Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 12 avril 2018, n° 15/17862

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRÊT DU 12 AVRIL 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/17862 jonction avec le RG 15/18082

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juillet 2015 -Tribunal d’Instance de PARIS 9e arrondissement – RG n° 11-15-000250

APPELANTE

Madame Z Y

Née le […] à ALGER

[…]

[…]

Représentée par Me Virginie BOURDOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0204

INTIMEE

Madame A X

[…]

[…]

Représentée par Me D-E F, avocat au barreau de PARIS, toque : D0409

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M Daniel FARINA, Président de chambre

M Philippe JAVELAS, Conseiller

Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme B C

ARRÊT :- CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M Daniel FARINA, président et par Mme Sophie LARDOUX, greffière présente de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé en date du 13 février 2009, Madame Z Y a consenti à Madame A X un bail à usage d’habitation pour un appartement d’une superficie de 24 m[…] à PARIS 9e.

Par mise en demeure du 20 janvier 2015, Madame X a demandé à Madame Y de changer le sanibroyeur tombé en panne, puis elle l’a fait à sa place en compensant sur le paiement du loyer en cours. Par acte du 20 janvier 2015, Madame Y a fait délivrer commandement de payer à Madame X.

Par assignation en date du 9 mars 2015, Madame Y a fait citer Madame X devant le Tribunal d’instance de PARIS 9e pour obtenir la résiliation du bail, l’expulsion sous astreinte de Madame X et sa condamnation à lui payer l’arriéré locatif de 630 € au mois de février 2015, une indemnité d’occupation fixée à 1.000 €, une somme de 5.000 € pour comportement abusif et celle de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

En défense Madame X a sollicité le débouté et reconventionnellement demandé la condamnation de Madame Y à lui payer la somme de 2.367,24 € au titre de son obligation de garantie, celle de 5.000 € pour comportement abusif et celle de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 17 juillet 2015, le Tribunal d’instance de PARIS 9e a condamné Madame A X à payer à Madame Z Y la somme de 737,24 € au titre des loyers impayés en février et mars 2015 inclus, a rejeté le surplus des demandes et a condamné Madame X aux dépens.

La Cour est saisie de l’appel interjeté par Madame Y à l’encontre de ce jugement selon déclaration en date du 30 août 2015, réitérée le 3 septembre 2015. Les instances RG 15/17862 et RG15/18082 ont été jointes.

Au dispositif de ses conclusions d’appel notifiées par la voie électronique le 14 mars 2016, Madame Y sollicite de la Cour, au visa des articles 2 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 et 1184, 1382 et 1728 du code civil, qu’elle :

— Reçoive en la forme son appel et le dise parfaitement justifié au fond, en conséquence ;

— Infirme la décision dont appel ;

— Prononce la résiliation du bail portant sur un logement sis […] à PARIS 9e;

— Ordonne l’expulsion de Madame X et celle de tous occupants de son chef, avec au besoin le concours de la force publique, sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir ;

— Condamne Madame X à lui payer 1.000 € par mois, indexés sur l’indice du coût de la construction, à titre d’indemnité d’occupation, depuis le jour où le jugement sera passé en force de chose jugée, jusqu’à l’expulsion ;

— Condamne Madame X à lui payer la somme de 5.000 € pour comportement abusif ;

— Condamne Madame X à lui payer la somme de 1.500 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— Confirme la décision dont appel en ce qu’elle a condamné Madame X à lui payer la somme de 737,24 € au titre du loyer et provision pour charges pour le mois de février et mars 2015, ainsi qu’aux entiers dépens ;

— Dise , dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions d’intimée comportant appel incident notifiées par voie électronique le 28 janvier 2016, Madame X sollicite de la Cour, au visa des articles 6 de la loi du 6 juillet 1989, 1147 et 1315 du Code Civil et L.631-7-2 du Code de la construction et de l’habitation

, qu’elle :

— Confirme le jugement en ce qu’il a refusé de résilier le bail tant pour non-paiement des loyers qu’en raison de la compensation effectuée avec le prix de remplacement d’un sanibroyeur,

— Confirme le jugement en ce qu’il a confirmé que la domiciliation commerciale au domicile personnel de la gérante, ne contrevient pas aux règles des baux d’habitation,

— Condamne Madame Y à rembourser la somme de 737,24 € au titre du remplacement du sanibroyeur, dépense incombant au propriétaire,

— Condamne Madame Y à lui payer la somme de 590 € au titre de l’impossibilité d’utilisation de l’appartement pendant un mois,

— Condamne Madame Y à lui payer la somme de 2.000 € pour procédure abusive,

— Condamne Madame Y à payer la somme de 2.000 €en application de l’article 700 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître D-E F en application de l’article 699 du Code de procédure civile,

— Condamne Madame Y aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2018.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la demande en résiliation du bail pour fautes contractuelles formée par Madame Y

Il résulte des dispositions des articles 1217 et 1224 du Code civil – anciennement article 1184 – que le bailleur peut solliciter la résiliation judiciaire du contrat de location en cas de manquement par le locataire à ses obligations.

Aux termes des articles 1728 du Code civil et de l’article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989, repris au contrat de bail en sa clause VIII-2 , le locataire doit user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location. Le titre du bail est coché en 'bail d’habitation principale' et non pas en 'bail professionnel et habitation principale'.

Pour l’infirmation du jugement, Madame Y fait valoir que Madame X a modifié la destination du logement en y exerçant une activité commerciale de pâtisserie et en apporte pour preuves l’extrait de registre du commerce qui domicilie cette activité au lieu du bail depuis le 1er septembre 2011, précision étant donnée qu’elle a eu des salariés, et sa publicité sur 'Facebook’ pour 'Lola Cupcakes’ qui précise qu’elle vend par commandes supérieures à 10 pièces lesquelles 's’enlèvent à Paris 9e'.

Elle souligne que l’attestation du gérant du Bar Yono qui met sa cuisine ponctuellement à sa disposition ne contredit pas ce fait ainsi établi d’un commerce artisanal à domicile.

Madame X rétorque que l’article L.631-7-3 du Code de la construction et de l’habitation autorise l’élection du siège social d’une société au domicile du gérant, que son activité s’exerce 37 rue Vieille du Temple dans le 4e arrondissement, à un rythme ludique et accessoire dès lors qu’elle est salariée à temps plein chez REGUS, ce qui contredit une violation de la destination des lieux.

Sur ce, en application de l’article L.123-10 du Code de commerce, 'Les personnes physiques demandant leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers doivent déclarer l’adresse de leur entreprise et en justifier la jouissance…(Elles) peuvent déclarer l’adresse de leur local d’habitation et y exercer une activité, dès lors qu’aucune disposition législative ou stipulation contractuelle ne s’y oppose. Lorsqu’elles ne disposent pas d’un établissement, les personnes physiques peuvent, à titre exclusif d’adresse de l’entreprise, déclarer celle de leur local d’habitation. Cette déclaration n’entraîne ni changement d’affectation des locaux, ni application du statut des baux commerciaux

.'

Il en découle que Madame X était en droit de domicilier comme locataire son activité artisanale à son domicile d’habitation.

Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 631-7-3 du code de la construction et de l’habitation autorisent l’exercice d’une activité professionnelle y compris commerciale 'dans une partie du local à usage d’habitation

' dès lors que cette activité n’est exercée que par l’occupant dans ce local et ne

conduit à y recevoir ni clientèle ni marchandises et à la condition qu’aucune stipulation contractuelle du bail ou du règlement de copropriété ne s’y oppose.

En l’espèce, Madame X ne peut cependant se prévaloir de cette faculté, en dépit du fait que son bail se borne à viser le régime de la loi du 6 juillet 1989 sans clause particulière d’usage exclusif d’habitation bourgeoise, dès lors que le logement loué ne comporte qu’une seule pièce, ce qui la conduirait à exercer son activité dans la totalité du studio et à en changer la destination, ce qu’elle ne peut faire sans autorisation du bailleur.

Ceci étant, il incombe à Madame Y de rapporter la preuve que l’activité commerciale s’exerce réellement dans le logement. Or, la seule évocation sur les réseaux sociaux d’un enlèvement de marchandises dans le 9e arrondissement, sans plus de précision, et en l’absence d’éléments de corrélation comme des constats d’huissier, attestations ou doléances éventuelles de voisins sur des nuisances ou allées et venues, ne suffit pas à apporter la preuve d’une telle activité sur site. Ce grief ne peut donc être retenu, ainsi que l’a justement indiqué le premier juge.

Madame Y se plaint également de l’absence de paiement de loyer en compensation non autorisée du coût du remplacement du sanibroyeur tombé en panne en janvier 2015, soit pour une somme supérieure à un mois de loyer, ce qui est une violation grave de l’obligation contractuelle principale de la locataire ; elle plaide que l’usure relevée par le réparateur, qu’elle conteste au

demeurant comme non contradictoire, révélerait en tout état de cause un usage anormal de la locataire, dont le coût doit lui incomber, outre qu’elle aurait dû souscrire un contrat d’entretien pour cet appareil conformément à la clause VIII-5 du bail.

Pour l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de compensation, Madame X plaide que la réparation ou le remplacement de cet élément d’équipement était une obligation incombant au bailleur en exécution de l’article 6 de la loi susvisée tant au titre de la garantie des vices cachés qu’au titre de la décence dès lors qu’un logement privé de toilettes d’aisance et d’évacuation des eaux de douche caractérise l’indécence prohibée et que par ailleurs le remplacement d’un élément de sanibroyeur ne constitue pas une réparation locative.

Sur ce, en application des dispositions de l’article 1732 du Code civil le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant la jouissance à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

Madame X ne démontrant pas que le sanibroyeur changé en cours de bail est tombé en panne sans sa faute, il lui incombe de supporter la charge de son remplacement sans qu’il soit besoin d’examiner le détail de son argumentation.

C’est donc de manière fautive qu’elle a cessé de régler son loyer en février et mars 2015, en considérant à tort que le logement était devenu inhabitable du fait de la carence de Madame Y. Cependant, cette faute, qui repose sur une question nécessitant arbitrage du juge, n’est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail dès lors que la somme a finalement été réglée. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Madame Y de sa demande de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Madame Y.

Le défaut de paiement assumé et les exigences agressives de Madame X fondées sur des interprétations erronées de la loi ont causé un préjudice à Madame Y qui a dû délivrer deux commandements de payer et entamer une procédure en référé et une procédure au fond pour une somme assez faible justifie l’allocation d’une somme de 1.200 € à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par Madame X

Madame X succombant dans ses moyens de défense, ses demandes formées au titre du remboursement des frais d’installation et fourniture d’un sanibroyeur et de l’impossibilité d’habiter le logement entre la panne et la réparation, seront rejetées par voie de conséquence.

De la même façon elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour action abusive.

Sur le surplus

Le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

En considération de l’équité, Madame X sera condamnée à payer à Madame Y la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et déboutée de sa propre demande de ce chef. Madame X qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement,

CONFIRME le jugement du Tribunal d’instance de PARIS 9e en date du 17 juillet 2015 sauf en ce qu’il a débouté Madame Y de sa demande de dommages et intérêts complémentaires ;

Statant de nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE Madame A X à payer à Madame Z Y la somme de 1.200 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame A X à payer à Madame Z Y la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE Madame A X aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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