Cour d'appel de Paris, 25 septembre 2013, n° 11/11218

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 25 sept. 2013, n° 11/11218
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/11218
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 28 juin 2011, N° 10/04151

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 25 Septembre 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/11218

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 Juin 2011 par le conseil de prud’hommes de PARIS – section encadrement – RG n° 10/04151

APPELANTE

XXX

XXX

XXX

En présence de M. Dan BLOCH, son Président

représentée par Me Y DENEL, avocat au barreau de PARIS, K0180

INTIMÉ

Monsieur Y Z

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Ronan LE BALC’H, avocat au barreau de PARIS, P0053

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques BOUDY, conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Nora YOUSFI, lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée indéterminée en date du 19 septembre 2008, M. Y Z a été embauché par la SAS Abylsen Sigma en qualité de consultant.

Le contrat prévoyait une période d’essai d’une durée de trois mois et qu’il débuterait le 12 janvier 2009.

Cependant, dès le premier jour d’exercice de ses fonctions, l’employeur s’est prévalu de cette période d’essai pour rompre le contrat de travail.

Jugeant abusive cette rupture, M. Y Z a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement en date du 29 juin 2011, a condamné la SAS Abylsen Sigma à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, outre 500 € par application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

La SAS Abylsen Sigma en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception expédiée le 3 novembre 2011.

Devant la cour, elle conclut à l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions et en conséquence, au rejet des demandes formées à son encontre par M. Y Z.

À titre subsidiaire, elle demande la réduction des sommes qui ont été allouées par le conseil de prud’hommes à titre de dommages et intérêts.

Pour sa part, M. Y Z conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré que la rupture du contrat de travail était abusive et, pour le surplus, à son infirmation en sollicitant le paiement des sommes suivantes :

—  2 211,90 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect de la procédure de licenciement

—  6 635,70 € à titre d’indemnité de préavis, outre 663,57 € au titre des congés payés afférents

—  21 816 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai

—  6 635,70 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

—  2 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile

Il demande également la condamnation de la SAS Abylsen Sigma à lui remettre les documents sociaux conformes, c’est-à-dire le certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie, outre 2500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite enfin le bénéfice des intérêts au taux légal à compter de la date de l’introduction de la demande.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est constant que M. Y Z était employé dans la société Promold, en qualité de technicien de bureau d’études, depuis le 1er novembre 2006.

Ayant fait acte de candidature spontanée auprès de la SAS Abylsen Sigma, il a été reçu dans le cadre d’un entretien d’embauche par l’un des collaborateurs de cette dernière, M. X, le 19 juin 2008.

Après son embauche, le 19 septembre 2008, M. Y Z a démissionné de son emploi le 31 octobre 2008, étant lié par un délai de préavis d’une durée d’un mois.

Selon la SAS Abylsen Sigma, lors des différents entretiens qui s’étaient déroulés avant son embauche, M. Y Z avait exagéré, de façon déloyale, les compétences qui étaient les siennes, tout particulièrement en matière de plasturgie, de telle sorte que celui-ci paraissait correspondre parfaitement au poste qui était à pourvoir, consistant notamment à remplir des missions demandées, de façon habituelle, par son plus gros client, la société Faurécia.

Or, lorsque M. Y Z s’est présenté à l’entreprise, le premier jour de son contrat de travail, le 12 janvier 2009, et qu’il lui a été exposé quelles seraient précisément les tâches qu’il devrait accomplir pour le compte de la société Faurécia, qui disposait d’un centre de développement de planches de bord, cockpits, panneaux de portes et de pare-chocs, pour différents constructeurs, l’intéressé a dû reconnaître qu’il ne disposait pas des compétences nécessaires pour les mener à bien et qu’il aurait donc besoin de « supports » et de formation.

En effet, selon la SAS Abylsen Sigma, M. Y Z avait alors précisé que ses compétences étaient en réalité beaucoup plus orientées vers la rhéologie, qui désigne la science consistant à étudier les déformations et l’écoulement de la matière, à analyser les comportements mécaniques des substances et à établir leurs lois de comportement que vers la plasturgie qui est l’ensemble des procédés et des techniques de transformation des matières plastiques.

La SAS Abylsen Sigma en déduit qu’en raison du comportement déloyal du salarié, elle était donc fondée à rompre immédiatement le contrat de travail, étant précisé que du fait de la défection de ce dernier, il n’a pas été possible de le remplacer dans un délai suffisant et qu’elle a donc perdu le bénéfice de la mission qui lui avait été confiée par son client.

Il est constant que pendant la durée de la période d’essai, l’employeur peut rompre à tout moment le contrat de travail sans avoir à justifier d’un motif, pourvu que celui-ci soit inhérent à la personne du salarié.

Toutefois, ce droit de rompre le contrat de travail peut dégénérer en abus, en particulier lorsque la rupture intervient dans un délai anormalement court n’ayant pas permis à l’employeur d’apprécier les compétences professionnelles du salarié.

En l’espèce, il convient de relever en premier lieu que l’employeur a procédé à la rupture du contrat de travail sans même respecter le délai de prévenance d’une durée de 24 heures qui est prévu par l’article L 1221-25 du code du travail.

En second lieu, pour tenter de démontrer que M. Y Z aurait immédiatement reconnu qu’il ne disposait pas des compétences nécessaires pour exécuter les tâches qui étaient attendues de lui, ce qu’il conteste, l’employeur ne verse aux débats que deux attestations dont une émane du président de la société, c’est-à-dire de l’employeur lui-même, et dont l’autre a été rédigée par M. X, qui certes, indique ne plus appartenir à la société, mais qui demeure insuffisante, à elle seule, à établir la réalité des faits dont il s’agit.

En troisième lieu, le contrat de travail signé entre les parties était rédigé de façon très large puisqu’il y était précisé que le salarié exercerait ses fonctions en qualité de « consultant » et que ses attributions étaient définies comme étant constituées de « la responsabilité de conception, de réalisation et de suivi des projets et plus généralement (qu’il serait) amené à exercer des responsabilités techniques et organisationnelles dans le cadre des projets ou des missions qui (lui seraient) confiées au sein de la société ou des sites d’un client », sans qu’il soit jamais fait allusion à une spécialité en plasturgie.

De même, la SAS Abylsen Sigma ne saurait prétendre qu’elle n’avait embauché M. Y Z qu’en raison de son adaptation parfaite à la mission qui lui a été confiée par la suite par la société Faurécia puisqu’à la date de conclusion du contrat de travail, soit le 19 septembre 2008, cette mission envisagée n’avait aucun caractère de certitude et qu’elle n’a été confirmée par le client à l’employeur que par message électronique du 5 décembre 2008, étant précisé de surcroît, qu’il ne s’agissait que d’une mission de six mois, c’est-à-dire jusqu’au 30 juin 2009, éventuellement renouvelable jusqu’à la fin de l’année.

En quatrième lieu, il n’est nullement établi que M. Y Z ne possédait pas les compétences nécessaires pour exercer les fonctions définies dans le cadre de la mission confiée à la SAS Abylsen Sigma par la société Faurécia car même si celui-ci admet qu’il avait reçu une formation plutôt centrée sur la rhéologie, il n’en démontre pas moins qu’il avait une compétence certaine en matière de plasturgie ainsi qu’il résulte par exemple de la licence professionnelle qu’il avait obtenue à l’IUT de Metz, spécialité « production industrielle », option « optimisation numérique des pièces et outillage en plasturgie ».

Par la suite, après la rupture du contrat de travail, M. Y Z a été embauché le 5 novembre 2009 par la société Séguéla Technologies Automotives , en qualité de technicien calculs plasturgie puis, le 6 avril 2012 par la société Automotive Lighting Rears Lamps France, en qualité d’ingénieur plasturgiste.

Il n’est donc nullement établi que M. Y Z aurait fait preuve, lors des opérations préalables à son embauche, d’un comportement déloyal ayant induit en erreur son employeur sur ses véritables qualités et c’est donc de façon tout à fait précipitée que ce dernier a procédé à la rupture du contrat de travail sans avoir pu se convaincre de l’inadaptation du salarié au poste qui lui était proposé.

Dès lors, la rupture du contrat de travail apparaît comme abusive quand bien même elle s’était produite pendant la durée de la période d’essai.

La rupture du contrat de travail s’étant produite pendant la période d’essai, les règles relatives au licenciement étaient inapplicables et le salarié ne peut donc réclamer, comme il le fait, diverses sommes ayant comme fondement l’existence d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Il peut prétendre en revanche à des dommages et intérêts en raison de la faute commise par l’employeur et du préjudice qui en a résulté pour lui.

Si l’on considère que le salarié n’était pas assuré que la relation contractuelle se poursuivrait au-delà de la période d’essai prévu initialement, la somme allouée par le conseil de prud’hommes apparaît comme excessive et il y a lieu d’évaluer à 6000 € les dommages et intérêts.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de remise des différents documents sociaux, conformes à la présente décision puisque celle-ci n’entraînant pas modification des mentions qui ont pu être déjà portées sur ces documents.

Il n’apparaît pas inéquitable d’accorder à M. Y Z, qui a dû agir en justice pour faire valoir ses droits, une indemnité d’un montant de 2 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en date du 29 juin 2011 ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Abylsen Sigma à payer à M. Y Z la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail pendant la période d’essai ;

DÉBOUTE M. Y Z du surplus de ses demandes

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Abylsen Sigma à payer à M. Y Z la somme de 2 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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