Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 9 mars 2017, n° 15/14971

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 1 – Chambre 2 ARRÊT DU 09 MARS 2017 (n°162, 6 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 15/14971

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/54942

APPELANT

LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE CIVIL

XXX

XXX

en la personne de Madame Sylvie SCHLANGER, XXX

INTIMÉE

Mademoiselle X Y

XXX

XXX

née le XXX à STRASBOURG

Représentée par Me Chrystel DERAY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0454

Assistée par Me Romain LAWSON substituant Me Chrystel DERAY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0454

INTERVENANT VOLONTAIRE ET COMME TELLE APPELANTE

LA VILLE DE PARIS

prise en la personne de Madame la Maire de Paris, Madame C D

XXX

XXX

Représentée et assistée par Me Bruno Z de la SELAS Z ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079 COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Bernard CHEVALIER, Président, et Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. E F

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. E F, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par courrier en date du 4 mars 2015, le bureau de la protection des locaux d’habitation de la sous-direction de l’habitat de la Mairie de Paris a saisi le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris d’une infraction aux articles L.631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation concernant l’appartement sis XXX, dans le 3e arrondissement de Paris, appartenant à Mme X Y.

Par acte d’huissier en date du 23 avril 2015, le Procureur de la République a assigné Mme X Y devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris.

Par ordonnance en date du 12 juin 2015, cette juridiction a:

— constaté que Mme X Y avait enfreint de novembre 2010 à janvier 2015 les dispositions de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation, relativement au local sis XXX, XXX

— condamné celle-ci au paiement d’une amende de 2 000 euros ;

— constaté que le retour à l’habitation de l’appartement objet de l’infraction est réalisé et dit en conséquence n’y avoir lieu de l’ordonner sous astreinte ;

— mis les dépens à la charge de Mme Y.

Par déclaration en date du 10 juillet 2015, le Ministère public a fait appel de cette décision.

Le Procureur général, au terme de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 2 novembre 2016, demande à la cour de :

— infirmer l’ordonnance entreprise mais uniquement en ce qu’elle a condamné Mme X Y à une amende d’un montant de 2 000 euros et prononcer contre elle une amende de 25 000 euros ;

— dire que, en application de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, le produit de cette amende sera intégralement versé à la commune de Paris dans laquelle est situé l’immeuble ;

— condamner Mme X Y aux dépens.

Le Procureur général soutient en substance ce qui suit : Mme Y a enfreint les dispositions de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation entre le 13 novembre 2010 et le 25 février 2015 en offrant son appartement à la location par des touristes de passage sur le site milletunparis.com ; elle ne peut invoquer une erreur sur l’illicéité de cette location à compter de la réception du courrier du service compétent de la mairie en date du 27 octobre 2014 lui rappelant ses obligations et les sanctions encourues ; elle ne pouvait non plus ignorer que la location se poursuivait en raison des commentaires de clients du 28 octobre 2014, 5 novembre 2014, 26 décembre 2014, 22 janvier 2015 et 6 février 2015 apparaissant sur le site internet milletunparis.com et des loyers virés sur son compte du fait de ces locations ; l’amende de 2 000 euros prononcée par le tribunal de grande instance paraît dérisoire au regard des bénéfices réalisés, ces derniers correspondant a minima à un gain de 63 454,95 euros selon Mme X Y, le ministère public ayant conclu quant à lui à 100 000 euros en référence à la fiche financière fournie par la mairie et à la période de location de novembre 2010 à février 2015.

La Maire de Paris, intervenant volontaire à l’instance, demande à la cour, dans ses conclusions communiquées par la voie électronique le 25 janvier 2017, de :

— recevoir la Ville de Paris en son intervention volontaire ;

— infirmer l’ordonnance entreprise, mais uniquement en ce qu’elle a condamné Mme

X Y à une amende d’un montant de 2 000 euros et prononcer contre elle une amende de 25 000 euros ;

— dire que, en application de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, le produit de cette amende sera intégralement versé à la commune de Paris dans laquelle est situé l’immeuble ;

— condamner Mme X Y à payer à la Ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X Y, aux dépens qui seront recouvrés ainsi qu’il est dit à l’article 699 du code de procédure civile par Maître Bruno Z.

La partie intervenante reprend les moyens et les arguments du Procureur général.

Mme X Y, dans ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 1er février 2017, demande à la cour de :

— confirmer l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu’elle l’a condamnée à une amende de 2 000 euros ;

— débouter M. le Procureur général et la Mairie de Paris du surplus de leurs demandes.

Mme X Y soutient en substance ce qui suit : elle est de bonne foi et a produit, à la demande de M. le Procureur, l’ensemble de ses relevés bancaires et des factures de l’agence Mille et un Paris depuis septembre 2010, début de la location saisonnière ; il s’en déduit qu’elle a perçu au total une somme de 63 454,95 euros ; si elle avait continué de louer son appartement dans le cadre d’un contrat de location meublée comme elle le faisait auparavant, même avec un loyer moindre que celui du contrat de bail datant de 2009, ses revenus locatifs auraient été de 77 000 euros ; en outre, le temps qu’il lui a fallu pour régulariser la situation de son appartement est imputable au fait qu’elle se trouvait dans une situation personnelle extrêmement difficile ; en outre, l’agence Mille et Un Paris a failli à ses obligations en sa qualité de professionnel de l’immobilier en ce qu’elle n’a pas exécuté sa demande, exprimée à plusieurs reprises, de retrait de son appartement de son site internet.

SUR CE, LA COUR

Conformément à l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation, tel qu’il a été modifié par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, le maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé a, y compris dans les procédures en cours lors de l’entrée en vigueur de cette loi, la qualité de partie jointe à la procédure visant à voir prononcer l’amende contre la personne qui a enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 du même code et ordonner le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation.

L’intervention à la présente instance de la ville de Paris, qui doit être comprise comme étant celle de la Maire de la commune de Paris, est donc recevable.

L’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation prohibe dans des villes comme Paris le changement, sans autorisation préalable, d’usage des locaux destinés à l’habitation tel que l’affectation à la location de courte durée, épisodique, à l’usage d’une clientèle de passage pour des motifs de travail ou touristiques.

L’article L. 651-2 du même code, dans sa rédaction applicable au moment des faits reprochés à Mme Y, sanctionne d’une amende de 25 000 euros toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7, précité, ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article.

En vertu de ce même texte, cette amende est prononcée à la requête du ministère public et du maire de la commune, partie jointe, par le président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble, statuant en référé, et le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé l’immeuble. En outre, le président du tribunal ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu’il fixe.

Ces dispositions ont pour objectif de lutter contre la pénurie de locaux offerts à la location aux individus et aux familles cherchant à se loger dans les zones géographiques concernés.

Dans l’affaire examinée, il est établi et non contesté par Mme Y que l’appartement de 36 m² dont elle est propriétaire situé XXX à Paris 3e, qui était affecté à l’usage d’habitation au sens de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation, a été proposé à la location pour de courtes périodes sur le site Internet milleetunparis.com du 13 novembre 2010 et le 25 février 2015.

Il est également constant que Mme Y, à laquelle la mairie de Paris a notifié par lettre du 27 octobre 2014, reçue le 29 octobre 2014, qu’elle enfreignait la loi, n’a mis un terme à cet usage prohibé que quatre mois plus tard.

En outre, Mme Y reconnaît elle-même qu’elle a tiré de ce mode de location prohibé des revenus supérieurs à 67 000 euros. Enfin, Mme Y, qui reproche à l’agence Mille et Un Paris d’avoir failli à son devoir d’information et de ne pas avoir donné suite en temps utile à sa demande de retrait de son appartement du site Internet litigieux, ne conteste pas pour autant sa responsabilité et son obligation de devoir répondre de la violation de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

L’ordonnance attaquée, qui n’est pas contestée sur ce point, doit, par conséquent, être confirmée en ce qu’elle a constaté que Mme X Y a enfreint de novembre 2010 à janvier 2015 les dispositions de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation relativement au local sis XXX, XXX

En ce qui concerne le montant de l’amende à prononcer, le Ministère public et Mme le Maire de Paris ont rappelé à bon droit que, au regard des objectifs poursuivis par la loi et des profits que sa violation génère, il importe que celui-ci soit établi en proportion de ces derniers afin d’être dissuasif.

La somme de 2 000 euros fixée par le premier juge s’avère, à cet égard, insuffisante.

Pour autant, les circonstances de l’espèce ne justifient pas de la fixer à son montant maximum alors que Mme Y s’est mise en conformité avec la loi, qu’elle a fourni les justificatifs des revenus que la location illégale lui a procurés, qu’elle a déclaré en leur temps ces revenus au fisc, et que le retard avec lequel elle a obtempéré à la mise en demeure de la ville de Paris peut, en moins en partie, s’expliquer par la naissance récente de son enfant, la mort de son père et la révélation de la maladie dont souffre sa mère.

Au vu de ces considérations, l’ordonnance attaquée sera infirmée en ce qu’elle a fixé le montant de l’amende à 2 000 euros et le montant de celle-ci sera fixé à 10 000 euros.

Ladite ordonnance doit être confirmée en ce qu’elle a constaté que le retour à l’habitation de l’appartement objet de l’infraction est réalisé et dit en conséquence n’y avoir lieu de l’ordonner sous astreinte. Elle doit l’être encore en ce qu’elle a mis les dépens à la charge de Mme Y.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Mme Y, qui succombe à cette instance, devra supporter les dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 699 du code de procédure civile, Maître Z pourra recouvrer directement les dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS

REÇOIT Mme la Maire de Paris en son intervention volontaire ;

CONFIRME l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris le 12 juin 2015 sauf en ce qui concerne le montant de l’amende ;

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE Mme Y à payer une amende de 10 000 euros ;

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

DIT que Mme Y supportera les dépens d’appel ; DIT que Maître Z pourra recouvrer directement les dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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