plus grande distance du commerce, fréquenté essentiellement pour son activité de change par les touristes qui, entre le métro Palais Royal et la rue de l’Abre sec, vont croiser pas moins de cinq bureaux de change qui sont autant de concurrents, que l’ouverture du parking Belle Jardinière qui s’ajoute à quatre autre parkings publics existant n’a pas constitué une évolution favorable des facteurs locaux de commercialité, qu’enfin le grand magasin de la Samaritaine même si sa fermeture a été précédée d’une baisse de la fréquentation et donc des résultats commerciaux constituait un pole d’attraction qui a disparu au cours du bail expiré .

Or les deux experts, Madame M. Gaborit et Monsieur M. s’accordent au moins pour considérer que le quartier a connu une évolution notable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré et plus particulièrement au cours de la deuxième moitié nonobstant la fermeture du grand magasin de la Samaritaine ;

L’expert M. relève ainsi l’implantation de 23 enseignes nationales rue de Rivoli entre 1998 et 2002 et la restructuration des anciens locaux de la Samaritaine qui y accueillent de nouvelles enseignes nationales ainsi qu’ un restaurant décoré par un designer de renom susceptibles d’attirer une clientèle nouvelle .

Madame M. Gaborit a fait le même constat de l’arrivée de nombreuses enseignes nationales et la restructuration des grands magasins de la Samaritaine par la création de surfaces de ventes importantes dédiées à l’équipement à la personne .

S’agissant de la fréquentation du musée du Louvre, elle a été, contrairement à ce que soutient la société Comptoir des Tuileries, en progression constante durant la période de 1994 à 2003, passant de 4 500 000 visiteurs à prés de 5 800 000 en fin de bail, le recul en 2002 s’expliquant par une conjoncture internationale dégradée; l’augmentation des visiteurs dont plus de 60% sont étrangers comme le rappelle le propre expert de la locataire a donc été de 25% durant le cours du bail expiré ;

La circonstance évoquée que, au cours du bail expiré, l’entrée du Musée a été déplacée vers la Pyramide ne permet pas d’en déduire que le flux de touristes étrangers échappe à la commercialité de rue de Rivoli même s’il peut être admis que le flux en provenance du Musée trouve sur son passage avant d’atteindre la rue de l’Arbre Sec la présence de plusieurs boutiques de change que la société Comptoir des Tuileries a comptabilisé au nombre de cinq, ce qui témoigne, contrairement à ce que soutient celle ci, que le flux des touristes en provenance ou en direction du Musée et arpentant la rue de Rivoli constitue en même temps une clientèle des boutiques de change .

A cet égard, l’expert M. retient que la partie de la rue de Rivoli proche du commerce considéré est essentiellement fréquentée par des parisiens, peu par les provinciaux et pas du tout par les étrangers qui fréquentent la portion entre la rue du Louvre et la Concorde , tout en admettant que cette portion est de faible commercialité; son affirmation n’est cependant appuyée par aucun document probant .

Il doit être admis avec les premiers juges que les touristes qui se rendent au musée du Louvre ou qui en reviennent sont également susceptibles pour partie de fréquenter la partie de la rue de Rivoli la plus attractive au plan commercial soit en direction d’autres sites soit pour y faire des achats comme en témoigne la concurrence des boutiques de change .

Si les constatations de l’huissier jointes aux observations du maire du 1° arrondissement confirment en revanche la dégradation depuis plusieurs années de la commercialité de la rue de l’Arbre sec en retrait par rapport à la rue de Rivoli et dans laquelle plusieurs emplacements commerciaux sont inoccupés, les constatations de l’expert Madame M. Gaborit suivant lesquelles la boutique en cause, située au tout début de la rue de l’Arbre sec, bénéficie cependant de l’attraction de la rue de Rivoli dont elle est visible, ainsi qu’en attestent les photos jointes au constat d’huissier du 7 octobre 2004 en sa possession ne sont nullement contredites par l’affirmation de la locataire suivant laquelle il suffit de se déplacer de 10 mètres dans la rue de Rivoli pour ne plus apercevoir la boutique .

La société Comptoir des Tuileries admet du reste dans ses propres écritures qu’elle est installée dans un quartier dont la fréquentation touristique est nettement plus importante que celle de la rue Vivienne’ ou elle doit se réinstaller et qu''en 2002 Paris a totalisé 8 992 524 arrivées étrangères qui la place en tète devant toutes les capitales du monde et qu’en raison du flux touristique la société Comptoir des Tuileries est aujourd’hui une entreprise prospère’ .

Il s’ensuit qu’en ce qu’elle a dit que le loyer de renouvellement serait un loyer déplafonné en raison de la modification des facteurs locaux de commercialité notable et favorable au commerce considéré, la décision des premiers juges doit être approuvée .

S’agissant du prix du loyer en renouvellement à sa valeur locative, la société Comptoir des Tuileries fait grief à Madame M. Gaborit d’avoir pris des éléments de comparaison se situant rue de Rivoli alors que le commerce est situé sur une voie adjacente de médiocre commercialité ;

Or la rue de Rivoli est située à moins de 10 mètres des lieux concernés, c’est-à- dire dans le voisinage immédiat de la boutique, ce qui autorise d’y rechercher des loyers de comparaison ; l’expert M. dont le rapport qui n’est pas spécialement critiqué aboutit en cas de déplafonnement du loyer à une valeur de 49 000€ supérieure à celle retenue par Madame M. Gaborit qui est de 45 400€, a pris lui même des références non seulement rue de l’Arbre sec ou encore rue de la Bourdonnais mais également rue de Rivoli ; il a retenu pour sa part un prix de 2000€ / m² inférieur de 20% au prix pratiqué rue de Rivoli pour tenir compte précisément de la situation sur une rue adjacente tandis que Madame M. Gaborit retient un prix de 1400€/m² .

Monsieur P. a lui même émis l’avis amiable à la locataire que cette dernière évaluation lui paraissait élevée sans toutefois la critiquer sérieusement ni donner des éléments de comparaison qui soient de nature à emporter la conviction que ce prix est trop élevé, tous les éléments de référence qu’il analyse se trouvant rue de Rivoli, à l’exception d’une seule rue du Pont Neuf ;

Ce prix de 1400 € /m² est parfaitement justifié au regard de la situation des locaux et de leurs caractéristiques, s’agissant d’un immeuble de standing modeste et d’aspect vétuste dans une rue adjacente de la rue de Rivoli mais dont elle est visible et qui bénéficie d’un aménagement parfaitement adaptée à l’activité exercée.

S’agissant du coefficient de capitalisation, la société Comptoir des Tuileries fait observer que non seulement son niveau d’activité de change s’est maintenue grâce au niveau satisfaisant du tourisme international dans la capitale mais qu’elle a su développer son activité également par ce qu’elle est référencée auprès de la Banque de France et ses succursales comme l’un des bureaux de change pratiquant l’achat et la vente de toutes les devises du monde, qu’elle a su s’attacher une clientèle d’institutions et d’administrations importantes, qu’elle est référencée auprès d’études de notaires qui font appel à se services, qu’elle a créé un site internet lui permettant d’être accessible au delà de sa clientèle habituelle ; elle demande compte tenu du développement de la société qu’un coefficient multiplicateur de 8 soit appliqué comme l’a fait l’expert M. et non celui de 5, 5 retenu par les premiers juges .

Madame M. Gaborit a choisi d’appliquer un coefficient de 7 pour le calcul de la valeur du droit au bail et celui de 5 pour l’appréciation de la valeur du fonds selon la méthode dite de l’EBE en cas de perte du fonds, qui est exclu, le fonds étant en cours de transfert ;

Le choix du coefficient de 7 tient davantage compte pour le calcul du droit au bail de l’emplacement et correspond dans l’échelle des coefficients à une bonne situation dite emplacement n° 2 , le

coefficient de 8 correspondant selon l’expert M. à un emplacement 1 bis pour des prix de marché compris entre 900€ et 2500€ /m² comme avenue Kleber, avenue de la Grande Armée, avenue du Général Leclerc .

Compte tenu de la nature du commerce considéré qui bénéfice d’un emplacement sur une voie annexe, visible de la rue de Rivoli, le coefficient de 7 est adapté et doit être appliqué au calcul de la valeur de droit au bail qui s’établit ainsi qu’il suit , la valeur locative de marché n’étant pas sérieusement critiquée :

Différentiel : 61 000€ (valeur locative de marché ) – 45 400€ ( valeur locative en renouvellement )= 15 600€

Valeur de droit au bail : 15 600€ x 7 = 109 200€ arrondis à 109 000€ .

* Sur les indemnité accessoires :

Sur les frais de remploi :

La société Rivoxerrois conteste devoir quelque somme que ce soit dans la mesure où la société Comptoir des Tuileries n’a eu à exposer aucun frais ou honoraires pour trouver un nouveau local qui est la propriété d’une sci Elsa dont elle est l’associée et qui a la même gérante.

La société Comptoir des Tuileries réplique que l’indemnité de remploi est due en cas de transfert du fonds sans répondre précisément à la société bailleresse sur le fait qu’elle n’a exposé aucun frais et honoraire pour la recherche des locaux et sans qu’elle conteste que les locaux appartiennent à une sci dans laquelle elle est associée et qui a la même gérante .

Dans ces conditions et faute par la société Comptoir des Tuileries de justifier avoir du exposer des frais de remploi, ceux ci ne sont pas dus ; seuls sont justifiés des frais d’inscription administratives pour 602, 22 €.

Sur la perte de clientèle :

La société Rivoxerrois fait valoir qu’il n’y aura pas de perte de clientèle dans la mesure ou la société va se réinstaller dans des locaux plus spacieux dans lesquels elle va développer son activité d’achat et de vente de métaux précieux dans un lieu – la rue Vivienne – dédié à cette activité et qu’elle ne produit aucune ventilation de son chiffre d’affaires pour 2008 .

La société Comptoir des Tuileries soutient pour sa part que l’expert a commis une erreur en estimant cette perte de clientèle à 118 100€ représentant 25% de la valeur de la clientèle estimée à 472 500 € alors que, selon elle, l’expert a estimé cette perte à 50% en présence d’un local futur soumis à forte concurrence .

Or l’expert s’est fondée sur l’hypothèse qu’en cas de transfert du fonds dans le quartier de la Bourse, l’activité de change qui représente 50% de le clientèle sera perdue en raison d’un secteur soumis à une forte concurrence sans tenir compte précisément des dires de la société Comptoir des Tuileries selon laquelle son activité de change est loin d’être dépendante du flux des touristes internationaux puisqu’elle affirme avoir su s’attacher des administrations ou des instituions prestigieuses, être référencée auprès de la Banque de France pour le change de toutes devises étrangères, travailler également auprès des notaires et disposer d’un site internet qui lui permet d’être connue et accessible au delà des limites de la clientèle habituelle, son activité ayant pu, en certaines occasions, se développer en dehors des frontières nationales .

Il s’ensuit qu’il n’est pas démontré que la perte de la clientèle attachée à l’activité de change et au flux touristique et qui ne se reportera pas dans les nouveaux locaux, excédera la somme de 118 100€ telle que proposée par l’expert qui sera retenue ;

Sur les frais d’installation :

La société Comptoir des tuileries invoque en vain qu’elle a du, en réalité, supporter un montant de travaux supérieur à celui retenu par l’expert , d’un montant de 422 359€ ainsi qu’il résulte d’une attestation de son expert comptable ; elle ne justifie en effet ni du devis ni partant de la consistance desdits travaux ; en conséquence, seuls les frais résultant du devis du mois d’octobre 2007 pour un montant de 382 800€ doivent étre examinés .

La société Rivoxerrois estime que ces frais sont somptuaires et disproportionnés aux motifs que les ratios habituellement pratiqués en matiére de sécurité par les agences bancaires sont de l’ordre de 1500€ /m² à 2000€/m² , que le lot sécurité n’est pas du, de toute façon, en totalité mais à proportion de la seule consistance des locaux quittés, que les autres lots concernent des travaux de remise en état de locaux qui se trouvaient en état de délabrement, selon la propre expression de la société Comptoir des Tuileries, de sorte qu’ils ne peuvent être mis à sa charge, qu’il y lieu d’écarter également les honoraires de l’architecte et du géomètre de même que les frais de déménagement du coffre fort déjà comptés dans les frais de déménagement ainsi que le coût de l’assurance, de SPS, et du bureau de contrôle qui ne sauraient être supportés en totalité par elle ;

La société Comptoir des Tuileries ne peut prétendre qu’aux frais d’installation de locaux comparables ; or la surface des locaux de la rue Vivienne est plus importante que celle des locaux quittés de sorte que les travaux de sécurisation auxquels s’ajoutent les frais d’architecte et de géomètre nécessités par le dépôt de la déclaration préalable de travaux, et autres frais d’assurance et de contrôle doivent être comptés à proportion des surfaces respectives ;

Les autres travaux afférents au gros oeuvre de l’immeuble ou encore, s’agissant des travaux de réfection du système électrique, de partie des travaux de maçonnerie, plâtre et peinture dans les parties supérieures, de chauffage .. ne sont que des travaux de mise en conformité des locaux et non des frais d’installation nécessités par l’adaptation des locaux à leur destination particulière ; ils ne peuvent en conséquence être mis à la charge de la société Rivoxerrois qu’à concurrence de moitié et à proportion de la surface délaissée ;

Il n’y a pas lieu d’y ajouter le montant des immobilisations non amorties à la date d’effet du congé dés lors que, si la consistance du fonds s’apprécie à la date du congé, l’évaluation des éléments qui constituent le fonds doit être faite à la date la plus proche de l’éviction ;

Les frais de déménagement d’un coffre fort, compris par ailleurs dans les devis de déménagement Demeco et SOS coffre fort, ne peuvent être comptés deux fois et seront exclus des frais de reinstallation qui s’établissent à :

(158 222 + 60 000 +1000 + 21 822 + 6000 + 2500 + 4000) x 43, 60 69,30 =159516, 86€ ht soit ttc 190782, 16€

En revanche, les frais d’installation des matériels informatiques seront mis à la charge de la société Rivoxerrois pour un montant de 4 427, 83€ ttc, l’autre devis produit en date du 29 janvier 2008 d’un montant de 6314, 88€ ttc faisant double emploi avec le précédent, de même que les frais d’imprimerie pour 3 516, 92€ .

Sur les frais de déménagement :

Il seront retenus pour un montant de 5130€ pour la partie boutique et de 5950€ pour la partie habitation soit 11 000€ auquel s’ajoute les frais de démontage et de remontage des bibliothèques laissés aux soins de la société Comptoir des Tuileries soit 1686, 36€ttc.

Sur l’indemnité de double loyer :

La circonstance que la société Comptoir des Tuileries est l’associé de la sci Elsa propriétaire des murs commerciaux ne saurait la priver du bénéfice de l’ indemnisation pour le double loyer qu’elle devra payer pendant le temps nécessaire pour réaliser les travaux dans les locaux de transfert ;

Le fait pour la société Comptoir des Tuileries de devoir payer depuis plus de deux ans un double loyer résulte en réalité de difficultés avec la société chargée de la réalisation des travaux d’aménagement qui ont conduit à la résiliation du marché et auxquelles la société Rivoxerrois est étrangère ; elle ne peut supporter la charge du double loyer que pour une durée n’excédent pas celle nécessaire à la réalisation des travaux qui sera évaluée à six mois comme l’a retenu l’expert M. , ce qui représente une somme de 11 100€ ;

Sur la compensation salariale :

La société Comptoir des Tuileries fait valoir que les locaux rue de l’Arbre Sec permettaient de loger le salarié, ce qui constituait un avantage en nature alors que les nouveaux locaux ne le permettent pas ; la société Comptoir des Tuileries estime qu’elle devra donc compenser la perte de cet avantage pour son salarié par le paiement d’une somme de 1412€ bruts par mois alloués au salarié , soit 17 076€ sur

un an ;

La société Rivoxerrois fait valoir que l’avantage en nature concédé au salarié est de 420€/ mois , que ce salarié n’occupe formellement aucune fonction de responsabilité dans la société et que Madame M. Gaborit avait estimé la compensation éventuelle à la somme annuelle de 10 000€ représentant alors 40% de la rémunération du salarié en 2002 ;

Il n’est pas justifié de la déclaration annuelle de salaires du salarié en question postérieurement à 2002 de sorte que, alors que la société Comptoir des Tuileries demande une compensation à allouer à son salarié sur une année, il ne sera fait droit à sa demande justifiée dans son principe, compte tenu de l’avantage ainsi concédé au salarié pendant plusieurs années, qu’à concurrence du montant de 10 000€ , étant observé qu’en 2008, l’avantage était estimé à une somme de 420€/ mois soit 5040 € .

Sur le trouble commercial :

La proposition de l’expert d’allouer trois mois de capacité bénéficiaire ne souffre pas de critique sérieuse mais sera calculée sur les trois dernières années ( 2008, 2009 et 2010 ) pour un montant de 22 678, 75 € .

Sur les frais de transfert :

La société Rivoxerrois fait valoir que certains postes des devis présentés font double emploi, ainsi du transport du coffre fort du rez de chaussée , compté à la fois dans le devis Demeco et dans le devis SOS coffre fort, le devis Brinks concernant le seul transport des devises .

La société Comptoir des Tuileries fait valoir que la société a deux coffre forts en rez de chaussée , sans être démentie sur ce point .

Il sera donc fait droit à sa demande d’indemnisation à hauteur de 9700€ ;

L’indemnité totale d’éviction ( indemnité principale + indemnités accessoires ) s’élève à la somme de 488 977, 32€ arrondie à 488 977€.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Comptoir des Tuileries en restitution du dépôt de garantie qui est destiné à garantir le paiement des loyers, indemnités dues par le locataire et les éventuelles réparations locatives, un compte étant à faire entre les parties lors du départ des lieux de la société Comptoir des Tuileries .

Sur l’indemnité d’occupation:

La société Comptoir des Tuileries demande que cette indemnité d’occupation soit fixée à la somme de 30 432€ par an correspondant à un prix unitaire de 1000€ /m² à compter du 1° janvier 2003 telle que fixée par l’expert M. sans qu’il y ait lieu d’y appliquer une indexation annuelle qui n’est pas justifiée tandis que la société Rivoxerrois demande que cette indemnité soit fixée à la valeur de 49 000€ correspondant à la valeur locative de marché apprécié par l’expert M. Gaborit diminuée d’un coefficient de précarité de 20% .

Or, aux termes de l’article L 145-28 du code de commerce, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation ; elle correspond à la valeur locative, non pas de marché mais de renouvellement, dans des conditions exclusives de tout plafonnement ;

Au vu des développements précédents concernant le montant du loyer déplafonné, c’est à une valeur de 45 400€ que doit être fixée l’indemnité d’occupation laquelle sera affectée d’un coefficient de précarité de 10% , le congé ayant conduit la société à prendre de nouveaux locaux à bail, fut ce par le bais d’une société dans laquelle elle est associée, ayant nécessairement pesé sur ses d’investissements.

Il n’y a pas lieu d’affecter cette indemnité d’une indexation annuelle. Elle ne produira d’intérêts au taux légal qu’à compter de sa fixation qui est celle du présent arrêt , la capitalisation des intérêts intervenant dans les conditions de l’article 1154 du code civil.

Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens de première instance à la charge de la société Rivoxerrois ; ceux d’appel resteront à la charge de chaque partie à concurrence de ceux exposés, les frais de l’expertise de Madame M. Gaborit et Monsieur M. étant partagés par moitié .

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance comme il a été jugé ni en cause d’appel, chaque partie conservant la charge de ses dépens .


PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement sur le montant de l’indemnité d’éviction et sur le montant de l’indemnité d’occupation ;

Statuant à nouveau sur les chefs réformés,

Fixe à la somme de 488 977€ le montant de l’indemnité d’éviction due par la société Rivoxerrois à la société Comptoir des Tuileries,

Fixe à la somme de 40800 € en principal, outre les charges et taxes prévues au bail, le montant de l’indemnité d’occupation due par la société Comptoir des Tuileries à compter du 1er janvier 2003 , laquelle produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, lesdits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil.

Confirme le jugement pour le surplus,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Dit que chaque partie supportera les dépens d’appel qu’elle a exposés ainsi que la moitié des frais d’expertise .

Le Greffier Le Président



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CA Paris du 7 mars 2012 n° 07/02915 , Pôle 05 ch. 03