Cour d'appel de Paris, 26 mars 2014, n° 12/08406

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Sur la décision

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 26 MARS 2014

(n° 102 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/08406

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 20 Mars 2012 par le Tribunal de Commerce de BOBIGNY – RG n° 2010F01075

APPELANTS

Monsieur C X

XXX

XXX

LA SELARL Y ès qualité de «Mandataire liquidateur de la SARL TRIONETT»

XXX

XXX

Représentées par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Sébastien BOUTES plaidant pour la SCP HYEST et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311

INTIMÉS

LA SOCIÉTÉ HOLDER

XXX

XXX

LA SOCIÉTÉ G Z tant pour elle-même que venant aux droits de la société d’exploitation SAINT PREUX

XXX

XXX

LA SOCIÉTÉ PATISSERIE E.LADUREE

XXX

XXX

LA SOCIÉTÉ E F

XXX

XXX

LA SOCIÉTÉ A

XXX

XXX

Représentées par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistées de Me Amélie ROTHMAN plaidant pour la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 370

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Février 2014, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Président, chargée du rapport et Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Président, rédacteur

Madame Irène LUC, Conseiller

Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire..

******

La société par actions simplifiée G Z, la société par actions simplifiée Patisserie E.Ladurée, la société en nom collectif Société d’Exploitation Saint Prieux, la société à responsabilité limitée E F et la société à responsabilité limitée A détenues par la société par actions simplifiée Holder ont eu recours aux services de la société Trionett dont monsieur X est le gérant, pour la réalisation de prestations de nettoyage de leurs magasins.

Par jugement en date du 12 février 2007, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Trionett et a admis un plan de continuation d’une durée de dix ans.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 août 2008 et du 9 septembre 2008 pour la société Pâtisserie Ladurée, les sociétés intimées ont informé la société Trionett de la mise en place d’une appel d’offre national pour les prestations liées au nettoyage de leurs locaux et en conséquence, de la cessation de leurs relations contractuelles avec cette dernière à compter du 31 décembre 2008.

Par jugement du 11 mars 2009, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Trionett et a désigné la SELARL Y aux fonctions de mandataire liquidateur.

Par actes en date du 10 et 16 mars 2009, les sociétés Y et Trionett ainsi que monsieur X ont assigné les sociétés G Z, Holder, Patisserie E.Ladurée, la société d’exploitation Saint Prieux, les sociétés E F et A devant le président du tribunal de commerce de Bobigny statuant en référé aux fins d’obtenir à titre provisionnel réparation du préjudice résultant d’un abus de dépendance économique et d’une rupture brutale des relations commerciales établies.

Par ordonnance en date du 4 juin 2009, le président du tribunal de commerce de Bobigny a renvoyé l’affaire au fond en raison de l’existence d’une contestation sérieuse.

Par jugement du 20 mars 2012, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Bobigny a':

— dit que la société Y, ès qualités est bien fondée en sa demande de mise en cause de la société Holder,

— débouté en totalité la société Y, ès qualités en sa demande de dommages intérêts au titre de la dépendance économique,

— condamné in solidum les sociétés G Z, Holder, Patisserie E.Ladurée, Société d’Exploitation Saint Prieux, les sociétés E F et A à payer à la société Y, ès qualités la somme de 20 000 euros et débouté la société Y ès qualités du surplus de sa demande au titre de dommages et intérêts,

— débouté monsieur X de sa demande de dommages et intérêts,

— condamné in solidum les sociétés G Z, Holder, Patisserie E.Ladurée, Société d’Exploitation Saint Prieux, E F, A à payer à la société Y, ès qualités la somme de 5 000 euros et débouté la société Y du surplus de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné in solidum les sociétés G Z, Holder, Patisserie E.Ladurée, XXX, E F et A à payer la somme de 1 500 euros à monsieur X et débouté celui-ci du surplus de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Trionett, la société Y es qualités ont interjeté appel de cette décision le 2 mai 2012 ; monsieur X a interjeté appel le 4 mai 2012.

A la suite de l’absorption par la société G Z de la Société d’Exploitation XXX, la société G Z vient dans cette procédure pour elle-même et aux droits de la société XXX.

Par ordonnance en date du 4 septembre 2012, le conseiller de la mise en état a joint les deux appels.

Par conclusions signifiées le 28 novembre 2012, la société Y es qualités et monsieur X demandent à la Cour de :

A titre liminaire sur la procédure:

— prendre acte que la présente Cour a été saisie de trois déclarations d’appel successives, la première en date du 30 avril 2012 pour la SELARL Y, es-qualités, la seconde pour la SELARL Y, ès qualités, et la société TRIONETT en date du 2 mai 2012 distribuée devant le pôle 5- chambre 4 sous le RG 12/08211, la troisième à la requête de M. X en date du 4 mai 2012 distribuée devant le pôle 5 – chambre 4 sous le RG 12/08406,

— distribuer l’appel du 30 avril 2012 devant le pôle 5- chambre 4 et joindre les trois appels sous le numéro RG 12/08406,

— prendre acte que c’est au prix d’une erreur matérielle que la société Patisserie Ladurée apparaît comme appelante sous la constitution de Me Hiest Noblet aux termes de la déclaration d’appel du 2 mai 2012, ladite société étant intimée sur l’appel des parties concluantes et dûment constituée et représentée par la SCP Fisselier et associés,

Sur le fond:

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SELARL Y ès qualités et M. X de leur demande d’injonction de produire un extrait de leur livre comptable pour les exercices de 1999 à 2007 mentionnant le chiffre d’affaires réalisé avec la société Trionett,

Statuant à nouveau de ce chef,

— enjoindre les sociétés intimées de produire aux débats un extrait de leur livre comptable pour les exercices de 1999 à 2007 mentionnant le chiffre d’affaires réalisé avec la société Trionett,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la responsabilité des sociétés intimées et les a condamnées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— l’infirmer quant au quantum des dommages et intérêts prononcés à leur encontre,

Statuant à nouveau de ce chef,

— condamner in solidum les sociétés intimés à payer à la société Y es qualités la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire,

— condamner in solidum les sociétés intimées à payer à M. X la somme de 50 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts,

— condamner in solidum les sociétés intimées à payer à la société Y, es qualités la somme de 7 500 euros et à monsieur X une somme de 3000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre liminaire, les appelants estiment que les sociétés du groupe Holder ont agi comme une entité collective en raison notamment du règlement des factures avec entête au nom de la société mère et de la dénonciation simultanée des différents contrats par la même personne.

Les appelants soutiennent que la société Trionett était en situation de dépendance économique à l’égard des sociétés intimées en raison de la notoriété de leur marque, de l’importance du chiffre d’affaires réalisé avec elles, de la durée de leur relation commerciale et des faibles marges réalisées par la société Trionett et que les intimées ont abusé de cet état de dépendance économique en rompant brutalement toutes leurs relations commerciales en même temps et sans aucun préavis, en soumettant la société Trionett à des conditions de règlement des factures qui ne respectaient pas les délais (nombreux retards de paiement). A ce titre, les appelants sollicitent la réparation du préjudice financier subi par la société Trionett ainsi que la réparation du préjudice moral subi par monsieur X.

Par conclusions signifiées le 28 septembre 2012, les sociétés Holder, G Z venant tant pour elle-même qu’aux droits de la société Saint-Preux, les sociétés Patisserie Ladurée, E F et A demandent à la Cour de':

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit la société Y, ès qualités bien fondée en sa demande de mise en cause de la société Holder;

Statuant à nouveau,

— ordonner la mise hors de cause de la société Holder, étrangère au présent litige,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Y, ès qualités et monsieur X de leur demande d’injonction de produire un extrait de leur livre comptable pour les exercices de 1999 à 2007 mentionnant le chiffre d’affaires réalisé avec la société Trionett,

A titre principal :

— dire et juger que la société Y, ès qualités et monsieur X ne caractérisent pas l’abus de dépendance économique dont ils se prévalent,

en conséquence,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté en totalité la société Y, ès qualités et monsieur X de leur demande de dommages et intérêts au titre de la dépendance économique,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit la société Y, ès qualités, partiellement bien fondée en sa demande de dommages et intérêts au titre d’une prétendue rupture brutale de relations commerciales établies et a condamné in solidum des sociétés en cause à lui verser la somme de 20 000 euros à ce titre,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que la société Y, ès qualités ne caractérise pas l’existence d’une relation commerciale établie avec les sociétés G Z, Pâtisserie Ladurée, Société d’Exploitation de XXX, E F et A,

— dire et juger en tout état de cause qu’aucune rupture brutale des relations commerciales entre la société Trionett et les sociétés intimées n’est intervenue du fait de ces dernières,

A titre subsidiaire :

— dire et juger que la société Y, ès qualités et monsieur X ne rapportent pas la preuve de la réalité et de l’étendue du préjudice qu’ils invoquent, ni d’un lien de causalité entre ce prétendu préjudice et une quelconque faute des sociétés intimées,

En conséquence,

— débouter purement et simplement la société Y, ès qualités et monsieur X de l’ensemble de leurs demandes,

En tout état de cause,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté monsieur X de sa demande de dommages et intérêts,

— condamner in solidum la société Y, ès qualités et monsieur X à payer aux sociétés intimées la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés intimées exposent que la société Holder doit être mise hors de cause en raison de l’absence de lien contractuel de cette société mère avec la société Trionett et en l’absence de toute apparence trompeuse de sa part propre à faire croire à la société Trionett qu’elle était son cocontractant.

Elles font valoir que les conditions cumulatives permettant de caractériser un abus de dépendance économique ne sont pas réunies du fait du défaut de preuve de l’existence d’une situation de dépendance économique (par l’importance du chiffre d’affaires réalisé avec chacune des sociétés intimées et de la difficulté de trouver une solution équivalente), d’une exploitation abusive de cet état et d’une affectation de la structure de la concurrence sur le marché.

Les sociétés intimées soutiennent que leurs relations commerciales avec la société Trionett doivent s’analyser individuellement et non dans leur globalité. Elles estiment qu’aucune des relations commerciales n’est établie compte tenu de leur absence de caractère stable, suivi et habituel. En tout état de cause, les sociétés intimées considèrent que les délais de préavis appliqués (cinq mois pour les sociétés G Z, Saint Prieux, E F et A et quatre mois pour la société Pâtisserie Ladurée) ont été suffisants.

Par ailleurs, les sociétés intimées prétendent que les appelantes ne produisent aucun élément permettant de démontrer un retard systématique dans le règlement des factures sinon pour de quelques factures de la société Boulangerie Z en raison d’un désaccord sur le prix des prestations et d’erreurs.

Subsidiairement, les sociétés intimées soutiennent que les appelants ne prouvent pas la réalité du préjudice invoqué (défaut d’élément susceptible de déterminer la marge brute de la société Trionett) et le lien de causalité entre la faute et le préjudice (redressement judiciaire antérieur à la cessation des relations contractuelles).

SUR CE :

Sur la mise en cause de la société Holder :

Considérant que les sociétés G Z et Patisseries Ladurée sont des sociétés filiales de la société Holder, que les sociétés A et E F qui sont des sociétés franchisées n’ont pas de lien capitalistiques avec la société Holder ;

Considérant que la mise en cause de la société Holder suppose l’immixtion de celle-ci dans le fonctionnement de ses filiales créant l’ apparence qu’elle était le cocontractant de la société Trionett ;

Considérant en l’espèce que si, comme le rapporte la société Trionett, des bons de commandes et des courriers ont été établis à l’entête de la société Holder, ou encore si le courrier de résiliation de chacune des sociétés émane de la même personne, il apparaît toutefois que lesdits bons de commandes et courriers portent toujours le nom de la société qui les a émis ; que par ailleurs, la société Trionett a toujours établi les factures à l’ordre de chaque société débitrice des prestations qu’elle lui a fournies et ses relevés fournisseurs portent le nom de chacune des sociétés concernées ; que la société Trionett ne s’est jamais trompée sur la personne de son cocontractant ;

Considérant qu’il y a lieu de mettre hors de cause la société Holder ;

Sur la demande de la société Trionett :

Considérant que la société Trionett estime que sa situation de dépendance économique est exploitée par les intimées qui lui ont imposé la rupture brutale de leurs relations commerciales et l’ont soumise à des conditions de règlements «abusives», invoquant les articles L 420-2 alinéa 2 et L 442-6 I 5° et 7° du code de commerce ;

Sur l’abus de situation de dépendance économique de l’article L 420-2 :

Considérant que, selon l’article L 420-2 du code de commerce, «Est prohibée dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprise de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent consister … en pratiques discriminatoires visées au I de l’article L 442-6…» ;

Considérant que l’article L 420-2 du code de commerce est un texte d’incrimination dont l’objet est de protéger le marché, qu’il n’a pas pour finalité de protéger le partenaire cocontractant en position de dépendance économique ; que tout au plus, si la dépendance est constatée, elle peut constituer une circonstance aggravante permettant au juge de mieux apprécier le montant des dommages-intérêts à allouer en réparation du préjudice subi par le cocontractant dépendant ;

Considérant que la société Trionett fait ainsi état de la notoriété de la marque des intimées, du taux de chiffre d’affaires accompli par Trionett avec ces sociétés, de la faiblesse de ses marges, de ses ressources financières, de l’ancienneté de ses relations pour dire que sa situation de dépendance n’est pas contestable ; qu’en l’espèce toutefois, les allégations ainsi faites ne sauraient suffire ; qu’il lui incombe en effet de rapporter la preuve de l’existence de plusieurs critères cumulatifs de nature à établir cette dépendance, que ce soit la notoriété de la marque du fournisseur, l’importance de la part de marché du fournisseur, l’importance de sa part de marché dans le chiffre d’affaires du «revendeur» à condition toutefois que cette part ne résulte pas d’un choix délibéré de politique commerciale de l’entreprise cliente, la difficulté pour le distributeur d’obtenir d’autres fournisseurs des produits équivalents ; que comme le relèvent les intimées, cette preuve de la réalisation de ces diverses conditions n’est manifestement pas faite, à l’exception de sa notoriété que les parties ne contestent pas :

— que le chiffre d’affaires réalisé avec les intimées n’est pas justifié alors que la société Trionett doit manifestement avoir dans sa comptabilité tous les éléments utiles pour ce faire sans demander aux intimées de produire aux débats un extrait de leur livre comptable pour les exercices 1999 à 2007 mentionnant le chiffre d’affaires réalisé avec la société Trionett,

— que l’absence de solution économiquement ou techniquement équivalente, la recherche d’un autre marché très difficile voire impossible ne sont pas plus démontrées ; que la société Trionett qui propose en effet des prestations de services de nettoyage sans caractères spécifiques et n’a jamais été tenue par une clause d’exclusivité vis à vis des sociétés intimées, ne justifie pas qu’elle ne peut poursuivre la même activité en exposant des frais équivalents et dans un délai raisonnable,

— qu’il n’est nullement démontré que la part du marché que représentent les intimées sur le marché du nettoyage dans la région parisienne est dominante,

— que la «dépendance économique» de la société Trionett ne saurait être renforcée par l’existence d’une clientèle «satellitaire» en ce qu’elle aurait développé une clientèle à proximité des boutiques des sociétés intimées, alors que rien ne lui impose de concentrer son activité auprès des magasins des intimées et qu’au surplus, rien ne justifie qu’elle a d’ailleurs perdu cette clientèle «satellitaire» ;

Considérant que la société Trionett est mal fondée à faire état de sa dépendance économiques et ne peut invoquer les dispositions de l’article L 420-2 alinéa 2, au soutien de ses demandes ;

Sur l’application des dispositions de l’article L 442-6 I 5 ° du code de commerce :

Considérant que selon les dispositions de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce, met en jeu sa responsabilité et s’oblige à réparer le préjudice causé le commerçant qui rompt abusivement… une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;

Considérant que ce texte édicte une responsabilité personnelle, qu’il exclut toute responsabilité du «groupe d’entreprises» et ne permet pas que soit appréciée globalement la responsabilité des «sociétés du groupe Holder» ; que la société Trionett doit d’établir l’existence de relations commerciales entretenues avec chaque société intimée, puis la faute de chacune d’elles, le préjudice qu’elle subit et le lien de causalité ;

Considérant pour ce qui concerne la relation commerciale établie, que la société Trionett indique que «compte tenu de l’ancienneté des relations commerciales entretenues par la société Trionett avec les sociétés du groupe Holder (dont les premières remontent à 1998 avec les G Z), un préavis d’au moins un an était justifié», qu’elle estime que la relation n’était pas précaire, dès lorsque les contrats à durée déterminée dont la conclusion lui était imposée étaient sans cesse renouvelés et que les intimées ont cru bon respecter les conditions prévues par la convention collective des entreprises de propreté ;

Considérant la société Trionett verse aux débats des extraits de ses livres comptables, du grand livre des comptes clients, des relevés fournisseurs, des contrats signés, pièces admissibles pour établir les relations commerciales alléguées ; qu’ il apparaît ainsi que la société Trionett a entretenu avec la société Boulangerie Z des relations à partir de l’année 1994 et que dès 1998, la société Trionett a assuré régulièrement des prestations pour le compte de celle-ci ; qu’il en va de même avec la société Saint- Preux à partir de l''année 1998 ; que pour les autres sociétés, peu important qu’elles soient des filiales comme la société Ladurée, franchisées comme la société A et E F, les relations sont entretenues sur une période beaucoup plus courte, que les relations sont établies pour la société Ladurée depuis 2006, avec la société A depuis 2005 et pour la société E F entre février et décembre 2008 ;

Considérant que ces relations sont stables ; que tous les ans, des prestations étaient demandées et réalisées ; que dans le dernier état de leurs relations, comme la preuve en est rapportée, il s’agissait pour les intimées d’émettre en février ou mars à destination de la société Trionett des bons de commandes précisant la nature des prestations et le lieu de leur réalisation jusqu’en décembre, que la «ponctualité» de ces prestations qui avaient lieu deux fois par mois dans chaque site ne leur conférait pour autant aucun caractère précaire, contrairement à ce que soutiennent les intimées ;

Considérant que la reconduction tous les ans de ces relations pour certaines fort anciennes en assurait la stabilité ; qu’elle a permis à la société Trionett de considérer que les relations commerciales n’étaient pas sérieusement remises en cause chaque année ; que lorsque des prestations fournies ont parfois cessé, c’était en raison de la disparition du magasin dans lequel les prestations étaient effectuées et cela n’affectait pas pour autant la relation commerciale ;

Considérant que le préavis doit être envisagé en fonction de la durée des relations commerciales entretenues, que si le préavis de trois ou quatre mois apparaît suffisant au regard de la durée des relations entretenues avec les sociétés Ladurée, A et E F, en revanche, il est insuffisant pour la rupture des relations entre la société G Z tant en son nom que venant aux droits de la société Saint-Preux, avec la société Trionett et doit être fixé à un an pour la rupture de chaque relation commerciale ainsi entretenue ;

Sur l’application de l’art L 442-6 I 7° du code de commerce :

Considérant que la société Trionett fait état «d’importants retards mis par le groupe Holder à régler les factures», ce qui, selon elle, a eu pour effet de la soumettre à des conditions de règlements manifestement abusives ; qu’elle ajoute que le non respect des délais de règlements a obéré sa trésorerie et l’a conduite à la liquidation judiciaire ; que les sociétés intimées font remarquer que la société Trionett ne justifie pas ses propos, que quelques courriers de relance concernent la seule société G Z qui observe que la société Trionett lui adressait des les factures affectées d’un grand nombre d’erreurs et qu’elle a facturé ses prestations avec beaucoup de retard ;

Considérant que selon l’article précité : «Engage sa responsabilité et l’oblige à réparer le préjudice causé par le fait de soumettre un partenaire à des conditions de règlements qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l’article L 441-6 ou qui sont manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux et s''écartent au détriment du créancier sans raison objective, du délai indiqué au huitième alinéa de l’article L 441-6. Est notamment abusif le fait, pour un débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d’émission de la facture.» ;

Considérant que la société Trionett se contente d’affirmer sans préciser à quelles dates elle a constaté des retards dans les paiements et quelle société en est l’auteur, se contentant d’un renvoi à des «relevés de fournisseurs», «factures», «remises d’effets en Euros» sans correspondances entre ces pièces et qui ne permettent pas d’établir ses dires ; que pour ce qui concerne les factures émises à l’encontre de la société G Z, il apparaît que la société Trionett a établi à plusieurs reprises des factures en «doublon», s’est trompée sur le montant des prestations de sorte que la société G Z qui ne payait pas systématiquement ses factures avec retard, pouvait en solliciter la rectification préalablement au paiement ;

Considérant que ces circonstances ne permettent nullement d’établir que, comme le soutient la société Trionett, les intimées l’ont soumise à des conditions de paiement abusives réprimées par l’article L 442-6 I 7° du code de commerce ;

Sur le préjudice réparable :

Considérant que société Trionett soutient que l’attitude des sociétés intimées est à l’origine du prononcée de sa liquidation judiciaire, qu’elle ne verse toutefois aux débats aucun élément justifiant cette affirmation, n’ayant pas cru bon de produire notamment le rapport établi pour la résolution du plan et la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, que le lien de causalité entre la rupture des relations commerciales et la résolution du plan n’est pas établi ;

Considérant qu’il a été dit que le délai du préavis effectif de trois mois lors de la rupture des relations avec la société G Z et Saint-Preux avait été insuffisant et devait être fixé à une année, que le préjudice ici indemnisable est la perte de marge brute subie par la société Trionett sur la période supplémentaire de neuf mois (trois mois ayant déjà été donnés), que selon les pièces versées aux débats, il apparaît que le tribunal a justement fixé le montant des dommages-intérêts à la somme de 20000 Euros soit 10000 Euros pour chacune des deux ruptures, que la décision sera confirmée sur ce point ;

Sur la demande de dommages-intérêts de monsieur X :

Considérant que monsieur X ne justifie pas le préjudice moral qu’il dit avoir subi en raison du comportement des sociétés intimées, qu’il sera débouté de sa demande ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement en ce qu’il a accueilli la mise en cause de la société Holder, condamné les sociétés intimées in solidum,

Statuant à nouveau,

Met hors de cause la société Holder,

Condamne la société G Z venant en son nom et au nom de la société Saint-Preux à payer à la société Trionett représentée par son mandataire liquidateur la selarl Y, la somme de 20 000 Euros à titre de dommages-intérêts et celle de 5000 Euros au titre de l’indemnité pour frais irrépétibles ;

Confirme le jugement pour le surplus,

Dit n’ y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles en cause d’appel,

Condamne la société G Z venant en son nom et au nom de la société Saint-Preux aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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