Infirmation 25 février 2016
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Sur la décision
| Référence : | CA Paris, 25 févr. 2016, n° 13/03153 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
| Numéro(s) : | 13/03153 |
| Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Paris, 10 janvier 2013, N° 10/00408 |
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRÊT DU 25 Février 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/03153
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Janvier 2013 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 10/00408
APPELANT
Monsieur Z Y
XXX
XXX
né le XXX à XXX
comparant en personne,
représenté par Me Sami LANDOULSI, avocat au barreau de VAL D’OISE, toque : 136
INTIME
Monsieur B X exploitant sous l’enseigne XXX
XXX
XXX
représenté par Me Frédérique AZOULAY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 36
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats
ARRÊT :
— contradictoire
— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
— signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. Z Y, soutenant avoir été employé depuis le 1er décembre 2001 comme plongeur par Monsieur D X, qui exerce son activité de restaurant sous l’enseigne 'Cachere Djerba', et licencié verbalement le 4 décembre 2008, a saisi la juridiction prud’homale le 14 janvier 2010 d’une demande de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 11 janvier 2013 notifié le 18 mars suivant, le Conseil de prud’hommes de Paris a condamné Monsieur X à payer à Monsieur Y les sommes de :
— 571,92 € à titre d’indemnité de préavis,
— 57,19 € au titre des congés payés incidents,
avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2010 et exécution provisoire,
— 3431,54 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2013,
— et 750 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
en lui ordonnant la remise d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation pour Pôle Emploi conformes au jugement et en le condamnant aux dépens, et en déboutant Monsieur Y du surplus de sa demande.
Monsieur Y a interjeté appel de cette décision le 28 mars 2013.
A l’audience de renvoi du 19 janvier 2016, il demande à la Cour d’infirmer le jugement et de condamner Monsieur X à lui payer les sommes de :
— 2974 € à titre de préavis
— 297 € à titre de congés payés sur préavis
— 8922 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé
— 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
— 2081,80 € à titre d’indemnité de licenciement
— et 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et encore 3000 € au même titre,
avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
et d’ordonner la remise de bulletins de paie ainsi que du certificat de travail et de l’attestation pour Pôle emploi et encore des bulletins de paie de décembre 2001 à décembre 2008.
Il fait valoir qu’il a été licencié verbalement à la suite du contrôle de l’inspection du travail dans le restaurant sans que l’employeur ne le convoque à un entretien préalable ni ne lui notifie les motifs de la rupture, ce qui rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il souligne que l’employeur a reconnu devant l’inspection du travail que la relation salariale avait débuté sept ans auparavant et que la demande d’autorisation de travail qu’il a signée fait bien état d’un emploi à temps plein moyennant un salaire de 1487,09 €. Il considère donc avoir droit tant aux indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, soulignant ne pas avoir pu bénéficier des allocations de l’Assedic, qu’à celle spécifique pour travail dissimulé.
Monsieur X demande pour sa part la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur Y à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il expose que le point de départ de la relation salariale que le salarié fait remonter à 2001 n’est pas établi par les éléments du dossier, si bien que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a retenu que la seule certitude était l’emploi à la date du contrôle de l’inspection du travail le 4 décembre 2008. Il ajoute que s’il a établi à la demande de l’inspection du travail une demande préalable d’embauche le 12 décembre 2008 et remis à Monsieur Y un bulletin de paie et un chèque correspondant à un mois de travail à temps plein qui doit être analysé comme l’indemnisant de la rupture irrégulière, le montant de cette somme a été fixé par le contrôleur du travail pour permettre à l’intéressé d’obtenir une régularisation de titre de séjour, mais que le restaurant n’a jamais eu besoin d’un emploi de plongeur à temps plein et que le salaire doit être ramené à 571,92 € pour 60 heures par mois.
A l’audience, la Cour a sollicité les observations des parties sur l’application des dispositions de l’article L.8252-2 du code du travail relatif à l’emploi d’un salarié étranger sans titre de travail, qui doit donc être considéré comme étant dans les débats.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.
MOTIFS
Attendu qu’il résulte des pièces produites au dossier que l’inspection du travail est intervenue le 4 décembre 2008 pour contrôler le restaurant 'Djerba Cacher’ situé XXX tenu par Monsieur X et a constaté l’emploi de Monsieur Y qui n’avait pas de titre de séjour l’autorisant à travailler en France ;
que Monsieur Y, qui avait pris la fuite lors du contrôle, a été entendu par l’inspection du travail le 11 décembre 2008 et a soutenu qu’il travaillait depuis le 1er décembre 2001 pour Monsieur X, celui-ci entendu le 8 décembre 2008 ne
reconnaissant pas l’emploi de la personne ayant pris la fuite ; qu’il ne ressort donc pas du procès-verbal établi à cette date, seul produit au dossier, que l’employeur ait reconnu que la collaboration avait débuté sept ans avant, comme l’affirme le contrôleur dans un courrier du 1er avril 2010 n’ayant pas la foi d’un procès-verbal ; que Monsieur X n’en a pas moins été poursuivi pénalement pour avoir 'courant 2007, 2008 et le 4 décembre 2008 à Paris, avoir employé un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié et exécuté un travail dissimulé', infractions
qu’il a reconnues devant le délégué du Procureur de la République et pour lesquelles il a accepté la composition pénale proposée ; qu’il a également fait l’objet, à titre de sanctions administratives de l’emploi d’un travailleur en situation de séjour irrégulier, d’une fermeture administrative et payé la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de Monsieur Y dans son pays d’origine, lequel a régularisé sa situation administrative en France en 2011 ; qu’il résulte de ces éléments qu’il doit être considéré comme constant que Monsieur X a employé de 2007 au 4 décembre 2008 Monsieur Y sans titre de travail ; que cette situation constitue, dans les différents cas de travail illégal visés et sanctionnés pénalement par le code du travail, une violation des dispositions spécifiques relatives à l’interdiction d’employer un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France de l’article L.8251-1 du code du travail, dont les sanctions civiles sont prévues par l’article L.8252-2 du code du travail, et de surcroît l’infraction de travail dissimulé, l’employeur ayant eu parfaitement connaissance de la situation irrégulière du salarié et ne l’ayant pas déclaré ;
Attendu que, selon l’article L.8252-2.2° du code du travail dans sa rédaction applicable au litige antérieure à la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, l’étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France avait droit, au titre de la période d’emploi illicite, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire, à moins que l’application des règles figurant aux articles L.1234-5, L.1234-9, L.1243-4 et L.1243-8 ne conduise à une solution plus favorable ; qu’il en résulte que cette indemnité due quelle que soit la cause de la rupture est non cumulative mais alternative avec les indemnités légales de préavis ou de licenciement ; qu’en revanche, l’interdiction d’employer un travailleur étranger en situation irrégulière qui constitue une infraction pénale implique que l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout comme d’ailleurs de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, les dispositions qui régissent la procédure de licenciement pour motif personnel n’étant pas applicables à cette cause de rupture obligatoire ; que le jugement sera en conséquence confirmé qui a rejeté la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu par ailleurs que l’article L.8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait notamment pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité soit de la déclaration préalable à l’embauche, soit de la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu’aux termes de l’article L.8223-1 du même code, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que si Monsieur Y a également fait l’objet d’un travail dissimulé puisqu’il n’a pas été déclaré étant sans papiers, il reste que cette infraction ne peut cumuler ses effets avec celle de l’article L.8251-1 du code du travail, ce que prévoit d’ailleurs expressément aujourd’hui l’article L.8252-2 auquel la loi du 16 juin 2011 a ajouté un nouvel alinéa aux termes duquel 'lorsque l’étranger employé sans titre l’a été dans le cadre d’un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l’article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables’ ; que Monsieur Y sollicitant le bénéfice de l’indemnité pour travail dissimulé prévue par les dispositions de l’article L.8223-1 du code du travail qui est plus favorable que les indemnités de rupture réclamées par ailleurs, il sera donc fait droit uniquement à sa demande d’indemnité forfaitaire ; que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a également alloué à Monsieur Y une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
Et attendu qu’en l’absence de contrat de travail écrit, il est présumé être à temps complet et que l’employeur ne fait aucunement la preuve contraire qu’il n’a employé qu’à temps partiel Monsieur Y, alors que le restaurant était ouvert midi et soir du dimanche au vendredi midi et fermé uniquement le vendredi et le samedi selon les horaires affichés ; que sur la base du salaire retenu par l’employeur dans la demande d’autorisation de travail pour un salarié étranger qu’il a établie le 12 décembre 2008 à la suite du contrôle de l’inspection du travail, fixé à 1487,09 € pour 39 heures hebdomadaires, il est donc dû à l’appelant, à titre d’indemnité pour travail dissimulé, la somme de 8922,54 € de laquelle vient en déduction celle de 1487,09 € versée à titre 'd’indemnité spéciale de rupture’ à la demande de l’inspection du travail telle qu’elle est mentionnée sur le bulletin de paie du 1er janvier 2009, soit un solde de 7435,45 € ; que cette somme porte intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2012, date de l’audience à laquelle la demande de cette indemnité légale a été formée ;
Attendu qu’en application de R.5421-3 du code du travail, le travailleur étranger ne bénéficie du revenu de remplacement prévu à l’article L.5421-1 dans les mêmes conditions que le travailleur français que s’il se trouve en situation régulière au regard des dispositions réglementant son activité professionnelle salariée, si bien que Monsieur Y ayant été en situation irrégulière sur le territoire français, il ne pouvait prétendre au versement d’allocations de chômage et la demande de remise de l’attestation pour Pôle Emploi n’est pas fondée ; que la nature de la décision ne justifie pas la remise de bulletins de paie ; que seul un certificat de travail pour la période du 1er janvier 2007 au 4 décembre 2008 devra être remis ;
Et attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de l’appelant la totalité de ses frais de procédure ; qu’il sera alloué à Monsieur Y la somme de 750 € en sus de celle allouée en premier ressort ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné Monsieur X à payer à Monsieur Y les sommes de :
— 571,92 € à titre d’indemnité de préavis,
— 57,19 € au titre des congés payés incidents,
avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2010 et exécution provisoire,
— 3431,54 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2013,
et a ordonné la remise d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation pour Pôle Emploi conformes au jugement ;
Statuant de nouveau sur ces demandes,
Condamne Monsieur B X à payer à Monsieur Z Y la somme de 7435,45 € au titre du solde de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2012 ;
Ordonne la remise par Monsieur X à Monsieur Y d’un certificat de travail portant sur la période du 1er janvier 2007 au 4 décembre 2008 ;
Rejette le surplus des demandes ;
Ajoutant au jugement,
Condamne Monsieur X à payer à Monsieur Y la somme de 750 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur X aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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