Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 30 mars 2017, n° 14/10928

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 30 Mars 2017

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/10928

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juillet 2014 par le Conseil de Prud’hommes de BOBIGNY RG n° F12/02235

APPELANT

Monsieur F X

XXX

XXX

représenté par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0327

INTIMEE

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Véronique FODOR SALVATERRA, avocat au barreau de PARIS, toque : J122

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 7 février 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Mariella LUXARDO, présidente

Madame Isabelle MONTAGNE, conseillère

Monsieur Stéphane MEYER, conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier : Madame Christelle RIBEIRO, lors des débats ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Mariella LUXARDO, présidente et par Madame Christine LECERF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Monsieur F X a été engagé à compter du 7 septembre 2009 par la société SECURITAS DIRECT en qualité d’expert sécurité, statut employé, niveau III, échelon 1, coefficient 130 de la classification de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité applicable, pour un horaire mensuel de travail de 151,67 heures et une rémunération mensuelle brute fixe de 1.375,16 euros à laquelle s’ajoutait une part variable en fonction des objectifs réalisés.

Il était chargé de la vente et de l’installation de services et produits de télésurveillance et rattaché à l’agence commerciale de Rosny-sous-Bois.

La société SECURITAS DIRECT emploie habituellement plus de onze salariés.

Suivant avenant du 1er avril 2010, Monsieur X a été nommé chef d’équipe, catégorie agent de maîtrise, niveau I, échelon 1.

Par lettre du 1er juin 2010, la société SECURITAS DIRECT a mis fin à sa période probatoire et le salarié a réintégré ses précédentes fonctions d’expert sécurité.

Suivant avenant du 1er novembre 2010, Monsieur X a été nommé chef d’équipe. À compter du 1er mars 2011, il a été rattaché à l’agence de Saint-H.

Suivant avenant du 1er septembre 2011, il a été promu chef de secteur et est devenu chef de l’agence de Saint-H, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.600 euros et une part variable assise sur les objectifs.

Par courrier du 4 avril 2012, réitéré le 20 avril 2012, le salarié a dénoncé à l’employeur ses conditions de travail, sa rétrogradation aux fonctions de chef d’équipe le 1er février 2012 et sa mutation forcée à l’agence de Bussy Saint-Z le 26 mars 2012, demandant sa réintégration à l’agence de Saint-H.

Il a parallèlement a saisi l’inspection du travail dans les mêmes termes afin de dénoncer ses conditions de travail.

Monsieur X a été placé en arrêt de travail pour maladie du 4 avril au 23 avril 2012.

A l’issue de ses congés, il a réintégré l’agence de Saint-H le 9 mai 2012 aux fonctions de chef d’équipe.

Il a été à nouveau arrêté pour maladie du 12 juin au 22 juillet 2012.

Le 18 juin 2012, il a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur pour harcèlement moral et a sollicité la condamnation de la société SECURITAS DIRECT à lui payer les sommes suivantes: 35.618,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

142.716,98 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et 14.271,69 euros au titre des congés payés y afférents,

21.457,08 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

36.082,94 euros à titre de rappel de salaire fixe contractuel,

8.949,04 euros à titre de rappel de salaires au titre du poste réellement occupé et 894,90 euros au titre des congés payés y afférents,

10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

2.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Convoqué le 28 juin 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 juillet 2012, le salarié a reçu, le 12 juillet 2012, notification de son licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison d’un abus de confiance et détournement de matériels de la société (véhicule de société, outillage, équipements de sécurité et dossiers clients), une exécution déloyale du contrat de travail et des résultats déficitaires entre les mois de mars à juin 2012, avec dispense d’exécution du préavis.

Le 23 juillet 2012, le salarié a restitué le véhicule et le matériel de la société.

Suivant jugement prononcé le 17 juillet 2014, notifié le 11 septembre 2014, le conseil de prud’hommes de Bobigny a dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la société SECURITAS DIRECT à payer à Monsieur X les sommes suivantes :

21.457,18 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

et a débouté le salarié du surplus de ses demandes.

Monsieur Y a régulièrement relevé appel de ce jugement le 8 octobre 2014.

Suivant conclusions du 7 février 2017 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l’audience, sans ajout ni retrait, l’appelant demande à la cour de condamner la société SECURITAS DIRECT à lui payer les sommes suivantes :

35.618,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul pour harcèlement moral, subsidiairement en raison de la mesure de rétorsion à la dénonciation de faits de harcèlement et à la saisine judiciaire ou en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

142.716,98 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et 14.271,69 euros au titre des congés payés y afférents, et subsidiairement 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violations des dispositions relatives aux durées maximales de travail et temps de repos,

21.457,08 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

36.082,94 euros à titre de rappel de salaire fixe contractuel et 3.608,29 euros au titre des congés payés y afférents,

8.949,04 euros à titre de rappel de salaire au titre du poste réellement occupé et 894,90 euros au titre des congés payés y afférents,

10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts légaux à compter de la saisine,

et d’ordonner à la société SECURITAS DIRECT de reconstituer sa carrière.

Au soutien de son argumentation, l’appelant fait valoir en substance que :

— le harcèlement moral est caractérisé par un acharnement de sa hiérarchie pour l’écarter de son poste à partir du moment où des difficultés sont apparues avec les équipes commerciales lorsqu’il était chef de l’agence de Saint-H en février 2012 relatives à la signature d’un acte d’engagement concernant l’utilisation des véhicules de la société ;

— au titre des heures supplémentaires alléguées, il produit des attestations de salariés, des mails et un décompte ;

— en réalité il a occupé un poste de chef d’équipe dès février 2010 ; le retrait de ses fonctions est intervenu de manière abusive et dilatoire en juin 2010 ; il est devenu chef de secteur à partir d’octobre 2010 ; l’avenant du 1er février 2012 a été rédigé sous la contrainte ; il a donc droit à un rappel de salaire afférent au poste réellement occupé et le bénéfice du statut de cadre depuis octobre 2010.

Suivant conclusions du 7 février 2017 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l’audience, sans ajout ni retrait, la société SECURITAS DIRECT demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre des frais irrépétibles, le confirmer pour le surplus, débouter le salarié de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l’intimée fait valoir en substance que :

— aucun harcèlement n’est établi ; c’est le salarié qui a souhaité quitter son poste de chef d’agence pour occuper celui de chef d’équipe confirmé qui comportait moins de responsabilités, en raison de la baisse de ses résultats commerciaux ; il n’a jamais été exercé de contrainte ou de chantage sur l’intéressé pour lui faire signer un avenant ;

— le licenciement est motivé par une cause réelle et sérieuse ;

— le salarié ne produit aucun élément objectif de nature à corroborer le décompte d’heures supplémentaires contesté ; l’entreprise n’a jamais donné son accord à l’exécution de telles heures; alors qu’une procédure particulière est en vigueur au sein de l’entreprise s’agissant des heures supplémentaires, le salarié ne justifie pas l’avoir appliquée ;

— le salarié n’est pas fondé à prétendre à une rémunération de chef d’équipe pour la période du mois de février 2010 à octobre 2010, alors qu’il a été mis fin à sa période probatoire ; il ne rapporte pas la preuve de ce qu’il a exercé des fonctions de chef d’agence dès septembre 2010.

MOTIVATION

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Dans la mesure où le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 18 juin 2012, d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur antérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement, il convient de rechercher si la demande en résiliation judiciaire est fondée.

En application des dispositions de l’article 1184 du code civil, une des parties à un contrat de travail peut en solliciter la résolution judiciaire en cas d’inexécution des obligations découlant de ce contrat.

Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la présente instance, en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Monsieur X expose qu’il a été l’objet d’un harcèlement moral à compter du 1er février 2012 lors du changement des règles d’utilisation des véhicules de service par l’employeur, changement qui a entraîné des difficultés avec les équipes commerciales ; qu’après avoir fait remonter ces difficultés, il a subi un acharnement de la part de sa hiérarchie en raison du choix laissé à ses équipes de signer ou non l’acte d’engagement présenté par l’employeur de conserver le véhicule de société contre une redevance mensuelle ou de le restituer ; ces pressions se sont traduites par :

— des convocations fréquentes et inopinées de l’employeur,

— des pressions pour rédiger le 8 février 2012 un courrier d’annulation de son avenant de chef de secteur aboutissant à sa rétrogradation sous peine de licenciement,

— la rédaction sous la contrainte d’une demande de mutation à l’agence de Bussy Saint-Z le 26 mars 2012 faute d’avoir accepté une rupture conventionnelle,

— une surveillance quotidienne anormale de son activité,

— le retrait de son matériel de travail,

— l’entrave à la constitution de son équipe commerciale à Bussy Saint Z,

— l’entrave à la visite médicale qu’il revendiquait à la médecine du travail,

— une accusation injustifiée de vol et d’abus de confiance. Au soutien de ses griefs, le salarié produit :

— deux lettres relatant de manière détaillée les agissements dénoncés adressés à son employeur et à l’inspection du travail les 4 et 23 avril 2012,

— la réponse que lui a adressé l’inspection du travail le 23 mai 2012,

— des échanges de courriels avec sa hiérarchie illustrant les pressions subies et la dégradation de ses conditions de travail,

— des arrêts de travail à compter du 4 avril jusqu’au 23 avril 2012 et du 12 juin au 22 juillet 2012,

— un certificat médical attestant d’un suivi par un médecin psychiatre à compter de juillet 2012 pour un état anxio-dépressif en raison d’une situation de souffrance professionnelle,

— douze attestations de salariés ou anciens salariés de la société SECURITAS DIRECT,

— des décisions de justice contemporaines à sa saisine judiciaire, relatives à d’autres salariés de cette société dénonçant les pressions et pratiques déloyales mises en oeuvre dans cette société.

Compte-tenu des éléments produits aux débats, la cour retient que Monsieur X présente des éléments de fait laissait supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Réfutant tout harcèlement, la société SECURITAS DIRECT fait valoir que le salarié a demandé et signé sans contrainte l’annulation de sa promotion de chef d’équipe ainsi que sa mutation à l’agence de Bussy Saint Z, qu’il a rencontré des difficultés dans ses fonctions de chef de secteur se traduisant par la baisse de ses résultats commerciaux qui expliquent son souhait de revenir à ses précédentes fonctions de chef d’équipe en février 2012, ainsi que sa demande de mutation à l’agence de Bussy Saint Z, qu’elle a toujours dialogué avec lui, qu’il s’est constitué des preuves à lui-même, qu’il produit des attestations de complaisance émanant de salariés placés sous son autorité, qu’elle n’a fait qu’user de son pouvoir de direction à l’égard du salarié et qu’il a sciemment refusé, malgré ses demandes, de restituer le véhicule et le matériel de la société alors qu’il était en arrêt maladie, ce qui l’a conduite à un dépôt de plainte le 4 juillet 2012.

Il ressort de l’examen des pièces produites que :

— Monsieur X a fait part par courriel du 2 février 2012 à son supérieur hiérarchique, Monsieur G D, des réserves suscitées par la nouvelle procédure de gestion du parc automobile transmise le 1er février 2012 par ce dernier pour application immédiate et a fait remonter un certain nombre de questions auxquelles il n’avait pas de réponse;

— à partir de ce moment, Monsieur X a fait l’objet de convocations fréquentes et inopinées de sa hiérarchie attestées par les personnes qui ont travaillé avec lui (cf les attestations de salariés produites, rédigées postérieurement au départ de l’agence de Saint-H de Monsieur X, notamment de Messieurs A, B, C qui a expliqué avoir dicté à sa fiancée le contenu de son attestation en raison de son écriture peu lisible) ;

— alors que le salarié dénonçait les pressions exercées par sa hiérarchie pour l’amener à contraindre ses équipes à signer l’acte d’engagement sur les véhicules de la société, la société n’a pas contesté à cette époque ces pratiques ;

— la lettre du salarié du 8 février 2012 souhaitant 'annuler’ son contrat de chef de secteur et repasser sur un contrat de 'chef d’équipe confirmé’ ne comporte aucune motivation et ne trouve aucune justification alors que le salarié avait obtenu cette promotion quelques mois plus tôt et qu contrairement à ce qu’avance la société SECURITAS DIRECT, le salarié n’avait pas d’intérêt à cette rétrogradation ;

— le courriel adressé par Monsieur L M N, n+2, à Monsieur G D, avec Monsieur X et le dirigeant de la société en copie, ayant pour objet 'AVERTISSEMENT F X’ ainsi rédigé 'A partir d’aujourd’hui je veux recevoir l’activité de travaille de la journée de F. Savoir exactement le travaille réalisé pour lui. Merci de me tenir au courant de tout ça’ est contemporain de la demande de mutation contestée de Monsieur X à Bussy Saint-Z (77) le 26 mars 2012, rédigée de manière sybilline et non motivée, et qui ne trouve pas de justification alors que le salarié est domicilié dans le département de Seine Saint H (93) ; aucune explication à ce courriel du 26 mars 2012 n’est apportée par l’employeur qui ne formule par ailleurs aucun reproche à l’égard du salarié ; il est enfin observé que l’avenant portant mutation à Bussy Saint Z à compter du 1er avril 2012, produit par l’employeur, n’est pas signé par Monsieur X ;

— le salarié a été informé par un courriel de Monsieur D seulement 48 heures avant sa prise de poste à Bussy Saint Z, qu’aucune équipe commerciale n’était constituée à Bussy Saint Z et qu’il lui reviendrait de la constituer ; cependant aucun curriculum vitae ne lui a été transmis à cette fin, comme il était d’usage dans la société, ce qui a été implicitement reconnu par Monsieur D dans son courriel du 7 juin 2012 ;

— il est avéré que lors de sa prise de poste à Bussy Saint Z le 2 avril 2012, le salarié n’avait pas d’accès à son compte informatique qui avait été désactivé à la demande de sa hiérarchie la semaine précédente ;

— il est certain que le 4 avril 2012, Monsieur L M N a demandé à Monsieur X la restitution de son véhicule de société nécessaire à l’exercice de son activité contractuelle, alors qu’il avait signé l’acte d’engagement sur les nouvelles règles d’utilisation des véhicules, sans motiver cette demande, ce que le salarié a refusé sans que ce refus apparaisse fautif au regard des stipulations du contrat de travail ;

— par ailleurs, la ligne téléphonique du salarié a été réduite aux seuls appels entrants et il ne pouvait plus passer d’appel à compter du 30 avril 2012 et le rétablissement de la ligne n’a été effectif qu’après l’intervention expresse de Monsieur E, directeur des ressources humaines le 9 mai 2012, étant précisé que l’intervention de ce dernier s’est inscrite dans une demande formée par l’inspection du travail saisie par Monsieur X ;

— il s’avère que le 25 avril 2012, le salarié n’était pas répertorié dans les effectifs déclarés auprès de la médecine du travail à Saint-H, contrairement à ce que soutenait l’employeur, et que le médecin du travail n’a donc pu émettre d’avis sur sa reprise à l’issue de la visite du 21 mai 2012;

— la plainte pour abus de confiance déposée par l’employeur à l’encontre du salarié le 4 juillet 2012 n’a pas donné lieu à engagement de l’action publique ; le refus délibéré du salarié de restituer le véhicule à l’employeur n’est pas établi alors que celui-ci se trouvait en arrêt maladie, donc en période de suspension du contrat de travail, que le salarié n’a pas manifesté son refus de restituer le véhicule mais a fait part de difficultés matérielles pour en organiser la restitution, et que celle-ci est finalement intervenue le 23 juillet 2012 ;

— saisie par un autre salarié, Monsieur I J, de pratiques similaires à celles dénoncées par Monsieur X, l’inspection du travail a rappelé à l’entreprise le 12 décembre 2011 les règles applicables en matière disciplinaire, l’a alertée sur les risques psycho-sociaux résultant d’une charge anormale de travail sans allocation de moyens supplémentaires, du manque de soutien des encadrants et des reproches et pressions exercées trop souvent à l’égard des salariés pour réaliser le objectifs assignés et a constaté l’absence de prise en compte des risques de souffrance au travail dans l’entreprise.

Contrairement à ce que soutient la société SECURITAS DIRECT, le 'dialogue’ avec le salarié ayant donné lieu à l’intervention de Monsieur E, directeur des ressources humaines pour trouver une solution au conflit n’a été ouvert qu’à partir de la saisine de l’inspection du travail par le salarié le 4 avril 2012.

Par ailleurs, les attestations précises et circonstanciées émanant des salariés de l’entreprise se rapportent à des faits dont ils ont été témoins pour avoir connu des relations de travail de proximité avec Monsieur X, et rien ne justifie de les qualifier d’attestations de complaisance. A cet égard, la sincérité de la rétractation de Monsieur C est mise en doute par la cour au regard des échanges de textos entre celui-ci et Monsieur X produits aux débats qui laissent supposer une pression de l’employeur compte-tenu du lien de subordination toujours existant avec celui-ci. Enfin, l’employeur ne produit aucun élément objectif justifiant les agissements que Monsieur X a dénoncé de la part de son employeur à partir de février 2012.

Au regard de tout ce qui précède, la cour retient que la société SECURITAS DIRECT a mis en oeuvre de février à juin 2012 des méthodes de direction se traduisant par des pressions répétées sur Monsieur X ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, manifestée par une rétrogradation, une mutation et une privation de ses moyens de travail, injustifiées.

Ces agissements répétés ont porté atteinte à ses droits, altéré sa santé et compromis son avenir professionnel.

Le harcèlement moral qu’il dénonce est ainsi établi.

Sans qu’il ne soit besoin d’examiner le bien fondé du licenciement du 12 juillet 2012, il sera retenu que Monsieur X est fondé en sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, à effet du 12 juillet 2012, date du licenciement.

Cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul.

Compte-tenu de son ancienneté de près de trois ans, de son salaire moyen brut reconstitué sur les douze derniers mois de 2.608 euros, de son âge de 32 ans et de sa situation au regard de sa capacité à retrouver un emploi telle qu’elle résulte des pièces produites aux débats, il lui sera alloué une indemnité de 25.000,00 euros en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul.

Cette somme produira des intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

Sur la violation de l’obligation de sécurité de résultat

Monsieur X sollicite la condamnation de la société SECURITAS DIRECT à lui payer la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité de résultat.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés et l’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Monsieur X n’établissant pas un préjudice distinct de celui subi du fait du harcèlement moral et de la rupture du contrat, il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l’obligation de sécurité.

Le jugement mérite la confirmation sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.

Au soutien de sa demande formée au titre des heures supplémentaires, Monsieur X produit un décompte, des attestations de collègues de travail et des courriels de son supérieur hiérarchique.

La société SECURITAS DIRECT fait valoir que le salarié était tenu contractuellement à l’accomplissement de 151,67 heures mensuelles ; qu’il ne lui a jamais été demandé ou accepté l’accomplissement des heures de travail qu’il invoque, que le salarié n’apporte pas d’élément tangible, réel et précis attestant de la réalisation d’heures supplémentaires pour son compte et relève les incohérences du décompte produit avec des relevés hebdomadaires émanant du salarié.

Les éléments produits par le salarié consistent en des attestations de collègues de travail générales et imprécises quant aux dates et heures supplémentaires alléguées par le salarié, en un décompte global des heures mensuelles, sans précision journalière sur les heures de travail effectivement réalisées ainsi que des courriels émanant de Monsieur D non probants quant aux horaires effectivement réalisés par le salarié.

Ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour laisser supposer l’accomplissement d’heures de travail supérieures à celles prévues par le contrat.

Par suite, il convient de rejeter la demande formée au titre des heures supplémentaires et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la violation des durées maximales de travail et temps de repos

Au cas où la cour ne lui allouerait pas le paiement des heures supplémentaires, Monsieur X demande à titre subsidiaire la condamnation de la société SECURITAS DIRECT à lui payer 50.000,00 euros de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail et temps de repos.

Il ressort de deux rapports de travail établis par l’intéressé en mars 2012 que ses horaires de travail quotidiens et hebdomadaires sont conformes à la règlement en matière de durée du travail et du temps de repos.

Aucune des pièces produites, ni les attestations et courriels, ne révèle la violation des dispositions relatives à la durée maximale du travail et des temps de repos. Par conséquent, il convient de rejeter les demandes présentées à ce titre.

Sur les rappels de salaire

Monsieur X sollicite un rappel de salaire fixe contractuel de 36.082,94 euros avec congés payés afférents au motif que l’employeur n’a pas appliqué les dispositions contractuelles relatives à la part fixe du salaire.

Le contrat de travail, repris par les avenants sur ce point, prévoit une partie fixe et une partie variable se déclenchant en cas d’un montant de commissions supérieur à un certain seuil.

A l’examen des bulletins de salaire du salarié sur toute la durée de la relation de travail, il ressort que chaque mois, le salarié a perçu sa part de rémunération fixe et le montant des commissions excédant le seul de déclenchement contractuel en cas d’atteinte des objectifs.

Le salarié n’est donc pas fondé en sa demande de rappel de salaire contractuel et il sera débouté de ce chef de demande.

Monsieur X sollicite en outre un rappel de salaire au titre du poste réellement occupé de 8.949,04 euros en prétendant avoir occupé un poste de chef d’équipe dès le mois de février 2010 alors que l’avenant n’a régularisé la situation qu’à compter du 1er avril 2010, que le statut de chef d’équipe lui a été retiré de façon arbitraire à compter du 1er juin 2010 et qu’il a occupé des fonctions de chef de secteur à compter du 1er octobre 2010.

Il sera tout d’abord retenu que Monsieur X ne produit aucun élément de nature à établir qu’il a affectivement exercé des fonctions de chef d’équipe à compter du 1er février 2010.

Par ailleurs, il ressort de l’avenant du 1er avril 2010 le promouvant chef d’équipe intermédiaire qu’une période probatoire de quatre mois est prévue et que l’avenant peut être rompu à son initiative ou celle de la société pendant cette période, avec réintégration dans les fonctions précédentes, et de la lettre remise en main propre le 1er juin 2010, dont il ne conteste pas la régularité, qu’il est mis fin à la période probatoire de quatre mois prévue à l’article 2 de l’avenant du 1er avril 2010 et qu’il est réintégré dans ses fonctions précédentes d’expert séurité à compter du 1er juin 2010.

En outre, Monsieur X n’établit pas qu’il a continué à exercer des fonctions de chef d’équipe après le 1er juin 2010 et qu’il a occupé des fonctions de chef de secteur dès le 1er octobre 2010.

En revanche, dans la mesure où la rétrogradation à des fonctions de chef d’équipe du 1er février 2012 est intervenue dans des conditions irrégulières, ainsi qu’il a été précédemment retenu, Monsieur X est fondé en sa demande de rappel de salaire correspondant aux fonctions de chef d’équipe, statut cadre de la convention collective applicable, à compter du 1er février 2012 jusqu’à la fin de la relation contractuelle.

Sur la base du décompte produit, il lui sera donc alloué la somme de 3.200,00 euros à titre de rappel de salaire pour le poste réellement occupé à compter du 1er février 2012 jusqu’à la fin de la relation contractuelle, outre 320,00 euros au titre des congés payés y afférents.

En application des dispositions des articles 1153 du code civil et R. 1452-5 du code du travail, les sommes de 3.200,00 euros et 320,00 euros allouées à titre de rappel de salaire et congés payés y afférents, qui représentent des créances salariales, produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Bobigny.

Par ailleurs, la reconstitution de carrière auprès des organismes sociaux doit résulter des effets de cette décision, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner à la société SECURITAS DIRECT d’y procéder.

Sur le travail dissimulé

En vertu de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Il n’est pas établi que l’employeur se soit soustrait intentionnellement à ses obligations en délivrant un bulletin de paie mentionnant un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Par conséquent, Monsieur X sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur Y sollicite la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Cependant, il ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui subi du fait de la rupture.

Il doit être débouté de cette demande et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles en cause d’appel

Il n’est pas inéquitable d’allouer au salarié la somme de 1.500,00 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel que la société SECURITAS DIRECT devra lui payer.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du 17 juillet 2014 en ce qu’il a débouté Monsieur K X de ses demandes au titre du manquement à l’obligation de sécurité, des heures supplémentaires, de la violation de la durée du travail et du temps de repos, du rappel de salaire fixe contractuel, de l’indemnité pour travail dissimulé, de l’exécution déloyale du contrat de travail et condamné la société SECURITAS DIRECT à lui payer une somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

L’INFIRME pour le surplus, et statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société SECURITAS DIRECT à effet du 12 juillet 2012,

CONDAMNE la société SECURITAS DIRECT à payer à Monsieur F X la somme de 25.000,00 euros au titre de la réparation du préjudice résultant du licenciement nul,

DIT que cette somme sera augmentée des intérêts aux taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la société SECURITAS DIRECT à payer à Monsieur F X les sommes de :

* 3.200,00 euros à titre de rappel de salaire pour le poste réellement occupé * 320,00 euros au titre des congés payés y afférents.

Avec intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Bobigny

* 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur F X du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société SECURITAS DIRECT aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 30 mars 2017, n° 14/10928