Cour d'appel de Paris, 24 avril 2013, 12/13169

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 1, 24 avr. 2013, n° 12/13169
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/13169
Importance : Inédit
Dispositif : Annule la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000027374746
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 24 AVRIL 2013

(no 158, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/ 13169

Décision déférée à la Cour :

Décision rendue en matière disciplinaire le 6 juin 2012 par la Chambre des Huissiers de Justice de Paris

DEMANDEUR AU RECOURS

Monsieur Eryck Charles X…

75116 PARIS

présent à l’audience

qui a eu la parole en dernier

ayant pour avocat Me Jean-Yves LE BORGNE (avocat au barreau de PARIS, toque : R264)

EN PRÉSENCE

DU MINISTÈRE PUBLIC

pris en la personne de

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL

près la Cour d’Appel de PARIS

élisant domicile en son parquet

au Palais de Justice

34 Quai des Orfèvres

75001 PARIS

représenté à l’audience par Madame Jocelyne KAN, avocat général, qui a présenté ses observations orales

DE MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE PARIS

17 rue de Beaujolais

75001 PARIS

Me Denis A…, Président de la Chambre départementale des Huissiers de Justice représenté à l’audience par Me Jean-Marie Z… Syndic de la Chambre Départementale, muni d’un pouvoir, qui a présenté ses observations

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 5 mars 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, le rapport entendu conformément à l’article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BICHARD, Président

Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

MINISTÈRE PUBLIC

représenté à l’audience par Madame Jocelyne KAN, avocat général, qui a présenté ses observations orales

ARRET :

— contradictoire

— rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Par décision du 6 juin 2012, la CHAMBRE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE PARIS, statuant en matière disciplinaire, a prononcé à l’encontre de Monsieur Eryck X…, huissier de Justice, la sanction du rappel à l’ordre pour s’être rendu coupable de démarchage de clientèle et avoir manqué de délicatesse dans son comportement ;

Vu le recours reçu par procès-verbal du Greffe le 7 juin 2012 auquel s’est substitué le procès-verbal du 18 juin 2012, contre cette décision par Monsieur Eryck X… avant même d’en recevoir notification par lettre recommandée dont il a signé l’accusé de réception le 18 juin 2012 ;

Vu ses conclusions déposées le 5 mars 2013 et développées oralement à l’audience ;

Vu les observations déposées le 4 mars 2013 et développées oralement à l’audience par lesquelles le Président de la CHAMBRE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE PARIS, régulièrement représenté par le Syndic de ladite Chambre, demande la confirmation de la décision ;

Ouïs à l’audience le Ministère Public qui conclut à la confirmation de la décision ;

Monsieur Eryck X… ayant eu la parole en dernier ;

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Considérant que, selon les écritures des parties et les pièces de procédure de la CHAMBRE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE PARIS (la CDHJ), Monsieur Eryck X…(Maître X…), ancien avocat ayant changé d’orientation professionnelle en devenant huissier de Justice par arrêté du Garde des Sceaux du 6 décembre 2011, a prêté serment le 22 décembre de la même année ;

Que, début avril 2012, il a distribué plusieurs milliers de cartons au vestiaire des avocats du Tribunal de grande instance de Paris faisant état de sa nomination en tant qu’huissier de Justice associé, un carton étant également apposé sur la porte d’une salle d’audience ; qu’entendu, après vérification des faits par la CDHJ alertée par des confrères avisés eux-mêmes par des avocats, Maître X… a reconnu les faits tout en minimisant le nombre de cartons distribués et en affirmant avoir reçu l’accord du secrétaire général de l’Ordre des avocats ce que ce dernier a confirmé ;

Qu’avisé conformément aux textes en vigueur, le Procureur de la République a indiqué ne pas envisager de délivrer une citation à l’encontre de l’intéressé mais a souhaité être tenu informé des suites de la procédure disciplinaire ;

Que c’est dans ce contexte que Maître X… a comparu devant la CDHJ qui a rendu la décision déférée ;

SUR CE,

Considérant que Maître X… s’appuyant sur les dispositions de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (la CEDH), estime ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable en raison du manque d’impartialité de la Chambre dans laquelle a siégé une personne s’étant plaint de son comportement avant même que l’examen de celui-ci soit déféré à cette formation ; que subsidiairement « et/ ou pour le cas où la Cour évoquerait la problématique disciplinaire », il soutient que les faits retenus ne sont pas constitutifs d’une atteinte à la délicatesse, que des précédents analogues tolérés par la profession imposent de considérer que les faits de l’espèce sont insuffisants pour constituer le fondement d’une poursuite disciplinaire, enfin que le carton diffusé a permis une juste information du public dans un contexte de temps et de forme exclusif de tout démarchage de clientèle ;

— sur la nullité

Considérant que le fait que Maître Jacques B…, membre de la formation disciplinaire dont la décision est contestée, est également l’auteur d’une lettre datée du 10 mai 2012 transmettant le carton trouvé dans une salle d’audience du Tribunal de grande instance de Paris dans laquelle il précise s’étonner d’un tel procédé dont il tenait à aviser sa chambre professionnelle (pièce no 6, la CDHJ) est de nature à jeter la suspicion sur l’impartialité de la formation appelée à statuer, au sens de l’article 6 § 1 de la CEDH ; qu’il y a donc lieu d’annuler la décision du 6 juin 2012 prononçant à son encontre la peine de « rappel à l’ordre », peu important que l’appelant n’ait pas usé de la procédure de récusation dès lors qu’il appartenait à la Chambre de veiller à la régularité de sa composition ;

— sur le fond

Considérant que l’appel de Maître X… n’étant pas limité au seul chef de nullité de la décision déférée, la Cour, par l’effet dévolutif s’opérant pour le tout, reste nécessairement saisie de l’entier litige en application des dispositions de l’article 562 du Code de procédure civile ; qu’il est donc nécessaire de statuer au fond ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 de l’Ordonnance no 45-1418 du 28 juin 1945 également applicable aux huissiers de Justice, « Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse, commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extra-professionnels, donne lieu à sanction disciplinaire. » ;

Que l’article 1er du Règlement Intérieur de la CDHJ (R. I.- CDHJ), approuvé par arrêté du 13 novembre 2008, dispose que les huissiers de Justice « en toutes circonstances, même en dehors de leur ministère, doivent faire preuve de la dignité et de la délicatesse que leur impose leur profession ainsi que des égards et de la courtoisie auxquels ils sont tenus dans leurs relations avec leurs confrères comme dans leur rapport avec le public. » ;

Qu’enfin, l’article 16 § 4 de ce même règlement précise que les huissiers de Justice « doivent respecter la clientèle de leurs confrères et ne faire aucune démarche, n’user d’aucune influence, ne se livrer à aucune sollicitation, n’exercer aucune pression, soit directement, soit indirectement, dans le but de se procurer des affaires ou de détourner celles dont un confrère serait ou devrait être chargé. Ils peuvent cependant répondre aux appels d’offres publiques. » ;

Considérant, à titre préliminaire, que peu importe que d’autres professions réglementées disposent de règles plus souples dès lors que, par définition, celles-ci ne sont pas applicables à l’espèce ; que de la même manière, observation faite qu’il n’est pas contesté que la CDHJ n’en a pas eu connaissance, l’existence de précédents éventuels devant le Tribunal de commerce de Paris n’est pas de nature à retirer l’éventuel caractère contrevenant du comportement incriminé à Maître X…;

Considérant que le carton litigieux également désigné « faire-part », en mentionnant les nom, prénoms et la qualité de titulaire de l’office de Maître X…, ses diplômes et distinctions honorifiques, dont la réalité à été vérifiée lors de l’instruction de l’affaire, enfin sa compétence territoriale, est conforme aux dispositions de la « Charte de l’internet », adoptée par la CDHJ le 11 juillet 2007, laquelle est destinée à encadrer les modalités d’information des changements de situation professionnelle à l’adresse des personnes avec lesquelles l’intéressé ou la structure qu’il rejoint à l’habitude de travailler (pièce no 17 de la CDHJ) ;

Considérant en revanche, que la publication de ce carton quatre mois après la prestation de serment de Maître Eryck X…, le 22 décembre 2011, ne peut se justifier par les seules vacations judiciaires de fin d’année qui, comme leur nom l’indique, couvrent simplement les fêtes de Noël et du jour de l’An ;

Que par ailleurs, il est acquis aux débats que ce faire-part a été mis à disposition en d’innombrables exemplaires dans les locaux du vestiaire des avocats du Barreau de Paris, qu’il a également été déposé dans toutes les toques de ceux-ci dont le nombre est supérieur à 20 000, que suite à la demande de renseignements de la CDHJ, l’Ordre des avocats a détruit le stock de cartons litigieux qu’il détenait de son côté ;

Que de surcroît, ces avocats travaillaient d’ores et déjà avec des huissiers de Justice parisiens ;

Qu’enfin, cette diffusion a également été de nature à porter atteinte à la clientèle de la structure, ACTA S. E. L. A. R. L., que Maître X… a rejoint en qualité d’huissier associé, dès lors que ledit carton ne comporte aucun rappel concomitant des autres membres de cette dernière ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Maître X… s’est rendu coupable de démarchage de clientèle au préjudice de l’ensemble des huissiers de Justice parisiens et a contrevenu à son devoir de délicatesse ce qui justifie de prononcer à son encontre la sanction de rappel à l’ordre ;

PAR CES MOTIFS,

PRONONCE l’annulation de la décision rendue le 6 juin 2012 par la CHAMBRE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE PARIS-formation disciplinaire à l’encontre de Monsieur Eryck X…,

VU l’article 562 du Code de procédure civile,

DIT que Monsieur Eryck X… s’est rendu coupable de manquement aux principes essentiels de la profession, en l’espèce aux dispositions :

— de l’article 16 alinéa 4 du Règlement Intérieur de la CHAMBRE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE PARIS relatif à l’interdiction de démarchage de clientèle au préjudice de ses confrères,

— de l’article 2 de l’Ordonnance no 45-1418 du 28 juin 1945 dans ses dispositions relatives au devoir de délicatesse,

PRONONCE à l’encontre de Monsieur Eryck X… la sanction du rappel à l’ordre,

REJETTE toutes autres demandes,

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur Eryck X….

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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