Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 8 novembre 2018, n° 18/04225

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Me Romain Rossi Landi · consultation.avocat.fr · 21 janvier 2019

Le gouvernement a mis en place des sanctions de plus en plus fortes pour les propriétaires qui ne respectent pas les règles de location courte durée, notamment à Paris. Mais ces propriétaires indélicats ont des moyens de se défendre et d'écoper d'une amende réduite. Ce n'est nouveau, les locations touristiques sont dans le collimateur des pouvoirs publics et de la Mairie de Paris. Le gouvernement a renforcé l'encadrement de ce secteur de l'économie collaborative avec des sanctions de plus en plus fortes pour les fraudeurs. A Paris, près de 2,1 millions d'euros d'amendes ont été infligés …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 8 nov. 2018, n° 18/04225
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/04225
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 20 décembre 2017, N° 17/57996
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2018

(n°546, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/04225 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5EMZ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Décembre 2017 -Président du TGI de PARIS – RG n° 17/57996

APPELANTE

SCI 20 SEVERIN Agissant en la personne de son gérant, domicilié audit siège

en cette qualité

[…]

[…]

Représentée par Me Christophe X de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Assistée par Me Lucien CALLIGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 303

INTIMEE

Commune VILLE DE PARIS prise en la personne de Madame la Maire de Paris, Madame Z A

HOTEL DE VILLE

[…]

Représentée par Me Fabienne DELECROIX de l’ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

Assistée par Me Charlotte GOMEZ, substituant Me Fabienne DELECROIX de L’ASSOCIATION DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R0229

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Octobre 2018, en audience publique, devant la Cour

composée de :

M. B C, Président

Mme Véronique DELLELIS, Présidente

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur B C dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme D E

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par B C, Président et par Aymeric PINTIAU, greffier.

Exposé du litige

La SCI 20 Séverin est propriétaire d’un immeuble sis 20, rue Saint-Séverin à Paris 5e qui comprend quatorze studios qu’elle a fait rénover. Elle a loué quatre d’entre eux pour de courtes durées à une clientèle de passage. Ces quatre appartements sont situés au 2e étage (lots 6 et 7 réunis) au 3e étage (lots 10 et 11 réunis et lot 13) et au 4e étage (lot n° 17).

Elle a conclu une convention avec la société JDS Appartement en date du 18 avril 2016 par laquelle elle a confié à cette société le nettoyage de ces quatre studios, l’établissement des états des lieux d’entrée et de sortie et leur mise en ligne sur les sites Airbnb.com et Booking.com.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 6 décembre 2016, les services de la mairie de Paris ont rappelé à la SCI 20 Séverin la réglementation en vigueur et lui ont demandé d’organiser une visite des lieux.

Cette visite a été effectuée le 10 janvier 2017 par un agent assermenté de la ville de Paris en présence du gérant de la SCI 20 Séverin. Cet agent a établi un constat d’infraction en date du 7 mars 2017.

Le 7 avril 2017, la SCI 20 Severin a déposé une demande d’autorisation de changement de l’affectation à usage d’habitation de trois logements situés dans l’immeuble sis […], correspondants aux lots 4, 9 et 13, afin de les louer à des fins touristiques.

L’autorisation lui a été accordée par décision du maire de Paris en date du 7 juillet 2017.

Par actes des 17 et 18 juillet 2017, la ville de Paris a fait assigner la SCI 20 Séverin et la société JDS Apartments devant le président du tribunal de grande instance de Paris qui, par quatre ordonnances contradictoires rendues en la forme des référés le 21 décembre 2017, a, pour chacun des 4 appartements correspondants aux lots 6 et 7 réunis, 10 et 11 réunis, 13 et 17 :

— constaté que la SCI 20 Séverin a enfreint depuis l’année 2010 et jusqu’au 3 janvier 2017 les dispositions de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation du fait du changement de destination de son appartement situé 20, rue Saint-Séverin à Paris 5e ;

— condamné la SCI 20 Séverin en conséquence au paiement d’une amende civile d’un montant de 20 000 euros ;

— condamné la SCI 20 Séverin aux dépens et à payer à la ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclarations en date du 23 février 2018, la SCI 20 Séverin a fait appel de toutes les dispositions de chacune de ces quatre ordonnances.

L’appel de l’ordonnance se rapportant au logement situé au 3e étage et correspondant aux lots 10 et 11 réunis a été inscrit au rôle des affaires en cours sous le numéro 18/4225.

Au terme de ses conclusions communiquées par voie électronique le 19 septembre 2018, la SCI 20 Séverin a demandé à la cour, sur le fondement de l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation, de :

— réformer l’ordonnance dont appel en son entier dispositif ;

— débouter la mairie de Paris de l’intégralité de ses réclamations ;

à titre subsidiaire,

— la condamner à un euro de dommages et intérêts symbolique pour les quatre appartements en cause ;

en tout état de cause,

— lui donner acte que la situation locative des quatre appartements est désormais parfaitement régulière ;

— condamner la mairie de Paris au paiement d’une indemnité de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître X.

La SCI 20 Severin a fait valoir en substance les éléments suivants :

— en vertu de l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation, la ville de Paris n’est habilitée à introduire des poursuites visant à obtenir la condamnation du propriétaire au paiement d’une amende qu’à la double condition qu’une infraction ait été constatée par l’un de ses agents et que le propriétaire en cause ait refusé de régulariser sa situation ; cette analyse est partagée par l’un des responsables du bureau de la protection des locaux d’habitation de la direction du logement et de l’habitat de la ville de Paris dans une lettre adressée à un conseil syndical ;

— elle ne se trouve pas dans le cas incriminé par l’article L 651-2 dès lors que : elle a commencé les locations incriminées avant la loi Alur qui a ajouté un alinéa à l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation, de sorte qu’elle est parfaitement de bonne foi ; elle a entamé spontanément des démarches afin de régulariser sa situation dès février 2016 au vu des campagnes d’information de la ville ; les services de la ville de Paris, à la suite de sa mise en demeure par lettre du 6 décembre 2016, ont été informés de ses démarches et les appartements litigieux ont été retirés du site Booking.com le 3 janvier 2017 ; en outre, sa demande de régularisation par changement de destination a été déposée le 3 avril 2017, soit avant l’assignation du 13 juillet 2017 ;

— le premier juge a retenu à tort que les locations illicites avaient commencé en 2010 alors qu’elles n’ont débuté qu’en décembre 2014 pour trois appartements et en juillet 2015 pour le quatrième ;

— le montant des amendes est disproportionné au vu du montant des travaux qu’elle a fait réaliser, de la somme qu’elle a versée afin d’être autorisée à changer la destination de trois lots, soit 85 200 euros TTC et des revenus qu’elle a reçus des locations prohibées, soit 1 767,45 euros en 2014, 15 954,93 euros en 2015 et 4 776,36 euros en 2016.

La ville de Paris, par conclusions transmises par voie électronique le 1er juin 2018, a demandé à la cour, sur le fondement des articles 492-1 du code de procédure civile, 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, L 631-7, L 632-1 et L 651-2 du code de la construction et de l’habitation modifiée par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, de :

— la dire recevable et bien fondée en ses conclusions ;

— confirmer l’ordonnance du 21 décembre 2017 qui a constaté l’infraction commise par la SCI 20 Séverin et condamné celle-ci à lui payer les sommes de 20 000 euros à titre d’amende et de 2 000 euros (les conclusions mentionnent par erreur 1 500 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la SCI 20 Séverin à lui payer en cause d’appel la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouter la SCI 20 Séverin de l’ensemble de ses réclamations.

La ville de Paris a exposé en résumé ce qui suit :

— la fraude à la loi sur la réglementation des meublés touristiques a des conséquences négatives importantes pour la ville de Paris et ses habitants : déséquilibre entre habitat et activité économique dans certains quartiers, nombreuses nuisances, concurrence déloyale aux hôteliers et hausse des prix pour les loyers et les ventes ;

— l’infraction est caractérisée, l’appartement ne constituant pas la résidence principale de son propriétaire et il a été proposé à la location de courte durée sur deux sites, booking.com et easy-paris-appartements.com ; il a donné lieu à 70 commentaires de clients entre le 2 décembre 2014 et le 30 novembre 2016 ; le gérant de la SCI a reconnu l’existence des locations de courtes durées à une clientèle de passage ;

— l’argumentation de la SCI ne saurait être retenue dès lors que le changement d’usage d’un local d’habitation est prohibé et soumis à autorisation préalable depuis la loi du 8 juin 1978 ; en outre, l’intention n’est pas un élément constitutif de l’infraction ;

— l’annonce sur booking.com aurait été désactivée le 3 janvier 2017 et la SCI n’a initié des démarches de régularisation que postérieurement au contrôle de la ville ; en outre, la régularisation n’était toujours pas acquise le jour de l’audience puisque l’autorisation définitive du changement d’usage du 7 juillet 2017, qui, au demeurant, ne porte pas sur tous les lots, était subordonnée au paiement de la compensation et le paiement de celle-ci n’est pas justifié ;

— le montant de l’amende doit être fixé en considération des éléments suivants : il a été constaté que l’infraction dure depuis le 2 décembre 2014 ; la SCI a reconnu avoir donné quatre appartements en location pour de courtes durées depuis 2010 ; depuis le 2 décembre 2014, le gain peut être estimé à 74 520 euros sur les bases d’un tarif moyen de 138 euros/nuit et d’un taux d’occupation de 75 % conformément à l’étude APUR sur les locations saisonnières sur les locations meublées de courte durée à Paris ; le loyer est de 4 140 euros (30 nuits x 138 euros) pour une surface de 26 m² soit 159,23 euros/m²/ mois alors que le loyer de référence est de 29,30 euros/m²/mois ; le montant de la compensation nécessaire pour obtenir l’autorisation de changement d’usage du local d’habitation et pouvoir exercer une activité d’hébergement hôtelier est de 21 600 euros ; le relevé de réservation

atteste d’un nombre très important de locations irrégulières : 444 locations en 2016.

SUR CE LA COUR,

En vertu de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation, le changement d’usage d’un local destiné à l’habitation dans les communes de plus de 200 000 habitants est soumis à autorisation préalable.

Selon ce texte, constituent des locaux à usage destiné à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L 632-1. Pour l’application de cette disposition, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve.

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 a ajouté à cet article un alinéa aux termes duquel le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.

En vertu de l’article L 631-7-1 A, lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L 631-7 n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

L’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, était rédigé comme suit :

« Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende de 25 000 euros.

Cette amende est prononcée à la requête du ministère public par le président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble, statuant en référé ; le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est située l’immeuble.

Le président du tribunal ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile des locaux irrégulièrement transformés. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé l’immeuble.

Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires."

En vertu de l’article 59 de la loi n° 2016-1547 entrée en vigueur le 20 novembre 2016, l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation a été modifié comme suit :

« Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune

dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1 000 € par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé."

Cet article, en ce qu’il prévoit que l’amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure, est applicable immédiatement aux situations en cours.

Il résulte également de l’application immédiate aux situations en cours des dispositions de procédure de la loi n° 2016-1547 que la ville de Paris est recevable à agir à l’encontre de la SCI 20 Severin au titre de faits pour partie antérieurs au 20 novembre 2016.

En ce qui concerne l’affectation du bien à usage d’habitation au 1er janvier 1970, elle est établie à suffisance de droit par la production aux débats de la déclaration de modèle R applicable aux immeubles collectifs en date du 24 avril 1971, dans laquelle il est indiqué que tous les locaux situés au 3e étage de l’immeuble sont affectés à l’habitation et elle n’est pas contestée par l’appelante.

En ce qui concerne la mise en location de ce bien pour de courtes durées à une clientèle de passage, elle est démontrée par le rapport d’enquête établi en date du 7 mars 2017 par Mme Y, agent assermenté de la ville de Paris, qui a relevé que le bien était proposé pour ce type d’usage sur les sites booking.com et easy-paris et qu’il a donné lieu à 70 commentaires entre le 2 décembre 2014 et le 30 novembre 2016. Elle est également reconnue par la SCI 20 Severin.

La ville de Paris justifie également que les faits se sont poursuivis postérieurement au 20 novembre 2016, date de l’entrée en vigueur de la loi 2016-1547, puisqu’il ressort du rapport d’enquête que l’agent assermenté a constaté la présence dans l’appartement en cause le 1er décembre 2016 d’un couple lui ayant déclaré l’avoir loué pour quatre nuits sur le site booking.com.

Ce point n’est pas non plus contesté par la SCI 20 Séverin, qui indique que le studio en cause a été retiré de ce site le 3 janvier 2017.

La SCI 20 Séverin conteste cependant encourir une condamnation sur le fondement de l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation au motif qu’elle aurait régularisé la situation mais son interprétation de cet article, selon laquelle celui-ci subordonnerait le prononcé d’une sanction à la double condition qu’une infraction a été constatée et que le propriétaire a en outre refusé de régulariser sa situation, ne saurait être suivie.

L’article L 651-2, en ce qu’il vise « toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article », doit être compris, au regard de son libellé et du système dans lequel il s’insère, comme permettant de sanctionner les personnes qui ont enfreint les dispositions de l’article L 631-7 en procédant à un changement de la destination d’un bien à usage d’habitation sans autorisation ainsi que celles qui n’ont pas respecté les conditions auxquelles un changement de destination a été autorisé.

Le fait que l’interprétation de l’article précité que la SCI 20 Severin a défendue dans cette instance pourrait sembler corroborée par un message adressé à un conseil syndical par l’adjoint au chef du bureau de la protection des locaux d’habitation de la ville de Paris ne saurait mettre en cause l’analyse

qui précède, un tel message qui, au demeurant, ne lui était pas destiné et ne se rapportait pas à sa situation, n’ayant pas en lui-même de valeur juridique et ne pouvant primer le sens clair et précis de la loi.

Il s’ensuit qu’il est établi que la SCI Séverin a enfreint les dispositions de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation en ce qui concerne l’appartement litigieux et que les faits se sont poursuivis à compter du 20 novembre 2106, de sorte que le montant maximal de l’amende qu’elle encourt est celui prévu par la loi du 18 novembre 2016, soit 50 000 euros.

Cette amende doit être fixée en fonction de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la législation dont elle vise à garantir le respect, soit maintenir le nombre de locaux d’habitation dans une ville comme Paris où il existe une grande disparité entre l’offre et la demande de logements à la location, des revenus procurés par les locations illicites et de la bonne foi dont l’intéressé a fait preuve.

Dans l’affaire examinée, la SCI 20 Séverin soutient qu’elle est de bonne foi en ce qu’elle aurait décidé de faire l’usage prohibé de l’appartement litigieux avant l’adoption de la loi Alur du 24 mars 2014, laquelle a ajouté à l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation un alinéa aux termes duquel le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.

Mais cette argumentation ne saurait constituer une preuve de sa bonne foi dès lors que les locations illicites se sont poursuivies après l’entrée en vigueur de cette loi. En outre, l’alinéa ajouté à l’article L 637-1 du du code de la construction et de l’habitation ne constitue qu’une précision apportée à la législation préexistante, en vertu de laquelle ce type d’usage constituait déjà un changement de destination prohibé.

En outre, la demande d’autorisation de changement de destination déposée par la SCI 20 Severin au mois d’avril 2017 ne concernait pas cet appartement.

La SCI 20 Severin justifie cependant que la régularisation de la situation le concernant est intervenue avec la conclusion d’un bail d’une année renouvelable par contrat conclu le 22 juin 2017, soit antérieurement à son assignation devant le premier juge.

Il ressort également de son dossier qu’elle a confié sa gestion à la SA In Extenso à compter de l’année 2011 et déclaré les revenus locatifs produits par l’appartement en cause.

En ce qui concerne le montant des loyers perçus, aucun élément ne permet de mettre en cause la sincérité de l’état établi par cette société comptable, selon lequel la location de l’appartement litigieux n’a généré des revenus qu’à compter de l’année 2014 et jusqu’en 2016 pour les montants suivants : 1 800 euros en 2014, 20 173 euros en 2015 et 16 305 euros en 2016.

La SCI 20 Severin justifie, en outre, avoir fait réaliser des travaux dans le studio litigieux destinés à permettre sa location et dont le montant s’est élevé à 8 454,53 euros.

Il ressort, enfin, de l’état établi par la société In Extenso que, déduction faite des charges et des honoraires de gestion, le revenu obtenu par la SCI 20 Séverin au titre de la location illicite de l’appartement litigieux s’est élevé à 29 063,95 euros.

En considération de tous ces éléments, l’amende fixée par le premier juge s’avère excessive.

L’ordonnance attaquée sera donc infirmée en ce qu’elle a condamné la SCI 20 Severin à payer une amende de 20 000 euros et, statuant à nouveau de ce chef, elle sera condamnée à payer à la ville de Paris une amende de 8 000 euros.

Le premier juge a fait une application équitable de l’article 700 du code de procédure civile et fondée de l’article 696 du même code, de sorte que l’ordonnance attaquée doit aussi être confirmée de ces chefs.

En cause d’appel, la ville de Paris, dont la demande est rejetée, devra supporter les dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 699 du même code, Maître X pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME l’ordonnance rendue le 21 décembre 2017 par le président du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’elle a condamné la SCI 20 Séverin à payer une amende civile de 20 000 euros ;

statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la SCI 20 Séverin à payer à la ville de Paris une amende de 8 000 euros ;

ajoutant à celle-ci,

CONDAMNE la ville de Paris aux dépens et dit que Maître X pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Le Greffier,

Le Président,



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