Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 14 décembre 2017, n° 16/20700

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 7

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/20700

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2016 -Juge de l’expropriation de PARIS – RG n° 16/00257

APPELANTE

Société OBJA

N°SIRET 520 153 230 00013

[…] résistance

[…]

Représentée par Me Frédéric X de la SELARL X & Y – AVOCATS, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : B1055

et Me Etienne PETRE, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : L 116

INTIMÉES

[…]

N°SIRET 775 663 438 01906

[…]

[…]

Représentée par Me Philippe HANSEN substitué par Me Olivier PERSONNAZ, de la SCP UGGC AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque : P0261

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE ST DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France domaine

[…]

[…]

Représentée par Mme Z A en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Octobre 2017, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Maryse LESAULT, conseillère faisant fonction de présidente conformément aux articles 786 et 907 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Maryse LESAULT, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Sophie MACE, conseillère

Mme Laure COMTE, vice-Présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme B Y

En application de l’ordonnance de Madame La Première Présidente de la Cour d’Appel de Paris, en date du 31 août 2017.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

— signé par Mme Maryse LESAULT, conseillère faisant fonction de présidente et par Mme B Y, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par

le magistrat signataire.

Faits et procédure

Par arrêté du 28 mai 2014, les préfets de Seine-Saint-Denis et d’Ile-de-France ont déclaré d’utilité publique au profit du Syndicat des Transports d’Ile-de-France (STIF) et de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP), les travaux de prolongement à l’Est de la ligne 11 du métro parisien des stations mairie des Lilas à Rosny-Bois-Perrier, l’aménagement des stations et la mise en compatibilité des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) des communes des Lilas, Romainville et Rosny-sous-Bois (93).

Par arrêté préfectoral du 16 novembre 2015, le préfet de Seine-Saint-Denis a prononcé la cessibilité des parcelles privées et le transfert de gestion des dépendances du domaine public nécessaires à cette opération. Celle-ci concerne notamment la parcelle cadastrée L n°212, située au […], […], pour une contenance de 37 346 m². Sur cette parcelle, qui appartient à l’OPH, est édifiée une station de lavage et une réserve, sur une surface de 1 136 m², données à bail à la société OBJA, venue aux droits de la société NSLA.

A défaut d’accord sur le montant de l’indemnisation sur la proposition financière faite par la RATP, cette dernière a saisi le juge de l’expropriation de Paris qui, par jugement du 22 septembre 2016, a :

— fixé l’indemnité due par la RATP à la SARL OBJA à la somme de 44.130 euros, se décomposant

comme suit :

—  36.632,40 euros (91.581 euros x 40 %), arrondis à 37.000 euros pour l’indemnité principale,

—  2.550 euros pour l’indemnité de remploi,

—  4.580 euros (91.581 euros x 15/300 jours) au titre du trouble commercial,

— condamné la RATP à payer à la SARL OBJA la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties du surplus des demandes,

— condamné la RATP aux dépens.

La SARL OBJA a interjeté appel de cette décision le 18 octobre 2016.

Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

• déposées au greffe, les 17 janvier et 2 août 2017, par la SARL OBJA, aux termes desquelles elle demande en définitive à la cour d’infirmer le jugement dont appel et, statuant à nouveau, de :

— fixer le montant des indemnités lui étant dues comme suit :

—  195.993 euros (78.397 euros HT x 2,5) au titre de l’indemnité principale,

—  18.449 euros au titre de l’indemnité de remploi,

—  10.000 euros au titre des frais de réinstallation, conformément au rapport de l’expert amiable,

—  6.700 euros (80.438 euros HT x 1 mois/12 mois) pour trouble commercial,

— condamner la RATP au paiement d’une somme de 5.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la RATP aux entiers dépens et autoriser la SELARL X et Y à procéder à leur recouvrement direct dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

• déposées au greffe, le 17 mars 2017, par la RATP, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

— dire l’appel de la SARL OBJA, sinon irrecevable en la forme, mal fondé en ses moyens et conclusions et la débouter de la totalité des demandes,

— confirmer le jugement dont appel,

— débouter la SARL OBJA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— mettre les dépens à la charge de l’appelante ;

— adressées au greffe, le 20 avril 2017, par le commissaire du gouvernement, aux termes desquelles il

demande à la cour de confirmer le jugement dont appel ;

Sur ce :

Au soutien de ses demandes la SARL OBJA fait valoir que :

— en raison de la rareté des terrains disponibles à proximité, son préjudice est constitué de la perte de la valeur du fonds de commerce,

— un fonds de commerce de centre de lavage automobile à haute pression n’est nullement assimilable à un fonds de commerce de station-service, un centre de lavage automobile étant une activité spécifique jouissant d’une autonomie de fonctionnement recherchée par les investisseurs, et le fonds bénéficiant d’une bonne situation à proximité d’un parking et sur une artère à forte circulation automobile,

— le coefficient multiplicateur de 2,5 est celui habituellement utilisé pour définir la valeur de marché des fonds de commerce de station de lavage automobile à haute pression,

— il n’y a pas lieu de prendre en compte une valorisation du fonds de commerce hors matériel comme préconisé par le commissaire du gouvernement, dès lors que tous les fonds de commerce de ce type sont cédés avec leurs agencements et matériels qui permettent l’exploitation et contribuent à sa valeur marchande,

— l’amortissement comptable d’éléments corporels ne les prive pas de toute valeur marchande,

— l’exploitant évincé peut solliciter l’octroi d’une somme au titre des frais de réinstallation tant dans l’hypothèse d’une cessation d’activité que dans celle du transfert d’activité.

La RATP réplique que :

— il sera seulement retenu une indemnisation selon la seule hypothèse d’une cessation d’activité, dès lors que la réinstallation est rendue difficile,

— le barème utilisé pour un fonds de station-service (graissage, huiles, lavage) situé en Ile-de-France, varie de 35 à 60% du chiffre d’affaires annuel TTC des 3 dernières années,

— le prix de cession doit être évalué hors matériel, les références communiquées par l’exproprié incluant le prix du matériel, gonflant ainsi le coefficient réellement appliqué,

— le matériel et les installations sont totalement amortis puisque la SARL OBJA occupe les lieux depuis 1996, il n’y a donc pas lieu à indemnité pour frais de réinstallation.

Le commissaire du gouvernement fait valoir que :

— dans le calcul du chiffre d’affaires moyen, une valorisation du fonds de commerce hors matériel est prise en compte, conformément à la méthode préconisée pour ce type d’activité,

— les termes de comparaison présentés par l’expropriée ne peuvent être vérifiés, sont relativement anciens ou font état d’un coefficient bien inférieur à celui de 2,5 sollicité.

La recevabilité de l’appel de la SARL OBJA, interjeté dans le délai légal, n’est pas contestée.

Aux termes de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique,

légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

L’article 13-13, devenu L321-1, du code de l’expropriation dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

La date de référence à prendre en compte pour la détermination de l’usage effectif du bien exproprié est le 26 décembre 2007, date à laquelle la révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la commune des Lilas affectant la zone dans laquelle est située la parcelle faisant l’objet de l’expropriation dont il est question, adoptée par délibération municipale le 14 novembre 2007, est devenue exécutoire. Cette date n’est pas contestée par les parties.

Il n’existe aucune contestation sur la date à laquelle le bien doit être évalué, l’appréciation de cette date se faisant à la date du jugement de première instance, le 22 septembre 2016.

La parcelle L n°212 située […] est située en zone UC à la date de référence, qui est une zone de densité moyenne pouvant accueillir des logements, des activités commerciales ou artisanes et des bureaux.

Les parties en cause d’appel s’accordent sur l’hypothèse à prendre en compte au titre de l’indemnisation principale, à savoir la cessation de l’activité exercée par la SARL OBJA. Cette indemnisation doit donc correspondre à la valeur du fonds de commerce.

L’appréciation de la valeur du fonds de commerce en cause doit se faire par comparaison avec celle d’autres fonds présentant des caractéristiques semblables dans la même aire géographique, ayant fait l’objet de transactions à des époques proches et ayant la même activité. Il n’est pas contesté que cette évaluation doit être réalisée sur la base de la moyenne du chiffre d’affaires réalisé sur les 3 dernières années.

Les parties s’opposent en revanche sur le coefficient de valorisation du chiffre d’affaires moyen pour calculer la valeur du fonds de commerce.

La SARL OBJA exerce l’activité d’exploitation d’un centre de lavage automobile, à haute pression, pour cinq véhicules.

Les références provenant de la SARL OBJA et de l’expert-comptable, qui a réalisé une étude sur la valeur du fonds de commerce seront écartées, en ce que les prix de vente réel ne sont pas connus et encore moins établis, aucune pièce n’étant communiquée à l’appui de l’étude, seules les offres de vente étant produites, qui ne peuvent être retenues comme termes de comparaison.

Par ailleurs, l’acte de cession du 16 juin 2011, portant sur l’acte de cession d’une station de lavage, située à Soissons (02), ne peut être probant, en ce qu’il est trop ancien et il ne porte pas sur un acte de cession d’un fonds situé en région parisienne.

De même, l’acte de cession du 6 juillet 2011, portant sur l’acte de cession d’une station de lavage, située à Orly (94), ne peut être probant, en ce qu’il est trop ancien et que les chiffres d’affaires réels de la station ne sont pas communiqués.

En outre, l’attestation émise par Hypromat France du 31 octobre 2001, n’est pas probante comme étant trop ancienne.

L’acte de cession du 6 novembre 2015, portant sur un centre de lavage situé à Villemonble (93), démontre que le prix de cession est de 356.357 euros au titre des éléments incorporels et de 125.373 euros au titre des éléments matériels, pour un chiffre d’affaires moyen de 250.587 euros. Cette seule vente, qui concerne d’ailleurs directement l’appelante, celle-ci étant acquéreur, ne peut être probante

pour établir le coefficient de valorisation.

Dès lors, la société OBJA ne démontre pas que le coefficient de valorisation est de 2,5 comme elle le soutient.

L’usage est de retenir pour la vente de fonds de commerce de centre de lavage un coefficient entre 35% et 60%.

En l’espèce, les devis ou factures communiqués n’ont pas été émis au nom de la société OBJA. Il n’y a donc pas lieu de tenir compte des travaux allégués par l’appelante.

Dès lors, il y a lieu de retenir comme le premier juge un coefficient de valorisation à hauteur de 40%.

Pour déterminer la valeur du fonds de commerce, la somme de 91.581 euros TTC doit être retenue à titre de moyenne du chiffre d’affaires de la SARL OBJA sur les trois dernières années, ce que propose la RATP.

En conséquence, l’indemnité principale s’élève à la somme de 37.000 euros.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point.

S’agissant de l’indemnité de réemploi, il y a lieu de la fixer sur la base suivante :

20% X 5000€ =1000€

15% X 10 000€ = 1500€

10% pour le surplus :10% X (37000€-15 000€) = 2200€

Il y a donc lieu de fixer l’indemnité de réemploi à la somme de 4700 euros par infirmation sur le quantum.

L’indemnité pour trouble commercial doit être calculée sur 15 jours de chiffre d’affaires TTC moyen, pour couvrir le préjudice résultant de l’interruption d’activité, soit en l’espèce la somme de 4.580 euros. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

La SARL OBJA sollicite également la réparation des frais de réinstallation. Elle demande à ce titre la somme de 10.000 euros. Toutefois, cette somme n’est pas justifiée par des pièces comptables, le comptable ayant proposé cette somme sous réserve de devis, non produits en l’espèce. En tout état de cause, il n’est pas contesté, comme l’indique le commissaire du gouvernement, que le fonds est exploité depuis 1996 et que les matériels et installations ont été amortis depuis cette date, à défaut d’établir le coût réel et certain de frais de réinstallation ou d’autres investissements, il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef.

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de condamner la SARL OBJA aux entiers dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile. Les parties sont déboutées de leurs demandes de ce chef.

Par ces motifs :

Confirme le jugement, sauf sur le montant de l’indemnité de remploi

Statuant à nouveau de ce chef,

Fixe à la somme de 4700 € le montant de l’indemnité de remploi due par la RATP,

Y ajoutant,

Condamne la SARL OBJA aux entiers dépens d’appel,

Rejette toute autre demande.

La greffière La conseillère faisant fonction de présidente



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