Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 7 mars 2018, n° 16/14291

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 7 mars 2018, n° 16/14291
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/14291
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Fontainebleau, 12 avril 2016, N° 15/00238
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 7 MARS 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/14291

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2016 -Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU – RG n° 15/00238

APPELANT :

Monsieur B X,

immatriculé au RCS de Melun sous le n° 417 584 885

Né le […] à […]

[…]

77130 I-J-K

Représenté par Me Frédéric GROSHENNY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1720

INTIMÉE :

Etablissement Public OFFICE PUBLIC HABITAT DE I CONFLUENCE HABITAT prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Melun sous le n° 277 700 035

[…]

77874 CS 10121 I CEDEX

Représentée par Me Sarah MEYER de l’AARPI Richer & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0553, substituée par Me Anguenaud COLOMBET de l’AARPI Richer & Associés, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame C D

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame C D, greffier présent lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Aux termes d’un acte du 8 octobre 1996 reçu en la forme authentique par Maitre E F, notaire à I-J-K, Confluence Habitat OPHLM de I-J-K (ci-après dénommée Confluence Habitat) a donné à bail à M. et Mme G X un local commercial situé 13 rue racine 77130 I-J-K.

Par acte du 6 janvier 1998 reçu en la forme authentique, une cession de fonds a été signée par M. et Mme G X au profit de M. B X.

Ledit bail, consenti pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 08 octobre 1996 pour se terminer le 7 octobre 2005, s’est poursuivi tacitement au-delà du terme convenu.

Les parties ayant entendu y mettre fin pour un terme d’usage, il a été décidé de la conclusion d’un nouveau bail de neuf années entières et consécutives, régularisé en date du 28 août 2006.

Le local loué est un local commercial situé dans un immeuble sis 13 rue racine 77130 I-J-K comprenant :

— Une boutique RDC d’une superficie totale de 67 m2,

— Une annexe à usage de garage d’une superficie de 19 m2.

Une extension est intervenue sur l’arrière de la boutique côté opposé à la vitrine (permis de construire en date du 13 septembre 1999) pour une surface de 32 m².

Le loyer initial annuel était de 4 563,84 euros à payer mensuellement à terme échu en 12 termes égaux de 380,32 euros, le dernier loyer réactualisé s’établissait à la somme annuelle de 5 616 euros et le dépôt de garantie correspondait à la valeur de 3 mois de loyer, soit la somme de 1 140,96 euros.

L’activité stipulée dans le bail est la suivante : boucherie, volailles, rôtisserie, triperie, condiments, alimentation générale et dépôt de pain, et par avenant : vente de sandwiches et utilisation d’un four chaud.

M. X a exploité directement le fonds de commerce y exerçant principalement une activité de « mini-market » alimentaire outre celle de vente de kebab (sandwichs turcs).

Selon acte authentique en date du 11 mars 2011, le fonds de commerce a été donné en location-gérance à la société SEBOM Primeur avec effet rétroactif au 1er mars 2011 pour se terminer le 28 février 2013 moyennant une redevance murs inclus de 21 000 euros la première année et de 36 000 euros la seconde année, et ce pour y exercer une activité similaire.

Selon courrier recommandé AR daté du 11 mars 2013, le bailleur a notifié à M. X un congé du fait de la démolition de l’immeuble, indiquant que les travaux devaient débuter en octobre 2013 et a sollicité la restitution des locaux dans un délai de 6 mois et pour le dernier jour du trimestre civil à compter de la réception de la lettre, rappelant que ce congé impliquait une indemnité d’éviction.

Par acte en date du 20 juin 2013, le bailleur a assigné M. X devant M. le Président du tribunal de grande instance de Fontainebleau aux fins de solliciter la désignation d’un expert judiciaire afin de réunir les éléments d’appréciation permettant à la juridiction qui sera ultérieurement saisie de fixer le montant de l’indemnité d’éviction.

Selon ordonnance en date du 1er octobre 2013, une mesure d’expertise a été ordonnée et M. H Z a été commis pour diligenter une telle expertise aux fins de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction.

L’expert a déposé son rapport le 3 novembre 2014.

Les locaux ont été libérés en date du 08 janvier 2015.

Par jugement en date du 13 avril 2016, le tribunal de grande instance de Fontainebleau a :

— Dit que les aménagements pratiqués par M. X ne sont pas de nature à le priver de tout droit à indemnité d’éviction sur le fondement de l’article L.145-14 du code de commerce;

— Dit n’y avoir lieu de pratiquer un abattement du fait de l’extension de la surface de la boutique sous passage couvert en fond de boutique;

— Dit fondée dans l’évaluation de l’expert l’absence de prise en compte de l’activité « kebab » pour un montant de 201 808 euros;

— Débouté M. X de sa demande tendant à avoir constater dans l’évaluation de l’expert l’absence prétendue de prise en compte de divers frais pour un montant de 86 900,76 euros;

— Fixé le montant de l’indemnité d’éviction à la somme de 197 000 euros ;

— Condamné la société Confluence Habitat à régler à M. X au titre de l’indemnité d’éviction, la somme de 197 000 euros ;

— Débouté M. X de sa demande au titre de l’indemnité d’éviction pour le surplus ;

— Débouté M. X de sa demande au titre du préjudice commercial allégué ;

— Débouté M. X de sa demande de condamnation de Confluence Habitat au titre de restitution de loyers perçus à compter de la date du 11 mars 2013 ;

— Condamné Confluence Habitat à rembourser à M. X la somme de 1 715,67 euros à titre de trop perçu de loyer et de remboursement de dépôt de garantie, outre intérêt légal à compter de la mise en

demeure du 16 février 2015 ;

— Ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

— Condamné Confluence Habitat aux dépens qui comprendront les frais d’expertise ;

— Débouté M. X de sa demande quant aux dépens pour le surplus ;

— Débouté Confluence Habitat de sa demande quant aux frais d’expertise et dépens ;

— Condamné Confluence Habitat à payer à M. X la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Débouté M. X de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour le surplus ;

— Débouté Confluence Habitat de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. B X a relevé appel de la décision par déclaration en date du 29 juin 2016.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2016 au visa des articles 1134 du code civil et des articles L.145-1 et suivants du Code de commerce et notamment de l’article L.145-14 du code de commerce , M. B X demande à la cour de :

— Déclarer recevable et bien fondé Monsieur X en son appel et ses demandes,

— Le dire fondé.

Y faisant droit,

— Réformer le jugement entrepris comme suit :

* Débouter l’intimée de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions notamment celles relatives à une prétendue exploitation frauduleuse du fonds,

* Constater la parfaite connaissance du bailleur et son accord quant à l’extension réalisée qui ne donnera lieu à aucun abattement dans le cadre de l’évaluation de l’indemnité d’éviction.

* Constater dans l’évaluation de l’Expert, l’absence de prise en compte de frais pour un montant de 86 900,76 euros TTC outre celle de 201 808 euros compte-tenu de l’absence de prise en compte de l’activité « kebab » soit un total non pris en compte de 288 708,76 euros qu’il conviendra d’intégrer dans le montant de l’indemnité d’éviction,

En conséquence,

* Fixer le montant de l’indemnité d’éviction à la somme de 450 000 euros,

* Condamner la société Confluence Habitat à régler à M. X au titre de l’indemnité d’éviction, la somme de 450 000 euros.

A titre subsidiaire,

— Fixer le montant de l’indemnité d’éviction au montant évalué par Monsieur l’Expert après extension

soit 197 000 euros augmentée des frais non pris en compte soit 86 900,76 euros soit un total de 283 900,76 euros,

— Constater le comportement fautif du bailleur dans le cadre du congé.

En conséquence,

— Condamner le bailleur à restituer à M. X les loyers indûment perçus à compter de la date du 11 mars 2013 soit un total de 21 mois de loyers 9 628,50 euros (Base de loyer de 458,50 euros) outre la somme de 64 389,50 euros au titre du préjudice commercial,

— Condamner la société Confluence Habitat à régler à M. X au titre de l’intégralité du dépôt de garantie outre un trop versé de loyer soit 1 715,67 euros, le tout avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 février 2015 et confirmer le jugement entrepris sur ce point,

— Condamner la société Confluence Habitat à régler à M. X la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— La condamner en tous les dépens en ce compris les frais d’expertise.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 novembre 2016 au visa des articles L415-1 (sic) et suivants du Code du commerce, Confluence habitat demande à la cour de :

A titre principal,

— Infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a retenu un droit à indemnité d’éviction de M. X,

— Réformer le jugement attaqué et dire et juger que l’exploitation frauduleuse du fonds s’oppose au versement d’une indemnité d’éviction,

— Condamner M. X à restituer à l’OPH Confluence Habitat les sommes perçues en 1re instance a raison des causes du jugement, outre la somme de 1 375,50 euros.

A titre subsidiaire,

— Infirmer le jugement attaqué en ce que l’indemnité d’éviction a été fixée au principal à 197 000 euros et en ce qu’il a condamné Confluence Habitat à verser la somme de 1 715,67 euros TTC au titre d’un trop perçu de loyer et de remboursement de dépôt de garantie,

— Réformer le jugement sur ces point, en retenant une indemnité d’éviction, au principal de

170 000 euros, comme fixé par l’Expert, dans son hypothèse n°1 du rapport et en condamnant M. X à rembourser la somme de 1 375,50 euros à l’Office Confluence Habitat,

— Rejeter toutes les demandes indemnitaires de M. X.

A titre infiniment subsidiaire,

— Confirmer le jugement attaqué et ordonner qu’il soit déduit du montant retenu la somme de 1 375,50 euros correspondant à un trop perçu,

— Dire et juger l’appel de M. X infondé,

— Rejeter toutes les demandes de M. X.

Dans tous les cas,

— Dire et juger que M. X a quitté les lieux et restitué les clefs du fonds concerné le huit janvier 2015,

— Dire et juger que le fonds n’était plus exploité depuis le 1er mars 2015,

— Condamner M. X à verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles prévus à l’article 700 du Code de procédure civile,

— Condamner M. X a rembourser à Confluence Habitat les frais d’expertise engagés pour un montant de 4 311,36 euros TTC,

— Condamner M. X aux entiers dépens.

ET SUR CE

Sur la fixation de l’indemnité d’éviction

Aux termes des dispositions de l’article L.145-14 du Code de Commerce, l’indemnité d’éviction doit être égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement; elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Cette indemnité ne peut en tout état de cause être inférieure à la valeur du droit au bail.

La méthode la plus usuelle en matière d’évaluation du droit au bail est celle retenant la différence entre le loyer tel qu’il aurait été si le bail avait été renouvelé et la valeur locative du marché.

Sur la valeur locative du marché

Les locaux évalués sont situés à I J K, […], qui est une voie secondaire en déclivité, avec des places de stationnement sur le côté impair, qui relie la rue d’Otley à l'[…].

Ils bénéficient selon l’expert d’une situation assez moyenne, au c’ur d’un quartier très populaire (cité HLM), en cours de restructuration, peu recherché commercialement, sauf pour les commerces de proximité, et sont desservis par les transports en commun (bus); la boutique a pour activité « boucherie, volailles, rôtisserie, triperie, condiments, alimentation générale, et dépôt de pain, vente de sandwiches, et l’utilisation d’un four chaud » .

Du rapport d’expertise il ressort que les lieux loués dépendent d’un immeuble ancien, élevé sur sous-sol, d’un rez-de-chaussée, de quatre étages droits – façade en bois, en ardoises et partiellement enduite – ravalement à refaire – toiture terrasse.

Il s’agit d’une boutique traversante présentant des développements de façade de 6,40 m environ sur la rue Racine et de 6 m environ sur une place intérieure, comprenant :

— au rez-de-chaussée, une zone de vente éclairée par vitrine, dont une partie dans la coursive extérieure couverte sur une profondeur de 3 m environ rue Racine, une chambre de pousse de pain, une chambre froide, un four, un WC avec lavabo,

— et au sous-sol, un groupe frigorifique dans les parties communes,

— avec un box accessible depuis la rue Racine.

le tout dans un immeuble vétuste, présentant des problèmes d’insécurité, avec le chauffage central et collectif.

L’expert a estimé la surface pondérée des locaux à 60,25m²p avant extension, et à 92,25m²p après extension de la surface de 32 m² sous passage couvert devant la vitrine rue Racine, qui a été intégrée dans la boutique, outre la surface du box de 19m² valorisé séparément.

M. Z a ensuite recherché des termes de comparaison avec les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

En tenant compte des surfaces louées et des destinations contractuelles différentes des éléments de comparaison ainsi retenus, des obligations respectives résultant du bail, de la destination des lieux, de la qualité de l’immeuble, de l’intérêt de l’emplacement et des caractéristiques des locaux sur lesquels porte le bail renouvelé, il en a conclu que la valeur locative de marché avant extension était de 9 400€ et après extension de 14 200€.

Sur le loyer revalorisé

L’expert a calculé le loyer revalorisé au 8/10/2014, comme si le bail était renouvelé à cette date, et en a déduit que le loyer annuel serait de 5 808€.

Sur la valeur du droit au bail

Le différentiel entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer de renouvellement s’élève à 3 592€ (9 400€- 5 808€) avant extension et à 8 392€ (14 200€ – 5 808€) après extension.

Ainsi après l’application d’un coefficient de 2, retenu par l’expert et non contesté par les parties, pour fixer la valeur du droit au bail, celle-ci s’élève à la somme de 7 000€ avant extension et à 17 000€ après extension.

Sur la valeur du fonds de commerce

Il n’est pas contesté que l’éviction entraîne la perte du fonds.

Celle-ci peut être évaluée suivant différentes méthodes : une première méthode qui consiste à retenir un pourcentage du chiffre d’affaires, sur lequel est appliqué un coefficient en usage pour le commerce de proximité concerné, et une seconde méthode qui est basée sur l’excédent brut d’exploitation (E.B.E) retraité.

Par la première méthode, l’expert, en tenant compte de la situation dans un secteur peu recherché, de la faible valeur du droit au bail, de la rentabilité moyenne du fonds, de la masse salariale assez faible eu égard à l’amplitude horaire d’ouverture, a retenu un ratio de 85% du chiffre d’affaires moyen pondéré HT des deux derniers exercices correspondant à la période de location-gérance pour fixer la valeur du fonds à 154 000€ avant extension et à 179 000€ après extension.

Selon l’expert, la seconde méthode conduit à retenir un E.B.E. moyen pondéré de 42 093€, à y intégrer la quote-part de redevance de la location-gérance moyenne, puis à appliquer une majoration du box pour tenir compte de l’impact de la climatisation sur l’activité.

Après avoir relevé qu’il s’agit d’un commerce indépendant ouvert toute l’année y compris le

dimanche, avec des frais de personnel peu élevés par rapport à l’amplitude horaire, pour retenir le coefficient 3, il en déduit une valeur du fonds de 129 000€ avant extension et de 150 000€ après extension.

Après avoir calculé la moyenne des valeurs obtenues selon les deux méthodes, M. Z en déduit une indemnité d’éviction de 141 500€ avant extension et de 164 500€ après extension.

1. Sur l’exploitation frauduleuse du fonds

Confluence Habitat prétend que M. X aurait exploité frauduleusement les lieux, en y aménageant une chambre froide dans le box et en y installant un bloc de climatisation dans les parties communes, en infraction avec les clauses du bail, et en augmentant la surface de la boutique sans l’autorisation du bailleur, qui le priverait de son droit à percevoir une indemnité d’éviction.

Elle précise que si une chambre froide était sans doute indispensable, celle-ci aurait dû se trouver dans le fonds et non pas dans les parties communes. Et elle ajoute qu’elle n’a donné à M. X son accord que sur la possibilité d’une extension de la surface de la boutique et non sur l’extension telle que réalisée, après avoir expressément demandé à ce que si ces travaux étaient effectués, ceux-ci lui soient signalés afin qu’un avenant soit porté au contrat de bail.

Subsidiairement, Confluence Habitat, qui refuse que la surface obtenue du fait de l’extension non conforme au bail soit prise en compte dans le calcul de l’indemnité d’éviction, demande que l’hypothèse 'avant extension’ du rapport de l’expert soit retenue.

M. X réplique que le courrier en date du 27/07/1999 par lequel le bailleur a formellement donné son accord sur les travaux d’extension réalisés, et le permis de construire obtenu pour leur réalisation, établissent que le bailleur, de surcroît professionnel de l’immobilier ayant ses locaux en face du local concerné et donc parfaitement informé de la configuration du local loué, a donné son accord pour une telle extension. Il ajoute que faits reprochés ne sauraient être considérés comme suffisamment graves et légitimes pour justifier le non versement d’une indemnité d’éviction, et ce d’autant plus que le preneur n’a pas bénéficié de la protection des dispositions de l’article L.145-17 du code de commerce (mise en demeure préalable, possibilités de régularisation…), relatives au refus de renouvellement sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime.

Le courrier versé aux débats émanant de l’OPHLM I daté du 27 juillet 1999 indique: 'Suite à votre demande d’autorisation de construire du 23 Juillet dernier concernant l’agrandissement du magasin référencé ci-dessus et au vue du projet présenté par votre Architecte Monsieur A, j’ai le plaisir de vous informer de mon accord – en tant que bailleur – à l’exécution de ces travaux. Cet accord est toutefois subordonné à l’acceptation de votre permis de Construire par la Mairie et les Services de Sécurité et d’Hygiène correspondants. Ils devront être exécutés selon les règles de conformité de sécurité incendie en vigueur et mettre en 'uvre les matériaux C.F. adéquats.

NB – Dès le lancement de votre projet en exécution, votre Bail commercial fera l’objet d’un avenant conformément aux nouvelles surfaces.'

Le permis de construire a été délivré par la Mairie de I le 13 septembre 1999.

Contrairement à ce que soutient de mauvaise foi la bailleresse, elle a bien donné son accord exprès et écrit sur la réalisation des travaux d’extension, et n’a jamais expressément demandé à ce que la réalisation des travaux lui soient notifiés pour qu’un avenant soit porté au contrat de bail. Cet avenant n’a pourtant jamais été formalisé.

S’agissant de l’installation d’une chambre froide, qui était sans nul doute indispensable à l’activité exercée, celle-ci aurait pu être effectuée dans le local loué, et non pas dans les parties communes.

Cette installation constitue donc une infraction au bail.

L’aménagement d’une climatisation dans le box, destiné à abriter des véhicules, est aussi contraire à la destination du bail.

Néanmoins ces infractions, que la bailleresse considère comme des motifs graves et légitimes, n’ont pas fait l’objet de la part du bailleur de la mise en demeure préalable requise par l’article L.145-17 du Code du commerce, à défaut de laquelle le bailleur ne peut refuser au locataire le paiement d’une indemnité d’éviction.

Dès lors aucun argument du bailleur n’est de nature à priver M. X de tout droit à indemnité d’éviction, et c’est la surface de 92,25m²p, incluant la surface de 32 m² sous passage couvert devant la vitrine rue Racine, qui sera retenue pour calculer ladite indemnité.

2. Sur l’activité de kebab

M. X reproche à l’expert de ne pas avoir pris en compte l’activité de kebab, alors qu’il a acheté entre le 1/08/2009 et le 31/07/2010 pour une somme de 100 904€ de la marchandise pour la seule activité « grossiste Kebab » et que le coefficient dans le secteur de vente au détail de « Kebab » est de l’ordre de 3, de sorte que chiffre d’affaires qui aurait pu être réalisé sur de telles bases est de l’ordre de 302 712€ (3 x 100 904€) déduction faite du prix d’achat de la marchandise (soit 100 904€) soit une marge bénéficiaire de 201 808€. Il demande à la cour de réintégrer une telle somme dans le total du chiffre d’affaires HT réalisé par le fonds de commerce concerné augmentant ainsi notablement le montant de l’indemnité d’éviction.

Confluence Habitat indique que l’expert a répondu sur ce point au dire du conseil de M. X en date du 29 septembre 2014, en indiquant que M. X n’avait communiqué aucun justificatif sur l’activité de kebab et que dans l’attestation de l’expert-comptable fournie par M. X, c’est M. X lui-même qui atteste de la ventilation du chiffre d’affaires kebab.

La cour relève que l’activité de vente au détail de kebab en 2009/2010 avant la location-gérance n’est pas pertinente, puisque l’indemnité d’éviction est calculée par l’expert sur les deux dernières années d’exploitation en 2011/2012 et 2012/2013.

Aucun document comptable ne permet de séparer l’activité kebab du reste de l’activité, de sorte que l’expert ayant retenu les résultats comptables du fonds les plus proches de la date de fermeture, l’activité de kebab est nécessairement incluse dans les chiffres d’affaires qui ont servis de base au calcul de l’indemnité d’éviction.

Cette demande sera rejetée.

3. Sur le montant de l’indemnité d’éviction principale

Il s’infère de tous ces éléments que le montant de l’indemnité d’éviction en principal retenu par la cour sera celle proposée par l’expert correspondant à la perte du fonds, après extension, soit la somme de 164 500€, correspondant à la moyenne des valeurs obtenues selon les 2 méthodes opérées par l’expert.

Sur les indemnités accessoires

Certaines indemnités fixées par le Tribunal, qui ne sont pas contestées, seront confirmées:

— frais de remploi : 10% de l’indemnité principale soit : 16 450€

— trouble commercial : 13 000€

— frais de licenciement : remboursés sur justificatifs.

Les frais de réinstallation ont été évalués par l’expert à la somme de 2 875€ pour la signalétique.

Ce montant est contesté par le locataire, qui indique qu’il a été omis par l’expert les frais de démontage et réinstallation du matériel frigorifique et de boulangerie ainsi que du matériel de surveillance, et de la pose de rideaux métalliques, selon deux devis de travaux de démontage et de réinstallation d’un montant de 51 100€ H.T et de 1 330€ H.T et un devis de fourniture et les frais de pose de 5 rideaux métalliques motorisés pour un montant de 24 195,08€, versés aux débats par M. X.

Confluence Habitat s’oppose à cette demande au motif que le locataire, en perdant son fonds, perd aussi le matériel, hors stock, qui est affecté au fonds.

Aux termes de l’article L.145-14 du code du commerce, le locataire évincé a droit aux frais de réinstallation, qui viennent s’ajouter à la valeur du fonds, tant dans l’hypothèse de la perte du fonds que dans celle de son transfert. Ces frais tiennent au coût d’aménagement de locaux indispensable pour les adapter à l’activité exercée, et non pas au matériel nécessaire à l’activité qui fait partie intégrante du fonds.

Il doit être tenu compte pour évaluer le préjudice subi par le locataire évincé des frais nécessaires à sa réinstallation, mais à proportion du degré d’amortissement des investissements réalisés. En raison de la vétusté des installations abandonnées dans le local faisant l’objet de l’éviction, ces frais doivent être évalués à la somme de 10 000€.

L’indemnité d’éviction s’élève donc à la somme totale de 203 950€ (164 500 + 16 450€ + 13 000€ + 10 000€) arrondie à 204.000€.

Sur les autres demandes

1. Sur la demande en dommages et intérêts pour comportement fautif du bailleur

M. X estime avoir été trompé par le courrier du bailleur lui notifiant congé pour le 11 septembre 2013 pour cause de démolition de l’immeuble, lui donnant une date manifestement erronée puisque les travaux de démolition n’ont toujours pas débuté, et ce dans le but de lui faire fermer son établissement pour le récupérer plus facilement et lui verser une indemnité moins élevée.

Il demande donc le remboursement des loyers versés du 11 mars 2013 jusqu’à la libération des locaux, durant 21 mois, soit la somme de 9 628,50€, ainsi que l’indemnisation du préjudice commercial subi à hauteur de 64 389,50€, correspondant au bénéfice qu’il aurait dû réaliser sur 21 mois.

Confluence Habitat s’oppose à ces demandes en exposant que :

— M. X a volontairement cessé son activité commerciale, du fait de la fin de la location-gérance qui avait été contractée le 1er mars 2011 pour une durée de deux ans,

— M. X a procédé volontairement à la restitution des locaux le 8 janvier 2015, soit plusieurs mois après la prise d’effet du congé ; il est donc resté occupant de ces locaux jusqu’à cette date et n’a reçu aucune contrainte de l’Office pour les quitter,

— M. X a assisté à toute l’expertise judiciaire qui s’est tenue pour évaluer ses locaux,

— M. X qui ne pouvait ignorer la loi, savait qu’il avait la possibilité de faire valoir son droit de rétention et de rester dans les lieux, tant que l’indemnité d’éviction n’avait pas été acquittée.

Elle conclut en outre que la somme réclamée au titre de l’indemnisation est fantaisiste.

La cour relève que M. X n’a pas contesté le congé, mais n’a restitué les locaux que le 8 janvier 2015.

S’il a cessé l’exploitation de son fonds de commerce, c’est du fait du contrat de location-gérance qui a pris fin, et qu’il n’a pas souhaité continuer à exploiter ou faire exploiter le fonds par un tiers, alors même qu’il n’était pas obligé de quitter les lieux avant d’avoir perçu l’indemnité d’éviction. Sa demande en indemnisation pour préjudice commercial sera donc rejetée.

Alors qu’il s’est maintenu dans les lieux au-delà du 11 mars 2013, M. X ne saurait reprocher aucune faute au bailleur qui est en droit de prétendre en contrepartie de l’occupation du local au paiement d’une indemnité d’occupation, et ce en application de l’article L.145-28 du Code du commerce.

Aucune indemnisation ne lui sera accordée de ce chef.

2. Sur la demande en restitution de 'loyers’ et dépôt de garantie

M. X sollicite la restitution du dépôt de garantie à hauteur de 1 375,50€ et un trop-versé de 'loyers’ pour 340,17€, soit la somme totale de 1 715,67€.

Confluence Habitat affirme que le dépôt de garantie de 1140,96€ lui a été restitué et qu’ayant exécuté les causes du jugement déféré, elle sollicite la restitution de la somme de 1 375,50€ indûment versée.

L’article VI -I du bail indique que le preneur s’est acquitté du versement du dépôt de garantie à hauteur de 1 140,96€, correspondant à trois mois de loyers et que ce dépôt de garantie variera en proportion du montant du loyer révisé, de manière à représenter à toute époque le montant de trois mois de loyer et sera remboursé au preneur, au plus tard trois mois après son départ.

M. X ne justifie pas avoir versé un complément de dépôt de garantie à chaque révision de loyer, de sorte que seule la somme de 1 140,96€ reste due.

Or Confluence Habitat justifie par le bordereau émanant de la recette de l’OPH de I que la somme de 1 140,96€ a été restituée à M. X par virement bancaire le 16 avril 2015, entraînant le débouté de cette demande.

Le dernier avis d’échéance adressé par Confluence-habitat – OPH de I à M. X le 28 février 2015 fait état d’un trop-versé d’indemnité d’occupation de 340,17€.

Confluence Habitat sera donc condamnée à payer cette somme à M. X.

Sur les autres demandes

L’indemnité accordée à M. X en première instance sera confirmée et il lui sera alloué en cause d’appel la somme complémentaire de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La demande d’indemnité procédurale formée par Confluence Habitat sera rejetée.

Les dépens d’appel resteront à la charge de Confluence Habitat, comme les dépens de première

instance comprenant les frais d’expertise.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement, à l’exception de ses dispositions ayant :

— Dit que les aménagements pratiqués par M. X ne sont pas de nature à le priver de tout droit à indemnité d’éviction sur le fondement de l’article L.145-14 du code de commerce,

— Débouté M. X de sa demande tendant à avoir constater dans l’évaluation de l’expert l’absence prétendue de prise en compte de divers frais pour un montant de 86 900,76 euros,

— Fixé le montant de l’indemnité d’éviction à la somme de 197 000 euros,

— Condamné la société Confluence Habitat à régler à M. X au titre de l’indemnité d’éviction, la somme de 197 000 euros,

— Débouté M. X de sa demande au titre de l’indemnité d’éviction pour le surplus,

— Condamné Confluence Habitat à rembourser à M. X la somme de 1 715,67 euros à titre de trop perçu de loyer et de remboursement de dépôt de garantie, outre intérêt légal à compter de la mise en demeure du 16 février 2015 ;

Statuant à nouveau,

DIT que le bailleur n’est pas autorisé à dénier au preneur tout droit à indemnité d’éviction, faute d’avoir respecté les dispositions de l’article L.145-17 du Code du commerce ;

FIXE le montant de l’indemnité d’éviction totale due à M. X à la somme de 204 000 euros, après avoir pris en compte les frais de réinstallation pour un montant de 10 000 euros ;

En conséquence,

CONDAMNE Confluence Habitat à régler à M. X au titre de l’indemnité d’éviction, la somme de 204 000 euros ;

CONDAMNE Confluence Habitat à rembourser à M. X la somme de 340,17 euros à titre du trop perçu d’indemnité d’occupation, outre intérêt légal à compter de la mise en demeure du 16 février 2015 ;

DÉBOUTE M. X de sa demande en remboursement du dépôt de garantie ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE Confluence Habitat à payer à M. X la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE Confluence Habitat aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 7 mars 2018, n° 16/14291