Cour d'appel de Paris, 10 novembre 2015, n° 14/23492

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 10 nov. 2015, n° 14/23492
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/23492
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 6 octobre 2014, N° 2013035366

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/23492

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Octobre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2013035366

APPELANT :

Monsieur Z C

né le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

Représenté par Me Blaise GUICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0573

INTIMEE :

SAS WIT, prise en la personne de ses représentants légaux,

inscrite au RCS de Paris sous le numéro 513 648 675

XXX

XXX

Représentée par Me Sébastien GOGUEL-NYEGAARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0504

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Septembre 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente, et Joël BOYER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente

Joël BOYER, Conseiller

D BEDOUET, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

La Société Wit France, créée en 2006, conditionne et commercialise des tubes en verre de dégustation de vins, autres alcools, épices et huiles, généralement destinés à être offerts en coffrets dans le cadre d’opérations de marketing.

Son capital était initialement détenu par cinq actionnaires personnes physiques, parmi lesquels figuraient le fondateur M. D E et M. Z Y, par ailleurs directeur salarié.

En juillet 2009 a été créée une société-mère, la Société Wit, qui détient depuis lors 100% des actions de Wit France.

Plusieurs levées de fonds ont été réalisées de 2009 à 2011 auprès d’investisseurs, de sorte que fin 2011, deux fonds d’investissement, FIP Entrepreneurs Venture et FCPI Siparex détenaient la majorité du capital de la société Wit, M. Y détenant 13,57% des actions.

La société Wit a opéré en 2012 deux nouvelles levées de fonds sous forme d’emprunts obligataires convertibles en actions pour un montant, chacun, de 600 095 euros, le premier ayant été approuvé par décision d’assemblée générale du 24 février 2012, le second par l’assemblée générale du 26 novembre 2012. Les obligations convertibles en actions n’ont été souscrites que par les deux fonds d’investissement.

M. Y a été licencié le 27 février 2013 à effet du 30 mai 2013.

Par acte du 3 juin 2013, il a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société Wit en poursuivant la nullité de l’assemblée générale du 26 novembre 2012 et, subsidiairement, la nullité de la 5e résolution de cette assemblée décidant de l’émission de l’emprunt obligataire aux motifs d’une insuffisante information des actionnaires et du caractère frauduleux de l’opération qui n’aurait eu d’autre objet que de diluer sa participation.

Par jugement du 7 octobre 2014, le tribunal de commerce l’a débouté de ses demandes, a débouté la société Wit 'Wine in Tube’ de ses demandes reconventionnelles, a débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné M. Y aux dépens.

M. Y a relevé appel de cette décision selon déclaration en date du 21 novembre 2014.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 janvier 2015, il demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, au visa des articles 1382 et R 225-120 du code de commerce, de constater l’irrégularité de la convocation à l’assemblée du 26 novembre 2012 en raison notamment de l’absence d’avis contenant les indications de l’opération proposée, en tout état de cause, de constater le caractère frauduleux de l’augmentation de capital de l’emprunt obligataire convertible en actions, de constater l’abus de majorité en conséquence, de constater la nullité de l’assemblée générale de la société Wit qui s’est tenue le 26 novembre 2012, subsidiairement, de constater la nullité de la 5e résolution décidant l’émission d’un emprunt obligataire d’un montant de 600 095 euros convertible en actions, de condamner la société Wit à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mars 2015, la société Wit demande à la cour, au visa des articles R 225-120 et L.235-1 du code de commerce, de l’article 1382 du code civil et de l’article 32-1 du code de procédure civile, de constater que M. Y est incapable de justifier avoir été privé des informations prévues à l’article R.225-120 du code de commerce avant l’assemblée générale du 26 novembre 2013, de constater qu’un hypothétique manquement aux dispositions de ce texte serait sans conséquence sur la validité de l’assemblée générale et des délibérations prises, de constater au surplus que

M. Y ne justifie d’aucun grief lié à un hypothétique manquement aux dispositions de l’article R.225-120 du code de commerce, de constater que la 5e résolution de l’assemblée générale mixte du 26 novembre 2013 ayant autorisé l’émission d’un emprunt obligataire convertible en actions n’a rien de « frauduleux », de constater que la 5e résolution de l’assemblée générale mixte du 26 novembre 2013 n’est pas contraire à l’intérêt de cette société et ne favorise en rien les actionnaires majoritaires au détriment des minoritaires, si bien que son adoption à 84,3% n’est pas constitutive d’abus de majorité, de constater que sous couvert de la présente procédure, M. Y cherche uniquement à démontrer sa capacité à nuire à la Société Wit et ce, afin de contraindre les actionnaires au rachat de ses propres actions ; si bien que cette procédure est entachée d’abus, de confirmer en conséquence, le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. Y de ses demandes, de l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner M. Y à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens.

SUR CE

Sur la nullité de l’assemblée générale prise du non respect des conditions de convocation

M. Y souligne que la convocation pour l’assemblée générale du 26 novembre 2012 se bornait à mentionner dans son ordre du jour le projet d’émission d’un emprunt obligataire, l’ordre du jour étant accompagné d’une formule de pouvoir, du rapport du président et du texte des projets de résolution qui précisaient le montant nominal de l’emprunt (600 095 euros divisé en 60 545 obligations de 9, 91 euros chacune) et le rapport de conversion (soit trois actions pour une obligation), sans comporter l’ensemble des informations exigées par l’article R 225-120 du code de commerce lorsqu’une émission de valeurs mobilières donnant accès au capital est susceptible d’entraîner une augmentation de celui-ci, au titre desquelles auraient dû normalement figurer le caractéristiques de l’opération, soit en particulier le taux d’intérêt servi, les conditions de paiement des intérêts, l’échéance de l’emprunt obligataire, les délais et conditions de conversion, la prime de non-conversion, les clauses d’exigibilité anticipée, tous éléments de la connaissance desquels il a été privé.

Mais l’article R 225-120 du code de commerce ne sanctionne pas de nullité l’inobservation des formalités liées à la communication aux actionnaires des documents qu’il énumère en cas d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital, de sorte que la méconnaissance de ce texte, en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte au droit à l’information des actionnaires, ne peut être frappée de nullité qu’en cas de grief rapporté par celui qui s’en prévaut.

En l’espèce, il est constant que le projet de cinquième résolution a été communiqué avec la convocation à l’assemblée générale, lequel précisait la période de souscription et renvoyait explicitement, s’agissant des délais et conditions de conversion, au projet de contrat mentionné en annexe 1, ces derniers mots étant portés sur le projet de résolution en caractères gras, d’où il résulte que M. Y n’a pas été privé, dans l’hypothèse où le projet de contrat n’aurait pas été joint à l’envoi comme il le soutient, de la faculté de le réclamer préalablement à la tenue de l’assemblée générale, ce dernier comportant l’ensemble des caractéristiques de l’opération visées par l’article R 225-120 du code de commerce, qu’il ne justifie pas avoir réclamé ce document alors qu’il avait procédé de la sorte lors de la précédente assemblée générale mixte du 24 février 2012 comme la société Wit l’établit, laquelle s’était prononcée sur une précédente opération aux caractéristiques identiques et qu’il était en outre représenté lors de cette l’assemblée du 26 novembre après avoir donné une indication de vote défavorable, notamment à la cinquième résolution relative à l’émission de l’emprunt obligataire, sans avoir exprimé de réserve dans le courrier d’accompagnement de son pouvoir sur le caractère insuffisant des informations auxquelles il avait eu accès, étant au demeurant relevé que la résolution litigieuse a été adoptée à une majorité de 84,3%.

En cet état, M. X manque à établir le grief qu’il invoque pris de la méconnaissance alléguée de son droit à l’information, au soutien de sa demande de nullité de l’assemblée générale toute entière ou de la seule cinquième résolution.

S’agissant enfin du préjudice résultant de l’impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de souscrire lui-même aux obligations convertibles ainsi émises, il sera relevé qu’informé de l’opération dont les caractéristiques ont été définitivement arrêtées lors d’une assemblée générale mixte à laquelle il s’était fait régulièrement représenté, il reconnaît lui-même dans ses écritures ne pas avoir été dans la situation financière lui permettant d’y souscrire, de sorte que le grief allégué secondairement n’est pas plus établi que le premier.

Le moyen de nullité tiré d’un manquement à son doit à l’information sera par conséquent rejeté.

Sur le moyen pris du caractère frauduleux de l’emprunt obligataire et de l’abus de majorité

M. Y s’étonne des caractéristiques de l’opération en relevant que compte tenu de la valeur d’émission des obligations (9,91 euros) et du taux de conversion (trois actions pour une obligation souscrite), les associés souscripteurs avaient vocation à accroître leur participation pour une valeur de l’action à 3,30 euros, soit trois fois inférieure à la valorisation de l’action à la date d’émission de l’emprunt.

Il relève encore que le taux d’intérêt servi était de 4% payable chaque année auquel venait s’ajouter une prime de non conversion de 8% soit un taux d’intérêt de 12 % en cas de non conversion, sans commune mesure avec le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées.

Contestant les arguments de la société Wit sur la perte de valeur de l’action à la date d’émission de l’emprunt obligataire, s’étonnant des termes du rapport du commissaire aux comptes qui n’a formulé aucune observation sur le choix des éléments de calcul du prix d’émission des titres de capital à émettre et sur son montant alors qu’aucune valeur de l’action n’a été fixée au moment de la souscription, l’appelant soutient qu’à l’inverse des caractéristiques et bénéfices généralement attendus d’un emprunt obligataire en actions – prix de souscription des obligations toujours supérieur à la valeur des actions et charge des intérêts pesant sur la société émettrice inférieure à celle des emprunts classiques- l’opération en cause était contraire à l’intérêt social et avait pour effet de nuire à ceux des associés minoritaires empêchés de souscrire dont la participation au capital se trouvait diluée pour une action valorisée, ensuite de la conversion, largement inférieure à sa valeur à la date d’émission, en l’espèce, 7,70 euros au lieu de 9, 91 euros.

Mais l’appelant ne saurait être suivi dans sa démonstration pour les motifs retenus par les premiers juges et que la cour fait siens.

Il suffira de constater que le précédent emprunt obligataire convertible émis en février 2012, aux caractéristiques en tous points identiques, n’encourt aucune critique de M. Y, que six mois plus tard, les capitaux propres de la filiale Wit France étaient négatifs à 603 609 euros et ceux de la mère Wit positifs à 822 383 euros avec un endettement cumulé des deux sociétés supérieur à 2,1 millions, pour un chiffre d’affaires consolidé de 836 000 euros, que le besoin de trésorerie ensuite de cette première opération a été acté par le comité de surveillance, ce qui a conduit à l’émission de ce second emprunt obligataire convertible, qu’ensuite de cette seconde opération, au 31 décembre 2012 les capitaux propres de la filiale Wit France étaient négatifs à hauteur de 597 487 euros et ceux de la mère positifs à hauteur de 597 995 euros pour un endettement cumulé de 3,6 millions d’euros et un chiffre d’affaires consolidé de 1,7 millions d’euros, tous éléments influant nécessairement sur la valorisation de l’action à ces dates et sur le taux de conversion proposé aux éventuels souscripteurs, qui ne bénéficiaient d’aucune garantie de paiement des intérêts ni de remboursement des obligations comme il était stipulé au contrat, étant de surcroît observé que l’opération projetée n’a appelé aucune observation du commissaire aux comptes.

La rupture d’égalité entre actionnaires, également alléguée, n’est nullement établie dès lors que l’émission n’était assortie d’aucune exception ni renonciation au droit préférentiel de souscription des associés, de sorte que M. Y comme tous autres pouvait y souscrire à proportion de sa part de capital.

L’allégation selon laquelle l’opération n’aurait eu d’autre but que de diluer la participation de l’appelant est encore contredite par la prime de non conversion de 8% offert aux souscripteurs, dont l’appelant soutient, sans souci de se contredire, quelle est excessive alors qu’elle a précisément pour objet d’inciter les souscripteurs à différer la conversion de leurs obligations en actions.

En cet état, aucune des caractéristiques de l’opération, nécessairement négociée par la société Wit confrontée à des besoins urgents et récurrents de trésorerie pour pouvoir se développer, avec les actionnaires les plus susceptibles d’y pourvoir avec les risques afférents, soit les fonds d’investissements, n’établit la fraude alléguée ni l’abus de majorité lequel supposerait que ladite opération soit contraire à l’intérêt social et de nature à préjudicier aux droits des minoritaires, aucune de ces deux démonstrations n’étant faite, étant à cet égard relevé que tous les associés personnes physiques autres que M. Y, tout aussi minoritaires que lui et qui pas plus que lui n’ont souscrit à l’emprunt convertible, ont voté en faveur de cette résolution.

M. Y sera dès lors débouté de ses demandes.

Sur les autres demandes

Faute de démonstration d’un préjudice autre que celui résultant de la nécessité de défendre à l’action, réparé par ailleurs, la société Wit sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Il lui sera alloué en équité la somme de 6 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Condamne M. Y à payer à la société Wit la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Y aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

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