Cour d'appel de Paris, 4 octobre 2016, n° 15/09727

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4 oct. 2016, n° 15/09727
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/09727
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 1er avril 2015, N° 13/16882

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE
FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2016

(n°185/2016, 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/09727

Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris -
RG n° 13/16882

APPELANTES

Madame X Y épouse Z

née le XXX à XXX)

XXX

XXX

SARL EDITEO

Immatriculée au Registre du Commerce et des
Sociétés de Paris sous le numéro B419 033 501

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentées et assistées de Me A B de la SELARL
CABINET
PIERRAT, avocat au barreau de PARIS, toque :
L0166

INTIMÉES

Madame C D

née le XXX

Demeurant XXX

XXX

Représentée et assistée de Me Bruno ANATRELLA de l’AARPI BAGS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1404

SA SOCIÉTÉ
GÉNÉRALE

Immatriculée au Registre du Commerce et des
Sociétés de Paris sous le numéro 552 120 222

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

N° SIRET :

Représentée par Me Stéphane WOOG de la SELARL
WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de
PARIS, toque : P0283

Assistée de Me Julien FISZLEIBER de la SELARL WOOG &
ASSOCIES, avocat au barreau de
PARIS, toque : P0283

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Mme E F, Conseillère

Madame G H, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine
ABELKALON

ARRÊT :

contradictoire

·

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

·

signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.

·

***

E X P O S É D U L I T I G E

Mme X Y est une artiste et designer exerçant son art en qualité de peintre et de sculpteur ; elle est associée et co-fondatrice en 1988 de la
SARL EDITEO, laquelle a pour objet de présenter et d’éditer des oeuvres et objets d’art ;

Mme C D exerce, depuis 2009, une activité de designer sous le statut d’entrepreneur individuel et, dans ce cadre, est amenée à réaliser très ponctuellement des trophées sur mesure ;

La SA Société Générale est une des principales banques françaises et, le 08 février 2011, elle a écrit

dans le cadre d’un appel d’offres, à la SARL EDITEO, dont elle était une cliente, pour l’informer qu’elle souhaitait faire l’acquisition d’une dizaine de trophées ;

La SARL EDITEO a ainsi adressé à la
Société Générale un devis de 7.475 HT pour la réalisation de quinze trophées ;

Le 17 février 2011 la Société
Générale informait la SARL EDITEO qu’elle avait finalement retenu la proposition de Mme C D, qui avait également candidaté dans le cadre de cet appel d’offres, précisant que celle-ci avait été choisie pour 'la légèreté et le dynamisme du modèle créé spécialement pour eux par C’ ;

La SARL EDITEO expose que le 19 juin 2013, à l’occasion d’une veille sur Internet, elle a découvert que des trophées dénommés TRIADE et RESO créés par Mme X Y seraient reproduits sur le site Internet <

www.audreybelin.com

> créé par Mme C
D ;

Cette société expose encore qu’à l’automne 2013 elle a constaté qu’une enseigne intitulée
TROPHEO, derrière laquelle se dissimulait selon elle Mme C D, proposait via le site Internet <

www.tropheo.fr

> de réaliser des trophées et cadeaux d’entreprise et que parmi les produits proposés

figuraient les trophées 2011 BDDF et RESO réalisés pour la Société
Générale,

C’est dans ces circonstances que la SARL EDITEO et Mme X Y ont fait assigner le 05 novembre 2013 Mme C D et la Société Générale devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur sur ces deux trophées et en concurrence déloyale ;

Par jugement contradictoire du 02 avril 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

déclaré irrecevables la SARL EDITEO et Mme X Y dans leurs demandes en contrefaçon de droit d’auteur sur les trophées TRIADE et
RESO à l’encontre de Mme C
D et de la Société
Générale,

·

débouté la SARL EDITEO et Mme X Y de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale,

·

dit la demande en garantie de la Société
Générale à l’encontre de Mme C D sans objet,

·

rejeté la demande tendant à la publication du jugement,

·

condamné la SARL EDITEO à payer à Mme C D et à la Société Générale la somme de 2.500 chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

·

rejeté les autres demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

·

ordonné l’exécution provisoire de sa décision,

·

condamné in solidum la SARL EDITEO et Mme X Y à payer tous les dépens de l’instance ;

·

Mme X Y et la SARL EDITEO ont interjeté appel de ce jugement le 14 mai 2015 ;

Par leurs dernières conclusions d’appel n° 4, transmises par RPVA le 08 avril 2016, au-delà de demandes de 'dire et juger’ et de 'constater’ qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens de l’article 6 du code de procédure civile, Mme X Y et la SARL
EDITEO demandent :

d’infirmer le jugement entrepris,

·

de dire que les trophées TRIADE et RESO dont Mme X Y est l’auteur et qui sont édités par la SARL EDITEO, sont éligibles à la protection par le droit d’auteur,

·

de dire qu’en reproduisant les caractéristiques originales du trophée TRIADE sans autorisation de la SARL EDITEO et sans mention du nom de Mme X Y, Mme C D et la Société Générale ont commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur,

·

de dire qu’en reproduisant et en offrant à la vente sur le site Internet <

www.tropheo.fr

> des

trophées réalisés par elle, reproduisant les caractéristiques originales du trophée TRIADE sans autorisation de la SARL EDITEO et sans mention du nom de Mme X
Y, Mme C D a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur,

·

de dire que la Société Générale a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SARL EDITEO par la mise en place d’un appel d’offres ne respectant pas les conditions de transparence et de loyauté,

·

de dire que Mme C D, par le détournement de clientèle et des créations éditées par la SARL EDITEO et la mise en place du site Internet <

www.tropheo.fr>,

a manqué aux

usages loyaux du commerce et a profité de manière indue des investissements de la SARL
EDITEO,

·

de condamner in solidum Mme C D et la
Société Générale à payer les sommes suivantes :

·

— à la SARL EDITEO, la somme de 100.000 en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,

— à Mme X Y, la somme de 50.000 en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à ses prérogatives de droit moral,

— à la SARL EDITEO, la somme de 100.000 en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

d’interdire à la Société Générale et à Mme C D toute reproduction, représentation, offre de vente et communication au public de trophées reproduisant les caractéristiques du trophée TRIADE, ce sous astreinte de 1.000 par infraction constatée,

·

d’ordonner la publication judiciaire de la décision à intervenir dans trois journaux ou magazines à leur choix et aux frais avancés in solidum par les intimées sans que le coût de chaque insertion excède un montant de 5.000 HT, ainsi qu’en haut de la page d’accueil du site <

www.tropheo.fr

> pendant une durée de trente jours à compter de la signification de

l’arrêt à intervenir, ce sous astreinte de 1.000 par jour de retard,

·

de condamner in solidum la Société
Générale et Mme C D à leur verser la somme de 30.000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi au qu’aux entiers dépens ;

·

Par ses dernières conclusions n° 3, transmises par RPVA le 08 avril 2016, la SA Société
Générale demande :

à titre principal, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a jugé que la SARL

·

EDITEO était présumée titulaire des droits d’exploitation sur les trophées RESO et
TRIADE,

de déclarer en conséquence la SARL EDITEO et Mme X Y 'irrecevables et mal fondées’ (sic) en leur action et les débouter de l’intégralité de leurs demandes,

·

à titre subsidiaire, de condamner Mme C D à la garantir au titre d’une éventuelle condamnation à indemniser la SARL EDITEO et/ou Mme X Y,

·

de condamner in solidum la SARL EDITEO et Mme X Y à lui verser la somme de 8.000 au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux dépens ;

·

Par ses dernières conclusions n° 2, transmises par RPVA le 12 avril 2016, Mme C
D demande :

d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la SARL EDITEO bénéficiait de la présomption de titularité sur les deux trophées revendiqués,

·

de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

·

de débouter Mme X
Y et la SARL EDITEO de l’ensemble de leurs demandes,

·

de condamner solidairement Mme X Y et la SARL
EDITEO à lui verser la somme de 5.000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

·

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2016 ;

M I

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

I : SUR LA TITULARITÉ DES DROITS D’AUTEUR
REVENDIQUÉS :

Considérant que Mme C
D soulève le défaut de droit d’agir de Mme X Y qui, selon elle, ne verse aux débats aucune pièce objective permettant de justifier de sa qualité d’auteur des trophées dénommés 'TRIADE’ et 'RESO’ ;

Qu’elle soulève également le défaut de droit d’agir de la SARL EDITEO qui ne communique aucun accord conclu avec Mme X Y venant corroborer une prétendue cession de droits patrimoniaux, la présomption de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle ne pouvant s’appliquer à une personne morale ;

Considérant que de même la SA Société
Générale affirme que Mme X
Y ne fournit aucune preuve valable de ce qu’elle serait la créatrice des trophées revendiqués, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même et qu’il n’est pas produit de contrat conclu avec la SARL EDITEO prouvant une prétendue cession de droits d’exploitation sur ces trophées ;

Considérant que Mme X
Y réplique que les trophées en cause ont bien été créés par elle et sont signés sous leur socle, aucun tiers ne revendiquant la paternité de ces trophées ; que la
SARL EDITEO fait également valoir qu’elle commercialise publiquement et de manière paisible ces créations depuis de nombreuses années ;

Considérant ceci exposé, qu’en ce qui concerne la qualité d’auteur de Mme X
Y, l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée’ ; que si la preuve contraire est libre, encore faut-il qu’elle soit certaine, circonstanciée et précise ;

Considérant qu’en l’espèce les trophées 'TRIADE’ et 'RESO’ versés aux débats en originaux, sont signés sous leur socle par Mme X
Y, sous le nom de qui ces trophées sont divulgués, notamment dans les catalogues de la SARL EDITEO depuis 2002 (pièces 1, 2, 4, 7 et 8 des appelantes) ; que Mme C D et la SA Société
Générale ne rapportent pas la preuve contraire, étant observé qu’aucun tiers ne revendique la qualité d’auteur de ces oeuvres ;

Considérant qu’en ce qui concerne la titularité des droits patrimoniaux d’exploitation de ces oeuvres revendiquée par la SARL EDITEO, il sera rappelé qu’en l’absence de revendication de la part des auteurs, fussent-ils identifiés, l’exploitation de l’oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne morale est titulaire sur l’oeuvre du droit de propriété incorporelle ;

Considérant qu’il ressort des pièces versées aux débats, notamment des catalogues de la SARL
EDITEO (pièces 1 à 11 des appelantes) que cette société exploite depuis 2002 les oeuvres réalisées par Mme X Y, en particulier les trophées 'TRIADE’ et 'RESO’ et que leur auteur confirme avoir cédé à cette société ses droits d’exploitation sur ces oeuvres (pièce 12 des appelantes), de telle sorte que la SARL EDITEO bénéficie, à l’égard des intimées, de la présomption de titularité des droits patrimoniaux d’exploitation sur ces oeuvres ;

Considérant en conséquence que Mme X Y et la SARL
EDITEO sont bien recevables à agir en contrefaçon de droits d’auteur à l’encontre de Mme C D et de la SA
Société Générale ;

II : SUR L’ORIGINALITÉ DES OEUVRES REVENDIQUÉES :

Considérant que les premiers juges n’ont pas reconnu aux oeuvres revendiquées une originalité leur permettant de prétendre à la protection au titre du droit d’auteur au motif que ces trophées ne font que reprendre le fonds commun du 'genre des tombstone ou trophées d’entreprise ayant pour vocation de récompenser le travail en équipe’ ;

Considérant que Mme C
D, qui conclut à la confirmation sur ce point du jugement entrepris, soutient que les appelantes n’apportent pas la démonstration de l’originalité des réalisations dont elles revendiquent la protection au titre du droit d’auteur ;

Considérant que la SA Société
Générale, concluant également à la confirmation sur ce point du jugement entrepris, soutient que les appelantes ne précisent pas en quoi les trophées revendiqués traduiraient l’empreinte personnelle de Mme X Y, et ne justifient donc pas de leur caractère original ;

Qu’elle ajoute que ces trophées sont génériques et ne peuvent donc traduire un apport intellectuel susceptible d’être protégé ou la marque personnelle d’un créateur ; que ce type de trophée a le plus souvent vocation à récompenser le travail d’une équipe en plaçant plusieurs personnages sur un socle, se rejoignant au niveau des bras ou des jambes, formant ainsi un collectif, les bras levés pour célébrer une victoire ou un succès ;

Considérant que Mme X
Y et la SARL EDITEO répliquent que les sculptures 'TRIADE’ et 'RESO’ sont originales, étant issues de choix délibérés, réfléchis et esthétiques destinés à faire naître une émotion positive et motivante ;

Qu’elles indiquent avoir voulu symboliser une équipe victorieuse par un rythme et des directions se structurant en une équipe en extension projetée vers l’avant et victorieuse, donnant une impression de légèreté et d’unité des personnages, tous mus dans un élan commun vers une ascension aérienne ;

Considérant ceci exposé, que l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose en son premier alinéa que 'l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous’ ; que l’article L 112-1 précise que 'les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination’ ; qu’enfin l’article L 112-2 considère expressément à son 7° comme oeuvres de l’esprit au sens du code, 'les oeuvres (…) de sculpture’ ;

Considérant que si le genre, la forme d’expression, le mérite et la destination de l’oeuvre sont donc indifférents, la protection du droit d’auteur est subordonnée à l’originalité de cette oeuvre, s’entendant de l’empreinte de la personnalité de l’auteur, révélatrice de son activité créative procédant de son arbitraire ;

Considérant que le trophée 'TRIADE’ créé en 2001 est une sculpture métallique composée de trois personnages stylisés, d’aspect épuré et gémellaires, reliés entre eux par des membres partagés et continus, formant une pyramide, un des personnages étant placé au-dessus des deux autres, ses jambes étant reliées à leurs bras, le tout posé sur un socle ;

Que les membres en extension des trois personnages, les bras tendus vers le haut, forment une ligne dynamique courbe donnant à la fois un sentiment d’unité, symbolisant le groupe humain, et de victoire ; que le tout, relié au socle uniquement par la jambe d’un des personnages, produit en outre une impression de légèreté aérienne relevant de choix purement esthétiques propre à l’auteur de l’oeuvre ;

Considérant que le trophée 'RESO', créé en 2006 est une évolution du trophée 'TRIADE’ appliquée à un groupe de personnages plus nombreux (dix) mais reprend les mêmes sentiment d’unité d’une équipe soudée, de victoire par les bras levés et les membres reliés entre eux formant une ligne dynamique courbe et de légèreté aérienne, seuls trois personnages étant reliés au socle ;

Considérant que les photographies de trophées versées aux débats par Mme C D pour contester le caractère original des oeuvres revendiquées (pièce 5 de son dossier), outre que la plupart d’entre elles n’ont pas de date certaine ou portent une date largement postérieure à la création des oeuvres revendiquées (ainsi les pièces 'Healthcare
Award 2012« , 'Azubis 2013 » et 'Les entrepreneuriales promotion 2014") ne sauraient conférer aux oeuvres revendiquées un caractère purement banal en les incluant dans un prétendu fonds commun des trophées d’entreprise ;

Qu’en effet ces trophées, que la cour a examinés, présentent tous des différences sensibles avec les trophées 'TRIADE’ et 'RESO', certains ne représentant qu’un seul personnage plus ou moins stylisé, voire représenté de façon réaliste (trophée de la FIFA), dans une attitude ne symbolisant pas une victoire d’équipe mais plutôt un seul individu (trophée des Oscars, trophée Oracle, sculpture représentant un footballeur frappant dans un ballon, bustes d’un personnage brandissant une coupe ou le logo d’une société, etc) ou n’ayant même strictement aucun rapport avec le symbole d’une victoire (personnage courant en tenant une étoile au bout d’un fil métallique, sculpture abstraite, porte-bijoux, etc) ;

Que les représentations de groupe produites, qui ne sont d’ailleurs pas toutes des sculptures mais pour certaines de simples représentations figuratives, ne reproduisent pas cette impression d’unité d’une équipe soudée tournée vers le succès d’une façon aérienne, les personnages pouvant être séparés les uns des autres ou au contraire excessivement soudés les uns aux autres ;

Considérant que les photographies de logos également versées aux débats par Mme C D (pièce 6 de son dossier) ne sont pas plus pertinentes, outre leur absence de date certaine ou leur date postérieure à la création des oeuvres revendiquées (Singapore 2010, Beijing 2008,
Rome 2020, Rio 2016, Pelvoux Ecrins 2018) ; qu’en effet la plupart ne représentent qu’un personnage isolé (Transdev,
Bouygues, Coeur de l’Avesnois, Biarritz,
LMDE, Fondation du football, Bank BGZ,
BGE, Business
People, Fondaton Simply, Melomania, STIF,
Bio, etc), voire ne représentent aucun personnage (Vulcania) ;

Que les autres représentations de groupes de personnages plus ou moins stylisés, outre qu’il s’agit de logotypes ou de dessins qui ne sont pas des trophées, symbolisent pour certaines d’entre elles la solidarité (SoliCités, Sécurité
Sociale, La MAE, Bio Solidaire, Bio
Equitable, Allocations familiales,
CCAS, ADS, etc) ou une communauté (Atrébatie communauté de communes, Versailles Grand
Parc,
Communauté de communes du Réolais, Maubeuge val de Sambre, etc), voire ne symbolisent rien de particulier (Pomona, Danette, etc) ; qu’il en est de même des nombreuses images ou photographies de groupes ou de pyramides humaines ou de danseurs (pièce 7) ou des photographies de sculptures antiques notamment grecques ou égyptiennes, d’oeuvres de Jean
Cocteau (visages), Picasso, Matisse,
Braque ou Niki de Saint Phalle (colombes, personnages isolés ou dansant, arbre), des bas-reliefs de l’Arc de Triomphe, du pictogramme d’un homme (relevant de la signalétique générale) ou encore des représentations réalistes ou stylisées d’étoiles de mer (pièce 8) ;

Qu’aucune de ces pièces, dont la plupart ne présentent d’ailleurs strictement aucune ressemblance même lointaine avec les oeuvres revendiquées, ne reproduit la combinaison des caractéristiques des trophées 'TRIADE’ et 'RESO', ni ne produit en particulier cette impression d’équipe humaine soudée et unie, s’élançant vers le succès et la victoire, d’une façon légère et aérienne ;

Considérant qu’il en est de même pour les pièces versées aux débats par la SA
Société Générale (pièces 3, 7, 13, 15 et 16) dont certaines sont d’ailleurs les mêmes que celles produites par Mme C D (pièces 13 et 3) ou portent une date postérieure à la création des oeuvres revendiquées (pièces 16 et 3), voire n’ont pas de date certaine ;

Que certaines pièces ne présentent aucune ressemblance avec les oeuvres revendiquées (Come
Together, Together Recognition Award, Circle Teamwork
Award, Team-Up Award, Unity Award,
Coalition Award, Gold Constellation Award qui ne représente d’ailleurs que des étoiles, plaques diverses Jamy, logotypes publicitaires Honda,
Puma, Dior, trophées Artempo représentant des coeurs, une feuille de lauriers ou des étoiles, trophées
Coeur de Com représentant un profil humain, etc) et que les représentations de personnages, de styles au demeurant tout à fait différents de celui des oeuvres revendiquées, ne produisent pas l’impression d’équipe humaine soudée et unie dans la même configuration, telle que décrite plus haut ;

Considérant qu’il s’ensuit que s’il peut exister un genre relatif aux trophées d’entreprise ayant pour vocation de récompenser le travail en équipe, non protégeable en soi, il apparaît que les modes de réalisation des trophées sont extrêmement divers et variés et que les trophées 'TRIADE’ et 'RESO', par leurs caractéristiques toutes personnelles telles qu’analysées précédemment, sont révélatrices d’une création intellectuelle propre à leur auteur et présentent donc une originalité leur permettant de bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur ;

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables Mme X Y et la SARL EDITEO dans leurs demandes en contrefaçon du droit d’auteur sur les trophées 'TRIADE’ et 'RESO’ à l’égard de Mme C D et de la SA Société
Générale et qu’il sera dès lors statué sur ces demandes ;

III : SUR LA CONTREFAÇON DE DROITS D’AUTEUR :

Considérant que Mme X
Y et la SARL EDITEO exposent que le trophée 'TRIADE'

a fait l’objet de reproductions et d’adaptations non autorisées au sein du brief réalisé par la SA
Société Générale et présenté par celle-ci dans le cadre de son appel d’offres de février 2011, par la réalisation par Mme C D d’un trophée adapté du trophée 'TRIADE', par la réalisation par Mme C D de trophées pour le compte de la société AREVA et par la proposition à la vente depuis son site Internet de trophées adaptés du trophée 'TRIADE’ ;

Qu’elles font en particulier valoir que peu importe le procédé technique de fabrication employé par Mme C D dès lors que son trophée reproduit les caractéristiques du trophée 'TRIADE’ et que les ressemblances entre les deux trophées ne relèvent pas de la coïncidence mais d’une volonté délibérée de détournement ;

Que Mme X Y ajoute qu’elle subit une atteinte à son droit moral et plus particulièrement à son droit de paternité sur le trophée 'TRIADE’ du fait, pour la SA Société
Générale, de remettre des trophées au seul nom de Mme C D sans faire état de sa création ;

Considérant que Mme C
D soutient que les prétendues ressemblances entre les trophées en question ne sont que la reprise d’éléments déjà existants et que les appelantes n’utilisent absolument pas la même technique de réalisation qu’elle, à savoir la technique de la 'fonderie’ alors qu’elle utilise celle de la 'découpe laser', cette différence de technique ayant un impact direct sur l’esthétique des trophées réalisés ;

Considérant que la SA Société
Générale soutient que la reproduction dans son brief des visuels du trophée 'TRIADE’ n’est pas constitutive d’une contrefaçon dès lors qu’elle est intervenue dans le cadre d’un projet professionnel n’ayant pas abouti sans communication au public ;

Qu’elle ajoute que les appelantes ne démontrent pas qu’elle aurait transmis à Mme C
D ou à d’autres tiers les visuels des trophées litigieux, ni même que cette dernière aurait réalisé ses trophées sur la base du brief ;

Qu’elle fait encore valoir que la commercialisation par Mme C D de copies des modèles 'TRIADE’ et 'RESO’ ne saurait lui être imputée ;

Considérant ceci exposé, que l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite’ et constitue, selon l’article L 335-2, un acte de contrefaçon ;

Considérant qu’il ressort des propres conclusions de la
SA Société Générale que celle-ci a procédé au mois de février 2011 à un appel d’offres en vue de l’acquisition d’une dizaine de trophées, s’adressant à divers designers tels qu’ARTEMPO, la SARL EDITEO ou Mme C D ;

Qu’à cette occasion, Mme J
K, graphiste concepteur au sein de la
SA Société
Générale, a adressé à chacun des designers contactés un brief reproduisant en photographies certaines oeuvres pouvant correspondre au style de trophée recherché ; que c’est dans ce contexte que le brief adressé à la SARL EDITEO comporte des reproductions photographiques du modèle 'TRIADE’ ;

Considérant que dans son courriel adressé à la
SARL EDITEO le 17 février 2011, Mme J
K indique que 'les équipes’ ont préféré 'la légèreté et le dynamisme du modèle créé spécialement pour eux par C [D]' ;

Considérant que la comparaison entre le modèle 'TRIADE’ et le trophée réalisé par Mme C
D pour la SA Société
Générale, à laquelle s’est livrée la cour, fait apparaître que Mme C
D a repris les caractéristiques originales du modèle revendiqué, à savoir trois personnages

stylisés formant une pyramide, aux membres en extension liés entre eux par les mêmes points de connexion, ne reposant sur un socle que par le membre inférieur d’un des personnages et donnant la même impression d’union, de dynamisme et de légèreté ;

Que la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non par les différences et que le seul ajout par Mme C D d’un quatrième personnage surélevé n’est qu’un détail non significatif , d’autant plus qu’il ne pourrait s’agir que d’une adaptation, transformation ou arrangement de l’oeuvre 'TRIADE’ sans le consentement de son auteur, également prohibés par l’article L 122-4 précité ;

Que de même le procédé technique de fabrication employé, qu’il s’agisse de la fonte ou de la découpe laser, est inopérant dans la mesure où cet article prohibe d’une façon générale toute reproduction sans autorisation 'par un art ou un procédé quelconque’ ;

Considérant que si la SA Société
Générale soutient que son brief, destiné à la seule SARL EDITEO, n’aurait fait l’objet d’aucune communication à des tiers et qu’elle n’aurait donc aucune responsabilité dans l’acte de contrefaçon reproché à Mme C D, il convient de relever que chaque brief adressé par Mme J K aux designers pressentis par l’appel d’offres de la SA Société
Générale reproduit la ou les oeuvres du designer contacté pouvant correspondre aux souhaits de la banque ;

Qu’ainsi le brief adressé à la société
ARTEMPO reproduit des modèles de trophée de cette société totalement différents de ceux de la SARL EDITEO et qu’il est significatif que ni la SA Société
Générale, ni Mme C
D n’ont versé aux débats ni le brief destiné à cette dernière où auraient dû normalement figurer des reproductions de ses propres modèles, ni la proposition de cette dernière ;

Considérant en outre que de son propre aveu, l’activité 'trophées’ de Mme C D a toujours été ponctuelle et 'très modeste’ (page 4 de ses conclusions) ; qu’à la différence de Mme X
Y, elle ne détaille pas son processus créatif ayant abouti à la réalisation de son propre modèle de trophée dont il est peu vraisemblable qu’elle ait pu y parvenir dans le très court délai imparti par la SA Société Générale (moins d’un mois selon ses briefs) alors que la société
ARTEMPO, pourtant spécialiste de la réalisation de trophées, estimait ce délai très court (bien que portant sur des créations déjà existantes) et que la
SARL EDITEO attirait également l’attention de Mme J K sur un délai de 3 à 4 semaines uniquement pour la fabrication de modèles déjà existants ;

Qu’il apparaît en réalité que Mme C D n’a pu réaliser aussi rapidement son modèle de trophée dont il vient d’être dit qu’il contrefaisait par reproduction quasi identique (à un ajout près) les caractéristiques originales du modèle 'TRIADE’ que parce qu’elle a eu communication par la SA
Société Générale du brief initialement destiné à la SARL EDITEO et où figuraient plusieurs photographies de ce modèle 'TRIADE’ ;

Considérant que c’est ainsi que Mme C D a pu proposer un prix de fabrication nettement inférieur à celui de la SARL EDITEO (3.684 HT au lieu de 7.475 HT), déterminant le choix de la
SA Société Générale, plutôt que 'la légèreté et le dynamisme’de son modèle, au demeurant constitutifs de la contrefaçon de ces caractéristiques originales du modèle 'TRIADE’ ;

Considérant qu’il ressort également des pièces versées aux débats (notamment du constat d’huissier effectué le 14 octobre 2013) que Mme C D a mis en vente par l’intermédiaire de son site 'www.tropheo.fr’ (dont elle a déposé le nom de domaine) son modèle de trophée contrefaisant le modèle 'TRIADE’ destiné notamment tant à la SA
Société Générale qu’à la société
AREVA ;

Considérant que par ces actes de contrefaçon il a été porté atteinte tant aux droits patrimoniaux de la
SARL EDITEO qu’au droit moral à la paternité de son oeuvre pour Mme X Y, les

photographies de son modèle 'TRIADE’ reproduits dans le brief de la SA Société Générale ne mentionnant pas son nom et Mme C
D présentant sur son site
Internet son modèle contrefaisant sous le titre de 'perso', laissant entendre qu’il s’agit d’une création personnelle ;

IV : SUR LA CONCURRENCE DÉLOYALE :

Considérant que Mme X
Y et la SARL EDITEO reproche à ce titre la déloyauté avec laquelle la SA Société Générale a, selon elles, procédé à l’appel d’offres litigieux sans respecter les engagements de transparence qu’elle affiche dans sa politique d’achat ;

Qu’elles précisent qu’il s’agit de faits distincts de ceux visés à l’appui de leurs demandes en contrefaçon ;

Qu’elles ajoutent que Mme C
D a également commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la SARL EDITEO en créant le site 'www.tropheo.fr’ à la consonance proche de celle d’EDITEO, présentant les trophées réalisés pour la SA Société Générale, dont l’un est gravé du terme 'reso’ identique au modèle 'RESO', déclinaison du trophée 'TRIADE’ ;

Considérant que la SA Société
Générale conteste avoir commis une faute qui lui serait imputable au motif que les oeuvres de Mme X
Y ne constituant pas des oeuvres protégées, relèveraient de la liberté du commerce et qu’en l’absence de risque de confusion entre les trophées litigieux, leur commercialisation ne pouvait pas être fautive ;

Qu’elle ajoute que sa politique d’achat exposée sur son site Internet ne constitue pas une source d’obligations dont la violation pourrait lui être opposée mais, au mieux, d’un engagement unilatéral de moyens dont il n’est pas démontré qu’il n’aurait pas été respecté ;

Qu’elle soutient que l’organisation de son appel d’offres ne souffre donc pas la moindre critique et que les griefs concernant le site

www.tropheo.fr

ne la concernent pas ;

Considérant que Mme C
D soutient que les faits invoqués à l’appui des demandes en concurrence déloyale et parasitaire ne sont pas distincts de ceux visés par les demandes en contrefaçon ;

Qu’elle ajoute n’avoir commis aucune faute, les appelantes ne pouvant arguer d’un monopole sur les dénominations se terminant en 'eo’ ou 'éo’ et que la commercialisation d’un produit banal comme les trophées 'TRIADE’ et 'RESO’ relève de la liberté du commerce ;

Considérant qu’il sera d’abord rappelé que Mme X Y et la SARL EDITEO sont bien titulaires de droits d’auteur sur les oeuvres 'TRIADE’ et 'RESO’ et que la commercialisation de contrefaçons de ces oeuvres ne relève donc pas de la liberté du commerce ;

Considérant que les faits de concurrence déloyale et parasitaire invoqués par la SARL EDITEO se fondent d’une part sur les circonstances dans lesquelles s’est déroulé l’appel d’offres organisé par la
SA Société Générale et d’autre part par l’exploitation du site Internet 'www.tropheo.fr’ par Mme C D ;
qu’il s’agit donc de faits distincts de ceux invoqués par les appelantes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur ;

Considérant que sur l’espace 'Fournisseurs’ de son site
Internet 'www.societegenerale.com', la SA
Société Générale expose être signataire depuis 2010 de la 'Charte Relations Fournisseurs
Responsables’ conçue par la Médiation du crédit et la Compagnie des dirigeants et acheteurs de
France, promouvant 'une démarche de progrès vis-à-vis des fournisseurs et détaill[ant] 10 engagements pour des achats responsables’ et bénéficier depuis 2012 du label 'Relations fournisseur responsable’ ;

Considérant qu’à moins de vouloir priver cette charte de tout effet autre que de simple annonce, il apparaît que ses signataires (dont la SA Société
Générale) s’engagent à en respecter les principes 'dans le cadre de la législation en vigueur régissant les relations inter entreprises (Code du
Commerce) ainsi que, pour les entreprises et entités concernées, des textes encadrant les marchés publics’ (préambule de la charte) ;

Qu’au point 8 des 10 engagements figurant à cette charte, leurs signataires prennent l’engagement, dans le cadre des procédures d’achats, 'd’assurer une mise en concurrence ouverte, libre et loyale, gage d’efficacité sur la base des règles suivantes :
libre accès aux appels d’offres, égalité de traitement des candidats, transparence et traçabilité des procédures, prise en compte du coût total’ ;

Qu’il s’agit d’un engagement unilatéral dont la violation peut constituer une faute susceptible d’engager la responsabilité civile délictuelle de son auteur sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil (dans sa rédaction à la date des faits) ;

Considérant qu’il apparaît que l’appel d’offres à l’origine du présent litige n’a pas été mené dans la transparence voulue par cette charte dans la mesure où chaque designer contacté a reçu un brief différent sans indication des autres designers concurrents également contactés et où encore à ce jour, le brief et les correspondances échangées entre la SA
Société Générale et Mme C D sont toujours dissimulés, de telle sorte que chacun des participants n’était pas en mesure de s’assurer avoir bénéficié de l’égalité de traitement également voulue par cette charte ;

Qu’ainsi en ne respectant pas ses propres engagements de 'fournisseur responsable’ dans le cadre de cet appel d’offres, la SA Société Générale a commis des fautes constitutives d’actes de concurrence déloyale engageant sa responsabilité civile délictuelle ;

Considérant qu’en remportant cet appel d’offres grâce à ces fautes et à la contrefaçon des oeuvres dont Mme X Y et la SARL EDITEO sont titulaires de droits d’auteur, Mme C
D a pu acquérir le nom de domaine 'tropheo.fr’ pour exploiter sous ce nom un site
Internet commercialisant exclusivement ses trophées, dont le modèle contrefaisant, alors que jusque-là son activité dans ce domaine était très réduite ;

Que ce site, dont la consonance sonore finale [eo] est identique à celle de la SARL EDITEO, propose ainsi à la vente divers trophées dont ceux contrefaisants, réalisés pour la SA Société
Générale, l’un d’entre eux étant gravé du terme 'reso’ identique au nom du trophée 'RESO', déclinaison du trophée 'TRIADE’ créés par les appelantes ;

Que l’ensemble de ces éléments crée ainsi dans l’esprit du public un risque de confusion sur l’origine exacte des créations en cause, Mme C D profitant en outre sans bourse délier des investissements créatifs (pour Mme X Y) et promotionnels (pour la SARL EDITEO notamment par la confection de ses catalogues) des appelantes pour se placer dans leur sillage ;

Que ces faits constituent également des actes de concurrence déloyale et parasitaire engageant la responsabilité civile délictuelle de Mme C D ;

Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la SARL EDITEO et Mme X Y de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale ;

V : SUR LES MESURES RÉPARATRICES :

Considérant qu’en réparation du préjudice patrimonial subi du fait des actes de contrefaçon, la SARL
EDITEO affirme que Mme C D tente de minimiser son activité en ne communiquant pas les bilans de son activité d’auto-entrepreneur ;

Que compte tenu du gain manqué, du chiffre d’affaires réalisé par les intimées et de l’atteinte au trophée 'TRIADE', pièce phare de son catalogue, la SARL
EDITEO évalue son préjudice patrimonial à la somme de 100.000 ;

Que Mme X Y évalue son préjudice moral résultant de la reproduction et de l’adaptation non autorisée de ses créations à la somme de 50.000 ;

Qu’en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire, la SARL
EDITEO, victime notamment d’un détournement de clientèle, réclame la somme de 100.000 à titre de dommages et intérêts ;

Que les appelantes présentent également des demandes d’interdiction, sous astreinte de 1.000 par infraction constatée, de fabriquer, d’offrir à la vente et de vendre tout trophée constituant la contrefaçon du trophée 'TRIADE', ainsi que de publication judiciaire ;

Considérant que la SA Société
Générale invoque l’absence de démonstration d’un préjudice subi par les appelantes, précisant qu’une condamnation in solidum avec Mme C D est inenvisageable ; qu’elle s’oppose également à la demande de publication judiciaire qui n’est que purement vexatoire eu égard notamment à l’ancienneté des faits ;

Considérant que Mme C
D invoque également l’absence de démonstration d’un préjudice indemnisable, indiquant que ses bénéfices engendrés sur les trophées qu’elle a réalisés ne s’élèvent qu’à la somme de 7.466, 81 ;

Considérant ceci exposé, qu’en vertu des dispositions de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, il convient, pour fixer les dommages et intérêts réparant les actes de contrefaçon, de prendre en considération distinctement les conséquences négatives de l’atteinte aux droits, le préjudice moral causé à la partie lésée et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits ;

Considérant que la SARL EDITEO n’invoque pas un manque à gagner ou une perte subie et ne procède qu’à une évaluation forfaitaire de son préjudice patrimonial au titre des bénéfices réalisés par Mme C D ;

Considérant que le modèle contrefaisant a été vendu par Mme C
D aux sociétés AREVA et Société Générale, qu’au vu des documents versés aux débats dont l’authenticité n’est pas sérieusement contestée, il apparaît que son bénéfice, en tant qu’auto-entrepreneur, a été de 7.466,81 ;

Considérant dès lors que sur cette base, il convient d’évaluer le préjudice patrimonial subi par la
SARL EDITEO du fait des actes de contrefaçon à la somme de 7.500 ;

Considérant d’autre part que ces actes de contrefaçon ont nécessairement occasionné à Mme X
Y un préjudice moral résultant de la banalisation de son oeuvre et de l’atteinte à son droit de paternité ; qu’au vu de ces éléments son préjudice moral sera évalué à la somme de 5.000 ;

Considérant enfin que la SARL EDITEO a également subi un préjudice, ne serait-ce que moral, résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire, que la cour évalue, en l’état des éléments de la cause, à la somme de 7.500 ;

Considérant que ces actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ont été commis de concert par la SA Société Générale qui en a notamment permis la commission par Mme C
D, de telle sorte qu’elles seront toutes deux condamnées in solidum au paiement de ces sommes à titre de dommages et intérêts étant relevé que si dans les motifs de ses conclusions la SA Société
Générale s’oppose à une condamnation in solidum avec Mme C D, elle ne reprend pas cette

demande à son dispositif qui seul saisit la cour de ses prétentions ;

Considérant d’autre part que pour mettre fin à ces actes et en prévenir le renouvellement il sera ordonné l’interdiction de fabriquer, d’offrir à la vente et de vendre tout trophée constituant la contrefaçon du trophée 'TRIADE', ce sous astreinte provisoire d’une durée de trois mois de 1.000 par infraction constatée ;

Qu’en revanche, eu égard notamment à l’ancienneté des faits, il n’apparaît pas opportun d’ordonner la publication judiciaire du présent arrêt ;

VI : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que si au dispositif de ses conclusions la
SA Société Générale demande à être relevée et garantie de toute condamnation par Mme C D, force est de constater qu’elle n’articule, dans le corps des motifs de ses conclusions, aucun moyen relatif à cette demande ;

Qu’il apparaît donc qu’il n’est allégué aucune faute particulière de Mme C
D à l’encontre de la SA Société Générale susceptible de justifier cette demande de garantie ;

Qu’en conséquence la SA Société
Générale sera déboutée de cette demande ;

Considérant qu’il est équitable d’allouer à la
SARL EDITEO et à Mme X
Y la somme globale de 10.000 au titre des frais par elles exposés et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs infirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que la SA Société
Générale et Mme C
D seront pour leur part, déboutées de leurs demandes respectives en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la SA Société
Générale et Mme C
D, parties perdantes tenues à paiement, seront condamnées in solidum au paiement des dépens de la procédure de première instance et d’appel, le jugement entrepris étant par ailleurs infirmé en ce qu’il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

P A R C E S M L

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;

Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

Déclare Mme X
Y et la SARL EDITEO recevables à agir en contrefaçon de droits d’auteur à l’encontre de Mme C
D et de la SA Société
Générale ;

Dit que Mme X Y et la SARL EDITEO peuvent revendiquer la protection au titre du droit d’auteur sur les trophées 'TRIADE’ et 'RESO’ ;

Dit qu’en reproduisant les éléments caractéristiques de l’oeuvre 'TRIADE’ dont Mme X
Y et la SARL EDITEO sont titulaires sans leur autorisation, Mme C
D a commis des actes de concurrence déloyale à leur préjudice,

Dit qu’en reproduisant sans l’autorisation de leurs titulaires, l’oeuvre 'TRIADE’ sur son brief et en communiquant celui-ci à des tiers, la SA Société
Générale a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de Mme X Y et de la
SARL EDITEO ;

Dit qu’en ne respectant pas ses engagements de transparence et de loyauté dans l’élaboration de son appel d’offres la SA Société Générale a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la
SARL EDITEO en favorisant Mme C
D ;

Dit qu’en exploitant son site Internet 'www.tropheo.fr’ sur lequel sont commercialisés des exemplaires de son modèle de trophée contrefaisant avec la mention 'reso'; Mme C
D a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la SARL EDITEO avec l’appui initial de la SA Société Générale ;

Condamne en conséquence in solidum Mme C D et la SA Société Générale à payer les sommes suivantes :

— à la SARL EDITEO, SEPT MILLE CINQ CENTS EUROS (7.500 ) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial du fait des actes de contrefaçon,

— à Mme X Y, CINQ MILLE EUROS (5.000 ) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral du fait des actes de contrefaçon,

— à la SARL EDITEO, SEPT MILLE CINQ CENTS EUROS (7.500 ) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

Fait interdiction à Mme C D et à la SA Société Générale l’interdiction de fabriquer, d’offrir à la vente et de vendre tout trophée constituant la contrefaçon du trophée 'TRIADE', ce sous astreinte provisoire d’une durée de trois (3) mois de MILLE
EUROS (1.000 ) par infraction constatée ;

Déboute la SARL EDITEO et Mme X Y de leur demande de publication judiciaire du présent arrêt à titre d’indemnisation complémentaire ;

Déboute la SA Société
Générale de sa demande tendant à être relevée et garantie de toute condamnation par Mme C D ;

Condamne in solidum Mme C D et la SA
Société Générale à payer à la SARL
EDITEO et à Mme X Y la somme globale de DIX MILLE EUROS (10.000 ) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Déboute Mme C
D et la SA Société
Générale de leurs demandes respectives en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme C D et la SA
Société Générale aux dépens de la procédure de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

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Cour d'appel de Paris, 4 octobre 2016, n° 15/09727