Cour d'appel de Paris, 3 octobre 2012, n° 11/21188

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 3 oct. 2012, n° 11/21188
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/21188
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Melun, 8 novembre 2011, N° 11/00032

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 03 OCTOBRE 2012

(n° 474, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/21188

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de MELUN – RG n° 11/00032

APPELANTE

SNC Z

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

XXX

XXX

Représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY (Me Alain FISSELIER avocat au barreau de PARIS, toque : L0044)

Assistée de Me Jean-Oudard DE PREVILLE (avocat au barreau de Paris, toque : B502)

INTIMEE

SNC Y

agissant en la personne de son représentant légal y domicilié

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS (avocat au barreau de PARIS, toque : B1055)

Assistée de Me MILLER LEGRAND et PITOUN (avocat au barreau de Paris, toque : P411)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère faisant fonction de président

Madame A B, Conseillère

Monsieur Laurent DUVAL, Vice Président placé, délégué par ordonnance du 20 mars 2012

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme C D

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseiller faisant fonction de président et par Mme C D, greffier.

FAITS CONSTANTS :

Par acte sous seing privé du 20 février 2007, se substituant au contrat de sous-location initial et à ses avenants, la SNC Y a donné en sous-location à la SNC Z un ensemble immobilier, à usage d’entrepôt, objet d’un crédit-immobilier venant à échéance le 31 décembre 2007. Le bail de sous-location a pris effet rétroactivement le 1er octobre 2001, date de mise à disposition du bâtiment à Z, pour se terminer le 30 septembre 2010.

L’article 8-1 du contrat de sous-location stipule notamment :

« Le preneur a d’ores et déjà versé au bailleur une somme de 3 909 920, 07 euros représentant le dépôt de garantie (..). Il est précisé qu’une partie de ce dépôt de garantie à hauteur de 3 574 929, 45 euros a été nanti par le bailleur au profit des crédit-bailleurs immobiliers..Ce montant nanti sera affecté à la banalisation du bâtiment à laquelle le preneur s’oblige expressément en cas de non-renouvellement du contrat de prestation par la société Carrefour France et seulement dans l’hypothèse où le preneur ne retrouverait pas d’occupant susceptible d’utiliser les installations qui ont été réalisées pour répondre à la demande de la société Carrefour France. Le bailleur en accord avec les crédit-bailleurs immobiliers pourra utiliser le dépôt de garantie à l’effet de payer directement les factures relatives aux travaux de banalisation engagés par le preneur. Ces travaux de banalisation totalement effectués et payés, le solde éventuel du dépôt de garantie sera restitué au preneur ».

Par acte du 19 mars 2010, Y a fait délivrer à Z un congé avec offre de renouvellement. Par lettre recommandée avec avis de réception du 30 avril 2010, Z a refusé cette offre et indiqué que le dépôt de garantie devait lui « être intégralement remboursé lors de son départ des lieux ». Elle a demandé à être autorisée de se maintenir dans les lieux du 1er octobre au 19 décembre 2010 pour les besoins du transfert de son activité vers un autre site.

Les parties se sont opposées sur les suites du bail de sous-location, les travaux et réparations à faire et le sort du dépôt de garantie.

Par acte du 7 janvier 2011, Z a assigné Y devant le juge des référés, afin de demander le séquestre d’une partie de la somme versée à titre de dépôt de garantie.

Sur incident de Y, le juge des référés du tribunal de grande instance de Melun a, par ordonnance du 6 juin 2011, enjoint à Z de communiquer différents documents et renvoyé l’affaire à une autre audience.

Par ordonnance contradictoire entreprise du 9 novembre 2011, le juge des référés, au motif que les droits auxquels prétendait Z à la restitution du dépôt de garantie apparaissaient sérieusement contestables, en l’état, a :

Vu les articles 808, 145 du code de procédure civile, «1981» du code civil,

— dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de Z,

— condamné Z à verser à Y une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du CPC,

— condamné Z aux dépens.

Z a interjeté appel de cette décision le 25 novembre 2011.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2012.

PRETENTIONS ET MOYENS DE Z :

Par dernières conclusions du 26 juin 2012, auxquelles il convient de se reporter, Z fait valoir :

— que « sans préjudicier au principal », le juge des référés est compétent pour ordonner le séquestre d’une chose en cas de contentieux sur sa possession, sa propriété ou sa détention entre plusieurs personnes, l’utilité de la mesure conservatoire étant caractérisée par l’intention de l’une des parties de se comporter d’ores et déjà comme le propriétaire de la chose, que le premier juge s’est mépris sur le fondement légal de la demande, en relevant que ses droits apparaissaient sérieusement contestables, comme s’il s’agissait d’un référé-provision,

— que la demande de sursis à statuer, de Y, dans l’attente d’une décision à intervenir dans une affaire opposant Z et une société X devant le tribunal de commerce de Paris est purement dilatoire et injustifiée, tant en fait qu’en droit,

— que, sur son droit à restitution du dépôt de garantie, la prétendue obligation à banalisation invoquée par Y est devenue sans objet, Y n’ayant plus aucun droit sur l’entrepôt qui a même été vendu à un tiers par les crédits-bailleurs,

— qu’elle entend, néanmoins, démontrer que Y ne pouvait justifier la rétention abusive du dépôt de garantie sous couvert de l’obligation éventuelle à banalisation de l’article 8.1 du bail, même avant que l’intimée y renonce, dès lors, qu’aux termes du bail, l’emploi du dépôt de garantie avait un caractère alternatif (soit le coût de la banalisation de l’entrepôt, soit le paiement des sommes dues au titre des loyers, charges, impôts, réparations), que les conditions cumulatives de la banalisation prévues par l’article 8.1 n’étaient pas remplies, pas plus que celles de la banalisation des articles 8.2 et 8.1, alinéa 5, et que Y a imposé le maintien des installations spécifiques,

— que l’appropriation du dépôt de garantie est litigieuse,

— que Y est insolvable,

— que les sociétés Holding (EPF Y et EPF PLAC2C2B) sont dans une situation très préoccupante,

— que la mesure de séquestre est nécessaire.

Elle demande à la Cour :

Vu les articles 1961 2° du code civil et les articles 808 et suivants du CPC,

— de rejeter la demande de sursis à statuer de Y,

— de dire que Y a renoncé à la banalisation et aux travaux de remise en état et de conformité de l’entrepôt et à la demande d’acquisition de la clause résolutoire qu’elle a invoquées pour refuser de restituer le dépôt de garantie,

— de dire que Y a reconnue être dans l’incapacité de faire face au paiement des sommes dues aux crédits-bailleurs,

— d’infirmer l’ordonnance entreprise,

— d’ordonner à Y de séquestrer la somme de 3 659 920 euros entre les mains de Mme le Bâtonnier du Barreau de Paris (ou de Melun), pris en qualité de séquestre judiciaire, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification de « l’ordonnance » à intervenir,

— de dire que tout ou partie des sommes séquestrées ne pourront être libérées qu’avec l’accord écrit de Y et de Z ou, à défaut, sur décision judiciaire irrévocable statuant sur la restitution du dépôt de garantie de 3 909 920, 07 euros,

— de dire que les sommes ainsi séquestrées porteront intérêts à son profit, et ce, jusqu’à l’issue du séquestre, sans préjudice des intérêts dus par Y à elle-même dans les conditions de l’article L. 145-40 du code de commerce,

— de condamner Y à lui payer la somme de 22 000 euros en application de l’article 700 du CPC,

— de condamner Y aux entiers dépens, avec bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DE Y :

Par dernières conclusions du 20 juin 2012, auxquelles il convient de se reporter, Y fait valoir :

— qu’il est nécessaire de rappeler les faits et la procédure (pages 5 à 39),

A titre principal,

— qu’elle demande le sursis à statuer dans l’attente de la décision à intervenir dans l’affaire opposant Z et X, Z ayant formé, devant deux juridictions différentes, la même demande tendant à obtenir la même somme, une fois sous forme de séquestre, une fois sous forme de paiement,

A titre subsidiaire,

— qu’il convient de confirmer l’ordonnance entreprise et de rejeter la demande de séquestre,

— que la possession du « dépôt de garantie » par elle n’est pas litigieuse, puisque son droit est exercé de façon légitime et évidente,

— que sa possession du « dépôt de garantie » n’est litigieuse ni au regard de l’obligation contractuelle de banalisation à la charge de Z, ni au regard des articles 8.1 et 8.2 du contrat de bail, étant relevé qu’elle n’a jamais renoncé à agir en résiliation du bail, la renonciation au droit d’agir en justice devant être certaine, expresse et non équivoque,

— que la mesure de séquestre n’est pas justifiée, puisqu’elle ne s’est pas appropriée le « dépôt de garantie » de manière litigieuse, Z étant incontestablement obligée à la banalisation du bâtiment, à laquelle elle-même n’a jamais renoncé, et qu’il n’existe aucun risque d’insolvabilité, qu’il s’agisse de sa propre situation financière ou de celle de ses associés directs et indirects,

— que la mesure de séquestre excède le pouvoir du juge des référés en ce qu’elle préjudicie au principal.

Elle demande à la Cour :

A titre principal,

— de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir dans le cadre de la procédure opposant Z à X devant le tribunal de commerce de Paris (RG n°2011082773) et qui est revenue à l’audience du 18 juin 2012 pour la désignation d’un juge rapporteur,

A titre subsidiaire,

— de déclarer Z mal fondée en son appel,

— de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

— de condamner Z à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

— de condamner Z aux entiers dépens.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la demande de sursis à statuer :

Considérant qu’il n’y a lieu de surseoir à statuer, dans l’attente de la décision à intervenir, sur l’assignation par Z de X en paiement du dépôt de garantie devant le tribunal de commerce, ces deux instances étant diligentées, entre des parties différentes, et devant des juridictions de nature différente, juge du provisoire pour la demande de séquestre, juge du fond pour la demande de paiement, ces demandes ne tendant, par ailleurs, pas aux mêmes fins ;

Sur le séquestre :

Considérant que selon l’article 808 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le juge des référés peut, même en présence d’une contestation sérieuse, ordonner toutes les mesures que justifie l’existence d’un différend ;

Que l’existence d’une contestation sérieuse, loin de constituer un obstacle, donne au contraire un fondement à la mesure provisoire prise par ce juge ;

Que l’existence d’un différend sur le droit de Z à la restitution du dépôt de garantie ressort à l’évidence des conclusions des parties ; que Y n’est pas fondée à soutenir qu’elle exercerait le droit contesté de façon légitime et évidente, alors qu’elle fait valoir, quant à sa prétendue renonciation à agir en résiliation du contrat de sous-location, que « ce débat relève du juge du fond » (point 88) ou, s’agissant de la portée de l’article 8.1 du bail litigieux, « qu’il n’entre pas dans les prérogatives du juge des référés d’interpréter les termes d’un contrat » (point 90), les discussions des parties sur ces seuls points démontrant l’absence d’évidence du droit en litige ;

Que l’urgence se trouve caractérisée par le fait que le dépôt de garantie a été donné en gage sur un compte ouvert dans les livres de la société X, créancier de Y, pour garantir le paiement des échéances de l’emprunt souscrit pour faire face aux échéances dues aux crédits-bailleurs, que les éléments comptables de Y versés aux débats sont arrêtés à 2010, et qu’il y a lieu de prévenir le préjudice pouvant résulter d’une non-représentation des fonds, la situation des holdings, associés directs et indirects de Y, certaines situées au Luxembourg, ne faisant pas disparaître ce risque ;

Qu’ainsi, la mesure de séquestre est justifiée ; que l’ordonnance entreprise sera infirmée et le séquestre ordonné, dans les conditions précisées au dispositif ;

Qu’en présence de la contestation sur le titulaire du droit au dépôt de garantie et sur la nature même de ce dépôt, la demande de Z tendant à voir dire que les sommes séquestrées porteront intérêts à son profit jusqu’à l’issue du séquestre, sera rejetée ; qu’il n’entre, en effet, pas dans les pouvoirs du juge des référés, statuant sur ce point sur le fondement de l’article 809, alinéa 2, du CPC, de se prononcer sur le droit, non incontestable, aux intérêts de la somme séquestrée ;

Considérant qu’il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour la présente instance ;

Considérant que Y, qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE la demande de sursis à statuer,

INFIRME l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

ORDONNE à la SNC Y de séquestrer la somme de 3 659 920 euros entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris, et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai de 48 heures à compter de la signification du présent arrêt,

DIT que tout ou partie des sommes séquestrées ne pourront être libérées qu’avec l’accord écrit des sociétés Y et Z ou, à défaut, sur décision judiciaire irrévocable statuant sur la restitution du dépôt de garantie de 3 909 920, 07 euros,

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande de la société Z tendant à voir dire que les sommes séquestrées porteront intérêts à son profit,

REJETTE les demandes formées au titre de l’article 700 du CPC,

CONDAMNE la SNC Y aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrées conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

LE GREFFIER,

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT,

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