Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 7, 29 juin 2017, n° 10/07984

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Chronologie de l’affaire

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Une méthode d'évaluation du tréfonds préconisée par M. l'expert François PINCHON plus favorable à l'exproprié appliquée par la Chambre des Expropriations de la Cour d'Appel de Paris et non censurée par la Cour de cassation Par un arrêt du 6 décembre 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, si elle a censuré l'arrêt de la chambre des Expropriations de la Cour d'Appel qui lui était soumis, (CA Paris, ch. Expro., 29 juin 2017, n°10/07984) au motif qu'elle avait sursis à statuer au titre de la dépréciation du surplus dans l'attente de l'élaboration d'un projet de …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 7, 29 juin 2017, n° 10/07984
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/07984
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bobigny, 10 juillet 2007, N° 06/00211
Dispositif : Sursis à statuer
Date de dernière mise à jour : 13 juin 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 7

ARRÊT DU 29 JUIN 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/07984

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juillet 2007 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – RG n° 06/00211

APPELANTS

Monsieur [Q] [F]

né le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Philippe LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 38

Madame [S] [O]

née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Philippe LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 38

INTIMÉES

RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)

SIRET 775 663 438 01906

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Stéphane DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE ST DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France domaine

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par M. [A] [A] en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Mme le Premier Président de la Cour d’Appel de PARIS,

Mme Anne du BESSET, conseillère, désignée par Mme le Premier Président de la Cour d’Appel de PARIS

M. Christian GHIGO, juge de l’expropriation au Tribunal de Grande Instance de PARIS, désigné conformément aux dispositions de l’article L. 13-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Isabelle THOMAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé :

Le prolongement de la ligne 12 du métro de la porte de la Chapelle à la mairie d'[Localité 3] a été déclaré d’utilité publique par arrêté préfectoral en date du 8 juin 2004 au profit de la RATP.

La première phase comprenant la construction du gros oeuvre d’un tunnel nécessite l’acquisition des parties de tréfonds d’immeubles sur une longueur d’environ 1,1km.

M. [Q] [F] et Mme [S] [O] sont propriétaires d’une parcelle de 2 232 m², située [Adresse 5], sur le tracé de ce prolongement en souterrain.

Ils avaient consenti à la société Keolis un bail à construction sur leur terrain d’une aire de stationnement et de manoeuvre pour les véhicules pour une durée de 18 ans du 30 juillet 1996 au 29 juillet 2014. Par acte du 16 mai 2001, le bail à construction a fait l’objet d’une cession au profit de la Compagnie Générale d’Entreprise Automobile (CGEA).

Un bail commercial a été signé au profit de la société Via Environnement pour une durée de 9 ans, du 1er août 1996 au 20 juillet 2014. Par acte notarié du 27 janvier 2015, un bail dérogatoire a été signé pour 3 ans avec la société Veolia Propreté, du 1er août 2014 au 31 juillet 2017.

Faute d’accord sur le montant de l’indemnisation des consorts [F]-[O] d’une bande de 489 m² en tréfonds, le juge de l’expropriation de Seine Saint-Denis a été saisi par la RATP, selon mémoire du 20 décembre 2006.

Par jugement du 11 juillet 2007, le juge de l’expropriation de Seine Saint-Denis a :

— fixé à 9 513 euros l’indemnité totale de dépossession due par la RATP à M. [F] et Mme [O], se décomposant comme suit :

—  6 837 euros au titre de l’indemnité principale concernant le tréfonds

[489 m² x 330 euros le m² x 13,24 x 0,32] ;

—  1 400 euros au titre de la dépréciation du surplus ;

—  1 275,55 euros au titre de l’indemnité de remploi ;

— condamné la RATP au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

M. [F] et Mme [O] ont interjeté appel de cette décision le 27 septembre 2007.

Par arrêt avant dire droit du 12 novembre 2009, une expertise, aux frais avancés de la RATP, a été ordonnée par la cour d’appel, en application des dispositions de l’article R.13-52 du code de l’expropriation.

Une ordonnance de radiation est intervenue le 4 février 2010, aucune des parties n’ayant fait connaître au président de la chambre s’il y avait eu accord ou non sur le choix de l’expert.

L’affaire ayant été rétablie, une nouvelle ordonnance de désignation d’expert a été prise le 3 juin 2010 par le président de la chambre de l’expropriation, qui a mis à la charge de la RATP une consignation de 2 000 euros.

La RATP n’ayant pas consigné la somme prévue, la désignation de l’expert a été frappée de caducité.

Par ordonnance du 8 mars 2012, un nouvel expert, en la personne de M.[W] [W], a été désigné, une consignation de 10 000 euros étant mise à la charge de la RATP, l’expert recevant la mission modifiée suivante :

— prendre connaissance de la méthode préconisée par les experts [B] et [D] sur la base de laquelle est intervenue un arrêt de la cour du 7 décembre 1995 (RG 93-40143) et des documents produits par les parties ;

— indiquer par un avis technique motivé si, depuis, l’évolution des techniques d’utilisation des tréfonds conduit à apporter à cette méthode des correctifs et lesquels ;

— préciser les correctifs à apporter au regard de l’évolution des techniques d’utilisation des tréfonds ;

— indiquer par un avis technique motivé si , au regard de ces techniques, le surplus du bien exproprié est, eu égard à la partie de tréfond touché par l’emprise, sérieusement affecté dans sa potentialité de construction en sous-sol et indiquer, par toute recherche utile sur ce point, les contraintes techniques certaines, inhérentes à cette emprise.

La RATP a versé la consignation le 19 avril 2012.

Par ordonnances des 28 et 31 juillet 2013, le délai accordé à l’expert a été prorogé et le complément de provision de 12 400 euros mis à la charge de la RATP a été versé le 25 février 2013.

Par ordonnance du 14 janvier 2016, le président de la chambre des expropriations a fixé une provision complémentaire de 25 000 euros par la RATP, qui a été versée.

M. [W] [W] a déposé son rapport le 29 juin 2016.

Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures qui ont été :

— déposées au greffe, les 16 février et 26 avril 2017, par M. [F] et Mme [O], aux termes desquelles ils demandent en définitive à la cour :

— de déclarer leur appel recevable et bien fondé ;

— de dire n’y avoir lieu à déchéance de leur appel ;

— de fixer, au vu du rapport d’expertise [W], l’indemnité principale leur étant due pour l’expropriation de 489 m², à moins 10,30 m, à la somme de

34 230 euros,

[700 euros/m² x 489m² x 10 %] ;

— de fixer à 4 423 euros l’indemnité de remploi ;

— d’enjoindre à la RATP de produire le cahier des charges et, à défaut, de fixer le montant de la dépréciation du surplus à 1 500 000 euros ;

— de confirmer le montant des frais irrépétibles alloués en première instance et de fixer à 10 000 euros le montant des frais irrépétibles pour la procédure devant la cour d’appel ;

— de laisser les dépens, dont les frais d’expertise, à la charge de la RATP.

— adressées au greffe, le 21 avril 2017, par la RATP, aux termes desquelles elle demande, à la cour :

— à titre principal, de déclarer le mémoire des consorts [F] tardif ;

— subsidiairement, d’écarter le rapport d’expertise des débats comme inexploitable et infondé ;

— de déclarer son appel incident recevable et, statuant à nouveau, de confirmer le jugement sauf sur la dépréciation du surplus, laquelle n’est pas établie ;

— de condamner les expropriés aux dépens et de les condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le commissaire du gouvernement n’a pas pris d’écritures en cause d’appel.

Motifs de l’arrêt :

Considérant que le commissaire du gouvernement sollicite un renvoi pour présenter des écritures; que la RATP appuie cette demande à laquelle les consorts [F]-[O] s’opposent arguant notamment du délai raisonnable que ne doit pas dépasser la procédure ;

Considérant que la procédure judiciaire d’indemnisation des consorts [F]-[O] dure depuis le 20 décembre 2006, soit 10 ans et demi ; que la seule procédure devant la cour d’appel date du 27 septembre 2007, soit bientôt 10 ans ;

Considérant que le commissaire du gouvernement n’a jamais pris d’écritures devant la cour d’appel ;

Considérant que le rapport d’expertise judiciaire, ordonnée en novembre 2009, après deux ans de procédure devant la cour, est déposé depuis 10 mois au jour prévu pour les plaidoiries ;

Considérant que les parties ont été informées dès le mois d’octobre 2016 de la fixation de cette affaire pour plaidoiries, soit depuis 6 mois ;

Considérant au vu de ces éléments, qu’il n’y a pas lieu de différer davantage le jugement de ce litige très ancien, de sorte que la demande de renvoi présentée par le commissaire du gouvernement seulement 48 heures avant l’audience de plaidoiries, alors qu’il n’a jamais conclu en 10 ans de procédure d’appel, alors qu’il pouvait déposer des écritures depuis plusieurs mois sur le mérite du rapport d’expertise, apparaît tardive et doit être rejetée ;

Considérant ensuite que la RATP soutient que les consorts [F] sont déchus de leur appel pour avoir déposé leur mémoire récapitulatif, le 15 février 2017, soit postérieurement au délai de trois mois, mentionné sur un avis du greffe, après la réinscription, qui serait intervenue le 7 octobre 2016, de cette affaire radiée le 4 février 2010 ;

Considérant que les consorts [F]-[O] répliquent que le rétablissement de l’affaire a été constatée dans l’ordonnance de désignation d’expert du 8 mars 2012 ; qu’ensuite les échanges entre les parties ont été organisés par le magistrat chargé d’instruire l’affaire, en vertu de l’article 939 du code de procédure civile ; que les mentions de la réinscription et des délais sur la lettre du greffe, dont ils n’ont pas été destinataires, étaient inexactes et inopérantes ; que la déchéance n’est manifestement pas encourue ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que les parties ont bien respecté les délais impartis par le code de l’expropriation pour déposer leurs premières conclusions respectives en appel, avant que la cour estime devoir ordonner une mesure d’expertise ;

Considérant qu’aucun texte n’impartit de nouveaux délais impératifs aux parties pour conclure après le dépôt du rapport de l’expert ; que l’envoi par le greffier aux parties d’un avis mentionnant des délais inexacts ne saurait emporter de conséquences procédurales dans cette affaire, qui n’a qui n’a pas été rétablie en 2016 mais dès le 7 mai 2010 ;

Considérant en conséquence que la déchéance de l’appel des consorts [F]-[O], qui n’est pas encourue, ne saurait être prononcée ;

Considérant sur le fond que les consorts [F]-[O] plaident que :

— s’agissant de la valorisation de la parcelle de surface, les références retenues par le premier juge doivent être écartées en raison de leur ancienneté ;

— eu égard aux qualités soulignées par l’expert de leur terrain, pouvant être considéré comme nu dès lors que la construction existante est facile à démolir, doté d’un bon sous-sol, situé au bord de l’autoroute A1, dans une zone UPAa du POS, urbaine et moyennement dense, destinée à recevoir une grande diversité d’activités industrielles, tertiaires, commerciales, d’équipements et de services, la valeur de 700 euros/m² doit être retenue par référence à celle d’un terrain voisin mentionné par le commissaire du gouvernement (vente du 25 novembre 2005 du [Adresse 6], de qualité moindre, vendu 608 euros/m²), étant observé que les valeurs dégagées à partir de 2013 sont largement supérieures à 2 000 euros le m², ce qui interdit de penser qu’elles aient pu être en 2007, sept fois moindre (330 euros) ;

— s’agissant de la valorisation du tréfonds, l’expert considère qu’il y a eu des avancées technologiques importantes depuis l’année 1996, date du rapport [B] et [D], pouvant conduire à modifier les correctifs en usage ; la complexification alléguée de la réglementation sur l’eau, bien que réelle, n’a eu, selon lui, que peu d’impact sur les projets concernés ;

— en raison de la présence d’eau et de la situation de l’emprise, la valeur minimale du tréfond retenue par l’expert est de 10 % de celle du terrain de surface, ce qu’il convient de retenir ;

— s’agissant de dépréciation du surplus du terrain, résultant de l’atteinte à la potentialité de construction en sous-sol du fait de l’ouvrage de la RATP, la communication par celle-ci du cahier des charges est nécessaire, son absence ayant imposé un projet préliminaire classique d’Eiffage Construction s’affranchissant de l’ouvrage de la RATP ; la présence de la nappe phréatique à 8m de profondeur n’impacterait pas le projet de deux niveaux de sous-sol, le coût de construction de l’immeuble étant cependant augmenté par la nécessité de réaliser une fondation spéciale devant s’ancrer de part et d’autre du tunnel à un niveau inférieur à celui-ci et par la réalisation de dispositifs visant à neutraliser les vibrations consécutives au passage des trains ;

— la RATP ne peut se constituer des preuves à elle-même en s’appuyant sur le travail de ses propres préposés pour dénigrer le rapport de l’expert judiciaire ;

Considérant que la RATP répond que :

— les insuffisances de l’expertise judiciaire, laquelle procède par affirmation, doivent, au vu des observations faites par un collège de ses techniciens, conduire à l’écarter ;

— les nouvelles techniques constructives n’ont pas pour effet de faire baisser le coût des travaux en tréfonds et de permettre une plus grande valorisation des tréfonds ; les techniques ont en réalité peu évolué depuis 20 ans, hormis ce qui concerne les produits d’étanchéité, l’augmentation de la profondeur des parkings résultant plutôt de la hausse de l’immobilier et de la pression foncière dans les grandes villes ; un nombre peu important d’entreprises maîtrise ces techniques, de sorte que celles-ci restent très coûteuses et peu utilisées en pratique ;

— la législation (établissements recevant du public, loi sur l’eau par exemple) rend très contraignante, pour des raisons liées à la sécurité, la réalisation de projets en profondeur, au delà d’une certaine profondeur (6 mètres pour les commerces) ;

— la remise en question de la borne basse de 30 mètres, que l’expert judiciaire propose de mettre à 40 mètres, n’est pas étayée par des arguments fiables car les terrains connaissent une géologie variable selon leur profondeur ; la fonction x puissance -1, retenue actuellement, est celle qui a la dégressivité la plus faible ;

— la présence d’ouvrages en tréfonds n’empêche pas la réalisation de fondations pour un projet se développant postérieurement, lequel doit toutefois prendre en compte l’existant ;

— les troubles sonores et les vibrations évoqués par l’expert ne sont qu’éventuels et constitueraient des dommages de travaux publics susceptibles d’engager la responsabilité de la personne publique, ce qui relèverait de la compétence du juge administratif ;

— les correctifs proposés par l’expert judiciaire représentent 24 cas de figures différents, impliquant une approche casuistique, rendant impossible, au stade de la déclaration d’utilité publique, une estimation des dépenses, ce qui fragiliserait la légalité des DUP ;

— l’utilisation des sous-sols ne s’étant pas diversifiée depuis l’élaboration de la méthode [B] [D], celle-ci reste pertinente et doit être confirmée ;

— la seule référence du 25 novembre 2005 invoquée par les expropriés, pour apprécier le terrain de surface a été écartée à juste titre par le premier juge car elle correspond à des droits à construire, de sorte qu’il convient de confirmer la valeur de 330 euros le m² retenue au vu de six termes de comparaison valables ;

— il n’y a pas de cahier des charges du tunnel qu’elle puisse produire indépendamment d’un projet architectural concret ; un tel projet n’a pas été produit par les appelants malgré la durée de l’expertise, de sorte que la demande d’indemnisation au titre de la dépréciation du surplus doit être rejetée ;

Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ;

Considérant que l’article 13-13, devenu L321-1, du code de l’expropriation dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ;

Considérant qu’il n’est pas contesté qu’à la date de référence, la parcelle expropriée était située en zone UPAa du plan d’occupation des sols approuvé le 28 mai 1979 et mis à jour en octobre 1992 avant de faire l’objet d’une révision partielle le 28 septembre 2000 ; qu’il s’agit d’une zone destinée à recevoir une grande diversité d’activités industrielles, tertiaires, commerciales, d’équipements et de services, seul l’habitat existant ou lié directement à l’exploitation des établissements étant autorisé ; que le coefficient d’occupation des sols est néant et la hauteur plafond de l’îlot de 30 mètres ;

Considérant que le bien en cause doit être évalué au jour du jugement, soit le 11 juillet 2007 ;

Considérant que la cour ne rendant pas d’arrêts de règlement, il ne lui appartient pas de décider si la méthode préconisée par l’expert [W] doit remplacer dans tous les cas celle proposée par MM.[B] et [D], mais seulement d’apprécier si elle est mieux adaptée à la situation soumise du terrain des appelants ;

Considérant qu’il convient d’emblée de souligner que l’expert, M. [W] est expert auprès de cette cour d’appel et expert agréé par la Cour de cassation ; qu’il est spécialiste de la construction en matière de structures, matériaux et de fondations ; qu’ayant fait les mêmes études que M.[B], il dispose du même bagage technique, de sorte qu’il ne peut être soutenu qu’il ne disposerait pas de la compétence suffisante pour mener à bien avec M.[D] la mission qui lui a été confiée ;

Considérant que la RATP se borne à critiquer le rapport de M.[W] sans verser de pièces aux débats, en particulier des rapports extérieurs à ses services et ne sollicite pas de mesure de contre-expertise ;

Considérant qu’il apparaît que le rapport de M.[W] procède d’un travail sérieux, consciencieux et exploitable, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’écarter ;

Considérant en effet que l’expert [W] relève que le rapport [B] et [D], qu’il a eu beaucoup de mal à se procurer, la RATP ne l’ayant pas fourni, ce qui a grandement contribué à la longueur de la mesure d’instruction, a été rendu dans un contexte très différent de celui du présent dossier puisque le bien alors en cause se situait en milieu urbain, à [Localité 1], dans un site déjà bâti (bâtiment haussmannien), alors que celui des consorts [F]-[O] est un terrain situé en Seine Saint Denis, pouvant être considéré comme nu car occupé par une construction sommaire destinée au stationnement, à l’entretien et à la réparation de véhicules, techniquement et économiquement simple à démolir ;

Considérant par ailleurs que M.[W] suggère d’envisager la variation de la valeur du tréfonds non pas de façon unique mais en distinguant selon qu’il se situe dans une zone rurale, pavillonnaire ou d’activité permettant seulement des constructions sans sous-sol ou avec un niveau (cave/vide sanitaire), ou dans une zone urbaine de densité moyenne permettant un à deux niveaux de sous-sols pour de petits immeubles collectifs ou intermédiaires, ou dans une zone urbaine dense permettant la réalisation de cinq niveaux de sous-sols d’immeubles ou dans une zone d’exception particulièrement contrainte et à intérêt commercial fort justifiant économiquement de faire des excavations permettant d’atteindre 10 à 11 niveaux de sous-sols ;

Considérant que l’expert [W] propose également de tenir compte, ainsi que l’avaient fait MM. [B] et [D], de la qualité du terrain en cause et de la présence ou de l’absence d’eau ;

Considérant que son approche plus sophistiquée est de nature à prendre en compte de façon concrète la situation réelle du bien exproprié, qui n’est pas celle qui avait été traitée par les précédents experts, même si le tableau des situations auquel il aboutit est plus délicat à mettre en oeuvre que l’application d’une formule unique ; que, dans cette mesure, elle répond mieux à l’objectif d’une réparation appropriée du préjudice subi par l’exproprié, qui reste le souci principal du juge de l’expropriation ;

Considérant que l’expert note que si la progression des techniques permet de réaliser de manière beaucoup plus courante des ouvrages à une grande profondeur (il note le caractère courant de parkings de 6 à 8 niveaux de profondeur), il est également exact, selon lui, que ceux-ci ont un coût qui conditionne leur mise en oeuvre, eu égard également à l’évolution de la législation sur la sécurité ; qu’il préconise différentes formules d’évaluation en fonction des paramètres précités ;

Considérant, s’agissant du terrain des consorts [F]-[O], que l’expert considère, comme indiqué plus haut, qu’il s’agit d’un terrain assimilable à un terrain nu, compte tenu du faible coût de démolition des constructions légères réalisées en surface, situé dans une zone urbaine moyennement dense ; que le sol du tréfonds est bon dès lors qu’il est possible de s’affranchir complètement de la zone gypseuse ; que la nappe d’eau est à 8 mètres de profondeur, c’est à dire moins de 3 mètres au dessus du niveau d’expropriation, n’impactant pas un projet à deux niveaux de sous-sol ;

Considérant que dans cette hypothèse, il propose de retenir une valeur plancher du tréfond correspondant à 10 % de la valeur du terrain de surface, ce que les appelants demandent de retenir ;

Considérant que cette proposition de l’expert, non sérieusement critiquée, apparaît correctement motivée et sera retenue ;

Considérant, s’agissant de la valeur du terrain de surface, qu’il convient de se reporter aux références fournies par le commissaire du gouvernement en première instance, que les pièces versées aux débats ne permettent pas d’exclure, faisant ressortir, pour des terrains nus situées sur la même commune et présentant le même zonage UPAa, une valeur moyenne au m² de :

[561 +608 + 452 euros]/3 = 1 621 euros/3 = 540,33 euros, arrondis à 540 euros ;

Considérant que l’emprise de la RATP doit être ainsi valorisée à :

489 m² x 540 euros x 0,10 = 26 406 euros, montant de l’indemnité principale ;

Considérant que l’indemnité de remploi est par conséquent de :

—  5 000 euros x 20 % = 1 000 euros ;

—  10 000 euros x 15 % = 1 500 euros ;

—  10 % du surplus de 26 406 euros par rapport à 15 000 euros, soit 11 406 euros, x 10 % = 1 140,60 euros ;

d’où au total, la somme de 3 640,60 euros, arrondis à 3 641 euros ;

Considérant, s’agissant de la dépréciation du surplus que la RATP ne peut être condamnée à verser un cahier des charges qu’elle conteste détenir, dès lors qu’elle affirme ne pouvoir se prononcer qu’au vu d’un projet de construction d’immeuble avec sous-sols, qui devra lui être soumis ;

Considérant que l’expert relève que le bien des consorts [F]-[O], assimilable à un terrain nu, bénéficie, en raison de la hauteur plafond fixée à 30 mètres qui renvoie à des immeubles R + 9, voire R + 10, d’une forte constructibilité ; qu’il note que, sur la potentialité de construction en sous-sol, les surfaces constructibles ne sont pas affectées, tandis que le coût de la construction sera augmenté par la réalisation de fondations spéciales descendant s’ancrer de part et d’autre du tunnel et à un niveau inférieur à celui ci et par la réalisation de dispositifs qui devront être mis en place pour neutraliser les vibrations consécutives au passage des trains ;

Considérant que si le principe d’un préjudice de dépréciation du surplus est d’ores et déjà certain puisque le terrain est constructible et susceptible d’accueillir un immeuble avec deux niveaux de sous-sols, la présence du tunnel de la RATP imposant des travaux supplémentaires pour une telle construction, ce préjudice, correspondant au surcoût, ne pourra être précisément déterminé que lorsque le projet de construction des consorts [F] et [O], qui n’en est qu’à l’avant projet sommaire, aura été soumis à la RATP et réalisé ; qu’il convient de surseoir à statuer dans cette attente, l’affaire étant radiée du rôle et pouvant être rétablie à la demande de la partie la plus diligente dès la survenance de l’événement attendu ;

Considérant en définitive que le jugement entrepris doit être confirmé sauf sur le montant de l’indemnisation revenant aux consorts [F]-[O] et sur leur demande afférente à la dépréciation du surplus ;

Considérant que la RATP doit être condamnée à supporter les dépens d’appel, en ce compris les frais d’expertise et à payer aux consorts [F]-[O] la somme de 8 000 euros pour compenser les frais irrépétibles qu’ils ont exposés en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

— rejette la demande de renvoi de cette affaire présentée par le commissaire du gouvernement ;

— dit n’y avoir lieu de prononcer la déchéance de l’appel des consorts [F]-[O] ;

— déboute la RATP de sa demande tendant voir écarter le rapport de M.[W] ;

— confirme le jugement du 11 juillet 2007 du juge de l’expropriation de Seine Saint Denis sauf sur le montant de l’indemnisation des consorts [F]-[O] et sur la demande afférente à la dépréciation du surplus ;

— statuant à nouveau :

— fixe de la façon suivante les indemnités au titre de la dépossession du tréfonds :

— indemnité principale d’expropriation : 26 406 euros ;

— indemnité de remploi : 3 641 euros ;

— dit n’y avoir lieu de condamner la RATP à fournir un cahier des charges de l’ouvrage en cause ;

— dit que l’indemnité pour dépréciation du surplus du terrain est égale au surcoût imposé par la présence du tunnel à la construction d’un immeuble de deux niveaux de sous-sols ;

— sursoit à statuer sur la demande d’indemnisation de dépréciation du surplus jusqu’à la réalisation du projet de construction des consorts [F] et [O], qui aura été préalablement soumis à la RATP ;

— y ajoutant, condamne la RATP à supporter les dépens d’appel, en ce compris les frais d’expertise et à payer aux consorts [F]-[O] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour compenser les frais irrépétibles qu’ils ont exposés en cause d’appel ;

— ordonne la radiation de l’affaire qui pourra être rétablie à la demande de la partie la plus diligente dès la survenance de l’événement attendue.

La greffière Le président



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Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 7, 29 juin 2017, n° 10/07984