Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 14 décembre 2017, n° 16/24226

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2017

(n° 718/17 , 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/24226

Décision déférée à la cour : jugement du 17 octobre 2016 – juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris – RG n° 16/81985

APPELANTE

Association Les Droits des Non-Fumeurs, prise en la personne de son représentant légal Monsieur X Y, président de l’association

[…]

68140 Griesbach-au-Val

représentée par Me Pierre Mairat de la Scp Mairat et Associés, avocat au barreau de Paris, toque : P0252

ayant pour avocat plaidant Me Léa Dominique, avocat au barreau de Paris, toque : P0120

INTIMÉE

Snc Self Service Royal, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 572 046 530 00018

[…]

[…]

représentée par Me Frédérique Etevenard, avocat au barreau de Paris, toque : K0065

ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie Renault, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 novembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre, chargée du rapport

Mme Anne Lacquemant, conseillère

M. Gilles Malfre, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Z A

ARRÊT : - contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Z A, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la déclaration d’appel en date du 1er décembre 2016 ;

Vu les conclusions récapitulatives de l’association Les Droits des Non-Fumeurs (l’association DNF), en date du 06 mars 2017, tendant à voir infirmer le jugement rendu le 17 octobre 2016 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris, statuant à nouveau, liquider l’astreinte ordonnée par la cour d’appel de Versailles dans son arrêt en date du 11 juin 2015 à la somme de 82 200 euros pour la période du 29 juillet 2015 au 12 septembre 2016, condamner la société Self Service Royal (la société Self Service) à payer cette somme à l’association DNF, subsidiairement, liquider l’astreinte à la somme de 81 000 euros pour la période du 29 juillet 2015 au 6 septembre 2016, en tout état de cause débouter la Société Self Service de l’ensemble des ses demandes, fins et conclusions, condamner la société Self Service à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont la distraction est demandée ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société Self Service, en date du 31 juillet 2017, tendant à voir, à titre principal, confirmer le jugement, à titre subsidiaire, constater que la demande d’astreinte est en tout état de cause sans fondement pour la somme de 44 800 euros, dire et juger que le montant de l’astreinte ne saurait excéder la somme de 37 200 euros, débouter l’association de sa demande de liquidation de l’astreinte, la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens';

Pour plus ample exposé du litige, il est fait renvoi aux écritures visées.

SUR CE :

Par arrêt du 11juin 2015, rendu après cassation, la cour d’appel de Versailles a condamné la société Self Service à payer à l’association DNF les sommes de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts et de 500 euros au titre des frais de procédure et lui a fait injonction de se mettre en conformité avec les dispositions du code de la santé publique et du code du travail relatives à la réglementation et à la protection contre le tabac, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d’un mois après signification de l’arrêt. La signification de cette décision est intervenue le 29 juin 2015.

Le 2juin 2016, l’association DNF, qui a pour mission reconnue d’utilité publique de lutter contre le tabagisme et d’agir pour le respect de la réglementation qui protège les non-fumeurs, a assigné en justice la société Self Service afin que le juge de l’exécution liquide l’astreinte prononcée par la cour d’appel de Versailles le 11 juin 2015 à la somme de 82 200 euros, pour la période du 29 juillet 2015 au 12 septembre 2016 et condamne la partie défenderesse à lui payer cette somme, la condamne au paiement de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement en date du 17 octobre 2016, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de

Paris a débouté l’association de ses demandes et l’a condamnée à payer une indemnité de procédure. C’est la décision attaquée.

L’association DNF, association reconnue d’utilité publique, dont la qualité et l’intérêt à agir ne sont pas discutés, soutient, à l’appui de son appel, qu’un procès-verbal de constat a été dressé le 18 février 2016, qu’il résulte de ce procès-verbal que la société Self Service n’a pas exécuté l’obligation mise à sa charge par l’arrêt de la cour d’appel de Versailles et que des personnes continuent de fumer à l’intérieur de la terrasse, close et fermée, que l’astreinte a commencé à courir à compter de 29 juillet 2015, que le constat produit par la société Self Service, en date du 06 septembre 2016, établit que ce jour-là les châssis et le store-banne étaient repliés mais non pas que la société Self Service s’était mise en conformité avec l’injonction.

Elle ajoute que lors du constat du 18 février 2016, aucune signalisation rappelant le principe de l’interdiction de fumer n’était apparente.

La société Self Service n’apportant pas la preuve qu’elle s’était mise en conformité tant avec l’injonction qu’avec la législation avant le 06 septembre 2016, il convient, selon l’appelante, de liquider l’astreinte à la somme de (point de départ': 29 juillet 2015, date de la liquidation': 12 septembre 2016, date de l 'audience devant le juge de l’exécution = 411 jours x 200 euros = )82 200 euros .

La société Self Service lui oppose un constat dressé’ le 06 septembre 2016 dont il résulte que la terrasse est entièrement découverte et qu’une signalétique est apposée sur les panneaux, l’attestation du gérant démontrant que la terrasse du restaurant était démontée jusqu’au 16 novembre 2015 et du 23 mai 2016 au jour de l’audience, ainsi que des photographies prises en juin, juillet et novembre démontrant l’ouverture de la terrasse. Elle en déduit, d’une part, que du 29 juillet au 16 novembre 2015 et du 23 mai 2016 au 12 septembre 2015, l’interdiction de fumer en terrasse ne lui était pas applicable, d’autre part, qu’il n’est pas établi que pour la période comprise entre le 17 novembre 2015 et le 22 mai 2016, les installations de la terrasse en aient fait un lieu « fermé et couvert » ni, si tel devait être le cas pour les seuls besoins du raisonnement, que l’interdiction de fumer qui y aurait été applicable n’ait pas été respectée.

Elle relève la tardiveté de la délivrance de l’assignation à la requête de l’association DNF par rapport à l’établissement du constat qui la prive de la possibilité de rapporter la preuve de la conformité de l’établissement à la législation et s’interroge sur l’imprécision du constat et la motivation de l’association.

Aux termes des articles L 131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte est en principe liquidée par le juge de l’exécution qui "tient compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter". Ainsi, l’astreinte est une menace de condamnation pécuniaire virtuelle qui ne se concrétise qu’en cas d’inexécution ou d’exécution tardive d’une décision de justice exécutoire puisque sa finalité est précisément d’obtenir l’exécution de cette décision. La liquidation de l’astreinte, c’est-à-dire l’évaluation du montant dû par le débiteur récalcitrant ne consiste pas à simplement procéder à un calcul mathématique en multipliant son taux par le nombre d’infractions constatées ou de jours sans exécution mais à apprécier les circonstances qui ont entouré l’inexécution, notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur.

En application de l’ article L. 3511-7 du code de la santé publique, interprété à la lumière de l’article 8 de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac du 21 mai 2003 ratifiée par la France le 19 octobre 2004, il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs ; en application de l’article R. 3511-1, 1 o du même code, l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l’article

L. 3511-7 s’applique dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ; il en résulte que la terrasse d’un établissement accueillant du public ne constitue pas un lieu fermé et couvert où s’impose l’interdiction totale de fumer, dès lors que close des trois côtés, elle n’a ni toit ni auvent, ou bien si, disposant d’un toit ou auvent, elle est intégralement ouverte en façade frontale.

L’arrêt de la cour d’appel de Versailles a enjoint, sous astreinte, à l’intimée de se mettre en conformité avec les dispositions du code de la santé publique et du code du travail rappelées ci-dessus.

Il incombe, en conséquence, à l’intimée de démontrer si elle a exécuté ou non l’obligation mise à sa charge, et, le cas échéant, de démontrer les difficultés d’exécution qu’elle a rencontrées et sa bonne volonté.

En l’espèce, l’intimée produit une attestation de son gérant laquelle se borne à préciser qu’il a installé les panneaux vitrés en façade de la terrasse le 17 novembre 2015 et que ces panneaux ont été retirés le 23 mai 2016. Outre que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, les termes de cette attestation ne suffisent pas à établir que pendant la période considérée, la société Self Service s’est conformée à l’injonction de la cour d’appel de Versailles.

Cependant, elle produit également un constat établi le 06 septembre 2016 dont il résulte que ce jour-là, les châssis et le store-banne de la terrasse étaient repliés Les photographies recherchées par l’huissier de justice sur internet, établissent, sans conteste, que pendant la belle saison, c’est-à-dire pendant une période que les éléments versés aux débats permettent à la cour de fixer du 30 juillet 2015 au 15 novembre 2015 puis du 1er juin 2016 au 12 septembre 2016 la terrasse était ouverte en façade frontale sur le boulevard, de sorte que ne s’y imposait pas l’interdiction totale de fumer.

Pour la période du 16 novembre 2015 au 31 mai 2016, l’intimée n’établit pas s’être conformée à la réglementation, ce que confirme le constat dressé à la requête de l’appelante le 18 février 2016 qui relève la présence de fumeurs, l’absence d’affichage et le fait qu’alors que le store-banne est déplié, et les châssis vitrés sont installés sur les côtés, la façade frontale n’est pas entièrement libre, peu important, à cet égard la relative imprécision du constat dès lors que la charge de la preuve de ce qu’elle s’est conformée à l’injonction incombe à l’intimée laquelle n’allègue pas de difficultés particulière d’exécution.

Au vu de ces éléments, il convient d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué et, statuant à nouveau, de liquider l’astreinte à la somme de (188 jours x 200) = 37 600 euros pour la période du 29 juillet 2015 au 12 septembre 2016.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société Self Service qui succombe principalement doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à l’appelante une somme de 3 000 euros en application de ces dernières dispositions.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Liquide l’astreinte pour la période du 29 juillet 2015 au 12 septembre 2016 à la somme de 37 600 euros’et condamne la société Self Service Royal à payer cette somme à l’association Les Droits des Non-Fumeurs, outre la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de

l’article 699 du code de procédure civile';

Rejette toute autre demande ;

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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