Cour d'appel de Paris, 22 mars 2016, n° 14/11095

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 22 mars 2016, n° 14/11095
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/11095
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 4 mai 2014, N° 2012011841

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 22 MARS 2016

(n°048/2016, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/11095

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2014 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2012011841

APPELANTES

SA LE BERRY RÉPUBLICAIN

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bourges sous le numéro 323 622 357

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

SAS L’YONNE RÉPUBLICAINE

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’AUXERRE sous le numéro 425 520 376

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

8 avenue C Moulin

XXX

SA LA RÉPUBLIQUE DU CENTRE

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’ORLEANS sous le numéro 085 880 037

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

SA ECHO COMMUNICATION

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CHARTRES sous le numéro 805 920 444

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentées et assistées de Maître Luke VIDAL de la SELARL SYGNA PARTNERS avocat au barreau de PARIS, toque : P0540

INTIMÉE

SAS X

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Mulhouse sous le numéro 491677647,

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Maître Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée de Maître Solange RECK, de la SCP RECK BRUN, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre, rédacteur

Mme A B, Conseillère

Madame Y Z, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été fait à l’audience dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile par Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre .

Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT

ARRÊT :

contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Mme Karine ABELKALON, greffière auquelle le Président a remis la minute pour signature.

***

E X P O S É D U L I T I G E

La SAS X exploite depuis 2008 un site Internet d’annonces nécrologiques sous le nom de domaine www.avis-de-deces.net>, les avis de décès étant commercialisés auprès des familles par l’intermédiaire des entreprises de pompes funèbres, chaque avis étant associé à un registre de condoléances en ligne ;

Lorsqu’elles ont vendu le service de la SAS X, les entreprises de pompes funèbres, en transmettant l’annonce nécrologique aux journaux, ajoutent une ligne à celle-ci ainsi libellée : 'condoléances et témoignages sur www.avis-de-deces.net’ ;

Le groupe Centre-France est un groupe de presse spécialisé dans la presse régionale, notamment à travers ses filiales, la SA Le Berry Républicain, la SAS L’Yonne Républicaine, la SA La République du Centre et la SA Écho Communication ;

Ces journaux locaux comportent une section d’annonces nécrologiques, les entreprises de pompes funèbres leur transmettant des demandes d’insertion qui sont traitées pour que leur contenu soit intégré dans la base de données informatiques des journaux, les annonces étant relayées sur le site en ligne de chaque journal ;

XXX, l’Yonne Républicaine, La République du Centre et Écho Communication se sont associées avec d’autres groupes de titres régionaux pour créer la société Dansnoscoeurs, laquelle édite le site Internet www.dansnoscoeurs.fr> qui diffuse en ligne les annonces nécrologiques des journaux 'papiers’ ;

La SAS X, constatant que ces sociétés insèrent depuis le 30 août 2011 systématiquement au bas de chaque avis de décès la mention 'avis et condoléances sur www.dansnoscoeurs.fr’ moyennant le prix de 15 € et estimant que cette vente, qu’elle qualifie de forcée, est déloyale à son encontre, a fait assigner ces sociétés les 24, 27 et 31 janvier et 02 février 2012 devant le tribunal de commerce de Paris en dommages et intérêts ;

Par jugement contradictoire du 05 mai 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

dit l’action de la SAS X recevable, sauf en ce qui concerne sa demande visant au remboursement des consommateurs,

dit que les défenderesses, en couplant la vente de leurs annonces nécrologiques dans leur support papier avec la vente d’une annonce en ligne sur le site de www.dansnoscoeurs.fr se sont rendues coupables d’une pratique commerciale déloyale et par là-même ont commis un acte de concurrence déloyale envers la SAS X,

dit qu’en liant la vente d’annonces nécrologiques sur leur support papier avec la vente d’une annonce et des services annexes en ligne sur www.dansnoscoeurs.fr, les défenderesses ont exploité abusivement leur position dominante en empêchant l’accès au marché des annonces en ligne à d’autres acteurs,

interdit aux défenderesses de pratiquer une vente liée entre les annonces nécrologiques sur leur support papier et les annonces sur le site Internet www.dansnoscoeurs.fr,

condamné :

la SA Le Berry Républicain à payer à la SAS X la somme de 7.591 €,

a SAS L’Yonne Républicaine à payer à la SAS X la somme de 7.958 €,

la SA La République du Centre à payer à la SAS X la somme de 8.011 €,

la SA Écho Communication à payer à la SAS X la somme de 6.247 €,

débouté les sociétés Le Berry Républicain, L’Yonne Républicaine, La République du Centre et Écho Communication de leurs demandes,

condamné les sociétés Le Berry Républicain, L’Yonne Républicaine, La République du Centre et Écho Communication à publier le dispositif de sa décision sur un quart de page dans leur rubrique 'Carnet du jour',

débouté la SAS X de ses autres demandes,

condamné les sociétés Le Berry Républicain, L’Yonne Républicaine, La République du Centre et Écho Communication à payer à la SAS X la somme de 3.000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

ordonné l’exécution provisoire de sa décision, sauf en ce qui concerne les mesures de publication ;

La SA Le Berry Républicain, la SAS L’Yonne Républicaine, la SA La République du Centre et la SA Écho Communication ont interjeté appel de ce jugement le 23 mai 2014 ;

Par leurs dernières conclusions récapitulatives, transmises par RPVA le 14 janvier 2016, les sociétés Le Berry Républicain, L’Yonne Républicaine, La République du Centre et Écho Communication demandent, au-delà de demandes de constatations qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens de l’article 6 du code de procédure civile :

de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’absence d’intérêt à agir de la SAS X pour les consommateurs et en ce qu’il a retenu l’absence d’entente illicite et d’agissements parasitaires,

d’infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

d’écarter des débats la pièce 35,

de débouter la SAS X de toutes ses demandes,

d’interdire à la SAS X la détention, la commercialisation et la réutilisation sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, de tout ou partie du contenu de données extraites de leur base de données nécrologiques, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard et par infraction constatée, dans un délai de quinze jours de la signification du 'jugement’ (sic),

de condamner la SAS X à payer à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à leurs droits de producteur de la base de données nécrologiques :

7.800 € à la SA Le Berry Républicain,

9.000 € à la SAS L’Yonne Républicaine,

9.000 € à la SA La République du Centre,

7.800 € à la SA Écho Communication,

de condamner la SAS X à leur payer à chacune la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

Par ses dernières conclusions récapitulatives d’appel, transmises par RPVA le 18 janvier 2016, la SAS X demande :

de confirmer partiellement le jugement entrepris,

de condamner chacune des sociétés adverses à lui payer la somme de 30.000 € en réparation du préjudice moral subi au titre du couplage imposé,

de condamner en réparation du préjudice matériel :

La SA Le Berry Républicain à lui payer la somme de 50.795,43 €

La SAS L’Yonne Républicaine à lui payer la somme de 53.740,18 €,

La SA La République du Centre à lui payer la somme de 53.247,42 €,

La SA Écho Communication à lui payer la somme de 39.747,70 €,

d’ordonner aux frais des sociétés adverses, la publication du dispositif du 'jugement’ (sic) dans la page 'Carnet du Jour’ de chacun des journaux ainsi que sur la page d’accueil du site www.dansnoscoeurs.fr> pendant un délai de trois mois, dans les huit jours de la signification de l’arrêt,

de condamner chacune des sociétés adverses à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2016.

M O T I F S D E L ' A R R Ê T

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu à écarter a priori des débats la pièce n° 35 du dossier de la SAS X, l’examen de sa force probante relevant du fond de l’affaire ;

I : SUR LA QUALITÉ À AGIR DE LA SAS X :

Considérant que la SAS X ne conteste pas le chef du dispositif du jugement entrepris ayant déclaré irrecevable sa demande visant au remboursement des consommateurs, faute d’intérêt à agir ;

Considérant en effet qu’en vertu du principe de droit selon lequel nul en France ne plaide par procureur, la SAS X était irrecevable, faute d’intérêt à agir, à demander la restitution par la SA Le Berry Républicain, la SAS L’Yonne Républicaine, la SA La République du Centre et la SA Écho Communication (ci-après les sociétés éditrices) des sommes selon elle indûment 'perçues sans engagement exprès et préalable du consommateur', que le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef ;

Considérant que les sociétés éditrices soulèvent également l’absence de qualité à agir de la SAS X pour l’ensemble de ses autres demandes à leur encontre au motif que cette société n’était pas présente sur la zone de diffusion des quatre titres mis en cause (départements de l’Yonne, du Loiret, de l’Eure-et-Loir et du Cher), ni ne démarchait les établissements de pompes funèbres implantées dans ces quatre départements et que faute d’intérêt né, actuel et personnel, la SAS X serait irrecevable à prétendre avoir été victime de pratiques anticoncurrentielles ou de concurrence déloyale de la part de sociétés qui n’étaient pas en situation de concurrence avec elle ;

Mais considérant que les sociétés éditrices, par leur intervention, permettent de diriger les internautes vers le site www.dansnoscoeurs.fr> (concurrent direct du site www.avis-de-deces.net>) édité par la société Dansnoscoeurs, laquelle diffuse en ligne les annonces nécrologiques des journaux 'papiers’ édités par ces sociétés de presse, la commercialisation de ces annonces étant effectuée par les sociétés éditrices et leur facturation par la société Centre France Publicité du groupe de presse Centre-France, regroupant notamment les sociétés éditrices ;

Considérant dès lors que la SAS X, éditrice du site www.avis-de-deces.net>, justifie bien d’un intérêt légitime à agir en concurrence déloyale et abus de position dominante à l’encontre des sociétés éditrices ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il l’a déclarée recevable à agir à ce titre ;

II : SUR LES DEMANDES AU TITRE DE LA CONCURRENCE DÉLOYALE :

Considérant que les sociétés éditrices soutiennent que les griefs de la SAS X fondés sur les dispositions du code de la consommation relativement à la prohibition de la 'vente forcée’ (article L 122-3 de ce code) et de la 'pratique commerciale agressive’ (article L 122-11) sont dépourvus de base légale en ce que ces dispositions ont uniquement vocation à protéger le consommateur et que ces sociétés ne sont pas en relation avec le consommateur final de leurs services de publication d’annonces nécrologiques, mais seulement avec les établissements de pompes funèbres, professionnels au sens du code de la consommation ;

Mais considérant d’une part que le non respect par un concurrent des règles du droit de la consommation est de nature à constituer à son égard une pratique de concurrence déloyale et lui porter préjudice, constituant une faute de nature à lui ouvrir droit à réparation ; d’autre part que si les familles, à l’occasion des funérailles d’un proche, en confient généralement l’organisation aux entreprises de pompes funèbres, y compris en ce qui concerne la publication de l’avis de décès, il n’en demeure pas moins qu’elles peuvent s’adresser directement aux annonceurs pour passer directement une annonce dans les pages nécrologiques, que ce soit par voie de presse ou en ligne ;

Considérant que les sociétés éditrices affirment en tout état de cause ne pas proposer de manière unilatérale et forcée un couplage systématique de l’avis de décès paraissant dans la version 'papier’ avec l’annonce paraissant sur le site www.dansnoscoeurs.fr>, la vente couplée n’étant pas en elle-même constitutive d’une 'vente forcée’ au sens du code de la consommation et aucune démonstration n’étant faite de ce qu’elles se seraient livrées à des pratiques agressives à l’égard des familles ;

Considérant que l’article L 120-1 du code de la consommation prohibe les pratiques commerciales déloyales et que l’article L 122-1 dispose qu''il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L 120-1" ;

Que l’article L 122-3 dispose qu''il est interdit d’exiger le paiement immédiat ou différé de biens ou de services fournis par un professionnel ou, s’agissant de biens, d’exiger leur renvoi ou leur conservation, sans que ceux-ci aient fait l’objet d’une commande préalable du consommateur’ ;

Que l’article L 122-11 dispose qu''une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l’entourent, elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d’un consommateur’ et définit comme pratique commerciale agressive : 'l’exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d’une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d’influencer la décision du consommateur à l’égard du produit’ ;

Considérant qu’il ressort des pièces versées aux débats que le 20 septembre 2011 le groupe Centre-France a adressé aux entreprises de pompes funèbres situées dans les zones de diffusion de ses journaux régionaux une lettre circulaire les informant 'd’un changement qui va intervenir dans la tarification des avis nécrologiques des journaux du groupe Centre France’ en ce qu’un 'pack visibilité Internet sera intégré à l’offre commerciale’ et que 'les avis presse et web (journal + site éditorial de nos titres et dansnoscoeurs.fr) seront automatiquement couplés pour seulement 15 € HT’ ;

Considérant que le manuel d’utilisation de l’application 'Obsèques’ adressé aux entreprises de pompes funèbres pour leur permettre la saisie des avis nécrologiques afin qu’ils 's’intègrent dans la charge graphique des journaux du Groupe Centre France’ indique en page 16 que 'tous les avis nécrologiques parus sur les titres de PQR [presse quotidienne régionale] du Groupe Centre France sont automatiquement couplés sur le site 'dansnoscoeurs.fr'' et que 'ce couplage incontournable génère une majoration de 15 €HT pour la visibilité Internet’ (souligné par la cour) ;

Que lors de la prévisualisation de l’avis de décès destiné à paraître dans la rubrique nécrologique du journal, cette application rappelle systématiquement que 'la mention 'condoléances sur www.dansnoscoeurs.fr’ sera automatiquement intégrée au bas de cette annonce’ (souligné par la cour) ;

Considérant qu’il s’ensuit que la publication d’un avis de décès dans les journaux 'papier’ de la presse quotidienne régionale du groupe Centre-France, dont ceux publiés par les sociétés éditrices, est systématiquement subordonnée au service d’insertion en ligne de cet avis sur le site www.dansnoscoeurs.fr>, facturé 15 € HT, sans que les entreprises de pompes funèbres, et a fortiori les consommateurs dont elles sont les mandataires, puissent refuser ce service supplémentaire ;

Considérant en outre que l’article L 111-1 du code de la consommation (disposition d’ordre public en vertu des dispositions de l’article L 111-7) impose au professionnel de communiquer au consommateur, préalablement à la conclusion du contrat de fourniture de services, de manière lisible et compréhensible les caractéristiques essentielles du service et son prix et qu’en l’espèce il apparaît que les familles ne sont pas clairement informées du coût de cette insertion en ligne qui n’apparaît ni sur la page 'Tarif des prestations’ du site www.dansnoscoeurs.fr>, ni sur le devis global remis au consommateur, la mention distincte du coût du 'Pack Internet Visibilité’ n’apparaissant que sur la facture adressée postérieurement à la prestation ; que cette opacité est d’ailleurs confirmée par les entreprises de pompes funèbres, ainsi la société Gautier-Caton dans un courriel adressé le 15 novembre 2011 à la SAS X : 'vous ne devez pas être sans savoir que sur notre région les journaux régionaux ont créé dansnoscoeurs.com afin de mettre en ligne les avis d’obsèques du journal sans coût apparent pour les familles ni pour les pompes funèbres par ailleurs’ (souligné par la cour) ;

Considérant par ailleurs que le décès d’un proche constitue indubitablement un malheur d’une gravité propre à altérer le jugement de la famille endeuillée qui a, en de telles circonstances, d’autres soucis que de se préoccuper de la licéité du couplage des annonces par voie écrite et par voie Internet, de demander le coût respectif de chacune d’elles et d’opter pour l’une ou l’autre des deux ;

Qu’en tout état de cause l’offre systématique de couplage des annonces de décès dans la presse 'papier’ et en ligne sur Internet n’est pas proposée aux familles mais leur est bien imposée et que les sociétés éditrices ont ainsi exploité en connaissance de cause la situation morale des familles frappées par le décès de leur proche en leur imposant une offre globale unique alors qu’il était dans l’intérêt des familles de connaître distinctement le coût de chacun des deux services afin de permettre aux entreprises de pompes funèbres de mettre en concurrence les sociétés Dansnoscoeurs et X, voire d’autres sociétés ayant la même activité, auprès des familles ;

Qu’ainsi le fait d’imposer aux familles par l’intermédiaire de leur mandataire, l’entreprise de pompes funèbres, une offre globale unique sous la forme d’une vente liée et forcée sans information préalable sur le coût distinct de chaque prestation, constitue une pratique commerciale déloyale et agressive au sens des articles L 120-1, L 122-1, L 122-3 et L 122-11 du code de la consommation et comme telle un acte de concurrence déloyale et illicite, ayant eu pour but de favoriser la société Dansnoscoeurs et par là-même les sociétés éditrices ;

Considérant en effet que cette pratique d’une offre couplée imposée interdit de fait aux sociétés concurrentes de pouvoir s’installer sur le marché des annonces nécrologiques en ligne puisque leur service fait double emploi avec celui imposé par les sociétés éditrices sur le site www.dansnoscoeurs.fr> ;

Qu’en effet d’une part les entreprises de pompes funèbres déclinent les offres de partenariat présentées par la SAS X puisqu’elles font doublon avec celle imposée par les journaux régionaux ; ainsi que cela ressort notamment du courriel de la société Gautier-Caton ('Malheureusement aujourd’hui je ne vois plus trop d’intérêt à un autre site pour les avis en ligne'), de la lettre de la société Lacoste ('Les familles ne choisiront évidemment pas un 2e service identique') ou encore de la lettre de la société Pompes Funèbres Brevinoises ('une telle prestation proposée par vos services de www.avis-de-deces.net fait doublon') ;

Que d’autre part, comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, les familles n’ont de ce fait aucun intérêt à souscrire à deux services Internet qui rempliront le même office et seront également accessibles de partout, dans la mesure où elles vont payer deux fois un service identique ;

Considérant que les sociétés éditrices ajoutent encore qu’aucun abus de position dominante ne peut leur être imputé puisqu’une quantité de sites d’annonces nécrologiques en ligne existent et fonctionnent sans aucun lien avec les éditeurs d’annonces nécrologiques sous forme 'papier', que la quasi-totalité des personnes qui ont acheté un avis de décès sur le site www.avis-de-deces.net> ont également acheté des avis nécrologiques dans la presse et que la pratique litigieuse n’a pas pour effet une éviction de la concurrence sur le marché des annonces nécrologiques sur Internet, aucune entente anticoncurrentielle n’étant démontrée ;

Considérant que les journaux publiés par les sociétés éditrices, Le Berry Républicain sur les départements de l’Indre et du Cher, L’Yonne Républicaine sur le département de l’Yonne, La République du Centre sur le département du Loiret et L’Écho Républicain sur le département de l’Eure-et-Loir ont chacun dans leur zone de diffusion une position dominante sur le marché des annonces nécrologiques 'papier’ proportionnellement à la population locale, au regard du nombre d’annonces de la presse nationale, ne concernant le plus souvent que des personnalités ou des défunts ayant résidé en région parisienne ;

Que cette position est difficilement contestable, le secteur de la presse quotidienne régionale se limitant généralement à un seul journal par secteur géographique et ne connaissant aucune entrée nouvelle sur le marché compte tenu de la grande fidélité des lecteurs à leurs titres ;

Qu’en effet si ces quotidiens ont une diffusion respectivement de 38.911, 36.402, 45.979 et 35.695 exemplaires, les périodiques concurrents diffusés dans les mêmes secteurs, outre qu’il s’agit le plus souvent d’hebdomadaires et non pas de quotidiens, ont une diffusion nettement plus faible : 2.615 exemplaires pour L’Écho de Brou, 2.176 exemplaires pour L’Indépendant de l’Yonne, 2.926 exemplaires pour L’Action Républicaine Nogent le Rotrou, 16.484 exemplaires pour Le Journal de Gien (au demeurant du groupe Cerntre-France) ou encore 9.397 exemplaires pour La Ruche de Brioude ;

Considérant que le marché des annonces nécrologiques paraissant dans les journaux 'papier’ et celui des annonces nécrologiques en ligne sont complémentaires et connexes dans la mesure où, comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, l’annonce en ligne rend des services liés au caractère interactif des sites Internet que n’a pas le papier ;

Considérant qu’il ne saurait être soutenu, comme le font les sociétés éditrices, que la vente couplée représenterait un gain d’efficacité pour les consommateurs de nature à écarter tout caractère abusif de leur position dominante alors que ceux-ci se voient imposer systématiquement le paiement au demeurant dissimulé dans une offre non détaillée, d’une prestation de services qu’ils ne peuvent refuser même s’ils ne la souhaitent pas ;

Considérant dès lors que la vente liée pratiquée par les sociétés éditrices a pour objectif de capter à leur seul profit la clientèle désireuse de passer une annonce nécrologique dans le journal local et de l’orienter sans son consentement formel vers le site www.dansnoscoeurs.fr> qui leur appartient, de telle sorte que ces sociétés exploitent une position dominante en vente liée en cloisonnant artificiellement le marché des annonces nécrologiques en ligne, ce qui constitue un abus de position dominante prohibé par l’article L 420-2 du code de commerce ;

Que cette pratique entraîne l’éviction de la SAS X de ce marché dès lors que son offre de service fait double emploi avec celle imposée par les sociétés éditrices pendant la période du couplage des annonces, les entreprises de pompes funèbres renonçant à proposer les prestations de la SAS X ainsi qu’analysé plus haut ;

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que les sociétés éditrices se sont rendues coupables d’une pratique commerciale déloyale et par là même ont commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la SAS X et qu’elles ont exploité abusivement leur position dominante en empêchant l’accès au marché des annonces en ligne à d’autres acteurs économiques ;

II : SUR LES MESURES RÉPARATRICES :

Considérant que la SAS X affirme qu’elle subit d’abord un préjudice moral résultant du couplage imposé du fait de sa perte de crédibilité, réclamant à ce titre 30.000 € de dommages et intérêts à chacune des sociétés éditrices ;

Qu’elle affirme subir également un préjudice matériel résultant de la perte de chance de conquête du marché des annonces nécrologiques correspondant à un taux de pénétration du marché supplémentaire de 20 %, de la perte des investissements réalisés du fait de leur inefficacité et du délai nécessaire à la reconquête du marché des annonces nécrologiques estimé à deux ans au moins ;

Considérant que les sociétés éditrices répliquent que les condamnations sollicitées ne sont pas fondées, les préjudices tant moral que matériel allégués n’étant pas justifiés ;

Considérant qu’il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, ce trouble pouvant notamment être moral ; qu’en l’espèce la SAS X subit un préjudice moral du fait de l’atteinte à sa crédibilité et à son image de marque, les entreprises de pompes funèbres ayant constaté que ses prestations faisaient doublon avec celles de la société Dansnoscoeurs ainsi qu’analysé plus haut, certaines entreprises ayant même estimé 'farfelu le fait de proposer un service concurrent à celui imposé par les journaux par une entreprise qui ne serait pas de taille à leur résister’ ainsi que l’atteste le directeur de la publication du site funeraire-info dans sa lettre du 28 avril 2015 à la SAS X ;

Qu’au vu des éléments de la cause la cour évalue ce préjudice moral à la somme de 10.000 € à la charge de chacune des sociétés éditrices, le jugement entrepris étant partiellement infirmé en ce qu’il a débouté la SAS X de ses demandes au titre de l’indemnisation de son préjudice moral ;

Considérant qu’en ce qui concerne le préjudice résultant de la perte de chance de conquête du marché des annonces nécrologiques en ligne il résulte des éléments de la cause que dans les secteurs où aucun titre de la presse régionale partenaire de la société Dansnoscoeurs ou du groupe Centre-Presse n’est diffusé, la pénétration par la SAS X de ce marché a été de l’ordre de 10 % ainsi que l’ont retenu les premiers juges ;

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte évaluation de la marge brute dégagée par la SAS X à 70 % du chiffre d’affaires des annonces nécrologiques, l’attestation délivrée le 10 juin 2014 par M. C-D E, expert-comptable, étant insuffisante à retenir la conviction de la cour dans la mesure où elle émane d’un associé de la SAS X, apporteur en compte courant ;

Considérant que c’est par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, que les premiers juges ont ainsi évalué le préjudice matériel de la SAS X en ne prenant en compte que la marge brute sur la base d’un prix de 15 € par annonce, et non pas sur le chiffre d’affaires, la demande présentée au titre de la perte des investissements réalisés, calculée sur la base des recettes manquantes, faisant double emploi, de même que la demande présentée au titre du délai nécessaire à la reconquête du marché des annonces nécrologiques en ligne ;

Considérant dès lors que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné au titre de l’indemnisation du préjudice matériel de la SAS X, la SA Le Berry Républicain à lui payer la somme de 7.591 €, la SAS L’Yonne Républicaine à lui payer la somme de 7.958 €, la SA la République du Centre à lui payer la somme de 8.011 € et la SA Écho Communication à lui payer la somme de 6.247 € ;

III : SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DES SOCIÉTÉS ÉDITRICES :

Considérant que les sociétés éditrices soutiennent que la SAS X a extrait une part extrêmement substantielle de leurs annonces nécrologiques pour alimenter son propre site Internet, ce détournement pouvant se caractériser tant comme un détournement de base de données que comme du parasitisme ;

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle, le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection spécifique (qualifiée de sui generis) du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ;

Que ces dispositions sont la transposition, en droit français, des articles 7 à 11 de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 dont l’objectif, selon son 39e considérant, est 'de protéger les fabricants de bases de données contre l’appropriation des résultats obtenus de l’investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu’ ;

Considérant que la Cour de justice de l’Union européenne, dans quatre arrêts du 09 novembre 2004 (affaire The British Horseracing Board Ltd et a. c/ William Hill Organization Ltd – affaires Fixtures Marketing Ltd c/ Oy Veikkaux Ab, Svenska Spel AB et Organismos prognostikon agonon podosfairou AE), a dit pour droit que 'la notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données au sens de l’article 7, paragraphe 1 de la directive (…) doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base', à l’exclusion des 'moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d’une base de données’ ; que la 'notion d’investissement lié à la vérification du contenu de la base de données (…) doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci', à l’exclusion des 'moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création d’éléments par la suite rassemblés dans une base de données’ ;

Considérant que ce droit sui generis n’est donc pas destiné à stimuler la création de données mais à rentabiliser l’investissement affecté à la constitution d’un ensemble informationnel ; qu’il appartient en conséquence aux sociétés éditrices de justifier du montant des investissements relatifs à la collecte des données utilisées, à la mise à jour de sa base et à son architecture ; que force est de constater qu’elles ne fournissent strictement aucun élément comptable justifiant du montant de ces investissements ;

Considérant que les faits de parasitisme allégués sont en réalité les mêmes que ceux invoqués au titre de l’atteinte au droit sui generis du producteur de la base de données et qu’en l’absence de toute justification des investissements réalisés relativement à la constitution de cette base de données

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés éditrices de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles ;

IV : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que les sociétés éditrices contestent la mesure de publication judiciaire ordonnée par le tribunal et la demande de la SAS X de publication judiciaire du présent arrêt en soutenant que ces demandes ne visent pas à réparer un quelconque préjudice, le public n’ayant pas d’intérêt particulier à être informé de la conformité ou non des pratiques commerciales en litige avec les règles de concurrence ;

Mais considérant que c’est à juste titre que les premiers juges ont ordonné la publication du dispositif du jugement entrepris sur un quart de page dans la rubrique 'Carnet du jour’ de chacune des sociétés éditrices au motif que cette publication informera les lecteurs de ces journaux de la possibilité de choisir ou non un prestataire non imposé pour une annonce nécrologique sur Internet ;

Qu’il apparaît donc que la mesure de publication judiciaire ordonnée par les premiers juges constitue une mesure complémentaire de nature à réparer le préjudice subi par la SAS X, que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef et qu’y ajoutant il sera précisé que cette publication devra faire mention du présent arrêt ;

Que cette mesure de publication est suffisante, de telle sorte que la SAS X sera déboutée de sa demande de publication sur la page d’accueil des sites Internet des journaux publiés par les sociétés éditrices ainsi que sur la page d’accueil du site www.dansnoscoeurs.fr> dont l’éditeur n’a d’ailleurs pas été attrait à la procédure ;

Considérant qu’il est équitable d’allouer à la SAS X la somme complémentaire de 5.000 € à la charge de chacune des sociétés éditrices, au titre des frais par elle exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que les sociétés éditrices seront pour leur part, déboutées de leurs demandes respectives en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que les sociétés éditrices, parties perdantes en leur appel, seront condamnées in solidum au paiement des dépens d’appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;

Dit n’y avoir lieu à écarter a priori des débats la pièce n° 35 du dossier de la SAS X ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la SAS X de sa demande en réparation de son préjudice moral, infirmant de ce chef et y ajoutant :

Condamne chacune des sociétés Le Berry Républicain, L’Yonne Républicaine, La République du Centre et Écho Communication à payer à la SAS X la somme de DIX MILLE EUROS (10.000 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Dit que la publication judiciaire ordonnée par le jugement entrepris fera mention du présent arrêt ;

Déboute la SAS X du surplus de ses demandes ;

Condamne chacune des sociétés Le Berry Républicain, L’Yonne Républicaine, La République du Centre et Écho Communication à payer à la SAS X la somme complémentaire de CINQ MILLE EUROS (5.000 €) au titre des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens ;

Déboute les sociétés Le Berry Républicain, L’Yonne Républicaine, La République du Centre et Écho Communication de leurs demandes respectives en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés Le Berry Républicain, L’Yonne Républicaine, La République du Centre et Écho Communication aux dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

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Cour d'appel de Paris, 22 mars 2016, n° 14/11095