Cour d'appel de Paris, 8 juillet 2016, n° 15/13650

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Sur la décision

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRET DU 08 JUILLET 2016

(n° 2016- , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/13650

Sur renvoi après l’arrêt de la Cour de Cassation en date du 3 juin 2015 (Arrêt n° 636 F-P+B) emportant cassation d’un arrêt de la Cour d’Appel de VERSAILLES du 13 mars 2014 (RG : 13/01938) sur appel d’une ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE rendue le 22 février 2013 (RG : 12/06954)

DEMANDEUR A LA SAISINE

FRANCE GALOP agissant en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assisté de Me Lauren SIGLER, avocat au barreau de PARIS, toque : P462

XXX

Monsieur B-C Y

Né le XXX à MARSEILLE

XXX

XXX

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assisté de Me Guillaume BUGE, avocat au barreau de PARIS, toque : L201

Monsieur Z X

Né le XXX à UNTER-AGERI (SUISSE)

Untersschlatt, 8418

XXX

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assisté de Me Guillaume BUGE, avocat au barreau de PARIS, toque L201

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Le 30 mai 2010 le XXX, propriété de Monsieur X et entraîné par Monsieur Y, était au départ du Grand Steeple Chase de Paris, sur l’hippodrome d’Auteuil. Au moment du départ de la course donné « aux élastiques », le XXX s’est brutalement arrêté, éjectant son jockey. Invoquant une faute du 'starter’ qui aurait lâché tardivement les élastiques alors que les chevaux étaient déjà au galop et que cette manoeuvre se fait d’ordinaire quand les chevaux sont encore au pas, Monsieur X et Monsieur Y ont fait assigner la société FRANCE GALOP le 15 juin 2012 devant le tribunal de grande instance de Nanterre en responsabilité contractuelle s’agissant du propriétaire du cheval et délictuelle s’agissant de l’entraîneur.

Par une ordonnance rendue le 22 février 2013, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre, retenant que l’action de Messieurs X et Y était dirigée contre une personne privée, l’association FRANCE GALOP régie par la loi de 1901, que le contrat qui a été conclu entre le propriétaire du cheval disqualifié personne privée, et l’association, elle aussi personne privée, est un contrat de droit privé, tout comme la relation non contractuelle entre l’entraîneur du cheval et l’association qui est aussi de nature privée et relève du droit commun, que les demandeurs n’attaquent pas la décision de disqualification, a conclu que le tribunal saisi n’a pas à connaître d’un recours contre une décision administrative, mais d’une action en responsabilité fondée sur les dispositions du code civil et rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’association FRANCE GALOP au profit du tribunal administratif.

La cour d’appel de Versailles, par un arrêt rendu 13 mars 2014, a estimé au regard des termes très généraux dans lesquels la loi de 2010 définit la mission de service public des sociétés mères de courses de chevaux, que l’examen des fautes éventuellement commises par les préposés de FRANCE GALOP, n’est pas détachable des pouvoirs dont dispose l’association pour organiser la course, l’ensemb1e des charges pesant sur les sociétés de course au titre de l’organisation des courses, relevant en effet de l’exécution du service public, le respect des règles contenues dans le code des courses, la bonne organisation du départ des courses, mettant en cause les prérogatives de puissance publique reconnues à FRANCE GALOP et, infirmant l’ordonnance du 22 janvier 2013, a déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent pour connaître du litige.

Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 juin 2015.

La Cour énonce :

Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble l’article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;

Attendu que, pour déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige, l’arrêt retient que l’examen des fautes éventuellement commises par les préposés de l’association n’est pas détachable des pouvoirs dont celle-ci dispose pour organiser la course ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que les dommages allégués résultaient d’une décision prise par l’association dans le cadre de sa mission de service public et manifestant l’exercice d’une prérogative de puissance publique, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Par acte du 3 juillet 2015, l’association FRANCE GALOPa saisi la cour d’appel de Paris conformément aux disposition de l’arrêt de la Cour de cassation. Par des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2016, l’association FRANCE GALOP demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 22 février 2013,

En conséquence,

— déclarer le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent pour se prononcer sur la responsabilité de FRANCE GALOP à la suite des demandes de Messieurs X et Y,

— renvoyer le dossier devant le tribunal administratif territorialement compétent,

— condamner Messieurs X et Y solidairement au paiement de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de la présente instance.

L’association FRANCE GALOP fait principalement valoir que les actes du starter ne sauraient être détachables de la mission de FRANCE GALOP, qu’ils contribuent à la bonne organisation de la course et au contrôle du respect des prescriptions du code des courses au galop. Elle précise qu’en validant les conditions de départ de la course et en refusant de faire droit aux différents recours internes introduits par les demandeurs, le tout en application des dispositions du code des courses au galop, le starter et FRANCE GALOP ont mis en 'uvre des prérogatives de puissance publique. Elle ajoute que les dommages allégués résultent d’actes non détachables pris par FRANCE GALOP et son préposé dans le cadre de la mission de service public et manifestant l’exercice d’une prérogative de puissance publique, de sorte que seul le juge administratif est compétent pour en connaître.

Par des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2016, Monsieur X et Monsieur Y demandent à la cour de confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du 22 février 2013 et par conséquent de :

— rejeter l’exception d’incompétence élevée par l’association France Galop Société d’Encouragement pour l’Amélioration des Races de Chevaux de Galop en France,

— impartir à l’association France Galop Société d’Encouragement pour l’Amélioration des Races de Chevaux de Galop en France d’avoir à conclure au fond dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir, délai fixé par le Juge de la mise en état aux termes de la décision dont appel,

— condamner l’association France Galop Société d’Encouragement pour l’Amélioration des Races de Chevaux de Galop à verser à Messieurs Z X et B-C Y la somme de 10 000 € chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner l’association France Galop Société d’Encouragement pour l’Amélioration des Races de Chevaux de Galop aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE Paris-Versailles.

Messieurs X et Y font principalement valoir que l’action n’est ni un recours contre le code des courses, ni un recours contre une décision interne de FRANCE GALOP, comme l’a très bien compris le premier juge. Ils ajoutent que la seule question est de savoir si en lâchant l’élastique de départ, le préposé – à supposer quod non que ce lâcher relève d’une mission de service public – a mis en 'uvre des prérogatives de puissance publique. Ils précisent que les validations du lâcher sont indifférentes puisqu’elles ne sont pas l’objet de la présente instance et qu’elles sont intervenues après la faute dont est saisie la cour. Ils précisent encore que l’on voit mal en quoi le fait pour un préposé au départ de mal lâcher les élastiques ressortirait de l’exercice de prérogatives de puissance publique, sauf à dévoyer totalement ces mots.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 juin 2016 avant l’ouverture des débats le même jour.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Considérant que jusqu’à la loi du 12 mai 2010, les courses hippiques, bien qu’organisées, autorisées et contrôlées par l’Etat, n’étaient pas considérées comme susceptibles d’être qualifiées de services publics ;

Que la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne a investi l’ensemble des sociétés de courses d’une mission de service public ; que l’article 69 de la loi prévoit son entrée immédiate en vigueur ; que toutefois le décret d’application du 2 novembre 2010, comportant en annexe un 'cahier des charges relatif aux missions de service public dont sont chargées les sociétés mères de courses de chevaux', est venu préciser les obligations de service public incombant à ces dernières ;

Considérant que la Cour de cassation rejetant le moyen unique en ses deux premières branches a retenu que la course s’était déroulée le 30 mai 2010, soit après l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne et que la cour d’appel a énoncé à bon droit que cette loi ne dépendait pas, pour la mise en oeuvre immédiate de ses principes, de son décret d’application intervenu le 2 novembre 2010, de sorte qu’elle était applicable au litige ; qu’elle en a exactement déduit que l’association était investie d’une mission de service public et que le respect des règles contenues dans le code des courses et la bonne organisation du départ des courses mettaient en cause l’exercice de ses prérogatives de puissance publique ;

Considérant que l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 13 mars 2014 a retenu qu’au regard des termes très généraux dans lesquels la loi de 2010 définit la mission de service public des sociétés mères de courses de chevaux, il convient de dire que l’examen des fautes éventuellement commises par les préposés de FRANCE GALOP, n’est pas détachable des pouvoirs dont dispose l’association pour organiser la course, l’ensemble des charges pesant sur les sociétés de course au titre de l’organisation des courses, relevant en effet de l’exécution du service public, le respect des règles contenues dans le code des courses, la bonne organisation du départ des courses, mettant en cause les prérogatives de puissance publique reconnues à FRANCE GALOP ;

Considérant qu’il convient aujourd’hui de caractériser que les dommages allégués résultent d’une décision prise par l’association dans le cadre de sa mission de service public manifestant l’exercice d’une prérogative de puissance publique ;

Considérant que le contentieux opposant un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public à une autre personne privée relève, en principe, de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ; qu’il en va cependant autrement lorsque l’organisme en cause est investi de prérogatives de puissance publique, c’est-à-dire d’un pouvoir de décision exercé dans la sphère des attributions de l’organisme et destiné à satisfaire les besoins du service public assuré ; que la décision unilatérale prise par une personne privée dans le cadre de l’accomplissement de la mission de service public qui lui a été confiée et qui traduit la mise en oeuvre d’une prérogative de puissance publique constitue un acte administratif, dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative ;

Considérant que les décisions de valider le départ puis de valider la course malgré la réclamation de Monsieur X et de Monsieur Y entrent dans le cadre des prérogatives de puissance publique de la société FRANCE GALOP ;

Considérant que les intimés estiment que les dommages qu’ils ont subi ne résultent pas d’une décision prise par l’association dans le cadre de sa mission de service public, que cette décision ne manifestait pas l’exercice d’une prérogative de puissance publique et qu’il convient simplement d’apprécier si l’erreur du préposé au départ s’est inscrite dans le cadre de la mission de service public dévolue à FRANCE GALOP ;

Qu’ils entendent exercer une action en responsabilité contractuelle et délictuelle en raison des fautes civiles commises par le starter lors du lâché des élastiques qui ont conduit à la chute du jockey et par voie de conséquence à sa disqualification et non une action contre les décisions validant le départ et la course ;

Considérant que l’erreur reprochée au stater qui aurait manqué de vigilance et n’aurait pas donné le départ en respectant les règles édictées pour les départs des courses d’obstacles a été commise précisément à l’occasion de l’exercice normal de ses fonctions ; que la faute d’inattention qui lui est reprochée en dehors de tout comportement inadéquat ou incontrôlé ne peut être qualifiée de faute lourde détachable, la juridiction saisie devant simplement apprécier si les règles applicables ont bien été respectées ;

Que le propriétaire et l’entraîneur du cheval disposaient d’un recours qui a été examiné le 17 juin 2010 ; que les commissaires de FRANCE GALOP ont considéré que ce recours était recevable mais mal fondé ;

Considérant que c’est dès lors cette décision et non la chute du jockey qui est à l’origine du préjudice allégué de n’avoir pu participer à la course, de sorte que les juridictions judiciaires sont incompétentes pour connaître de la demande en réparation de Messieurs X et Y ;

Qu’il convient dans ces conditions d’infirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre et de renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur les autres demandes :

Considérant que les intimés qui succombent seront condamnés à payer à FRANCE GALOP la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des dépens de l’appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre le 22 février 2013,

Et, statuant à nouveau,

Déclare FRANCE GALOP recevable en sa demande,

Déclare le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent pour connaître de la présente instance,

Renvoie les parties devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise,

Condamne Monsieur Z X et Monsieur B-C Y à payer à l’association FRANCE GALOP la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des dépens de l’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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