Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 5 décembre 2012, n° 2011/15938

  • Volonté de profiter des investissements d'autrui·
  • Défaut de protection au titre du droit d'auteur·
  • Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui·
  • Drap, taie d'oreiller, housse de couette·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Combinaison d'éléments connus·
  • Imitation de la dénomination·
  • Modèles de linge de maison·
  • Absence de droit privatif

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 5 déc. 2012, n° 11/15938
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2011/15938
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 27 juin 2011, N° 09/03013
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 28 juin 2011, 2009/03013
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 022235
Classification internationale des dessins et modèles : CL06-13
Référence INPI : D20120199
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 05 DÉCEMBRE 2012

Pôle 5 – Chambre 1 Numéro d’inscription au répertoire général : 11/15938

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 09/03013

APPELANTE SARL FRANCOISE DORGET CIE exerçant sous l’enseigne CARAVANE prise en la personne de ses représentants légaux […] 75004 PARIS Représentée par la SELARL HANDS Société d’Avocats (Me Luc C) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0061) assistée de Me Yoram L (avocat au barreau de PARIS, toque : A0031)

INTIMÉE SA LA REDOUTE prise en la personne de son Président du Conseil d’Administration […] 59100 ROUBAIX Représentée par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125) assistée de Me André B, avocat au barreau de PARIS, toque : L207

COMPOSITION DE LA COUR : Après le rapport oral dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions de l’article 786 et 910 du même code, l’affaire a été débattue le 22 octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président, Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude H

ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président, et par Madame Marie-Claude H, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’appel interjeté le 31 août 2011 par la société FRANCOISE DORGET CIE (SARL), du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 28 juin 2011 ;

Vu les uniques conclusions de la société appelante, signifiées le 24 novembre 2011 ;

Vu les dernières conclusions de la société LA REDOUTE (SA), intimée, signifiées le 24 janvier 2012 ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 4 septembre 2012 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu’il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;

Qu’il suffit de rappeler que la société FRANCOISE DORGET CIE, spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation sous la marque LA CARAVANE, de meubles de maison, tissus d’ameublement, linge de maison, ayant découvert l’exposition à la vente, dans les catalogues LA REDOUTE automne-hiver 2007-2008 et printemps-été 2008, de taies d’oreiller, de draps et de housses de couette constituant selon elle des copies de sa ligne de linge de maison BORA, a assigné, suivant acte d’huissier de justice du 14 février 2008, la société LA REDOUTE en contrefaçon de droits d’auteur et en concurrence déloyale devant le tribunal de commerce de Paris ;

Que la cour d’appel de Paris, statuant par arrêt du 11 février 2009 sur le contredit formé par la société LA REDOUTE, a infirmé le jugement par lequel le tribunal de commerce de Paris a retenu sa compétence et a renvoyé la cause devant le tribunal de grande instance de Paris compétent matériellement ;

Que la société FRANCOISE DORGET ayant en cours de procédure découvert que la société LA REDOUTE offrait en vente sur le site internet www.laredoute.fr trois produits reproduisant respectivement le tissu PAPILIO, la table basse KIRA et la tête de lit SIRIUS qu’elle exploite, a fait établir par huissier de justice, le 29 mars 2010, un procès-verbal de constat sur Internet et fait assigner suivant acte du 22 avril 2010 la société LA REDOUTE devant le tribunal de grande instance de Paris au fondement de concurrence déloyale ;

Que les deux procédures ayant été jointes, le tribunal, statuant par le jugement dont appel sur l’ensemble des prétentions de la société FRANCOISE DORGET, a déclaré irrecevable, pour défaut d’originalité de la ligne de linge de maison BORA, la demande en contrefaçon de droits d’auteur et mal fondée, en l’absence de faute caractérisée de la société LA REDOUTE, la demande en concurrence déloyale ;

Que la société FRANCOISE DORGET réitère devant la cour ses demandes telles que soutenues en première instance ;

Sur la demande en contrefaçon,

Considérant que la société FRANCOISE DORGET oppose de ce chef les droits d’auteur dont elle se prévaut sur la ligne de maison BORA, composée d’un drap, d’une taie d’oreiller et d’une housse de couette, qu’elle indique avoir créé en 2001, fabriqué en série à l’automne 2002 et commercialisé à partir de l’hiver 2002-2003 sous la marque LA CARAVANE ;

Considérant que la société LA REDOUTE ne conteste pas que la société FRANCOISE DORGET exploite depuis 2002 la ligne de linge de maison BORA, mais objecte, pour combattre la demande en contrefaçon, que les caractéristiques de cette ligne seraient dénuées d’originalité et, par voie de conséquence, inéligibles à la protection par le droit d’auteur ;

Considérant qu’il importe dès lors de se livrer à la recherche nécessaire de l’originalité, la recevabilité de l’action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l’esprit au sens des dispositions du Livre I du Code de la propriété intellectuelle c’est-à-dire, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, une création originale ;

Considérant que la société FRANCOISE DORGET expose que les caractéristiques originales de la ligne BORA se retrouvent dans les modèles de taie d’oreiller, de drap et de housse de couette qui composent la ligne et résident dans la présence, en bordure du modèle, d’un double volant plat avec un effet d’ouverture des volants, chacun des deux volants étant terminé par un bourdon de couleur contrastante ;

Qu’elle précise, sur ce dernier point, que les modèles sont fabriqués en percale blanche et les bourdons déclinés en neuf coloris : orange, céladon, noir, bleu, rouge, olive, acier, rose, taupe, contrastant avec la percale blanche ;

Qu’elle ajoute que certains modèles sont agrémentés de rubans, noués sur les bords ;

Or considérant que la cour relève, au vu des catalogues LA REDOUTE printemps-été 1992, LES 3 SUISSES printemps-été 1996, LA REDOUTE automne-hiver 2001-2002, que des taies d’oreiller et des housses de couette comportant en bordure un volant avec finition en bourdon de couleur contrastée ont été commercialisées antérieurement aux modèles BORA et qu’en outre, un modèle français n°022235 de

'taie à soufflet’ montrant, en bordure, deux volants plats superposés avec effet d’ouverture et pour chaque volant une finition en bourdon de couleur contrastée, a été déposé par Philippe S le 5 avril 2002 ;

Considérant que la société FRANCOISE DORGET ne saurait prétendre, pour voir écarter le dépôt précité, que les modèles de la ligne BORA seraient antérieurs pour avoir été créés en 2001, alors qu’en toute hypothèse, elle ne justifie avoir exploité et divulgué les modèles revendiqués qu’à compter de l’hiver 2002-2003, ce qu’elle reconnaît au demeurant au terme de ses propres écritures ;

Considérant que les catalogues CAMIF automne-hiver 1998-1999, LES 3 SUISSES printemps-été 1996, LA REDOUTE automne-hiver 2001-2002, révèlent par ailleurs que l’utilisation de rubans pour joindre les bords des taies d’oreiller et des housses de couette est du domaine public et procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire ;

Considérant qu’il suit de ces éléments que la bordure à double volant plat avec une finition en bourdon de couleur contrastée est connue et appartient au fonds commun du linge de lit et ne suffit pas, même combinée avec un ruban de fermeture, à caractériser un effort de création exprimant la personnalité de l’auteur au travers des choix esthétiques qui lui sont propres ;

Considérant que c’est dès lors avec raison que les premiers juges ont refusé aux modèles de la ligne de linge de maison BORA le statut d’œuvre de l’esprit digne de la protection par le droit d’auteur ;

Que, par voie de conséquence et par confirmation du jugement déféré, la demande en contrefaçon ne saurait prospérer ;

Sur la demande en concurrence déloyale,

Considérant que la société FRANCOISE DORGET fait valoir que la société LA REDOUTE, en exposant à la vente en pages 572 et 573 de son catalogue automne-hiver 2007-2008 et en pages 766 et 767 de son catalogue printemps-été 2008, des taies d’oreiller, des draps et des housses de couette reproduisant aussi fidèlement que possible les caractéristiques essentielles des modèles de la ligne BORA, de surcroît à des prix inférieurs de moitié à ceux qu’elle pratique, a commis des actes de concurrence déloyale ;

Qu’elle soutient que la société LA REDOUTE s’est encore livrée à des actes de concurrence déloyale en commercialisant sur le site internet www.laredoute.fr , ainsi que l’établit le procès-verbal de constat sur Internet de Me S, huissier de justice à Paris, en date du 29 mars 2010 :

- un modèle de linge de lit dénommé GRAPHIC reproduisant à l’identique le dessin du tissu PAPILIO qu’elle exploite depuis décembre 2007,
- un modèle de table basse à deux plateaux KYRA, auquel elle fait grief d’imiter la dénomination KIRA, de la table basse à plateau unique de ses collections,
- un modèle de tête de lit reproduisant à l’identique la tête de lit SIRIUS présente dans ses collections depuis 2001 ;

Qu’elle ajoute que ces actes, qui doivent être appréciés ensemble et non pas isolément, traduisent la volonté délibérée de générer un risque de confusion dans l’esprit du public et s’inscrivent dans une stratégie orchestrée de pillage des investissements financiers et humains qu’elle a dû consentir pour la conception, la fabrication et la promotion des produits copiés ;

Considérant, en droit, que s’il résulte du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, c’est sous réserve que les conditions d’un exercice paisible et loyal du commerce soient préservées ;

Qu’à cet égard, la création d’un risque de confusion sur l’origine des produits et /ou la captation parasitaire des investissements d’autrui procèdent d’un comportement fautif de nature à brouiller le jeu d’une saine concurrence et à ouvrir droit à réparation pour l’opérateur économique qui en est la victime ;

Considérant en ce qui concerne la ligne de linge de maison BORA, qu’il résulte des développements qui précèdent que l’ensemble des éléments qui la caractérisent appartiennent au domaine public ;

Que, par voie de conséquence, la société FRANCOISE DORGET ne saurait imputer à faute à la société

LA REDOUTE le seul fait de les avoir reproduits ;

Qu’elle ne saurait davantage, au regard du principe ci-avant rappelé de la liberté du commerce et de l’industrie, faire grief à sa concurrente de pratiquer des prix plus bas dont elle se garde de prétendre qu’ils seraient vils ou dérisoires et attesteraient d’une vente à perte ;

Considérant que la société FRANCOISE DORGET précise ne revendiquer sur le tissu PAPILIO, la table basse KYRA et la tête de lit SIRIUS aucun droit privatif et n’invoquer que des fautes de concurrence déloyale et parasitaire ;

Or considérant qu’elle ne dément pas avoir acheté le tissu PAPILIO, qu’elle exploite depuis décembre 2007, auprès d’un fournisseur indien, à savoir la société RIDHI SIDHI TEXTILES, et qu’elle ne justifie pour ce modèle de tissu d’aucun investissement de conception, de fabrication ou de promotion autre que le coût de l’achat du tissu pour une quantité de 1325 mètres et pour un prix total de 12.390 US dollars ainsi qu’il ressort de la facture versée à la procédure ;

Considérant qu’elle ne démontre pas davantage que le tissu PAPILIO constituerait un produit phare de ses collections, apte à l’identifier auprès du public et qu’elle est mal fondée dans ces conditions à reprocher à la société LA REDOUTE d’avoir cherché, en exploitant le même tissu pour un édredon, à semer la confusion dans l’esprit du public sur l’origine du produit ou à se placer dans son sillage de manière à profiter d’un succès qui serait le fruit de ses investissements ;

Considérant que la société LA REDOUTE n’a commis en définitive à l’égard de la société FRANCOISE DORGET, qui ne peut se prévaloir d’un quelconque monopole, la moindre faute attentatoire à la libre concurrence en achetant auprès du même fournisseur indien le tissu PAPILIO et en l’exploitant pour du linge de maison ;

Considérant que la société FRANCOISE DORGET ne conteste pas que la table KYRA à deux plateaux de la société LA REDOUTE offre un aspect différent de la table KIRA à plateau unique qu’elle commercialise dans ses collections, le grief ne portant que sur l’emprunt de la dénomination du produit ;

Mais considérant que la société FRANCOISE DORGET n’indique pas depuis quelle date elle fait usage de la dénomination KIRA pour un modèle de table basse, tandis que la société LA REDOUTE justifie par les pièces qu’elle verse aux débats sous les n°12 à 23 d’une utilisation commune voire banale, antérieurement au 29 mars 2010 date de la constatation des faits qui lui sont reprochés, des dénominations KIRA ou KYRA dans le secteur de l’ameublement et plus particulièrement pour des tables basses, des tables de chevet, des lampes, des lits, des chaises, des équipements de cuisine ;

Considérant que la société FRANCOISE DORGET ne caractérise, en l’état de ces éléments, aucune faute à la charge de la société LA REDOUTE pour avoir utilisé une dénomination libre de droit ;

Considérant, s’agissant de la tête de lit qui constituerait une copie de la tête de lit SIRIUS de la société FRANCOISE DORGET, qu’il ressort du procès-verbal de constat sur internet du 29 mars 2010 qu’elle n’est pas proposée à la vente mais sert exclusivement de décor pour l’exposition à la vente d’une ligne de linge de lit GALATEA et qu’au surplus, la page web sur laquelle figure la tête de lit litigieuse est exploitée non pas pour l’offre en vente des produits de la société LA REDOUTE mais des produits ZARA HOME ainsi que le révèle l’indication 'ZARA H’ inscrite dans le cartouche en partie supérieure de la page, l’accès à cette page étant ouvert à partir du site internet de la société LA REDOUTE par le biais d’un lien hypertexte pointant vers le site internet ZARA H ;

Que, dans ces circonstances, la faute imputable à la société LA REDOUTE n’est pas davantage caractérisée ;

Considérant qu’il suit de ces développements qu’aucun des griefs articulés au soutien de la demande en concurrence déloyale et parasitaire n’est fondé ;

Que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société FRANCOISE DORGET de ce chef de demande et, en définitive, en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement dont appel,

Y ajoutant,

Condamne la société FRANCOISE DORGET aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile et à verser à la société LA REDOUTE une indemnité complémentaire de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

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Textes cités dans la décision

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