Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 9 juin 2017, n° 16/00005

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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André Lucas · L'ESSENTIEL Droit de la propriété intellectuelle · 1er octobre 2017
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 9 juin 2017, n° 16/00005
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/00005
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 26 mars 2014, N° 11/01444
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 09 JUIN 2017

(n°95, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/00005

Décision déférée à la Cour : jugement du 27 mars 2014 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 4e section – RG n°11/01444

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A. LIBRAIRIE DROZ, agissant en la personne de son administrateur délégué, M. D B, domicilié en cette qualité au siège social situé

11, rue Firmin-Massot

XXX

SUISSE

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque K 148

Assistée de Me Claire SIMONIN, avocat au barreau de PARIS, toque C 2590

INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS INCIDENTS

M. F Y

Né le XXX à Gennevilliers

De nationalité française

Exerçant la profession de directeur éditorial

XXX – 78510 TRIEL-SUR-SEINE

S.A.R.L. H GN, anciennement dénommée H X, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

XXX

XXX

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 439 122 888

S.A.R.L. H G, anciennement dénommée U H X, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

XXX

XXX

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 504 550 377

Représentés par Me Q R, avocat au barreau de PARIS, toque J 125

Assistés de Me Virginie BRUNOT plaidant pour la SELAS ALAIN BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque E 241, Me Marie SOULEZ plaidant pour la SELAS ALAIN BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque E 241

S.A. I J, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

C/O LIBRAIRIE Z ET FILS

XXX

XXX

SUISSE

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque L 0075

Assistée de Me Laurent PARIS plaidant pour la SELARL KALONE, avocat au barreau de PARIS, toque K 0063

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 mars 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme M N, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme K L, Conseillère

Mmes M N et K L ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme M N, Présidente

Mme K L, Conseillère

Mme O P, Conseillère, désignée pour compléter la Cour

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme M N, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 10 septembre 1996, la société Librairie Droz, société suisse d’édition d’ouvrages d’érudition datant principalement du Moyen-Âge et de la Renaissance, a conclu avec la société U Honoré I un contrat autorisant la reproduction de certaines 'uvres sur un CD-Rom intitulé « poésie française ».

M. Y exerçait alors les fonctions de directeur éditorial au sein de la société U Honoré I et a signé le contrat pour le compte de la société U Honoré I

Le 13 octobre 1997, la société de droit suisse I J est venue aux droits de la société Carticorne, inactive depuis plusieurs années, avec pour objet la production, l’édition et la diffusion de produits multimédias sur supports informatiques; son capital était réparti de moitié entre M. Y et les consorts Z. Dès le 8 avril 1996, M. Y avait reçu mandat de concevoir et réaliser pour le compte de celle-ci quatre bases de données dont une dédiée à la littérature du Moyen Age.

A la fin de l’année 2011, la société I J a créé une filiale, la société I J France.

Par acte du 19 août 2004, la société suisse I J a cédé la totalité des parts de la société I J France à M. Y, cette dernière prenant la dénomination de H GN.

La société H G anciennement dénommée U H X, a été créée le 6 juin 2006, par M. Y qui en était l’unique associé et le gérant ; elle a pour activité principale l’édition papier de livres d’érudition et exploite un site internet à l’adresse www.H-X /U.

La société Librairie Droz indique avoir constaté le 17 juillet 2006 que 197 de ses textes avaient été repris selon la présentation du site internet www.H-X.com/numerique. Après un échange de lettres qui n’a pas abouti à un accord, le 12 janvier 2011, la société Librairie Droz a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés H G et H GN en contrefaçon de 197 'uvres médiévales pour lesquelles elle est titulaire des droits d’édition.

Le 17 novembre 2011, les sociétés H G et H GN ont assigné en intervention forcée la société suisse I J, au titre de la cession du contrat du 10 septembre 1996, d’abord par la société U Honoré I à la société suisse I J, puis par cette dernière à la société I J France devenue la société H GN. La jonction avec la première instance a été prononcée par ordonnance du 19 janvier 2012.

Le 13 juin 2012, la société suisse I J a assigné F Y en intervention forcée, au titre de l’acquisition de la filiale I J France devenue la société H GN. La jonction avec les précédentes instances a été prononcée par ordonnance du 27 septembre 2012.

Par jugement en date du 27 mars 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

— déclaré irrecevables les demandes formées par la société Librairie Droz contre la société H G,

— rejeté les demandes formées par la société Librairie Droz contre la société H GN, – déclaré sans objet les appels en garantie contre la société I J et contre F Y,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Librairie Droz aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit d’Alain Bensoussan selas et de Kalone selarl, sociétés d’avocats inscrites au barreau de Paris, selon les règles de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Librairie Droz a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 6 juillet 2014.

Par dernières conclusions signifiées le 6 janvier 2016, la société Librairie Droz demande à la cour de :

— réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de débouter les intimés de leur appel incident, ce faisant :

— la juger recevable en ses demandes,

— juger ses demandes de la concluante recevables tant à l’égard de la société H GN que de la société H G et de la société I J, compte tenu de la confusion volontairement opérée entre ces différentes entités,

— dire et juger que les U des textes suivants publiées par elle, fruit d’un long travail marqué par l’empreinte de la personnalité de leurs éditeurs scientifiques, sont protégées par le droit d’auteur : [liste de 197 textes]

— dire et juger qu’elle est titulaire des droits d’édition sur ces textes ;

— constater la nullité de la convention du 10 septembre 1996, faute pour monsieur F Y, d’avoir disposé du pouvoir d’engager la société I pour le compte de laquelle il l’a signée ; ce faisant,

• constater que les sociétés intimées ont contrefait ses droits en publiant ces textes sur leur site internet sans autorisation ;

— en tant que de besoin, constater la résiliation par elle, par courrier en date du 6 juillet 2004, du contrat en date du 10 septembre 1996 ;

• dire et juger que ce contrat ne visait nullement la publication des textes sur internet ; ce faisant, • constater que les intimés ont contrefait ses droits en publiant ces textes sur leur site internet sans autorisation ;

en conséquence,

• débouter les intimés de l’ensemble de leurs appel incident, demandes, prétentions, fins et conclusions, • condamner les intimés in solidum à lui verser à la somme de 197.000 euros en réparation de ses préjudices toutes causes confondues, soit 1.000 euros par texte repris sans autorisation, • ordonner la publication par extraits de la décision à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix de l’appelante et aux frais avancés des intimées in solidum, à hauteur de 7.000 euros par insertion ; • ordonner encore la publication par extraits de la décision à intervenir sur la première page du site internet des sociétés intimées aux frais des intimées in solidum ; • condamner encore les intimés in solidum à lui verser la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Cde de procédure civile ; • les condamner encore aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Christophe Pachalis, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 19 janvier 2017, les sociétés H GN, H G et monsieur F Y demandent à la cour de :

— les déclarer recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, fins et moyens, y faire droit, et en conséquence :

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 27 mars 2014 en ce qu’il a:

— déclaré irrecevables les demandes formées par la société Librairie Droz SA contre la société H G pour défaut de qualité à défendre ;

— rejeté les demandes formées par la société Librairie Droz SA contre la société H GN au titre de la contrefaçon ;

y ajoutant

— condamner la société Librairie Droz SA à restituer à la société H GN, le trop-perçu de redevances d’un montant de 5.509,84 euros avec intérêt au taux légal à compter du 16 juin 2011, date des premières conclusions de première instance des sociétés H GN et H G ;

si la Cour ne confirmait pas le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 27 mars 2014, il est demandé de :

— dire et juger la société Librairie Droz SA irrecevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur, pour défaut de qualité à agir en demande ;

— dire et juger qu’en l’absence de mise en 'uvre de la procédure conciliation préalable prévue aux articles 10 et 12 du contrat d’intégration du 10 septembre 1996, la société Librairie Droz SA est irrecevable à solliciter la nullité, la résiliation et l’interprétation dudit contrat ;

si la Cour déclarait la société Librairie Droz SA recevable à invoquer la nullité du contrat du 10 septembre 1996, dire et juger que la nullité d’un contrat en raison de l’absence de pouvoir du représentant de l’une des parties est une nullité relative qui ne peut être demandée que par la partie représentée et, en conséquence, rejeter cette demande ;

si la Cour déclarait la société Librairie Droz SA recevable à invoquer la résiliation du contrat du 10 septembre 1996,

— dire et juger qu’en l’absence de mise en 'uvre de la procédure contractuelle de résiliation, le contrat du 10 septembre 1996 n’a pas été résilié ; – dire et juger valide la cession du contrat du 10 septembre 1996 au profit de la société I J SA puis au profit de la société H GN ; – dire et juger que la société Librairie Droz SA ne justifie d’aucun préjudice et que dans l’hypothèse où la Cour retiendrait l’existence d’un préjudice, celui-ci ne pourrait supérieur à un montant de 2.856 euros ; – débouter la société Librairie Droz de sa demande de réparation complémentaire au titre des mesures de publication judiciaire ; – condamner la société Librairie Droz SA à restituer à la société H GN le trop-perçu de redevances d’un montant de 5.509,84 euros avec intérêt à taux légal à compter du 16 juin 2011, date des premières conclusions de première instance des sociétés H G et H GN ; – déclarer recevable et bien fondé l’appel en garantie par les sociétés H G et H GN de la société I J SA ; – condamner la société I J SA à garantir la société H GN et la société Classique G de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre portant sur des actes de contrefaçon ; – dire et juger que Monsieur F Y n’a commis ni actes de contrefaçon, ni manquement à ses obligations contractuelles, ni dol à l’encontre de la société I J SA et en conséquence rejeter la demande d’appel en garantie de cette dernière à son encontre ; dans tous les cas : – débouter la société Librairie Droz de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

— ordonner la capitalisation des intérêts au profit des sociétés H GN et H G en application de l’article 1154 du code civil ;

— condamner la société Librairie Droz SA à payer aux sociétés H GN et H G, la somme de 15.000 euros à chacune, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal et aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Q R en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 9 février 2017, la société I demande à la cour de :

A titre principal,

— confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 27 mars 2014 en ce qu’il a :

rejeté les demandes formées par la Librairie Droz contre la société H GN (ci-après « H GN »)

déclaré sans objet l’appel en garantie contre la société I J (ci-après « I J») ;

A titre subsidiaire dire et juger que :

— la clause de non-garantie stipulée dans le contrat de vente du 30 juin 2006 est valable et opposable à H GN ;

— la société H GN avait une connaissance effective des actes de contrefaçon invoqués auxquels elle a participé et connaissait le risque d’éviction qui existait au moment de la conclusion de la vente du 30 juin 2006 ;

— la société I J SA n’a commis aucune faute ;

— la société H GN est infondée dans son appel en garantie dirigé à l’encontre de la société I J SA et qu’est irrecevable et infondé l’appel en garantie de la société I J SA par la société H G ;

— constater que la Librairie Droz n’apporte la justification d’aucune faute commise par I J SA ; – rejeter les demandes formées par la société Libraire Droz à son encontre

— débouter les sociétés H GN, H G et Monsieur F Y de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre

A titre très subsidiaire :

— condamner Monsieur F Y à la relever et à la garantir de toute condamnation qui pourrait éventuellement être prononcée à son encontre ;

En tout état de cause,

— condamner in solidum la société Librairie Droz, la société H GN, la société H G et Monsieur F Y à lui payer une somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de l’AARPI JRF Avocats, en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la qualité à agir de la société Librairie Droz

Sur la présomption de titularité

Les intimées soutiennent que la société Librairie Droz est irrecevable à agir en contrefaçon pour défaut de qualité ;

La société Librairie Droz réplique que dès lors qu’elle rapporte la preuve d’une exploitation paisible des oeuvres en cause sous son nom, elle n’a pas à prouver la cession des droits d’auteur à son profit pour agir en contrefaçon.

En l’espèce, les textes litigieux ont été publiés et régulièrement exploités depuis leur parution par la société Librairie Droz sous son nom et son copyright, celle-ci communiquant les 44 ouvrages contenant les 197 textes correspondant aux poèmes médiévaux revendiqués, étant observé que ne lui est opposée aucune revendication des auteurs.

De plus, le 10 septembre 1996, la société Librairie Droz a conclu un contrat avec la société U Honoré I représentée par M. Y par lequel elle autorisait celle-ci à éditer dans le cadre d’un CR Rom intitulé 'Poésie française’ un certain nombre d’oeuvres lui appartenant soit 96 textes visés en annexe, l’article 8 du contrat faisait référence à son catalogue en précisant que la société Librairie Droz était 'seule et unique propriétaire des oeuvres de son catalogue concernées par ce contrat et en gardait la responsabilité ' .

Les intimées soutiennent que les oeuvres visées en annexe de ce contrat ne sont pas celles revendiquées ; pour autant, par courrier du 3 octobre 1997, M. Y a sollicité l’autorisation d’utiliser différents volumes pour un CD Rom Moyen Age et un CD Rom a été publié en 2001 consacré non seulement à la poésie française mais aussi à un 'Corpus de la littérature médiévale'.

Sur le site internet en cause il était d’ailleurs indiqué 'Ce sont 900 oeuvres complètes qui composent cette parfaite première bibliothèque pour la période du Moyen Age allant du 9e au 15 ème siècle…..Les U choisies pour composer le Corpus de littérature médiévale sont conformément aux principes de l’édition J celles des meilleurs éditeurs: I, Droz….'.

Ces éléments démontrent que la société Librairie Droz exploite de façon paisible et de façon non équivoque sous son nom un ensemble de textes médiévaux figurant à son catalogue dont ceux en cause; qu’elle est dès lors titulaire à l’égard des tiers du droit de propriété incorporelle des auteurs ce qui lui confère la qualité à agir sur le fondement de la contrefaçon.

Sur la clause de conciliation

Les intimées prétendent que la société Librairie Droz ne serait pas recevable à agir faute d’avoir mis en oeuvre la clause de conciliation préalable figurant au contrat du 10 septembre 1996.

L’article 10 de celui-ci stipule :'en cas de manquement par l’une des parties à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du présent contrat non réparé dans un délai de 30 jours suivant notification par lettre recommandée adressée à la partie défaillante par l’autre partie, celle-ci pourra résilier le contrat aux torts de la partie défaillante.

Néanmoins une conciliation entre les parties devra avoir lieu avant que la résiliation n’intervienne. Une telle résiliation interviendra de plein droit dès l’envoi d’une nouvelle lettre recommandée par la partie victime de la défaillance'.

L’article 12 ajoutait 'tout différend relatif à l’interprétation et/ou à l’exécution du présent contrat non résolu de manière amiable sera porté devant les tribunaux compétents du ressort de la cour d’appel de Paris, nonobstant pluralité de défendeurs et/ou appel en garantie'.

Si ces clauses ont stipulé le recours à une conciliation, il n’a été prévu aucune modalité sur une procédure de conciliation en tant que mode alternatif de règlement des litiges ni sur la désignation d’un conciliateur ; au demeurant, le litige porte pour partie sur l’exploitation non autorisée d’un CD Rom et pour partie sur l’exploitation d’un contenu non autorisé sur internet, alors que la clause concerne l’hypothèse d’une résiliation résultant d’un manquement contractuel ; par ailleurs, la société Librairie Droz justifie de l’envoi de courriers et d’échanges ayant eu pour finalité un règlement amiable du différend avant d’engager la procédure judiciaire ; la question de la réalité de la résiliation est au surplus discutée.

En conséquence, il n’est pas démontré que cette clause était applicable et la demande des intimées tendant à dire la société Librairie Droz irrecevable sera rejetée.

Sur la protection au titre des droits d’auteur

La société Librairie Droz qui se présente comme l’éditeur au sens particulier de celui qui prend la responsabilité de transcrire des textes anciens, soutient que les 197 textes en litige regroupés dans les 28 recueils qu’elle produit sont protégeables au titre du droit d’auteur.

Les intimées font valoir que les textes, objets des débats, sont des textes bruts sans apparat critique et non les oeuvres sur lesquelles la société U Droz prétend revendiquer des droits et pour lesquels elle bénéficie d’une présomption de titularité.

La société Librairie Droz qui revendique 197 textes distingue d’une part le texte brut du texte nu, ce dernier étant le texte établi et édité sans appareil critique et, d’autre part, tous les commentaires qui constituent l’apparat critique.

Elle ne peut soutenir que le texte nu serait indissociable de l’apparat critique dès lors que l’article 4 du contrat passé avec la société Honoré I précise que cette dernière devait publier sur son CD-Rom 'le texte seul des oeuvres à l’exclusion de la totalité de l’apparat critique (dont l’introduction, les notes et les variantes) ; la société Librairie Droz a ainsi fait le choix d’exclure une partie du travail réalisé et ne saurait dès lors l’invoquer pour se prévaloir d’une protection incluant nécessairement le texte et l’apparat critique de celui-ci.

L’article L112-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que 'Les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des oeuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’oeuvre originale. Il en est de même des auteurs d’anthologies ou de recueil d’oeuvres ou de données diverses tels que bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières constituent des créations intellectuelles'.

La société Librairie Droz soutient que les textes en cause sont des textes médiévaux pour lesquels le travail de l’éditeur, qui s’entend dans le sens de celui qui prend la responsabilité de transcrire des textes anciens, participe de la création d’oeuvres composites.

Pour autant, cette participation à une oeuvre existante n’est protégée par le droit d’auteur que si elle constitue une création de forme originale portant l’empreinte de la personnalité de son auteur .

L’article L112-3 du Code de la propriété intellectuelle définit l’oeuvre composite comme 'l’oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière'; sont citées les traductions, adaptations, transformations ou arrangements des oeuvres de l’esprit.

La société Librairie Droz affirme que les textes en cause sont tous des textes médiévaux et auraient un statut particulier car ce sont des oeuvres orales que les scribes ont coupé, modifié voire mal compris ou développé et car nombre de textes manuscrits ont été en partie perdus de sorte que l’oeuvre transcrite va reposer sur des choix propres de l’éditeur reflétant sa personnalité quand bien même il effectuera aussi un travail scientifique pour retranscrire fidèlement les oeuvres en cause.

Elle produit une attestation du professeur S T qui indique qu’ 'une édition scientifique ne peut donc, en aucun cas, être considérée comme la simple transcription d’un texte manuscrit. Elle exige un engagement intellectuel de l’éditeur qui doit constamment s’interroger sur le sens du texte qu’il édite.Comme le restaurateur de tableaux il propose des retouches qui ne sont jamais irréversibles car elles sont signalées en pied de page ; A titre d’illustration dans ma récente édition de la Cinquième partie de Perceforest parue en 2012 je suis intervenu 977 fois pour amender le texte qui s’étend sur 701 pages', citant notamment 'des lacunes d’un membre de phrase ou d’un groupe de mots, des vers qui manquent dans des fragments versifiés , des omissions d’un mot , d’une syllabe ou d’une lettre…. des déformations ou des confusions de noms propres'; il indique que 'les notes , qui justifient la ponctuation ou qui proposent des interprétations lorsque le texte fait difficulté, font partie intégrante de l’édition et du travail de l’éditeur. Il en est de même de la collation et de la sélection des variantes ainsi que de l’élaboration d’un glossaire détaillé qui précise le sens que l’éditeur donne à certains emplois et qui signale les sens rares, les mots nouveaux ou qui ont un caractère régional…..L’ensemble de l’apparat critique constitue un tout indissociable du texte édité. Il est l’aboutissement de longues et patientes recherches, exige des connaissances linguistiques approfondies et requiert une activité intellectuelle sans cesse en éveil '.

Cette attestation, outre qu’elle vise le travail de l’éditeur à partir d’un texte manuscrit, prend en compte l’ensemble du travail du transcripteur qu’il considère comme indissociable alors qu’il a été dit que telle n’a pas été la position de la société Librairie Droz.

L’examen des recueils édités par la société Librairie Droz dans lesquels figurent les textes en cause mettent en évidence qu’un certain nombre de textes remontant à la période médiévale ont été retranscrits à partir d’U imprimées établies durant les XVème et XVIème siècle ce qui, pour autant, ne les prive pas de leur classification comme oeuvres du Moyen Age ; c’est le cas notamment des 10 tomes des recueils de farces de M. Tissier, professeur à la Sorbonne, qui, pour chaque farce mentionne la version imprimée à cette époque et son état et pour un nombre important relève que le texte est en bon état et donne son avis sur les U suivantes; ces dix recueils sont d’ailleurs présentés comme étant des textes annotés et commentés ; dans le recueil contenant les farces suivantes, Le Grand voyage et pélerinage de Sainte Caquette, l’Official, Trois galants et Philippot, et Le chaudronnier, le Savetier et le Tavernier, M. Tissier indique ' j’ai proscrit toute interprétation personnelle, préférant un vers incomplet ou scandé sur une prononciation dialectale ou populaire à une conjoncture hasardeuse qui n’engagerait que moi’ ; dans chaque recueil et pour chaque fable, il présente son auteur, la farce dans son contexte, procède à différentes analyses telle que la structure dramaturgique, la versification, et donne des explications vers par vers notamment sur le vocabulaire ; ainsi comme le titre l’indique le travail a consisté à annoter et à commenter des textes déjà édités, travail qui constitue l’apparat critique et n’est pas revendiqué.

Il apparaît donc que l’appartenance ou non des auteurs au Moyen-Age importe peu ; en revanche, l’existence d’U imprimées en bon état ne nécessite à l’évidence pas le même travail qu’un texte manuscrit sans pour autant qu’il y ait lieu de circonscrire le débat aux seuls textes manuscrits, l’examen de l’originalité devant être réalisé texte par texte et à l’éditeur de rapporter la preuve, d’une part de son travail, d’autre part, de l’empreinte de sa personnalité sur celui-ci.

En tout état de cause, il appartient à la société Libraire Droz de rapporter la preuve de ce que les transcriptions des textes qu’elle revendique sont différentes et celles existantes et porteraient l’empreinte de sa personnalité.

S’agissant du Roman de Tristan, le professeur Ménard atteste avoir 'réuni une équipe de composée au total de quatorze savants…. On connaissait à cette époque 82 manuscrits du roman… Le choix s’est porté sur le ms.2542 de Nationalbibliothek de Vienne', il indique en préface 'nous avons préféré soumettre au lecteur les vers peut être altérés du XIIIè siècle plutôt que des vers restaurés du XXème.

Pour la langue aussi nos conceptions tendent vers le plus grand conservatisme admissible….Nous intervenons le moins possible'.

La société Librairie Droz ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle aurait repris des textes bruts de sorte que le travail qu’elle affirme avoir été réalisé l’a été tout au plus sur des textes nus c’est à dire des textes déjà édités.

Elle n’a réalisé sur ces textes provenant d’U antérieures aucun travail d’adaptation dans la langue française actuelle ce qu’elle ne conteste pas, son public étant celui d’érudits qui ne recherchent pas une traduction mais un texte intelligible pour eux grâce notamment aux commentaires, annotations, glossaire, critiques des U antérieures qui accompagnent le texte et que les spécialistes qualifient 'd’apparat critique 'qui fait la richesse du recueil et qui n’est pas dans la cause pour apprécier l’originalité de l’oeuvre.

Elle produit des attestations comportant des tableaux comparatifs afin de démontrer que les oeuvres en litige comportent des différences avec les U existantes ; si les intimés font valoir que celles-ci ne remplissent pas les conditions posées par l’article 202 du Code de procédure civile, il convient de relever qu’il s’agit d’analyses techniques et que celles-ci ont été soumises au débat contradictoire; seule l’analyse de. M. B, en tant que dirigeant de la société Librairie Droz qui met en évidence que plusieurs vers peuvent être présents ou non selon l’édition du texte et qu’un même vers peut avoir un sens totalement différent, pourrai être sujette à caution; pour autant elle repose sur un fait patent.

Force toutefois est de constater que ces analyses qui émanent notamment d’auteurs, qui sont liés contractuellement avec la société Librairie Droz, présentent un caractère général sur le travail effectué par l’éditeur sans distinguer le texte et l’apparat critique; ainsi Mme C qui, en revanche, n’est pas liée contractuellement à la société Librairie Droz, fait état des 'différences auxquelles aboutissent les travaux des philologues…. une part subjective non négligeable intervient dans le travail discriminant effectué par l’éditeur scientifique’ ; de plus, ces comparaisons portent sur des U réalisées à des époques différentes, avec des connaissances et des moyens qui avaient évolué, expliquant ainsi les divergences sans démontrer qu’elles sont le fruit de la créativité de leur auteur.

La société Librairie Droz invoque sur le texte un travail de ponctuation que ne contestent pas les intimée ; pour autant la ponctuation obéit à des règles de grammaire et a pour but de rendre le texte intelligible, de même que l’utilisation de majuscules ou d’espaces qui en sont la conséquence et ne relèvent pas d’une création originale portant l’empreinte de son auteur.

En conséquence, c’est à bon droit que les premiers juges ont dit que la société Librairie Droz ne justifie d’aucun travail créatif sur les textes, objets du litige qu’elle s’est bornée à retranscrire dans la langue originelle du Moyen Age et qu’elle a été déboutée de ses demandes sur le fondement de la contrefaçon.

Sur le contrat du 10 septembre 1996

La société U Droz soutient que le contrat du 10 septembre 1996 est nul car M. Y n’avait pas pouvoir de contracter au nom de la société U I qui n’avait pas de statuts et pas d’existence légale.

Le contrat en cause a été conclu le 10 septembre 1996 entre la société Librairie Droz et les sociétés U Honoré I et U V-W et avait pour objet l’intégration de textes fournis par la société U Droz dans le CDRom 'Poésie française du Moyen Age au XXème siècle'; M. Y exerçait alors les fonctions de directeur éditorial au sein de la société U Honoré I.

La société Honoré I n’est pas dans la cause alors qu’elle seule pourrait contester la signature de M. Y ; d’ailleurs, elle a cédé le contrat à la société I J et la société U Droz en a pris acte par un courrier du 6 juillet 2004 qu’elle ne conteste pas.

Si dans ce courrier elle exprime son intention de le résilier et si elle indique qu’elle n’entendait pas autoriser la publication d’autres CD ROM, ce courrier ne saurait valoir lettre de résiliation.

En conséquence, il y a lieu de la débouter de ses demandes en nullité et tendant à constater qu’elle a résilié le contrat en cause.

Sur le contrat du 30 juin 2006

Par contrat du 30 juin 2006 la société I J a cédé l’ensemble de ses actifs numériques à la société I J France aux droits de laquelle vient la société H GN.

Il est précisé en préambule que les actifs, objets de la cession, se décomposent en deux catégories, 'd’une part les matrices de base pour la confection de CD-Rom ou DVD-Rom, et d’autre part, les bases de données en ligne'.

L’article 1 stipule que 'la cession de l’ensemble de ces bases de données en ligne inclut la reprise des contrats, conventions et avenants passés avec tout autre organisme'.

La société Librairie Droz ne démontre aucune faute résultant de cette cession qui lui aurait causé préjudice dès lors que sa demande porte sur le préjudice subi du fait d’une reprise de textes sans autorisation qu’elle a chiffré à 1000€ par texte et que les faits de contrefaçon allégués ne sont pas retenus.

Il n’y a pas lieu davantage de rechercher quel est l’éditeur de la base de données, de la société H G ou H GN.

Sur la demande de restitution de la société H GN

La société H GN soutient avoir versé à tort à la société Librairie Droz la somme de 6 104,38€ selon décompte des droits du 20 octobre 2009 établi par erreur pour une somme supérieure à celui contractuellement prévu qui n’était que de 915,65€.

Pour autant, ce paiement a été effectué sur la base d’un décompte dont il n’est pas démontré qu’il comporte des erreurs ; en conséquence, cette demande sera rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Les sociétés H GN, H G, I J ayant dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE la société Librairie Droz à payer aux sociétés H GN, H G, I J la somme de 10 000€ chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire,

CONDAMNE la société Librairie Droz aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 9 juin 2017, n° 16/00005