Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 1er juin 2017, n° 15/12005

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 2, 1er juin 2017, n° 15/12005
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/12005
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 11 mai 2015, N° 14/15788;15/04261
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRET DU 1er JUIN 2017

(n°167, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/12005

Décisions déférées à la Cour : ordonnances du 12 mai 2015 – Juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris – RG n° 14/15788 et 15/04261

APPELANT

Monsieur Y X

XXX

91480 QUINCY-SOUS-SENART

né le XXX à Paris

Représenté par Me Montasser CHARNI, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : 184 ; assisté par Me Ana Cristina COIMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE

Organisme CARMF : Caisse Autonome de retraite des médecins de France

Domiciliée 46 rue Saint-Ferdinand

XXX

Représentée et assistée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G0759

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 avril 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Présidente de Chambre

Mme Annick HECQ-CAUQUIL, Conseillère, entendue en son rapport

Mme Z A, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Florence PONTONNIER ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, président et par M. Aymeric PINTIAU, Greffier.

Soutenant que le régime légal de protection sociale impliquant une affiliation obligatoire à l’encontre de toute personne exerçant une profession libérale ne devrait pas lui être applicable car contraire au droit de propriété, M. Y X, médecin, a, par exploit d’huissier en date du 7 octobre 2014, assigné la caisse autonome de retraite des médecins de France (ci-après CARMF) devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de la faire condamner à lui verser la somme de 128 368 euros avec intérêt au taux légal, correspondant à l’ensemble des cotisations qu’il a versées jusqu’alors, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par une première ordonnance rendue le 12 mai 2015, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré incompétent au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evry et a condamné M. Y X à verser à la caisse autonome de retraite des médecins de France la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par une seconde ordonnance rendue le même jour, ce juge du tribunal de grande instance de Paris s’est à nouveau déclaré incompétent au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evry pour statuer sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par le demandeur.

Par déclaration au greffe du 9 juin 2015, M. Y X a interjeté appel à l’encontre des deux ordonnances d’incompétence rendues le 12 mai 2015 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris.

Par arrêt en date du 13 mai 2016, la cour de céans a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu’elle ne constitue pas un écrit motivé s’agissant des contestations visant les articles 1er et 2e de la Constitution de 1958 et les articles 1er et 2e de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1968 et dit n’y avoir lieu à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Y X selon laquelle les dispositions de l’article L.642-1 du code de la sécurité sociale porteraient atteinte au droit de propriété.

Par des dernières conclusions signifiées le 27 mars 2017, M. X demande à la cour de :

— Dire l’appel recevable,

— interroger le juge communautaire via les deux questions préjudicielles de droit communautaire dont les textes sont annexés aux présentes conclusions ;

Sur le surplus et en tout état de cause :

— Infirmer les deux ordonnances frappées d’appel et,

Statuant à nouveau,

* sur l’incident de compétence :

— Dire le tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître du litige et, par conséquent, dire la chambre civile de la cour compétente en raison de la matière,

Subsidiairement, et ce pour le cas où la cour ne ferait pas droit à la précédente demande, appliquer la loi relative à la modernisation de la justice du XXIème siècle, parue au JORF du 19 novembre 2016 et dire que le tribunal compétent est le tribunal de grande instance spécialement désigné,

subsidiairement,

— surseoir à statuer sur l’exception d’incompétence en attendant les textes nécessaires à la mise en application de la loi relative à la modernisation de la justice du XXIème siècle parue au JORF du 19 novembre 2016.

* sur la qualité à ester et agir de l’intimée :

— au préalable et avant de statuer sur le fond, faire injonction à la CARMF d’avoir à verser aux débats la preuve du respect des exigences prévues à l’ordonnance de 2001 et notamment la preuve de la date de son immatriculation et d’en tirer toute conséquence ;

Sur le fond,

— dire la demande de l’appelant recevable en ce qui concerne la répétition de l’indu,

— condamner la CARMF au payement, à ce titre, du montant total de 271 698,00 euros ;

En tout état de cause,

— débouter la CARMF de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la CARMF au payement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel.

Par des dernières conclusions signifiées le 28 mars 2017, la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) demande à la cour de':

— Dire et juger qu’il n’y a pas lieu à saisine préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne ;

— confirmer l’ordonnance rendue le 12 mai 2015 par le juge de la mise en état sur la question prioritaire de constitutionnalité en toutes ses dispositions ;

— confirmer l’ordonnance rendue le 12 mai 2015 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris sur la compétence en toutes ses dispositions';

En toute hypothèse,

— condamner M. Y X à payer, au profit de la CARMF, la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. Y X aux entiers dépens, avec faculté pour Maître Lionel Assous-Legrand, avocat au barreau de Paris, de les recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par requête du 14 avril 2017, enrôlée sous le numéro de RG 17/8012 M. X a récusé les trois magistrats composant la chambre pour suspicion de partialité au motif qu’ils avaient déjà eu à connaître dans la même affaire d’une question prioritaire de constitutionnalité qui a été déclarée irrecevable.

La requête a été transmise à Mme le premier président, qui n’a pas ordonné le sursis à statuer, de sorte qu’en application de l’article 361 du code de procédure civile, l’instance s’est poursuivie ;

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur les questions préjudicielles :

Considérant que M. X s’appuyant sur deux mémoires annexés à ses écritures, demande à la cour de :

— Transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :

' Les dispositions des articles L.111-2-1 et L.642 du code de sécurité sociale français satisfont-elles à toutes les conditions requises pour justifier la notion d’intérêt général permettant de déroger aux dispositions des directives 92/49/CE et 92/96/CE ''

— transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :

' Les dispositions des articles L.111-2-1 et L.642 du code de sécurité sociale français sont-elles compatibles avec la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales ''

— Surseoir à statuer jusqu’à décision définitive sur le renvoi préjudiciel ;

Qu’il fait principalement valoir que la Cour de cassation, en son arrêt n° 349 du 07 mars 2017 rappelle la primauté du droit communautaire et l’importance de la saisine du juge communautaire via la question préjudicielle en cas de difficulté d’interprétation des dispositions de droit communautaire et qu’en application du droit communautaire, seul « l’acte clair » (l’interprétation incontestable) dispense la juridiction de la saisine du juge communautaire, que dans le cas présent, le principe de 'l’acte clair’ ne peut pas être invoqué car les interprétations des textes et de la jurisprudence divergent et il n’y a pas de jurisprudence communautaire concernant directement la CARMF ;

Considérant que la CARMF répond qu’il est désormais parfaitement admis que le monopole de gestion confié par la loi française aux organismes sociaux des non-salariés est conforme aux textes communautaires, qu’en effet, la Cour de justice de l’Union européenne et les juridictions nationales ont confirmé de façon constante que les organismes de sécurité sociale n’exercent pas d’activités économiques au sens des règles européennes de la concurrence, et que le droit de l’Union européenne ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes respectifs de sécurité sociale, que saisie à la suite d’un litige opposant un groupement de défense des artisans à l’ancienne caisse nationale de retraite des artisans (CANCAVA), la Cour de justice de l’Union européenne a en effet précisé que ces organismes constituent des organismes sociaux gérant un service public et à caractère obligatoire ;

Qu’elle précise que la Cour de justice a jugé que le droit de l’Union ne porte pas atteinte à la compétence qu’ont les États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et déterminer librement les conditions d’affiliation et d’ouverture des droits et que la jurisprudence confirme de façon constante que la CARMF gère des régimes légaux obligatoires et n’est ni une mutuelle, ni une entreprise ; Considérant que le juge de la mise en état a justement relevé qu’il résulte de l’article L.111-2-2 du code de la sécurité sociale que toute personne travaillant en France doit être rattachée à un régime obligatoire de sécurité sociale ; que la CARMF, instituée par le décret n°48-1179 du 19 juillet 1948, est l’une des dix sections professionnelles de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales ; qu’en vertu des articles L.621-1, L.621-3, L.622-5 et L.641-1 du code de la sécurité sociale, elle gère l’assurance vieillesse et l’invalidité décès des médecins ayant une activité médicale libérale ; que la CARMF tient de l’article R.641-1 du code de la sécurité sociale la personnalité juridique et l’autonomie financière ; qu’il résulte des dispositions du livre VI titre IV du code de la sécurité sociale que la CARMF gère les régimes suivants :

— le régime de base en application des articles L.642-1 et suivants du code de la sécurité sociale,

— le régime de retraite complémentaire aux termes du décret n°49-579 du 22 avril 1949 instituant ledit régime en application de l’article L. 644-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale,

— le régime invalidité-décès aux termes du décret n°55-1390 du 18 octobre 1955 instituant ce régime en application de l’article L.644-2 du code de la sécurité sociale,

— le régime allocation supplémentaire vieillesse (ASV) pour les médecins conventionnés aux termes du décret n°72-968 du 27 octobre 1972 pris en application des articles L. 645-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;

Considérant que l’article L.142-2 du code de la sécurité sociale prévoit que le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale ainsi que de ceux relatifs au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L.143-11-6, L.1233-66, L.1233-69, L.351-3-1 et L.351-14 du code du travail ;

Qu’en application des dispositions susvisées, la CARMF gère un régime obligatoire, fondé sur le principe de solidarité nationale, auquel les médecins doivent être affiliés et cotiser, et des régimes complémentaires qui constituent un régime légal de sécurité sociale, de sorte que les moyens articulés sur les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 et sur le décret n°48-1179 du 19 juillet 1948, tendant à voir reconnaître le caractère mutualiste de la CARMF, sont inopérants ;

Considérant que la suppression du monopole de la sécurité sociale n’a pas été votée par la loi du 17 juillet 2001 ; que cette loi a seulement ratifié l’ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité en modifiant le régime juridique des mutuelles pour l’adapter aux directives 92/49/CEE et 92/96/CEE sur l’assurance ; que l’assujettissement obligatoire aux régimes de sécurité sociale des personnes exerçant une activité en France n’a nullement été remis en cause par ces directives, qu’au contraire, les assurances comprises dans un régime légal et obligatoire de sécurité sociale sont expressément exclues du champ des directives CEE 92/49 et CEE 92/96 sur l’assurance ; qu’il n’y a dès lors pas lieu de transmettre la première question préjudicielle présentée ;

Considérant que la CARMF gère des régimes légaux obligatoires et n’est ni une mutuelle, ni une entreprise, de sorte que pas plus le code de la consommation que la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales ne lui sont applicables ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu non plus de transmettre la deuxième question préjudicielle ;

Considérant que la demande de production de ses statuts par la CARMF qui repose sur le postulat que celle-ci est une mutuelle est dès lors sans objet ;

Sur la demande subsidiaire de renvoi en vue de l’application de la loi relative à la modernisation de la justice du XXIème siècle : Considérant que la loi du 18 novembre 2016, dite loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, prévoit en son article 12 que le contentieux social réparti actuellement entre les TASS, les TCI et les CDAS, sera fusionné et transféré aux tribunaux de grande instance, juridiction de droit commun, en vue d’un traitement plus efficace et plus simple ; que ce texte n’est pas encore applicable, un décret devant intervenir avant le 1er janvier 2019 ; qu’il n’y a pas lieu dans ces conditions de surseoir à statuer dans l’attente de ce décret ;

Sur la compétence :

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le juge de la mise en état a justement retenu que le différend opposant M. X au défendeur trouvant sa source dans le régime légal obligatoire de protection sociale, qui implique une affiliation obligatoire et qui lui est applicable, ce litige ne peut relever que de l’appréciation de la juridiction compétente pour les affaires relevant du contentieux général de la sécurité sociale ; que M. X ne peut exciper de l’existence d’un lien contractuel pour justifier que le fond du litige, l’opposant au défendeur, relèverait du droit des obligations ;

Que l’ordonnance déférée sera dès lors confirmée en ce qu’elle a fait droit à l’exception d’incompétence soulevée au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evry ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant que le juge de la mise en état a justement relevé que l’article 126-3 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le juge qui statue sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité est celui qui connaît de l’instance au cours de laquelle cette question est soulevée et en a justement déduit qu’il appartient au juge compétent de statuer sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité et s’est également déclaré, en application des dispositions de l’article 96 du code de procédure civile, incompétent au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evry ;

Qu’il convient dès lors de confirmer les deux ordonnances déférées ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu à évocation ;

Sur les autres demandes :

Considérant que l’appelant qui succombe sera condamné à payer à la CARMF une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe

DIT n’y avoir lieu à saisine préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne ;

CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 12 mai 2015 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris sous le numéro de RG 14/15788 ;

CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 12 mai 2015 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris sous le numéro de RG 15/04261 ;

CONDAMNE M. Y X à payer à la caisse autonome de retraite des médecins de France la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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