Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 21 novembre 2014, n° 14/03673

  • Modèle de sac ; modèle de vêtement·
  • Dépendance économique·
  • Concurrence déloyale·
  • Compétence·
  • Contrefaçon de modèle·
  • Modèle communautaire·
  • Relation commerciale établie·
  • Sociétés·
  • Rupture·
  • Abus

Chronologie de l’affaire

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Une Information Lexbase · Actualités du Droit · 9 septembre 2016
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 2, 21 nov. 2014, n° 14/03673
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/03673
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 30 janvier 2013, N° 09/00324
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 23 septembre 2009, 2009/00324 (en réquisition)
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 23 septembre 2014
  • Cour d'appel de Paris, 22 juin 2011
  • Cour de cassation, 31 janvier 2013, Q/2011/25242
  • Cour de cassation, 6 septembre 2016, U/2015/16108
  • Tribunal de grande instance de Paris, 10 mars 2017, 2015/07822
  • Cour d'appel de Paris, 6 février 2018, 2017/10015
  • Cour d'appel de Paris, 26 février 2019, 2017/12122
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
Référence INPI : D20140218
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 21 NOVEMBRE 2014

(n°234, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/03673

sur renvoi après cassation, par arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation rendu le 31 janvier 2013 (pourvoi n°Q 11-25.242), d’un arrêt rendu par le pôle 5 chambre 1 de la Cour d’appel de PARIS le 22 juin 2011 (RG n°09/20719) sur appel d’une ordonnance du juge de la mise en état de la 3ème chambre 3ème section du tribunal de grande instance de PARIS rendue le 23 septembre 2009 (RG n°09/00324)

DEMANDERESSE A LA SAISINE

S.A. LA REDOUTE, agissant en la personne de son président du conseil d’administration en exercice et/ou de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 1]

Immatriculée au rcs de Lille Métropole sous le numéro B 477 180 186

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque J 125

Assistée de Me André BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, toque L 207

DEFENDEURS A LA SAISINE

M. [N] [Z]

Né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2] (Pas-de-Calais)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 2]

Société FAIR WIND INDUSTRY LIMITED – représentée par M. [N] [Z] – ayant son siège social situé

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

Représentés par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque B 515

Assistés de Me Bruno METRAL, avocat au barreau de LYON, case 773

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 16 octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Vu l’assignation en contrefaçon de modèles communautaires (une parka, un ensemble montre et sac et un sac), en concurrence déloyale et en indemnisation du préjudice résultant d’abus de dépendance économique ainsi que d’une brusque rupture des relations commerciales établies délivrée le 30 décembre 2008 à la requête de la société Far Wind Industry Ltd et de Monsieur [N] [Z], son gérant (domicilié et ayant son siège social à Hong-Kong) à l’encontre de la société anonyme La Redoute avec laquelle ils ont cessé leurs relations commerciales en mars 2005,

Vu l’incident de mise en état introduit par la société La Redoute à l’effet de voir juger qu’il appartient aux demandeurs à l’action de se pourvoir devant une juridiction de Hong-Kong du fait que les actes allégués de concurrence déloyale, d’abus de dépendance économique et de rupture des relations commerciales ont été commis à Hong-Kong, à l’encontre d’une société régie par le droit de hongkongais et ayant son siège social dans cette ville et, par ailleurs, de voir déclarer prescrite l’action en contrefaçon de modèles,

Vu l’ordonnance rendue le 23 septembre 2009 par le juge de la mise en état qui a :

désigné le tribunal de grande instance de Paris comme compétent pour connaître de l’ensemble du litige en disant qu’il sera soumis au droit français,

déclaré irrecevable le moyen tiré de la prescription dont l’examen relève du juge du fond,

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société La Redoute aux dépens de l’incident,

Vu l’appel interjeté contre cette ordonnance par la société La Redoute SA, le 07 octobre 2009, et l’arrêt rendu le 22 juin 2011 par la cour d’appel de Paris qui a déclaré l’appel irrecevable et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en condamnant l’appelante aux dépens d’appel,

Vu le pourvoi formé par la société La Redoute et l’arrêt rendu le 31 janvier 2013 par la Cour de cassation qui, au visa des articles 73 et 776 du code de procédure civile, a cassé et annulé en toutes ses dispositions cet arrêt et renvoyé l’affaire et les parties devant la cour d’appel autrement composée, en énonçant «  que les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles de contredit »,

Vu la saisine de la présente cour d’appel par la société La Redoute, à la date du 18 février 2014,

Vu les dernières conclusions de la société anonyme La Redoute notifiées le 19 mai 2014 par lesquelles elle demande en substance à la cour, au visa des articles 46 et 776 du code de procédure civile, L 420-2, L 442-6 du code de commerce et L 522-2 du code de la propriété intellectuelle, d’infirmer l’ordonnance entreprise :

— en considérant que la rupture brutale de relations commerciales sanctionnée par l’article L 442-6 est un délit spécifique, détachable des actes allégués de contrefaçon qui ne peut être qualifié d’acte de concurrence déloyale au sens générique de ce terme et justifier ainsi qu’il soit considéré comme « portant sur une question de concurrence déloyale connexe au délit de contrefaçon de modèle communautaire allégué » et que les demandes de la société Fair Wind et de Monsieur [Z] concernant la rupture des relations commerciales ne relèvent pas du tribunal de grande instance de Paris,

— en considérant que les faits allégués de dépendance économique et de rupture brutale des relations commerciales sanctionnés par les articles L 420-2 et L 442-6 sus-visés commis à l’encontre des demandeurs à l’action, domicilié et, pour la société, sise à Hong-Kong et organisée sous ses lois, sont régis par la loi du lieu de réalisation du dommage, c’est à dire le lieu où les intimés ont subi la préjudice qu’ils allèguent, en l’espèce Hong-Kong, et que ces faits ne se rattachent pas au droit français et à la compétence du tribunal « de céans »,

de dire, en conséquence, qu’il leur appartient de se pourvoir devant le tribunal de Hong-Kong compétent pour connaître des faits d’abus de dépendance économique et de rupture brutale de relations commerciales alléguées à son encontre, à supposer que le droit de Hong-Kong connaisse ce genre de délits civils,

de condamner les intimés à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens,

Vu les dernières conclusions de Monsieur [N] [Z] et de la société de droit hongkongais Fair Wind Industries Ltd notifiées le 14 mai 2014 aux termes desquelles ils demandent pour l’essentiel à la cour, au visa de l’article 46 du code de procédure civile, du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, des articles L 522-2 et R 522-1 du code de la propriété intellectuelle, R 211-7 du code de l’organisation judiciaire :

— de constater que la société La Redoute reconnaît la compétence du tribunal de grande instance de Paris pour connaître des actes de contrefaçon de modèles communautaires et d’actes de concurrence déloyale connexes, et notamment des actes de parasitisme économique, de confirmer en conséquence l’ordonnance entreprise désignant le tribunal de grande instance de Paris pour connaître de l’entier litige,

ce faisant, de constater que la société La Redoute a son siège social en France, qu’au surplus les faits de concurrence déloyale, d’abus de dépendance économique et de rupture brutale des relations commerciales ont été commis par la société La Redoute en France et que la diffusion des produits concurrents a été réalisée sur le marché français, de considérer que le fait générateur de l’événement causal du dommage est survenu en France, qu’au surplus ces faits doivent être considérés comme connexes à la contrefaçon des modèles communautaires litigieux dont l’examen relève de la seule juridiction française,

de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société La Redoute comme infondée, en droit comme en fait, et de considérer que leur action est recevable et bien fondée,

de condamner la société La Redoute à leur verser la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

SUR CE,

Considérant que la société La Redoute fait d’abord valoir que le juge de la mise en état a été abusé par la formulation de l’acte introductif des requérants qui poursuivaient la sanction d’actes de contrefaçon – pour la connaissance desquels elle ne conteste pas la compétence du tribunal de grande instance de Paris – ainsi que d’actes de concurrence déloyale en violation de l’article 1382 du code civil ;

Que cette seconde action fondée sur l’article 1382 du code civil est certes connexe, précise-t-elle, et justifierait la compétence du tribunal territorialement compétent au fond mais qu’en l’espèce les requérants ne réclamaient aucune condamnation indemnitaire à ce titre ; que celle-ci n’était, en effet, pas distincte des demandes au titre de l’abus de dépendance économique (en réparation duquel ils sollicitaient la somme de 1.000.000 euros) et de rupture de relations commerciales établies (en réparation de laquelle ils sollicitaient la somme de 1.073.725 euros) ; que les intimés ne se plaignent pas, ajoute-t-elle, d’avoir été évincés du marché français (circonstance inséparable de l’action en contrefaçon) mais d’avoir subi des actes d’abus de situation de dépendance et de rupture brutale des relations commerciales établies ;

Qu’elle soutient sur ce point que les actes visés par les articles L 420-2 et L 442-6 du code de commerce ne sont pas des actes de concurrence déloyale sanctionnés par le droit commun mais des actes spécifiques qui relèvent de la compétence des tribunaux de commerce et qu’il ne s’agit pas d’ « actes de concurrence déloyale connexes à des actes de contrefaçon » qui ressortent de la compétence des tribunaux de grande instance, selon les dispositions des articles L 521-3-1 et L 522-2 du code de la propriété intellectuelle, d’interprétation stricte, qui prévoient cette connexité en matière de dessins et modèles par dérogation au droit commun, les litiges entre commerçants restant de la compétence des tribunaux de commerce ;

Qu’elle soutient enfin que la rupture des relations commerciales entre les parties est régie par la loi de Hong-Kong et ressort de la compétence de ses tribunaux ; que les faits dommageables incriminés s’y sont déroulés, que leurs conséquences y ont été ressenties et que leur qualification relève du droit applicable à Hong-Kong, les articles L 420-2 et L 442-6 précités étant naturellement, selon elle, inapplicables aux faits de l’espèce et rien ne permettant de considérer que les principes juridiques relatifs à la rupture commerciale et à la dépendance économique sont opposables à Hong-Kong ; que la Convention de Bruxelles n’a pas, à son sens, vocation à trouver application du fait que les requérants ont leurs domicile et siège dans un Etat tiers et que l’invocation de l’article 46 du code de procédure civile n’est pas non plus pertinente dès lors qu’il ne vise que la compétence rationae loci et non le droit applicable ;

Considérant que la société Far Wind Industry Ltd et Monsieur [N] [Z], qui précisent qu’ils entendaient formuler des demandes autonomes au titre de la concurrence déloyale et ont rectifié l’erreur de plume affectant leur assignation sur ce point, rétorquent d’abord, en droit, qu’est inapplicable la Convention de Bruxelles mais que le règlement communautaire n° 44/2001 qui l’a remplacé (et en particulier son article 2, de portée générale, désignant le domicile du défendeur, et son article 5 § 2 désignant la juridiction où le fait dommageable s’est produit) a vocation à trouver application en l’espèce, s’agissant au surplus d’une demande de nature délictuelle qui donne compétence, selon son article 5 § 3, aux juridictions françaises et offre une option entre le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l’événement causal ;

Qu’en fait, exposent-ils, le fait générateur du dommage, à savoir l’abus de dépendance économique et la rupture brutale qui résultent du comportement de la société La Redoute, s’est produit en France, comme justement retenu par le juge de la mise en état, et qu’à défaut d’application de ce règlement 44/2001, l’article 46 du code de procédure civile leur permettrait d’agir en France ;

Que contrairement à ce que prétend l’appelante, ce juge n’a pas commis d’erreur de droit en retenant la compétence du tribunal pour connaître de l’ensemble du litige, les règles de compétence précitées s’appliquant à l’ensemble des chefs de préjudice dont ils poursuivent la réparation ; qu’ils estiment inopérants les différents arguments de la société La Redoute qui ne se fonde sur aucun texte pour rejeter l’application du droit français et l’incompétence des juridictions françaises et tente, en réalité, d’échapper à toute discussion sur sa responsabilité, la formule « à supposer que le droit de Hong-Kong connaisse ce genre de délit » laissant à cet égard, selon eux, peu de doute ; qu’ils concluent que le critère de rattachement aux juridictions de droit de Hong-Kong est sans pertinence et qu’il n’y a pas lieu à dissociation ;

Sur la désignation de la loi applicable au litige

Considérant que les demandeurs à l’action poursuivent la confirmation de l’ordonnance entreprise qui a notamment désigné la loi française comme étant la loi applicable au litige ;

Qu’interrogées par la cour sur la compétence du juge de la mise en état pour se prononcer sur le conflit de lois en regard des dispositions des articles 771 et suivants du code de procédure civile, les parties ont déclaré qu’elles laissaient à la cour le soin d’apprécier cette question, ainsi qu’acté ;

Qu’il y a lieu de considérer, dans ces conditions, qu’échappant au pouvoir juridictionnel du juge de la mise en état, le règlement du conflit de lois ressort de la compétence du juge du fond, de sorte que l’ordonnance sera infirmée sur ce point ;

Sur la compétence du tribunal de grande instance de Paris pour connaître d’une action en contrefaçon de modèles communautaires et en concurrence déloyale connexe

Considérant que dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société La Redoute ne sollicite pas l’infirmation de l’ordonnance querellée sur ce point ; qu’elle précise, dans leur corps, qu’elle ne conteste pas l 'énonciation du jugement selon lequel, aux termes des dispositions combinées des articles L 522-2 et R 522-1 du code de la propriété intellectuelle et R 211-7 du code de l’organisation judiciaire, le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour connaître des actions en contrefaçon de modèles communautaires et en concurrence déloyale connexe ;

Que cette juste application de la règle de droit par le juge, qui n’est pas davantage contestée par les demandeurs à l’action, mérite confirmation ;

Sur le conflit de juridictions

Considérant qu’afin de déterminer l’Etat dont les juridictions peuvent être saisies pour connaître des actions en indemnisation des préjudices résultant de la rupture abusive de relations commerciales établies et de l’abus de dépendance économique incriminés, la cour ne saurait éluder, comme le voudrait l’appelante, les principes de droit international privé dès lors que, comme en l’espèce, se manifeste un élément d’extranéité ;

Qu’ainsi que soutenu par les intimés, le règlement communautaire n°44/2001 du 22 décembre 2000 qui couvre, à l’exclusion de divers contentieux particuliers non concernés par le présent litige, les matières civiles et commerciales a vocation à trouver application du fait que son champ d’application territorial ne se limite pas aux rapports intracommunautaires ;

Qu’en effet, bien qu’aucune de ses dispositions n’en détermine explicitement le périmètre, le considérant 8 de son préambule énonce qu’ « il doit exister un lien entre les litiges couverts par le présent règlement et le territoire des Etats qu’il lie. Les règles communes en matière de compétence doivent doivent donc s’appliquer en principe lorsque le défendeur est domicilié dans un de ces Etats membres » ;

Qu’en outre, les intimés invoquent à juste titre les enseignements de la juridiction communautaire [CJUE, 13 juillet 2000, C-412/98 Group Josi Reinsuance Company SA / Universal General Insurance Company (UGIC) ] qui, sur question préjudicielle relative à la Convention du 27 septembre 1968 (remplacée par le règlement n° 44/2001), a dit pour droit que son titre II notamment relatif aux règles de compétence judiciaire en matière civile et commerciale « trouve en principe à s’appliquer dès lors que le défendeur a son domicile ou son siège sur le territoire d’un Etat contractant, même si le demandeur est domicilié dans un pays tiers. Il n’en irait autrement que dans les cas exceptionnels où une disposition expresse de ladite convention prévoit que l’application de la règle de compétence qu’elle énonce dépend de la localisation du domicile du demandeur sur le territoire d’un Etat contractant » ;

Qu’aux termes de l’article 2 alinéa 1er de ce règlement n° 44/2001 qui pose des règles générales s’imposant au juge sans qu’il ait pouvoir de les décliner au profit d’un autre for de la Communauté ou d’un Etat tiers qui lui semblerait plus approprié « les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat » ; qu’il en résulte, au cas particulier, que l’implantation sur le territoire français du siège social de la Société La Redoute défenderesse conduit à désigner les juridictions de l’Etat français pour connaître du litige ;

Que cette désignation des juridictions de l’Etat français s’impose d’autant plus, comme pertinemment soutenu par les intimés, que la rupture brutale de relations commerciales établies et l’abus de dépendance économique incriminés engagent la responsabilité délictuelle de leur auteur et que l’article 5 § 3 du règlement n° 44/2001 instaure une compétence alternative en permettant de saisir « le lieu où le fait dommageable s’est produit », expression explicitée par la juridiction communautaire énonçant qu’ « elle doit être entendue en ce sens qu’elle vise à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l’événement causal »[CJCE, 30 novembre 1976, Handelskwekerij G. J. Bier BV / Mines de potasses d’Alsace SA] ;

Qu’à cet égard, force est de considérer que le fait générateur des dommages dont les intimés poursuivent la réparation (rupture brutale et abus de dépendance économique) se sont déroulés en France au terme des relations d’affaires que les parties entretenaient, peu important l’activité précise de la société Fair Wind dans le cadre de cette relation ou encore l’importance respective des éléments se rattachant soit au lieu de survenance du dommage soit au lieu de l’élément causal, l’option de compétence ainsi ouverte n’étant soumise à aucune condition ;

Qu’il s’induit de tout ce qui précède que la société La Redoute n’est pas fondée à prétendre que les juridictions de Hong Kong doivent être saisies du litige ;

Sur la compétence du tribunal de grande instance de Paris pour connaître du contentieux de la rupture abusive de relations commerciales établies et de l’abus de dépendance économique

Considérant que pour déterminer la juridiction compétente de l’Etat français ainsi désigné, il convient de se reporter aux règles procédurales internes ;

Que vainement la société La Redoute prétend que la juridiction commerciale a compétence exclusive pour connaître des actes sanctionnés par les articles L 420-2 et L 422-6 du code de commerce au motif qu’il ne s’agit pas d’actes de concurrence déloyale (expressément visés par les articles précités du Livre V du code de la propriété intellectuelle comme relevant, en raison de leur connexité, de la compétence de la juridiction saisie de l’action en contrefaçon de modèles communautaires) mais des délits civils spécifiques ;

Qu’il s’agit en effet, comme il a été dit, d’actes engageant la responsabilité délictuelle de leur auteur et que c’est sans fondement juridique que la société La Redoute fait valoir que les textes du Livre V qu’elle vise et qui n’envisagent que la connexité d’actes de concurrence déloyale sont de stricte interprétation, d’autant qu’elle analyse par ailleurs les faits allégués par les demandeurs à l’action en concurrence déloyale comme des actes de parasitisme économique sanctionnés par l’article 1382 du code civil (page 6/17 de ses conclusions) sans en tirer les conséquences qui devraient s’évincer de son propre argument ; que c’est sans davantage de fondement juridique, si ce n’est la personnalité des protagonistes, qu’elle laisse entendre qu’une juridiction consulaire aurait seule compétence pour juger de la rupture et de l’abus incriminés ;

Que force est de considérer que l’exposé des faits à l’origine du litige dont le tribunal de grande instance a été saisi permet de retenir l’existence d’un lien entre les faits de contrefaçon, de concurrence déloyale, de rupture de relations commerciales établies et d’abus de dépendance économique ;

Qu’ils se sont, en effet, enchaînés à la même époque en affectant les rapports entre les mêmes parties qui entretenaient un flux d’affaires ; que c’est dans ce cadre que des modèles ont été remis à titre de simples « tests » à la société La Redoute qui en a fait un usage à l’origine de la dégradation de leur relation ; qu’en raison de ce lien et de l’influence potentielle de la solution donnée à chacune des actions initiées, il apparaît utile de les instruire et juger ensemble ;

Que, surabondamment, n’est pas indifférente la formule figurant dans le dispositif des conclusions de la société La Redoute, à savoir : « à supposer que le droit de Hong-Kong connaisse ce genre de délits civils », qui pourrait laisser craindre un déni de justice ;

Qu’il suit que la société La Redoute n’est pas davantage fondée à prétendre que les faits de rupture de relations commerciales établies et d’abus de dépendance économique qui lui sont reprochés doivent être jugés par une juridiction commerciale et que, sur cet autre point, l’ordonnance entreprise mérite confirmation ;

Sur les autres demandes

Considérant que l’équité conduit à allouer à la société Fair Wind Industry Ltd et à Monsieur [Z] la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que la société La Redoute qui succombe sera déboutée de ce dernier chef de prétentions et supportera les dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance rendue le 25 septembre 2009 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu’il a désigné la loi applicable au litige et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ;

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande relative au droit applicable au litige excédant le pouvoir juridictionnel du juge de la mise en état ;

Déboute la société La Redoute SA de ses prétentions ;

Condamne la société La Redoute à verser à la société Fair Wind Industry Ltd et à Monsieur [N] [Z] la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d’appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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