Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 30 mars 2017, n° 15/15977

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 30 mars 2017, n° 15/15977
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/15977
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Évry, 23 juin 2015, N° 2013F00621
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 30 MARS 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/15977

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2015 – Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2013F00621

APPELANTE

SAS X

ayant son siège XXX

XXX

N° SIRET : 509 643 805

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée de Me Didier CAILLAUD, avocat au barreau d’ORLEANS

INTIMÉE

SAS FRANCE RESINE

ayant son siège XXX

59270 SAINT-JANS-CAPPEL

N° SIRET : 391 650 769

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Laurence DEFONTAINE de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0370

Assistée de Benjamin MOUROT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur F DABOSVILLE, Président de Chambre

Madame Z A, Conseillère

Madame Anne DU BESSET, Conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur F DABOSVILLE, Président, et par Monsieur Vincent BRÉANT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE : La société France Résine, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Hazebrouck (Nord), est spécialisée dans la fourniture et la pose de sols en résine.

Selon contrat d’agent commercial du 28 juin 2006, elle a confié à M. B Y la représentation exclusive de la vente de ses produits et services pour 'tout nouveau client industriel’ sur un secteur territorial comprenant l’Ile-de-France, ainsi que 11 départements périphériques dont la Seine-Saint-Denis.

A partir de 2008, M. B Y a exercé son activité à travers la société X qu’il a créée à cette fin.

Le 13 juin 2013, la société France Résine a fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés de Bobigny un établissement secondaire sis à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) ayant pour activité les 'traitements des sols industriels et collectifs', activité dont le commencement était fixé au 1er avril 2013.

Par courrier recommandé avec avis de réception de son conseil du 10 juin 2013, la société X a mis en demeure la société France Résine de s’acquitter de 8 factures de commissions demeurées impayées pour un montant total de 36.096,61 euros TTC et lui a notifié qu’elle avait constaté que le contrat d’agent commercial était rompu par la faute de France Résine, du fait de ces impayés et de la violation de son exclusivité, et qu’elle entendait solliciter une indemnité compensatrice de rupture.

Puis, par acte du 13 août 2013, elle a fait assigner la société France Résine devant le tribunal de commerce d’Evry en paiement de 5 factures impayées et en indemnisation pour rupture du contrat d’agent commercial aux torts du mandant.

Par jugement du 24 juin 2015, le dit tribunal a :

— condamné la société France Résine à payer à la société X les sommes suivantes au titre de factures de commissions : * 873,08 euros au titre de la facture n° 108,

* 4.248,74 euros au titre de la facture n° 153,

* 5.023,20 euros au titre de la facture n°161 ;

— dit que la société X s’était rendue coupable de manquements graves dans l’exécution du contrat d’agent commercial ;

— dit que le contrat d’agent commercial avait été rompu du fait de la société X ;

— condamné la société X à payer à la société France Résine la somme de 110.000 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 5.000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties de leurs autres demandes et condamné la société X aux dépens.

Vu l’appel interjeté le 23 juillet 2015 par la société X à l’encontre de cette décision ;

Vu les dernières conclusions signifiées par la société X le 3 janvier 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :

— Dire la société X recevable et bien fondée en son appel et INFIRMER le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

CONSTATER que la cessation du contrat d’agent commercial en date du 28 juin 2006 est justifiée par des circonstances imputables au mandant ;

En conséquence,

CONDAMNER la société FRANCE RESINE à payer à la société X les sommes suivantes :

—  16.405,43 euros au titre de 5 factures impayées,

—  312.044,91 euros au titre de I’indemnité compensatrice due en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d’agent,

—  39.005,61 euros au titre de l’indemnité de préavis,

—  15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTER la société France Résine de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires et la CONDAMNER aux dépens, dont distraction au profit de la SCP GUIZARD ET ASSOCIES en application de I’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société France Résine le 30 décembre 2016, dans lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles L 134-1 et suivants du Code de commerce ;

— CONFIRMER les dispositions du Jugement reconnaissant la rupture du contrat d’agent commercial du fait des agissements d’X et déboutant X de ses demandes formulées en première instance ; – DEBOUTER la société X de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions formulées en cause d’appel ;

— CONFIRMER les dispositions du jugement relatives aux factures n°109,153,160 et 161 invoquées par X ;

— INFIRMER les dispositions du Tribunal condamnant FRANCE RESINE à payer la facture n°108 invoquée par X ;

— REFORMER les dispositions du Tribunal de commerce d’Evry relatives au quantum du préjudice subi par FRANCE RESINE ;

ET STATUANT A NOUVEAU,

— DEBOUTER X de sa demande de paiement de la facture n° 108 relative au chantier de CHAMBOURCY ;

— CONDAMNER X au paiement à FRANCE RESINE de la somme de 720.000 euros HT, soit 864.000 euros TTC, à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

— CONDAMNER la société X au paiement de la somme de 20.000 euros à la société FRANCE RESINE sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— CONDAMNER la société X aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Laurence DEFONTAINE.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2017.

MOTIFS :

Sur les commission restant dues :

L’article L 134-6 du code de commerce dispose que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission définie à l’article L. 134-5 lorsqu’elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l’opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre ; que lorsqu’il est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes déterminé, l’agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d’agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

L’article R 134-3 du même code précise que le mandant remet à l’agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises ; que ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé ; et que l’agent commercial a le droit d’exiger de son mandant qu’il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

En l’espèce, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné France Résine à payer à X les sommes suivantes, conformément à l’accord des parties en cause d’appel sur ces points :

—  4.248,74 euros au titre de la facture de commissions n° 153 relative au chantier Fleury Mérogis, – 5.023,20 euros au titre de la facture de commissions n°161 relative au chantier technicentre SNCF.

Concernant la facture n°109 du 12 mars 2012 relative au chantier La Corniche d’un montant de 3.831,41 euros TTC, le tribunal de commerce sera également confirmé quant au débouté prononcé par motifs pertinents qui sont adoptés, BLG Travaux, la société bénéficiaire des travaux ayant été placée en liquidation judiciaire et France Résine ayant déclaré sa créance à titre chirographaire ce qui atteste de l’épuisement des 'démarches nécessaires’ au sens de l’article 5 du contrat d’agent commercial.

S’agissant de la facture n°108 du 7 février 2012 relative au chantier Carrefour Chambourcy d’un montant de 873,08 euros TTC, le tribunal de commerce sera aussi entériné quant à la condamnation au paiement prononcée par motifs exacts qui sont adoptés, France Résine ne justifiant nullement avoir accompli toutes les 'démarches nécessaires’ au sens de l’article 5 du contrat d’agent commercial pour obtenir le règlement par son client. Il est observé d’ailleurs que France Résine soutient de façon contradictoire, d’une part, ne pas avoir reçu de la part d’X les bons de commande du client, ce qui sous-entend qu’elle remet en cause le principe de la commande, et, d’autre part, avoir suffisamment relancé ce client quant au paiement des fournitures commandées.

Enfin, concernant la facture n°160 du 16 avril 2013 relative au chantier Balestra Lactalis Clermont d’un montant de 2.429 euros TTC, France Résine n’établit nullement qu’elle serait dispensée du paiement faute d’avoir pu livrer 'par force majeure’ au sens de l’article 5 du contrat d’agent commercial, ainsi qu’elle le soutient, puisque il résulte de son propre courrier daté du 24 juillet 2013 adressé au client, la société Balestra, que l’application de la résine a échoué en raison de l’humidité du support alors qu’elle avait convenu avec le dit client lors de l’entretien sur site préalable que celui-ci devait faire le nécessaire avant leur intervention, autrement dit rendre le support conforme en l’asséchant ; étant rappelé que la force majeure suppose un événement imprévisible, irrésistible et extérieur, non caractérisé ici. France Résine sera donc condamnée au paiement de cette facture, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point.

Sur l’indemnité de rupture :

a) – Sur le principe du droit à indemnité de rupture :

L’article L134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information (alinéa 2) ; que l’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat (alinéa 3).

L’article L 134-12 du même code, dont les dispositions sont d’ordre public, indique qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu’il perd toutefois le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent.

Par ailleurs, l’article L 134-16 prévoit qu’est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l’agent commercial, aux dispositions de l’article précité.

L’article L134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l’article L. 134-12 n’est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ; 2° La cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence.

Il est admis que la faute grave, privative d’indemnité de rupture, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.

Il s’évince en outre des dispositions précitées que l’agent commercial, même s’il est à l’initiative de la rupture, a droit à l’indemnité compensatrice, à charge pour lui d’établir qu’elle est imputable au mandant, et sauf à ce dernier à démontrer sa faute grave. Il s’en déduit aussi qu’en cas de rupture aux torts partagés du mandant et de l’agent commercial et du moment que les fautes imputables à ce dernier ne revêtent pas le caractère de gravité privatif d’indemnité, l’intéressé conserve son droit à indemnisation au titre de la rupture.

En l’espèce, il résulte des éléments du dossier que les relations des parties se sont tendues et dégradées fin 2012-début 2013 et que la relation commerciale était fragilisée début 2013, ainsi qu’en atteste le mail du 2 mai 2013 de M. E-F G, gérant de France Résine, à M. B Y qui se conclut ainsi 'Tu comprendras aisément qu’à la vue de tous ces éléments, je ne puis prendre de décision quant à la suite de notre collaboration.', mais que l’initiative de la rupture a été prise par X par l’effet du courrier du 10 juin 2013 de son avocat, aux termes duquel elle reproche à France Résine deux types de manquements (les impayés et l’ouverture de l’agence de Villetaneuse) et lui indique sans équivoque qu’elle est contrainte de constater la rupture du contrat par la faute de France Résine, dont il d’ailleurs est observé qu’elle n’a pas répondu à ce courrier officiel.

Or, les parties se renvoient l’imputabilité de cette rupture, France Résine estimant même qu’X a commis une faute grave privative d’indemnité de rupture ; par suite, il convient d’apprécier les griefs réciproques qu’elles se font l’une à l’autre, puis leur incidence sur le plan indemnitaire.

X reproche trois types de manquements à France Résine : la prise de contact directe avec des clients, le non paiement de ses factures et la violation de la clause d’exclusivité notamment par l’ouverture d’une agence commerciale à Villetaneuse.

Concernant le premier grief, il résulte d’un mail du 27 novembre 2012 de France Résine à M. B Y, gérant d’X, que ce dernier était informé de la visite par la première du Carrefour de Chambourcy et a d’ailleurs établi la facture de commissions afférente, laquelle n’est pas contestée dans son principe (France Résine arguant juste ne pas devoir la payer faute de paiement du client). Par ailleurs, aucune pièce ne démontre le démarchage direct d’un client pour 'Saint Herblain’ et 'Stains’ (sic). Ces prises de contact directes ne sont donc pas prouvées.

En revanche, il ressort d’un mail du 5 mars 2013 du responsable du bureau d’études de France Résine au dénommé C D, à propos de la réfection du gymnase de Corbeil Essonnes, que France Résine a effectivement démarché seule ce client, l’ayant visité puis lui ayant adressé une proposition commerciale, à savoir un devis. La prise de contact directe avec ce client, sur laquelle France Résine n’a d’ailleurs pas conclu, est donc bien établie.

Concernant le paiement des factures de commissions, il ressort de la pratique des parties, conforme dans son esprit à la combinaison des différentes dispositions de l’article 5 du contrat d’agent commercial, que ces commissions n’étaient dues et payées qu’après paiement au moins partiel par le client de sa prestation à France Résine. Il apparaît toutefois qu’entre 2010 et 2012, X a relancé par mails à de multiples reprises France Résine sur le paiement de ses factures de commissions une fois devenues exigibles. En outre, au jour de la mise en demeure du 10 juin 2013, 7 factures effectivement dues étaient impayées le tout pour le montant substantiel de 32.265,20 euros TTC, la huitième alors réclamée (n°109) n’étant pas due ainsi que développé ci-dessus.

Enfin, concernant la violation de la clause d’exclusivité, X ne démontre pas que l’établissement secondaire exploité à compter d’avril 2013 par France Résine à Villetaneuse était une agence commerciale, le Kbis de cette société faisant état d’une activité de 'traitements des sols industriels et collectifs', ce qui conforte les allégations de France Résine selon lesquelles il s’agit seulement d’un centre logistique dédié à la pose de la résine, suite à son rachat du fonds de commerce de la société Boulenger à qui auparavant elle sous-traitait l’activité de pose.

Toutefois, il résulte de la comparaison entre la plaquette commerciale de France Résine et la copie d’écran du site internet de France Résine jointe au courriel du 8 avril 2013 de M. B Y, et il n’est d’ailleurs pas contesté, que France Résine a supprimé sans avertissement de son site l’agence Ile-de-France d’B Y (avec ses coordonnées) pour la remplacer par l’agence ouverte par elle-même à Villetaneuse, ce qui constitue à tout le moins un manquement à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat et est nécessairement révélateur d’une mise à l’écart d’X, peu important que 'l’agence’ de celle-ci n’ait pas eu auparavant d’existence matérielle et qu’elle ait continué à être référencée par l’Association Française des Formulateurs et Applicateurs de Résine. Par ailleurs, les éléments du débat n’établissent nullement qu’X aurait été associée à la création de cet établissement secondaire, le mail précité du 2 mai 2013 de M. E-F G à M. B Y lui indiquant que les portes du dit établissement lui sont ouvertes apparaissant tardif à cet égard.

En conséquence, au vu du cumul de ces trois griefs avérés, il apparaît que la rupture du contrat est imputable à tout le moins en partie à France Résine, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges.

Pour sa part, France Résine reproche à X de s’être livrée pendant l’exécution du contrat à des actes de concurrence déloyale à son égard, intervenant directement auprès de concurrents et sous-traitants de France Résine, de s’être servie indûment de sa qualité d’agent commercial France Résine après la rupture du contrat et d’avoir développé des activités concurrentes de France Résine, ensemble de reproches qu’elle développe et précise en une liste de 12 griefs.

Il est rappelé à cet égard et non contesté que le contrat d’agent commercial ne prévoyait pas de clause de non concurrence à la charge de l’agent commercial postérieurement à la cessation des ses fonctions.

Or, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé, par motifs adoptés, que les divers manquements allégués étaient établis, excepté les suivants :

— le 5e grief, soit l’obtention auprès de BASF d’avantages tarifaires identiques, ceci n’étant pas en soi répréhensible,

— le 6e grief, à savoir le fait pour X d’avoir adressé le 21 juin 2013 un mail à tous les clients pour leur demander de ne plus utiliser son adresse mail France Résine, ceci étant légitime dès lors que le contrat avait alors pris fin,

— le 7e grief, le fait pour X de se présenter comme un 'agent indépendant’ avec le logo France Résine n’étant pas trompeur, au vu de la définition de la profession d’agent commercial édictée par l’article L134-1 du code de commerce, – le 9e grief, à savoir le dénigrement, insuffisamment étayé,

— les 10e et 11e griefs, soit le fait pour M. Y d’avoir créé des sociétés développant une activité concurrente, s’agissant de faits, à les supposer avérés, commis par l’intéressé – personne physique – et non pas par la société appelante, ou bien postérieurs à la rupture et donc comme tels non prohibés,

— le 12e grief, soit le délaissement par X de son activité d’agent commercial pour France Résine au profit d’autres activités, la baisse alléguée du chiffre d’affaires étant insuffisante à établir ce manquement et concernant au surplus pour partie une large période postérieure à la rupture.

Au vu de l’ensemble des éléments du dossier, la cour estime en conclusion que ces manquements avérés d’X, compte tenu de leur nombre relativement réduit, de leur circonscription dans le temps à la fin de l’exécution du contrat, ainsi surtout que des propres fautes de la société France Résine, s’ils conduisent à retenir que la rupture est également imputable à X et qu’elle est donc intervenue aux torts partagés des parties, ne présentent pas pour autant un caractère de gravité tel qu’ils privent l’appelante de son droit à l’indemnité compensatrice prévue à l’article L 134-12 du code de commerce.

Il est en outre utile de préciser que l’analyse du dossier ne met nullement en exergue, contrairement à ce que soutient X, que ses manquements auraient été causés ou seraient excusés par les propres fautes de France Résine, compte tenu de la nature de ces différents agissements – et en particulier de leur aspect déloyal de part et d’autre – et du fait qu’ils sont intervenus dans un contexte de mésentente et d’incompréhension croissantes entre les parties.

b) – Sur le quantum de l’indemnité de rupture :

Il est de principe que le calcul du montant de l’indemnité n’est pas réglementé et qu’il convient donc de statuer en fonction des circonstances spécifiques de la cause. Il existe toutefois un usage reconnu qui consiste à accorder une indemnité correspondant à deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la cour.

Or, en l’espèce, compte tenu des développements ci-dessus et en particulier de la durée moyenne de la mission d’agence commerciale, à savoir sept années dont les six premières se sont déroulées sans incident majeur, ainsi que des manquements d’X pendant la dernière année, il convient de s’écarter de cet usage et d’allouer à cette dernière une indemnité de 156.022,45 euros en réparation de la rupture, ce qui représente 12 mois de commissions selon ses calculs non contestés (à savoir (468.067,37 euros : 36 mois) x 12 mois). Le jugement entrepris est donc infirmé sur ce point.

Sur l’indemnité de préavis :

Chaque partie ayant contribué de façon égale par son comportement fautif à la rupture du contrat, X qui a pris à bon droit l’initiative de faire constater la dite rupture, ne justifie pas pour autant de son droit à un préavis et, ainsi, à une indemnité compensatrice de l’absence de préavis ; le jugement dont appel est donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande sur ce point.

Sur la demande indemnitaire de France Résine :

A l’instar de son adversaire, France Résine n’est pas fondée à réclamer la réparation de l’absence de préavis du fait de la rupture aux torts partagés de la convention.

Compte tenu des développements ci-dessus, l’indemnité allouée à France Résine par les premiers juges en réparation du préjudice résultant pour elle des manquements précités avérés d’X et en particulier du détournement de certains clients, démarchés alors que le contrat était toujours en cours, sera réduite à la somme de 30.000 euros, le surplus du préjudice réclamé et en particulier son imputabilité à X n’étant pas démontrés.

****

Il sera fait masse des dépens de première instance et d’appel qui seront partagés par moitié entre les parties, lesquelles, par équité, seront déboutées de leur demande indemnitaire au titre de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société France Résine à payer à la société X les sommes de 873,08 euros au titre de la facture n° 108, 4.248,74 euros au titre de la facture n° 153 et 5.023,20 euros au titre de la facture n°161, et débouté la société X de sa demande paiement de la facture n°109 de 3.831,41 euros ;

L’INFIRMANT pour le surplus,

Statuant de nouveau sur les points réformés,

CONDAMNE la société France Résine à payer à la société X la somme de 2.429 euros, au titre de la facture de commissions n°160 ;

DIT que le contrat a été rompu aux torts partagés des parties ;

DIT que la société X n’a pas commis de faute grave privative d’indemnité de rupture ;

CONDAMNE la société France Résine à payer à la société X la somme de 156.022,45 euros, à titre d’indemnité de rupture ;

CONDAMNE la société X à payer à la société France Résine la somme de 30.000 euros, à titre de dommages intérêts ;

REJETTE toutes autres demandes ;

FAIT masse des dépens et dit qu’ils seront partagés par moitié entre les parties, dont distraction au profit de la SCP Guizard et Associés et Maître Laurence Defontaine, avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

Vincent BRÉANT F DABOSVILLE

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