Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 10 janvier 2017, n° 16/04858
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 10 janv. 2017, n° 16/04858 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
Numéro(s) : | 16/04858 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Paris, 27 janvier 2016, N° 13/15600 |
Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
- Président : , président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties :
Texte intégral
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 10 JANVIER 2017
(n°005/2017, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 16/04858
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 13/15600
APPELANTE
Madame X Y
née le XXX à CHAMBRAY-LÈS-TOURS (37)
XXX
XXX
Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Assistée de Me Henri LATSCHA de la SELEURL SELARL HENRI LATSCHA, avocat au barreau de PARIS, toque : R076
INTIMÉE
La société CACHE-CACHE, S.A.S.,
Immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de Saint-Malo sous le n° 382 456 051,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
XXX
XXX
XXX
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de Maître Clovis BEUDARD substituant Me Jean-Marie MOIROUX, tous deux de la SELARL MOIROUX Avocats, avocats au barreau de PARIS, toque P405,
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions des articles 786 et 907 du même code, l’affaire a été débattue le 14 novembre 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant monsieur Benjamin RAJBAUT, président,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benjamin RAJBAUT, président,
Madame Nathalie AUROY, conseillère,
Madame Isabelle DOUILLET, conseillère.
Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON
ARRÊT :
• contradictoire • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier.
***
EXPOSÉDULITIGE Mme X Y, comédienne et photographe exerçant sous le pseudonyme de Z-A, expose être l’auteur d’une photographie réalisée en 2006 et intitulée 'Monologue Man', issue de la série 'Monologues & Dystopies’ exposée depuis 2007 en France et à l’étranger ;
La SAS CACHE CACHE est à la tête du réseau de distribution de vêtements de prêt-à-porter CACHE CACHE appartenant au groupe BEAUMANOIR ;
Invoquant la commercialisation par la SAS CACHE CACHE du tee-shirt 'T-NEOGIRL2" référencé 8648184, reproduisant sans autorisation de manière quasi-servile sa photographie 'Monologue Man', Mme X Y a fait procéder le 25 juillet 2013 à un constat d’huissier sur le site Internet avant de faire assigner cette société le 09 octobre 2013 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur ;
Par jugement contradictoire du 28 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
• condamné la SAS CACHE CACHE à verser à Mme X Y la somme de 3.600 € en réparation de son préjudice patrimonial et la somme de 1.000 € en réparation de son préjudice moral,
• débouté Mme X Y de sa demande de publication judiciaire,
• condamné la SAS CACHE CACHE à payer à Mme X Y la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
• ordonné l’exécution provisoire de sa décision ; Mme X Y a interjeté appel de ce jugement le 23 février 2016 ;
Par ses dernières conclusions d’appelant n° 3, transmises par RPVA le 07 novembre 2016, Mme X Y demande :
• d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a reconnu les faits de contrefaçon commis par la SAS CACHE CACHE à son encontre,
• de débouter la SAS CACHE CACHE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
• de juger qu’en reproduisant et diffusant sans son autorisation, sans mention de son nom et dans des conditions dénaturantes, le tee-shirt T-NEOGIRL2 reprenant une copie quasi-servile de son oeuvre 'Monologue Man', la SAS CACHE CACHE a porté atteinte à son droit patrimonial et à son droit moral,
• de condamner la SAS CACHE CACHE à lui verser la somme de 206.976 € au titre de son préjudice patrimonial,
• de condamner la SAS CACHE CACHE à lui verser la somme de 60.000 € au titre de son préjudice moral,
• d’ordonner la publication du 'jugement’ (sic) à intervenir dans trois journaux, magazines ou revues à son choix et aux frais de la SAS CACHE CACHE dans la limite d’un budget de 10.000 € H.T. pour l’ensemble des publications ;
• de condamner la SAS CACHE CACHE à lui payer la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
• d’ordonner l’exécution provisoire du 'jugement’ (sic) à intervenir ;
Par ses dernières conclusions n° 2, transmises par RPVA le 03 novembre 2016, la SAS CACHE CACHE demande :
• de confirmer le jugement entrepris,
• de débouter Mme X Y de toutes ses demandes, fins et conclusions,
• de condamner Mme X Y à lui payer la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 novembre 2016 ;
MOTIFSDEL’ARRÊT Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
Considérant que dans la mesure où ni la titularité des droits d’auteur, ni l’originalité de la photographie invoquée, ni le caractère contrefaisant de sa reproduction sur un modèle de tee-shirt ne sont contestées par la SAS CACHE CACHE, la cour, comme les premiers juges, n’est saisie que de l’évaluation des préjudices en résultant pour Mme X Y et de la fixation des dommages et intérêts ;
Considérant qu’il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice subi du fait d’actes de contrefaçon de droit d’auteur, la juridiction prend en considération distinctement les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissement intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits ;
L’évaluation de la masse contrefaisante :
Considérant que Mme X Y soutient que la SAS CACHE CACHE ayant son siège en France, elle peut prétendre à la réparation de l’intégralité du préjudice qui résulte des actes de contrefaçon, y compris ceux commis à l’étranger, soit une masse contrefaisante globale de 12.051 exemplaires ;
Considérant que la SAS CACHE CACHE approuve le tribunal de n’avoir retenu que les ventes réalisées sur le seul territoire français en faisant valoir que Mme X Y a saisi non pas le tribunal de grande instance de Rennes, juridiction de son lieu d’établissement, mais le tribunal de grande instance de Paris, pris en tant que juridiction du lieu du dommage et qu’en toute hypothèse les droits de propriété intellectuelle reposent sur le principe de territorialité ;
Considérant que l’article 5.3° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 permet à la victime en matière de contrefaçon d’exercer l’action en indemnisation devant la juridiction de l’État du lieu d’établissement de l’auteur de la contrefaçon, compétente pour réparer l’intégralité du préjudice qui en résulte ;
Considérant que la SAS CACHE CACHE a siège social en France, de telle sorte que Mme X Y peut exercer son action en indemnisation de l’intégralité de son préjudice devant les juridictions françaises ;
Considérant qu’en ce qui concerne la détermination de la juridiction française compétente au regard des règles du code de procédure civile, l’article 46 du dit code permet au demandeur de saisir en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
Qu’en l’espèce il ressort notamment du procès-verbal de constat d’huissier sur Internet dressé le 25 juillet 2013 à la requête de Mme X Y (pièce 6 de son dossier) que le tee-shirt litigieux est en vente en ligne sur le site 'www.cache-cache.fr’ à destination du public français, de telle sorte que le fait dommageable a notamment été réalisé par l’intermédiaire de l’Internet, sur l’ensemble du territoire national ;
Qu’en conséquence Mme X Y pouvait, en exerçant l’option qui lui est offerte par l’article 5.3° précité, saisir le tribunal de grande instance de Paris, territorialement compétent en vertu des dispositions de l’article 46 précité, pour réclamer l’intégralité de son préjudice ;
Considérant en conséquence que la masse contrefaisante à prendre en compte est de 12.051 exemplaires ;
Les conséquences économiques négatives :
Considérant que Mme X Y rappelle que la SAS CACHE CACHE a été livrée de 12.051 tee-shirts contrefaisants, que son oeuvre contrefaite (la photographie 'Monologue Man') a été tirée à 25 exemplaires et que son prix de vente moyen est de l’ordre de 1.100 € ; que la commercialisation d’une 'box’ comprenant trois tirages de photographies, dont celle en cause, pour un prix de 365 € n’a été qu’éphémère et ne correspond pas au prix traditionnel de vente de ses photographies à l’unité ;
Qu’elle soutient que le fait d’indiquer qu’elle n’aurait a priori jamais donné son accord pour que la photographie litigieuse soit reproduite sur un modèle de tee-shirt commercialisé par une enseigne de grande distribution à prix bon marché n’est aucunement contradictoire avec le fait de solliciter la réparation du préjudice né d’une commercialisation sans son consentement ;
Qu’elle indique vouloir simplement démontrer que sa démarche de photographe et son travail apparaissent peu conciliables avec l’esprit des créations de la SAS CACHE CACHE, ce qui ne signifie nullement qu’elle s’opposerait par principe à toute commercialisation de ses oeuvres ;
Qu’eu égard à ces éléments, elle évalue son préjudice au titre des conséquences économiques négatives à la somme de 180.765 € sur la base d’une redevance forfaitaire de 15 € par unité de tee-shirt ;
Qu’elle conteste en effet la détermination de son manque à gagner par référence au barème de l’Union des Photographes Professionnels dont elle n’est pas adhérente, qui est obsolète, qui ne fait pas référence à l’exploitation d’une photographie sur un support textile et qui n’est pas une référence en la matière ;
Considérant que la SAS CACHE CACHE fait valoir que Mme X Y ne se prévaut que d’un manque à gagner et d’aucune perte subie, ce qui signifie que la vente du tee-shirt litigieux n’a pas eu d’impact négatif sur l’exploitation commerciale de Mme X Y ;
Qu’en ce qui concerne le manque à gagner, elle indique que du propre aveu de Mme X Y, celle-ci n’aurait jamais conclu d’affaire avec elle, de telle sorte qu’elle n’a manqué aucune affaire et ne peut réclamer un manque à gagner qui n’existe pas ;
Qu’elle ajoute que si par extraordinaire la cour devait lui reconnaître un manque à gagner, celui-ci n’atteindrait jamais la somme réclamée par Mme X Y ; qu’en effet celle-ci concède bien une exploitation commerciale de certaines sur des photographies, notamment sur les pochettes de CD ou des couvertures de livres sans pour autant dévoiler le montant des redevances qu’elle perçoit à ce titre ;
Qu’elle soutient que la redevance forfaitaire de 15 € par unité pour un tee-shirt vendu au public au prix de 19,99 € TTC (soit 16,71 € HT) est irréaliste et que le barème de l’Union des Photographes Professionnels donne des indications précises sur le coût moyen en usage pour l’exploitation d’une photographie sur des vêtements vendus ;
Qu’elle fait valoir que selon ce barème pour une exploitation commerciale d’une photographie sur des objets ou des vêtements, le prix à payer au photographe est de 1.036 € jusqu’à 5.000 exemplaire et de 165 € au-delà tous les 1.000 exemplaires supplémentaires, qu’ainsi pour 8.108 exemplaires, le prix à payer s’élèverait donc à un peu plus de 1.530 € ;
Considérant ceci exposé, qu’indépendamment du fait que Mme X Y n’aurait a priori pas donné son accord à une licence autorisant la SAS CACHE CACHE à reproduire la photographie litigieuse sur un modèle de tee-shirt, il n’en reste pas moins qu’en procédant à la commercialisation de ce tee-shirt sans son accord, la SAS CACHE CACHE a de ce fait privé Mme X Y de la rémunération à laquelle elle aurait alors pu prétendre, de telle sorte que le montant des droits ainsi éludés constitue le manque à gagner subi par Mme X Y ;
Considérant que pour apprécier l’importance de ce gain manqué Mme X Y se contente de réclamer une redevance forfaitaire de 15 € par tee-shirt sans fournir aucun élément objectif d’évaluation ; qu’il convient dès lors de prendre comme élément de référence le barème indicatif 2010 de l’Union des Photographes Professionnels, sans qu’il soit nécessaire que Mme X Y soit membre de cette association, tel que versé aux débats par la SAS CACHE CACHE (pièce n° 19) en tenant toutefois compte de ce que les actes d’atteinte aux droits de Mme X Y datent de l’année 2013 ;
Considérant que ce barème précise qu’il 'est établi à titre indicatif en fonction des conditions de cessions de droits d’auteur couramment pratiquées dans la profession’ et qu’il tient compte 'du format de publication de la photographie par rapport au format du support, de la nature du support, du chiffre du tirage de chaque média, de la durée d’exploitation en France (exceptionnellement en Europe et dans le monde) et dans le temps', de telle sorte qu’il constitue une base d’évaluation objective suffisamment fiable ;
Considérant que pour la reproduction d’une photographie sur un vêtement vendu le barème pour un tirage jusqu’à 5.000 exemplaires est de 1.036 € puis de 165 € tous les 1.000 exemplaires suivants ; qu’ainsi pour une masse contrefaisante de 12.051 modèles la redevance proposée dans ce barème est de : 1.036 + (165 X 8) = 2.356 € qu’il conviendra d’actualiser à la somme de 2.500 € compte tenu de l’ancienneté du barème ;
Les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits :
Considérant que Mme X Y soutient que les bénéfices réalisés par le contrefacteur doivent inclure la marge réalisée par celui-ci lors de la vente d’exemplaires contrefaisants et que si sa photographie n’est pas la seule composant le tee-shirt contrefaisant, l’application d’un taux de 5 % comme l’ont fait les premiers juges, est bien trop faible et reviendrait à conférer à sa photographie un statut d’accessoire alors qu’elle est parfaitement identifiable, d’autant plus que si elle est la seule photographie qui n’est pas libre de droits, elle dispose d’une valeur marchande pour le moins conséquente ;
Qu’elle évalue le montant des bénéfices réalisés par la SAS CACHE CACHE à la somme de 26.211 € sur la base d’un pourcentage de 25 % sur la marge de 104.844 € réalisée par cette société sur la vente de 12.051 tee-shirts contrefaisants avec une marge de 8,70 € par unité ;
Considérant que la SAS CACHE CACHE soutient que constat d’huissier réalisé sur le site Internet 'www.cachecache.fr’ ne justifie en aucun cas d’un préjudice subi hors de France et que la marge à prendre en considération est celle qu’elle a réalisée sur le territoire français, soit 70.895,71 € ;
Qu’elle ajoute que la photographie en cause n’est qu’une composante de son tee-shirt T-NEOGIRL2, noyée dans un patchwork de 17 images et que le pouvoir attractif de ce tee-shirt ne découle donc pas de la seule photographie de Mme X Y qui n’en est qu’un détail et qu’il peut donc être raisonnablement considéré, comme le tribunal l’a fait, que cette photographie ne représente pas plus de 5 % du pouvoir attractif du tee-shirt ;
Qu’elle en conclut que sa part de marge réalisé grâce à cette photographie peut s’évaluer à 5 % de la marge totale réalisée, soit à 3.544,78 € ;
Qu’elle ajoute encore que le vêtement en cause est un produit saisonnier et éphémère ne nécessitant pas d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels importants et que l’argument des économies d’investissements ne peut être retenu ;
Qu’elle conclut donc à la confirmation du jugement entrepris qui a évalué à la somme totale de 3.600 € le préjudice matériel subi par Mme X Y ;
Considérant ceci exposé, que comme analysé plus haut, la masse contrefaisante comprend la totalité des modèles vendus par la SAS CACHE CACHE et qu’ainsi la marge à prendre en considération est la marge totale réalisée par cette société, soit 104.844 € ;
Considérant que la photographie en cause n’est qu’un élément parmi les 17 éléments reproduits sur le tee-shirt litigieux et qu’il convient de tenir compte de cette proportion pour estimer que la part de marge réalisée grâce à cette photographie (qui n’est pas plus mise en avant que les autres éléments) est de 6 %, ce qui correspond à une somme de 6.290 € ;
Mais considérant que les bénéfices réalisés par la SAS CACHE CACHE du fait de l’atteinte aux droits de Mme X Y comprennent également les économies d’investissement notamment matériels du fait de l’absence de paiement de toute redevance pour la reproduction de la photographie litigieuse qui est la seule à ne pas avoir été libre de droits, ce qui aurait induit un coût de réalisation du tee-shirt plus élevé ;
Considérant qu’en fonction de ces éléments, la cour évalue le montant des bénéfices ainsi réalisés à la somme globale de 7.000 € ;
Le préjudice moral de Mme X Y :
Considérant que Mme X Y expose qu’elle dispose d’une renommée significative tant en France que dans le monde entier, son univers artistique singulier allant de pair avec son implication et son engagement dans les milieux carcéral et médical ou encore avec des enfants en zone sensible ;
Qu’elle fait valoir que son univers artistique est ainsi profondément inspiré de son engagement social et de la grave maladie dont elle est atteinte (sclérose en plaques) et que la reproduction de sa photographie 'Monologue Man’ sur un tee-shirt commercialisé par une enseigne de grande distribution à prix bon marché est en totale contradiction avec l’esprit de son oeuvre et sa personnalité et que la SAS CACHE CACHE a donc manifestement porté atteinte au droit au respect de son oeuvre ;
Qu’elle évalue à la somme de 20.000 € le préjudice résultant de la violation à son droit à la paternité et à 40.000 € le préjudice résultant de la violation au respect de son oeuvre ;
Considérant que la SAS CACHE CACHE réplique que l’atteinte au respect de l’oeuvre de Mme X Y doit être relativisée dans la mesure où elle vend ses photographies et concède des exploitations commerciales de celles-ci et qu’elle ne produit aucun élément de nature à montrer un effet négatif de cette exploitation sur son travail artistique ;
Qu’elle ajoute que le droit à la paternité doit être nuancé en matière d’arts appliqués et que même si une licence avait été consentie, il n’est nullement certain que Mme X Y aurait obtenu l’apposition de son nom sur le tee-shirt et que par ailleurs celle-ci ne peut à la fois reprocher que son oeuvre soit associée à un produit de consommation courante contraire à ses choix artistique et reprocher à la SAS CACHE CACHE d’avoir omis de mentionner ses nom et qualité sur ce produit ;
Qu’elle conclut à la confirmation du jugement entrepris qui a évalué le préjudice moral à la somme de 1.000 € ;
Considérant ceci exposé, que la reproduction de la photographie litigieuse sans mention du nom de son auteur constitue bien une atteinte au droit à la paternité tel que prévu par l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Considérant en outre que Mme X Y justifie (pièces 1 à 3 de son dossier) d’un engagement personnel, en tant qu’artiste photographe, par ses interventions dans les milieux carcéral (auprès des détenus et avec l’association abolitionniste ACM) et médical (ateliers d’art corporel et thérapie en clinique psychiatrique), ainsi qu’auprès d’enfants en milieu social sensible notamment dans le cadre du projet 'Lutte anti-exclusion’ organisé par la Fédération des oeuvres laïques ;
Que la photographie objet du présent litige apparaît comme emblématique du travail de Mme X Y et a fait l’objet de plusieurs articles de presse tant en France qu’à l’étranger (pièce 2) ; que sa reproduction sans l’autorisation de son auteur, sur un tee-shirt à des fins purement commerciales constitue ainsi également, par la banalisation et la dévalorisation qui s’ensuivent eu égard notamment à ses engagements sociétaux, une atteinte au respect de l’oeuvre au sens de l’article L 121-1 précité ;
Considérant que Mme X Y subit ainsi du fait de ces deux atteintes à son droit moral un préjudice que la cour évalue, au vu des éléments de la cause tels qu’analysés, à la somme globale de 10.000 € ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum des sommes allouées en réparation des préjudices patrimoniaux et moraux subis par Mme X Y et que, statuant à nouveau de ce chef, la SAS CACHE CACHE sera condamnée à lui payer la somme globale de 9.500 € en réparation de ses préjudices patrimoniaux et la somme globale de 10.000 € en réparation de ses préjudices moraux ;
Les autres demandes :
Considérant qu’il apparaît que les préjudices subis par Mme X Y sont suffisamment réparés par l’octroi de dommages et intérêts, qu’elle sera donc déboutée de sa demande de publication judiciaire du présent arrêt à titre de mesure réparatrice complémentaire, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de publication judiciaire de la décision de première instance ;
Considérant que la demande d’exécution provisoire demandée par Mme X Y est sans objet en cause d’appel ;
Considérant qu’il est équitable d’allouer à Mme X Y la somme complémentaire de 5.000 € au titre des frais par elle exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;
Considérant que la SAS CACHE CACHE sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la SAS CACHE CACHE, partie tenue à paiement, sera condamnée au paiement des dépens d’appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
PARCESMOTIFS La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Infirme le jugement entrepris sur le quantum des sommes allouées à Mme X Y en réparation des préjudices subis du fait des atteintes à ses droits d’auteur et statuant à nouveau de ce chef :
Condamne la SAS CACHE CACHE à payer à Mme X Y :
• la somme globale de NEUF MILLE CINQ CENTS EUROS (9.500 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices patrimoniaux,
• la somme globale de DIX MILLE EUROS (10.000 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices moraux ;
Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Déboute Mme X Y de sa demande de publication judiciaire du présent arrêt à titre de mesure réparatrice complémentaire ;
Déclare sans objet la demande d’exécution provisoire du présent arrêt ;
Condamne la SAS CACHE CACHE à payer à Mme X Y la somme complémentaire de CINQ MILLE EUROS (5.000 €) au titre des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens ;
Déboute la SAS CACHE CACHE de sa demande en paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS CACHE CACHE aux dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER
Textes cités dans la décision