Cour d'appel de Paris, 14 octobre 2016, n° 15/12406

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

rosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE
FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 14 OCTOBRE 2016

(n°180, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/12406

Décision déférée à la Cour :
jugement du 07 mai 2015 – Tribunal de grande instance de PARIS
- 3e chambre 4e section – RG n°13/18357

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEE
INCIDENTES

S.A.S. NACO, agissant en la personne de son président domicilié XXXsocial situé

XXX

XXX

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 348 607 847

S.A.R.L. NACO & PRAXIS, agissant en la personne de son gérant domicilié XXXau siègeXXX

XXX

XXX

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 397 668 468

Représentées par Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque E 0804

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES
INCIDENTES

S.A.S. EUROPACORP LA JOLIETTE, prise en la personne de son président domicilié en cetteXXX

XXX

XXX

Immatriculée au rcs de Bobigny sous le numéro B 793 051 285

S.A. EUROPACORP, prise en la personne de son directeur général domicilié XXXqualité auXXX

XXX

XXX

XXX

Immatriculée au rcs de Bobigny sous le numéro B 384 824 041

Représentées par Me X
Y de la SELARL PELLERIN – DE MARIA -
Y, avocat au barreau de PARIS, toque L 0018

Assistées de Me Arnaud DE SENILHES (LACROIX DE CARIES), avocat au barreau de PARIS, toque C 2338

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 21 septembre 2016, en audience publique, devant la
Cour composée de :

Mme Z A, Présidente

Mme B C, Conseillère

Mme D E, Conseillère

qui en ont délibéré

en présence de M. F
G, magistrat en formation

Greffière lors des débats : Mme H I

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Z A, Présidente, et par Mme H I,
Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

A l’automne 2013, a été ouvert au public, dans le centre commercial Aéroville situé à
Tremblay-en-France, un complexe comprenant douze salles de cinéma et 2.400 fauteuils à l’initiative de la société EuropaCorp SA et de sa filiale à 100 %, la société EuropaCorp Aéroville
SARL.

En vue de la réalisation de ce complexe, cette filiale a conclu avec la société Naço un contrat intitulé « contrat de prestation de service, Architecte d’intérieur, complexe cinématographique Aéroville », non daté, puis a procédé à sa résiliation le 30 avril 2013.

La société Naço SA à laquelle s’est adjointe la société Naço & Praxis Architecture
SARL a initié, le 30 mai 2013, une procédure devant la juridiction consulaire à l’encontre des deux sociétés
EuropaCorp précitées et de la société
EuropaCorp La Joliette en charge d’un projet portant sur la réalisation d’un multiplexe cinématographique à
Marseille.

Par jugement rendu le 30 janvier 2015 le tribunal de commerce de Paris a jugé que la résiliation intervenue était conforme aux stipulations contractuelles mais condamné la société EuropaCorp au paiement de diverses sommes au titre du règlement de factures impayées et de plans et maquettes des fauteuils de cinéma.

Enonçant, par ailleurs, que « Naço &
Praxis a travaillé à l’avant-projet et livré plusieurs documents réutilisables par Europacorp La Joliette », il a ordonné une expertise destinée à « donner son avis sur les comptes présentés par les parties »

Les requérantes ont relevé appel de ce jugement, l’affaire étant à ce jour pendante devant la cour d’appel de Paris, et l’expert désigné a déposé son rapport le 09 décembre 2015.

A la suite d’une assignation en contrefaçon de droits d’auteur relative au projet d’Aéroville délivrée 12 novembre 2013 par la société Naço SAS à l’encontre des sociétés EuropaCorp et EuropaCorp
Aéroville, les sociétés Naço et Naço
Praxis Architecture ont, par acte du 18 décembre 2013, assigné les sociétés EuropaCorp SA et EuropaCorp La Joliette en contrefaçon de droits d’auteur qu’elles leur reproche d’avoir commis dans le cadre du projet de complexe cinématographique que les sociétés
EuropaCorp envisagent d’implanter à
Marseille.

Le tribunal, successivement saisi de ces deux actions, a rendu deux jugements distincts le même jour.

Dans la présente affaire relative au projet de Marseille
La Joliette, par jugement contradictoire rendu le 07 mai 2015, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et en assortissant sa décision de l’exécution provisoire, dit n’y avoir lieu à jonction avec la procédure précédemment enregistrée, déclaré irrecevable l’action des sociétés Naço et Naço & Praxis Architecture sur le fondement de son droit patrimonial cédé à la société EuropaCorp en les déboutant de leurs autres demandes, débouté les défenderesses de leur demande fondée sur l’abus de procédure en condamnant les requérantes à leur verser une somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 30 mai 2016, la société par actions simplifiée Naço et la société à responsabilité limitée Naço & Praxis demandent pour l’essentiel à la cour, au visa des articles 367 du code de procédure civile, L 111-1 et suivants,
L 332-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle :

> de confirmer le jugement (sic) en ce qu’il a dit que la société Naço & Praxis est titulaire du droit d’auteur sur l’ensemble des oeuvres qu’elle aurait créées concernant le projet La Joliette au sens des articles L 111-1 et suivants du CPI, y ajoutant, de constater l’existence d’oeuvres ainsi créées, s’agissant de son oeuvre architecturale, et de le confirmer en ce qu’il a débouté les défenderesses de leurs demandes en l’infirmant pour le surplus,

> de considérer que les intimées se sont rendues coupables de contrefaçon de droits d’auteur relatifs, d’une part, aux plans, dessins et descriptifs architecturaux créés par la société Naço & Praxis et qui portent sur le projet Marseille La Joliette, d’autre part, aux plans, dessins, descriptifs, relatifs aux perspectives dessinées par Naço et qui concernent le projet d’Aéroville, ceci en reproduisant sans autorisation ces derniers dans la notice destinée à la
Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) d’EuropaCorp en vue de la construction du multiplexe EuropaCorp La Joliette,

> de donner acte à la société Naço de la sommation faite par ces présentes conclusions aux intimées de communiquer le plan média concernant la publicité
EuropaCorp parue dans le journal
Figaroscope en juillet 2015 et, pour la cour, de tirer toutes conséquences d’un défaut de communication,

> de condamner en conséquence in solidum les intimées au paiement des sommes indemnitaires de 300.00 euros et de 100.000 euros au profit de la société
Naço & Praxis, du fait, respectivement, de la contrefaçon de droits d’auteur et de l’atteinte à son droit moral, et aux sommes indemnitaires de 50.000 euros et de 20.000 euros au profit de la société
Naço du fait, respectivement, de la contrefaçon de ses droits d’auteur et de l’atteinte à son droit moral (notamment, dans l’un et l’autre chef de demande, du fait de la reproduction illicite de méridiennes dans le numéro de juillet 2015 du

Figaroscope ),

> de prononcer, sous astreinte, une mesure d’interdiction portant sur les créations de la société
Naço & Praxis et de la société Naço ainsi que sur l’atteinte au droit moral des architectes, en ordonnant, par ailleurs, une mesure de publication (par voie de presse),

> en tout état de cause, de débouter les intimées de leurs entières demandes en les condamnant in solidum au paiement de la somme de 30.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 23 juin 2016, la société anonyme EuropaCorp et la société par actions simplifiée EuropaCorp La Joliette prient, en substance, la cour, au visa des articles 31, 32-1 et 700 du code de procédure civile, L 111-1 et suivants,
L 113-2 et suivants de code de la propriété intellectuelle, de dire :

> principalement, que les appelantes ne sont pas titulaires de droits sur ces oeuvres,

> subsidiairement, que les éléments par elles produits ne constituent pas des oeuvres susceptibles de bénéficier de la protection du droit d’auteur,

> plus subsidiairement, que les réalisations qui font l’objet du litige constituent une oeuvre collective dont elles-mêmes sont les seules titulaires,

> et en conséquence de juger qu’elles n’ont pas qualité à agir et de les « débouter » de l’ensemble de leurs demandes, qu’elles-mêmes n’ont commis aucun acte de contrefaçon à leur préjudice et que les appelantes sont mal fondées en toutes leurs demandes,

> reconventionnellement, de les condamner à leur verser la somme indemnitaire de 50.000 euros pour procédure abusive, et, en tout état de cause, celle de 50.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Il convient de préciser que, lors des plaidoiries, le conseil des sociétés appelantes a déclaré n’avoir pas eu communication des pièces 14 (plans), 25 (dossier de presse) et 87 (perspectives et plans) de ses adversaires, pourtant communicables, et que le conseil de celles-ci les a retirées des pièces remises à la cour.

SUR CE,

Sur la relation entre les parties au litige

Considérant qu’il résulte de leurs écritures qu’elles se divisent sur la présentation de leurs relations dans le cadre du projet de construction, sur un terrain nu, du multiplexe situé à Marseille La Joliette, dont le chantier n’a pas encore démarré, à s’en tenir aux constatations de l’expert mandaté par le tribunal de commerce de Paris (pièce 54 des appelantes, page 3/34) ;

Que la société Naço et la société
Naço & Praxis Architecture qui incriminent toutes deux ' la première en sa qualité d’architecte d’intérieur, la seconde en sa qualité d’architecte du bâtiment – des faits de contrefaçon de leurs droits, patrimoniaux et moral, d’auteurs commis par les intimées qui les ont abusivement évincées, estiment-elles, sans contrepartie financière (réclamée devant la juridiction consulaire) au profit de la société d’architecture
MP&A, exposent que, satisfaite de l’intervention de la société Naço à Aéroville, la société EuropaCorp a lancé un concours pour ce programme marseillais et que la société Naço & Praxis a été déclarée lauréate le 18 décembre 2012 ;

Qu’en dépit d’une absence de contrat les liant puisque les projets de contrat qui leur ont été proposés

ne les agréaient pas, l’abondance de courriels échangés entre le 21 septembre 2012 et le 05 avril 2013, accompagnés pour certains de documents, attestent d’un travail effectif réalisé à la demande de la société EuropaCorp ; que les intimées, estiment-elles, ont tiré profit en méconnaissance de leurs droits, incriminant précisément, aux termes du dispositif de leurs conclusions qui saisit la cour, la remise du dossier à la CDAC (pièce 88) ;

Que les sociétés EuropaCorp intimées exposent, quant à elles, qu’envisageant d’exploiter un multiplexe cinématographique à Marseille transposant le concept d’EuropaCorp Cinémas mis en place à Aéroville, elles se sont vu proposer, spontanément et à l’instar d’autres architectes, leur collaboration par les sociétés Naço, ceci postérieurement à l’engagement de la société
Naço sur le projet d’Aéroville, qu’elles en ont présenté les grandes lignes mais qu’un contrat n’a pu être finalisé du fait, en particulier, de dépassements de budget colossaux intervenus dès les phases préliminaires, que ces dernières ont alors décidé de bloquer le projet et ont saisi la juridiction consulaire pour se voir payées des sommes prétendument dues au titre des travaux effectués ;

Que la présente action en contrefaçon est, à leur sens et comme en a jugé le tribunal, irrecevable, pour ce qui est de la société Naço qui a contractuellement cédé ses droits à la société EuropaCorp dans le cadre du projet d’Aéroville et qu’elle est infondée, pour ce qui est de la réclamation de la société Naço & Praxis, puisqu’elle ne démontre pas avoir réalisé une création originale et pour cause, ajoutent-elles, s’agissant d’une déclinaison du concept
EuropaCorp Cinémas ;

Considérant, ceci explicité, qu’il est indifférent pour la solution du présent litige qu’aucune convention n’ait été signée entre des parties – dont il importe peu de savoir qui a pris l’initiative d’approcher l’autre – dès lors qu’il porte sur la revendication de droits de propriété incorporelle sur des oeuvres architecturales dont la transmission au maître
J ne peut être contestée ;
qu’au demeurant, les intimées, évoquant le concept de multiplexe, indiquent (au § II, B de leurs écritures) que « EuropaCorp (') a demandé à Naço et
Naço & Praxis de réaliser les plans techniques de ces projets architecturaux » ;

Que les demandes des deux sociétés Naço et
Naço & Praxis qui formulent des demandes indemnitaires séparées dans le dispositif de leurs conclusions, doivent être appréhendées distinctement du fait, en particulier, que dans le cadre du projet d’Aéroville, la société Naço, seule concernée, est signataire d’un contrat de prestations d’architecture intérieure stipulant une cession des droits patrimoniaux d’auteur et que la cour, concomitamment saisie de ce contentieux, rend un arrêt à la même date que celle du prononcé de la présente décision ;

Sur la titularité des droits patrimoniaux d’auteur revendiquée par la société
Naço

Considérant que les intimées contestent la titularité des droits d’auteur de la société
Naço sur les oeuvres réalisées dans le cadre du projet Marseille La
Joliette et que les parties en débattent par mêmes moyens que dans l’affaire inscrite au rôle de la cour sous le n° de RG 15/12394 ; qu’il y a lieu de reprendre la motivation de l’arrêt rendu ce même jour dans cet autre litige ;

Considérant que la société Naço, pour revendiquer un rôle de création (de plans, d’aménagements dont l’originalité est « manifeste ») et non point de simple exécution technique, comme le prétendent les intimées, fait notamment valoir que le contrat qui les lie ne fait nullement état de restrictions ou contraintes imposées par les sociétés EuropaCorp ou
Malherbe, laquelle n’a fait que transmettre une ébauche de plan non exploitable et des préconisations non abouties, que son article 3 explicite ses « missions de création » et que vainement ses adversaires lui dénient ce rôle de création dès lors que son article 9 porte sur la propriété intellectuelle et la cession de ses droits ;

Que pour affirmer que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, ses droits de propriété intellectuelle n’ont pas été cédés à la suite de la résiliation intervenue à l’initiative de sa cocontractante (en application de l’article 7-3 sous c) du contrat qui ne règle nullement, précise-t-elle, la question de la

cession de droits), elle soutient que ce contrat à durée déterminée (article 7-1) prévoit un montant forfaitaire de rémunération à son profit de 300.000 euros HT (article 4) qui doit s’entendre de façon globale et constitue un tout indivisible, que « le prix de cession consenti est inclus dans la rémunération de l’architecte d’intérieur versée au titre des présentes » (selon les termes de son article 9-4) et qu’aucune rémunération partielle ' comme c’est le cas en l’espèce puisque ne lui a été versée que la somme de 180.000 euros HT – emportant cession des droits n’était prévue au contrat, ajoutant que son article 14-2 relatif aux documents à produire par l’architecte d’intérieur tend à démontrer qu’il n’ y a de cession de droits que dans la mesure où l’article 9 est respecté et, par conséquent, si l’intégralité de la rémunération a été versée ;

Que, s’agissant par ailleurs des plans et maquettes qui ont fait l’objet de factures du 16 octobre 2012 et du 27 février 2013, elle fait valoir qu’aucune ne comportait de cession de droits ; qu’elle excipe, pour finir, du fait qu’elle n’est pas la rédactrice de l’acte et que l’article 9-4 du contrat qui définit le prix de cession au regard de la rémunération de l’architecte doit être interprété en sa faveur ;

Considérant, ceci rappelé, que l’article 9.1 du contrat appelé à faire la loi des parties, quel qu’en soit le rédacteur, stipule que « L’Architecte d’intérieur cède au Maître J les droits de propriété intellectuelle cessibles dont il dispose sur l’oeuvre à réaliser dans le cadre du contrat » ; qu’une précision est donnée au troisième paragraphe de cet article selon lequel « on entend par oeuvre, l’oeuvre d’architecture ainsi que les plans, croquis, perspectives, maquettes et ouvrages plastiques originaux qui permettront sa création (ci-après ensemble « l’Oeuvre ») », ce qui conduit à considérer qu’il n’y a pas lieu de réserver un sort particulier au plan dont fait état la société Naço quant à la titularité des droits patrimoniaux d’auteur qu’elle soutient n’avoir pas cédés ;

Qu’il est précisé à l’article 9.4 de ce contrat « que le prix des cessions consenties est inclus dans la
Rémunération de l’architecte d’intérieur versée au titre des présentes » ; que s’il est vrai que le montant de la Rémunération, prévue à l’article 4.1 du contrat, consiste en des « honoraires fixés forfaitairement, de manière ferme et non révisable, à 300.000 euros hors taxe » il est immédiatement ajouté : « selon les phases de l’annexe 2 », ceci « pour l’exécution des missions et éléments de mission objet du présent contrat », l’article 3 précisant que ces missions « sont divisées en plusieurs phases », et l’article 4.2 stipulant, quant à lui, que « La décomposition par éléments de mission définit les modalités de paiement et fixe les droits acquis. La répartition des honoraires par éléments de mission est jointe en annexe 2 » ;

Qu’il peut incidemment être ajouté que, pour ce qui est des documents à produire par l’architecte d’intérieur, l’article 14.2 du contrat stipule : «
L’architecte d’intérieur produira, dans le respect des délais, les documents et livrables écrits et graphiques (sic) à sa charge. (') Au fur et à mesure de leur élaboration, l’architecte d’intérieur remettra au maître J les schémas, plans, bilans, cahiers des charges, notes de calcul et autres documents mis à jour par lui en fonction des commentaires éventuels du maître J.
Dès réception par le maître J des documents mis à jour, ils deviendront propriété du maître J qui pourra en faire tous usages et notamment les réutiliser pour d’autres opérations (…) » ;

Qu’il en résulte, et sans qu’il y ait lieu à interprétation de ces clauses clairement exprimées, que nonobstant la fixation du montant des honoraires de l’architecte à un prix ne varietur de 300.000 euros HT, les parties sont convenues d’un paiement selon des pourcentages, précisément chiffrés en euros à l’annexe 2 du contrat, qui tiennent compte de l’évolution des différentes missions contractuellement assignées à l’architecte d’intérieur qui devaient s’étendre du 20 août 2012 au mois d’octobre 2013 ;

Qu’en raison de la résiliation en cours d’exécution de la convention, les droits patrimoniaux d’auteur ont été cédés sur les oeuvres exécutées à cette date qui « fixe les droits », la rémunération ayant été payée et le prix de cession y étant contractuellement inclus, de la même façon que les documents remis par l’architecte d’intérieur au fur et à mesure de leur élaboration sont devenus propriété du

maître J dès leur réception ;

Que la société Naço n’est donc pas fondée en sa contestation de cette cession et en sa revendication de la titularité des droits patrimoniaux sur les oeuvres ainsi cédées si bien que le jugement qui en dispose ainsi, avec toutes conséquences de droit, doit être confirmé ;

Sur l’atteinte au droit moral d’auteur dont se prévaut la société Naço

Considérant que, consacrant un chapitre particulier aux actes de contrefaçon concernant Naço (V §
B), cette société soutient que les perspectives des pages 78, 79 et 80 (salle standard / salle lounge / salle first 1re vue sur 2) de la demande d’autorisation présentée à la CDAC correspondent à celles qui sont issues d’un document de présentation, daté du 12 février 2013 et transmis le même jour à une préposée de la société EuropaCorp, par elle créé pour le projet Aéroville ;

Mais considérant qu’elle s’en tient à cette présentation sans description des visuels incriminés (au demeurant en noir et blanc et peu éloquents dans leur reproduction de médiocre qualité de la pièce 88 produite aux débats) ni développements relatifs aux caractéristiques de ses oeuvres qu’elle aurait fait choix de combiner dans une démarche apte à attester de l’apport créatif qui lui serait propre ;

Qu’elle ne caractérise pas précisément, en regard des dispositions des articles L 121-1 et L 121-2 du code de la propriété intellectuelle, les atteintes portées à son droit moral sauf à retenir qu’elle affirme de manière incidente, dans d’autres développements, qu’avec la plus parfaite mauvaise foi, les intimées n’ont pas mentionné, sciemment, le nom des sociétés Naço et Naço & Praxis alors qu’elles reproduisaient leurs créations, ou que, « de plus (') l’appelante et notamment K L se sont appropriés (ses) droits en se prétendant auteurs des méridiennes en ses lieu et place aux termes d’affiches et annonces diffusés dans plusieurs médias dont le Figaroscope dont le tirage est de 200.000 exemplaires environ au plan national, le nombre de lecteurs étant de 553.000 », ajoutant que le plan média ne s’est certainement pas limité au
Figaroscope et que la cour se doit de tirer toutes conséquences sur sa vaine sommation de communiquer le plan média concernant cette publicité ;

Qu’il échet de considérer, sur le premier point, que la production incomplète de la pièce 88 (comme précisé ci-après) ne met pas la cour en mesure de se prononcer et, sur le second, que ne peut être retenue la violation du droit à la paternité sur les fauteuils méridiennes par monsieur K L (non attrait en la cause) et par « l’appelante » (bien que ses adversaires soient les deux sociétés intimées) du fait de la reproduction de ces méridiennes dans un journal à des fins publicitaires dès lors qu’elle ne se livre qu’à une description de son oeuvre (page 34/56 de ses conclusions), se dispensant de présenter la combinaison de caractéristiques portant son empreinte personnelle qui, comme telle, lui permettrait d’être éligible à la protection du droit d’auteur ;

Que, par motifs substitués, le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la protection par le droit d’auteur de l’oeuvre de la société Naço et Praxis

Considérant que cette société reproche au tribunal de l’avoir déboutée de son action en contrefaçon en se méprenant sur le contenu de la demande d’autorisation adressée à la CDAC car les vues en perspective des pages 75 à 80 de ce document ne concernent pas le complexe d’Aéroville mais « les plans reproduits concernant Naço & Praxis », laquelle n’a pu céder ses droits patrimoniaux d’auteur en l’absence de contrat ; qu’elle lui fait aussi grief de s’être contredit puisque, reconnaissant cette absence de cession il aurait dû entrer en voie de condamnation dès lors qu’elle démontrait (au moyen des pièces 87, 88, 102 et 106) que la société a utilisé sans droit son travail et, en particulier, les plans d’architecte effectués spécifiquement ; qu’elle cite, à cet égard, le rapport d’expertise judiciaire sus-évoqué selon lequel « le projet MP&A comporte dans sa globalité et dans les détails des similitudes très significatives avec le projet Naço &
Praxis que cette dernière avait communiqué précédemment à EuropaCorp » ;

Qu’invoquant sa pièce 87 contenant tous les plans réalisés pour ce projet marseillais, elle se prévaut des dispositions de l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle aux termes duquel « sont considérés notamment comme oeuvre de l’esprit (12°) les plans, croquis (') relatifs à l’architecture (…) » et de la conception, « à la demande de la société EuropaCorp, des plans d’architecte et de la notice descriptive CDAC de mars 2013 (qui) démontre le parti-pris esthétique de l’architecte » en précisant qu’il a été transmis à un préposé de la société EuropaCorp le 26 mars 2013, comme en atteste sa pièce 80 ; qu’elle reproduit un extrait de la notice descriptive CDAC (pièce 80) établie par elle-même pour en déduire, immédiatement après, qu’à l’inverse de ce que soutiennent les intimées, les créations Naço & Praxis démontrent un parti pris esthétique et une originalité certaine ;

Considérant, ceci exposé et s’agissant des pièces destinées à étayer la demande, qu’il convient de rappeler que la pièce 87 n’a pas été versée par les appelantes, sur lesquelles pèse le fardeau de la preuve, dans le dossier remis à la cour pour les raisons sus-évoquées ;

Qu’en outre, il y a lieu de relever que la pièce 80 (composée de trois pages) est, certes, constituée d’un courriel du 26 mars 2013 annonçant un « texte de présentation du projet EuropaCorp Live
Marseille/version CDAC en PDF » mais que n’y sont joints que deux plans en coupe des différents niveaux du complexe cinématographique ;

Que, toutefois, la cour peut relever, en examinant la pièce 72 des appelantes à laquelle elles omettent de la renvoyer expressément dans leurs écritures sur ce point, qu’un texte à l’en-tête de « Naço » porte sur l’ « insertion urbaine du projet » ;

Que la pièce 88 intitulée dans le bordereau de pièces des appelantes « notice CDAC déposée par
EuropaCorp » n’est pas, quant à elle, produite intégralement ' les pages 2 à 7, 9 à 37, 48 à 67 et 100 à 149 sur les 149 pages constituant ce document n’étant pas reproduites – de même qu’il peut être relevé que s’il est précisé en en-tête de cette demande d’autorisation auprès de la CDAC pour la création du cinéma datée du 17 juillet 2013 qu’elle est présentée par « EuropaCorp Cinémas », les appelantes ne justifient pas de l’identité de cette éventuelle personne morale avec la société
EuropaCorp SA intimée ni n’évoquent le « cabinet
Gérard Vuillaume, conseil en économie de l’audiovisuel » pourtant visé dans cette même première page au même titre qu’ « EuropaCorp
Cinémas »;

Qu’enfin, c’est en vain que la société Naxo &
Praxis se prévaut de l’avis émis par l’expert judiciaire commis par le tribunal de commerce de Paris (pièce 54, page 31/34 du rapport) repris ci-dessus et entend conforter cette appréciation par un comparatif de différents visuels – projets Naço (original)/projet MP&A – établi par « Marcelo Joulia
- Naço », autrement dit par elle-même (pièce 102), ou par la production d’un courriel de transmission du 18 juin 2013 attestant de la diffusion de ses travaux à divers tiers par un préposé d’EuropaCorp ;

Qu’en effet, en exprimant cet avis, l’expert vise le dossier de permis de construire et il est constant qu’il s’agit là d’une procédure distincte de celle de la demande d’autorisation auprès de la CDAC, seule ici en cause, requise pour les établissements de plus de 300 places selon le code du cinéma et de l’image animée, la commission devant émettre un avis favorable pour permettre la délivrance du permis de construire ; qu’au surplus, la société MP&A n’est pas, non plus, attraite en la cause ;

Que, s’agissant par conséquent de l’identification des oeuvres susceptibles d’être revendiquées et contrefaites, il y a lieu de considérer – à défaut de contestation des intimées sur la personne des déposantes de la demande d’autorisation litigieuse – qu’en l’état des pièces soumises à l’appréciation de la cour, la société Naço & Praxis ne peut se prévaloir que de la reprise, d’une part, de son projet de texte relatif à l'« insertion urbaine du projet » puisque la demande d’autorisation partiellement produite comprend au chapitre 6.1.2 un texte sous le même titre et, d’autre part, des deux schémas en coupe de la pièce 80 puisque l’extrait de la demande d’autorisation partiellement communiquée en pièce 88 contient, néanmoins, deux schémas en coupe [coupes CC’ et AA’ dans un chapitre intitulé

« plans APS (i.e. Avant-projet sommaire) sujets à modifications »], étant observé par la cour que tant le texte que les plans argués de contrefaçon par les intimées ne constituent pas des reprises à l’identique ;

Que, cela étant, l’action en contrefaçon qui suppose une reprise des caractéristiques d’une oeuvre dont la combinaison donne prise au droit d’auteur ne peut prospérer qu’autant qu’il est fait la démonstration de l’éligibilité des oeuvres revendiquées à la protection du droit d’auteur ;

Qu’à cet égard, force est de considérer qu’alors que les intimées en contestent l’originalité en faisant notamment valoir que les sociétés Naço n’ont fait que concrétiser matériellement les instructions d’EuropaCorp dans le cadre, qui plus est, d’une déclinaison du multiplexe d’Aéroville et qu’il n’est justifié d’aucun apport personnel permettant de satisfaire à l’exigence d’originalité requise, la société
Naço & Praxis se contente d’affirmer qu’elle « a conçu, sur demande d’EuropaCorp, des plans d’architecte et la notice descriptive CDAC de mars 2013 » et qu’elle « démontre le parti-pris esthétique de l’architecte » ou qu'« à l’inverse de ce que soutiennent les intimées, les créations architecturales Naço & Praxis démontrent un parti pris esthétique et une originalité certaine », ajoutant « du reste, les intimées ne produisent aucune pièce venant contredire cette originalité », alors qu’il n’appartient ni à la cour ni aux intimées d’individualiser les caractéristiques qui, dans leur combinaison, sont susceptibles de donner prise au droit d’auteur mais que c’est à la société Naço &
Praxis qui en recherche le bénéfice de démontrer que, par ses choix, elle a imprégné les oeuvres en cause de sa personnalité ;

Qu’il s’infère de tout ce qui précède que ne pouvant prétendre au bénéfice de la protection des
Livres
I et III du code de la propriété intellectuelle, la société Naço & Praxis n’est pas fondée en son action en contrefaçon de droits d’auteur ;

Qu’en conséquence, s’agissant de l’atteinte au droit moral d’auteur le jugement doit être confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa réclamation ; que, s’agissant de l’atteinte à ses droits patrimoniaux, il sera précisé au dispositif que cette société n’est point irrecevable, comme retenu par le tribunal, mais mal fondée en son action ;

Sur la demande indemnitaire pour abus de procédure reconventionnellement formée par les intimées

Considérant que, formant appel incident, les intimées font valoir qu’ « il ressort de l’ensemble de ce qui précède » qu’est manifestement abusive « la procédure entamée par les appelantes » (sic) et qu’elle est d’autant plus inadmissible, ajoutent-elles, qu’il s’agit d’une société d’architecte réglementée par le code des devoirs ;

Mais considérant que la société Naço conteste la cession de ses droits patrimoniaux d’auteur qui lui est opposée, de la même façon que la société Naço & Praxis conteste l’utilisation, sans autorisation, de ses travaux d’architecte, ceci en fait et en droit, et qu’en dépit de la solution donnée au présent litige, les sociétés Naço ont pu, sans faute, user de leur droit d’ester en justice pour voir reconnaître des droits dont elle ont pu se croire investies, étant ajouté que l’invocation des devoirs déontologiques de l’architecte est inopérante dans le cadre de cette demande ;

Que les sociétés EuropaCorp seront, par conséquent, déboutées de leur réclamation à ce titre, ainsi qu’en a jugé le tribunal ;

Sur les autres demandes

Considérant que l’équité conduit à allouer aux sociétés EuropaCorp intimées une somme complémentaire globale de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Que, déboutées de ce dernier chef de prétentions, les sociétés Naço supporteront les dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, sauf à préciser que la société Naço & Praxis est mal fondée en son action en contrefaçon de ses droits patrimoniaux d’auteur, et, y ajoutant ;

Condamne la société par actions simplifiée
Naço et la société à responsabilité limitée Naço & Praxis à verser à la société anonyme EuropaCorp et à la société par actions simplifiée Europacorp
La
Joliette une somme complémentaire globale de 10.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d’appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Paris, 14 octobre 2016, n° 15/12406