Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 3 mai 2018, n° 16/21744
Chronologie de l’affaire
Sur la décision
Référence : | CA Paris, pôle 4 - ch. 3, 3 mai 2018, n° 16/21744 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
Numéro(s) : | 16/21744 |
Décision précédente : | Tribunal d'instance de Paris, 17 octobre 2016, N° 11-16-000158 |
Dispositif : | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Daniel FARINA, président
- Avocat(s) :
- Parties :
Texte intégral
Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 3
ARRÊT DU 03 MAI 2018
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 16/21744
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2016 -Tribunal d’Instance de PARIS 17e arrondissement – RG n° 11-16-000158
APPELANTE
[…]
N° SIRET : 508 828 308 00025
[…]
[…]
Représentée par Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909
INTIMES
Monsieur D X
Né le […] à […]
[…]
[…]
Madame E F épouse X D
Née le […] à CASABLANCA
[…]
[…]
Représentés par Me Michel LAURET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1232
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Daniel FARINA, Président
M. G H, Conseiller
Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur M. G H dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme I J
ARRET : CONTRADICTOIRE
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par M. Daniel FARINA, président et par Mme I J, greffier présente lors de la mise à disposition.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé du 16 janvier 2009 à effet au 22 janvier 2009, la […] a donné à bail à M. et Mme X un appartement dépendant d’un immeuble […]
Par acte d’huissier de justice du 28 avril 2014, la […] a fait délivrer à ses locataires un congé pour reprise à effet au 22 janvier 2015, au bénéfice de Mme Y, gérante de la SCI bailleresse.
Les époux X s’étant maintenus dans les lieux après la date d’effet du congé, la […] les a fait assigner, par acte d’huissier de justice du 25 mars 2015, devant le juge des référés du tribunal d’instance du 17e arrondissement de Paris en validation du congé et expulsion.
Par ordonnance de référé du 11 juin 2015, le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
La […], après avoir fait délivrer un commandement de payer à ses locataires, les a à nouveau assignés devant le juge des référés du tribunal d’instance du 17e arrondissement en résiliation du bail par accquisition de la clause résolutoire et expulsion par acte d’huissier de justice du 5 janvier 2016.
Par ordonnance de référé du 4 mai 2016, le tribunal d’instance a débouté la SCI DE NARCISSE de sa demande d’acquisition de la clause résolutoire et dit n’y avoir lieu à référé sur la demande en constatation de la résiliation du bail ainsi que sur les demandes accessoires.
Par acte d’huissier de justice du 15 février 2016, la […] a fait assigner les époux X au fond en validation du congé délivré le 28 avril 2014 et expulsion.
Par jugement contradictoire et assorti de l’exécution provisoire du 18 octobre 2016, le tribunal d’instance a pour l’essentiel :
— dit que le congé délivré le 28 avril 2014 était nul pour défaut de caractère réel et sérieux du motif de reprise indiqué,
— débouté la […] de ses demandes accessoires en paiement d’une indemnité d’occupation, en libération des lieux sous astreinte, expulsion, séquestre des meubles,
— condamné M. et Mme X à payer à la […] une somme de 600 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
— débouté les époux X de leur demande indemnittaire faute d’intention de nuire de la […],
— condamné la […] à payer aux époux X une somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à la délivrance de quittances d’indemnité d’occupation au lieu de de loyer, de demande infondée d’accès aux lieux,
— condamné la […] aux dépens de l’instance et à payer aux époux X une indemnité de 1 300 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
La […] a relevé appel de cette décision le 30 octobre 2016.
Dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 28 février 2018, la SCI appelante demande à la Cour de :
— infirmer le jugement du 18 octobre 2016 en ce qu’il a refusé de faire droit à la demande de résiliation du contrat de bail pour motifs légitimes et sérieux,
— dire M. et Mme X occupants sans droit ni titre,
— ordonner la libération des lieux et la remise des clefs,
— ordonner l’expulsion de M. et Mme X et de tous occupants de leur chef avec, au besoin, l’assistance de la force publique,
— dire que l’expulsion pourra intervenir sans délai à compter de la signification du commandement d’avoir à libérer les locaux, en application de l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution,
— ordonner l’enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués en un lieu approprié aux frais, risques et périls des époux X,
— condamner les époux X à payer à la […] une indemnité d’occupation de 4 292 euros par mois, de la résiliation jusqu’à la libération des locaux et la restitution des clés, indemnité à indexer selon les clauses du contrat résilié,
à titre subsidiaire
— relever le retard systèmatique dans le versement des loyers,
— relever l’utilisation du bail d’habitation à des fins professionnelles non autorisées par le contrat de bail,
en conséquence
— ordonner l’expulsion de M. et Mme X et de tous occupants de leur chef avec, au besoin, l’assistance de la force publique,
— dire que l’expulsion pourra intervenir sans délai à compter de la signification du commandement d’avoir à libérer les locaux, en application de l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution,
— ordonner l’enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués en un lieu approprié aux frais, risques et périls des époux X,
— condamner les époux X à payer à la […] une indemnité d’occupation de 4 292 euros par mois, de la résiliation jusqu’à la libération des locaux et la restitution des clés, indemnité à indexer selon les clauses du contrat résilié,
en tout état de cause
— condamner les époux X aux dépens qui comprendront le coût de l’assignation,
— condamner les époux X au remboursement de la somme de 5 286, 74 euros au titre de l’indemnité de retard (retards récurrents cumulés),
— condamner les époux X à payer à la […] une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Les époux X, intimés et appelants à titre incident, dans le dispositif de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 février 2018, demandent à la Cour de :
— confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant
— dire que la gérante de la […] n’a aucune intention réelle d’habiter les lieux,
— déclarer frauduleux le congé délivré le 28 avril 2014,
— condamner la […] à payer aux époux X une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour intention de nuire, et une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral,
— dire que la […] manque à son obligation d’entretien du logement loué aux consorts X,
— condamner en conséquence la […] à rembourser aux époux X une somme de 697, 40 euros au titre de la facture réglée auprès de la société RAPDI CLE en paiement du changement du cylindre de la serrure de la porte palière,
en tout état de cause
— condamner la […] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,
— condamner la […] à payer aux époux X une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 1er mars 2018.
MOTIFS DE LA DECISION
I) Sur la validité du congé pour reprise délivré le 28 avril 2014 à ses locataires par la […]
La SCI bailleresse fait grief au premier juge d’avoir déclaré nul le congé pour reprise litigieux.
Elle fait valoir que :
— le congé litigieux est régulier et doit être validé,
— il résulte, en effet, de la jurisprudence de la Cour de cassation que la loi du 6 juillet 1989 n’impose pas au bailleur qui donne un congé pour reprise de justifier du besoin de logement du bénéficiaire de la reprise et le congé aux fins de reprise n’est pas subordonné à l’existence d’un tel motif,
— le congé litigieux mentionne le motif allégué, ainsi que les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise,
— les époux X sont mal fondés à faire valoir que la bailleresse ne justifie ni du caractère familial de la structure ni de la qualité d’associée de Mme Y, le gérant d’une SCI familiale ayant nécessairement la qualité d’associé,
— la propriété de Mme Y est un gîte de tourisme, qu’elle n’a pas le droit d’occuper à titre de résidence principale contrairement aux chambres d’hôtes ; dès lors, Mme Y pouvait parfaitement venir s’installer à Paris, faire des allers et retours pour accueillir ses locataires ou déléguer cette tâche à une personne habitant sur place,
Les époux X, qui concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a annulé le congé litigieux, répliquent que :
— le siège social du bailleur figurant sur le congé est manifestement inexact, et le caractère erroné de l’adresse de la SCI cause un dommage aux époux Z, qui ne peuvent signifier les actes de procédure,
— de même, l’adresse du bénéficiaire de la reprise, Mme Y, est inexacte : Mme Y a souhaité dissimuler sa véritable adresse à laquelle elle exploite un gîte de tourisme, ce qui la contraint à y demeurer à plein temps,
— la […] n’a pas justifié du caractère réel et sérieux du motif de la reprise pour y habiter et ne peut se contenter, aux termes des nouvelles dispositions de la loi ALUR, dont la loi du 6 août 2015 à précisé qu’elles étaient d’application immédiate, d’indiquer sur le congé que la reprise est faite pour habiter,
— les dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ne peuvent être invoquées que si le bailleur est une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, par la société au profit de l’un des associés et le congé litigieux n’apporte aucune précision ni sur le caractère familial de la […] ni sur la qualité d’associée de Mme Y ; cette absence de précision a causé un grief aux époux X qui n’ont pu vérifier la régularité et la sincérité du congé,
— le congé est manifestement frauduleux dès lors que Mme Y gère et exploite un gîte de tourisme et que cette activité professionnelle et commerciale est en totale contradiction avec sa nouvelle adresse parisienne,
— le 31 janvier 2017, les consorts X ont reçu un courrier d’une étude notariale précisant que la […] entendaient vendre l’appartement occupé par les époux X, ce qui a été confirmé par la signification aux intimés d’un congé pour vendre par acte d’huissier de justice du 12 avril 2017 et démontre le caractère frauduleux du congé pour reprise délivré par la […].
Sur ce
L’article15-1 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, applicable en l’espèce s’agissant d’un congé délivré après l’entrée en vigueur de cette loi, dispose :
'Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.'
[…]
En l’espèce, la […] a fait délivrer aux époux X un congé pour reprise au bénéfice de Mme Y, gérante de la SCI, par acte d’huissier de justice du 28 avril 2014.
Les époux X soutiennent, comme devant le premier juge, que le congé qui leur a été délivré est entaché d’irrégularités formelles et encourt la nullité en ce qu’il ne précisait pas le caractère familial de la […], ainsi que la qualité d’associée de Mme Y, et qu’ainsi ils n’ont pas été à même de vérifier la régularité, la réalité et la sincérité du congé.
Cependant, ainsi que le premier juge l’a relevé à bon droit, le grief causé par ces vices de forme aux époux X n’est pas démontré, dès lors qu’ils ont été à même d’organiser leur défense et de faire valoir leurs droits en contestant le caractère réel, sérieux et légitime du motif du congé invoqué, et qu’ils avaient connaissance, selon les actes versés à la procédure, tant de l’adresse de Mme Y, que du nom d’usage de cette dernière – Le Grevellec – qui est celui de l’autre associé et, partant, du lien de famille et donc du caractère familial de la […], lui permettant de délivrer un congé pour reprise.
La […], appelante, fait grief au premier juge d’avoir annulé le congé litigieux au motif que la bailleresse ne justifiait pas d’un motif sérieux et légitime.
A cet égard, il résulte des dispositions de la loi modifiée telles que rappelées ci-avant, que, lorsque le bailleur donne congé à son locataire pour reprendre le logement, il doit désormais justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise, la validité du congé pour reprise ne pouvant plus se satisfaire de la seule manifestation par le bailleur de sa volonté de reprendre.
La […] mentionne deux jurisprudences de la Cour de cassation et dont il ressort que le bailleur qui donne congé pour habiter n’est pas tenu de justifier du besoin de logement du bénéficiaire de la reprise et que le congé pour reprise est distinct du congé pour motif réel et sérieux et n’est pas subordonné à l’existence d’un tel motif. Toutefois, ces décisions, parce qu’adoptées sous l’empire de l’ancienne législation, ne sont pas transposables à la présente instance.
En l’espèce, pour justifier du caractère sérieux et légitime de sa volonté de reprendre l’appartement occupé par les époux X pour y établir sa résidence, la […] expose à la Cour que Mme Y, gérante de la SCI et à la retraite depuis le 1er novembre 2005, comme elle en justifie, souhaitait, au moment où le congé a été délivré, au mois d’avril 2014, pouvoir s’établir durablement en région parisienne pour sa retraite, sans être contrainte d’être hébergée par sa mère.
La […], au soutien de ses allégations, produit une attestation de la mère de Mme Y indiquant qu’elle est contrainte d’héberger sa fille sur un canapé, n’ayant d’autre couchage à lui proposer, lors de chacun de ses déplacements dans la région parisienne.
Le motif invoqué par la […] – souhait de sa gérante, Mme Y, qui demeure dans l’Aveyron, d’établir sa résidence à Paris – ne constitue pas un "motif sérieux et légitime" au sens de la loi modifiée du 6 juillet 1989, en ce que, s’agissant d’un motif de pure convenance personnelle, il s’analyse comme une simple manifestation de volonté de la bailleresse qui ne répond pas aux exigences que la loi nouvelle fait peser sur le bailleur.
Au surplus, les éléments de la cause laissent planer un doute sur la réalité et la sincérité du motif invoqué.
En effet, il ressort des pièces de la procédure que Mme Y, gérante de la […], était propriétaire et gérait, au moment de la délivrance du congé, le « manoir Sainte Tarcisse », au lieudit le Petit Versailles à Mouret (12330) dans l’Aveyron, proposant à la location un gîte de 145 mètres carrés, ouvert toute l’année et disposant de deux salles de 150 mètres carrés pour les réunions ou évènements familiaux. Ces locaux sont éclarés comme " résidence secondaire« aux services des impôts et les pièces versées aux débats par l’appelante – chèque bancaire – font apparaître, que Mme Y réside à A, » chez M. B".
Même si cette propriété ne constitue pas, comme le fait valoir l’appelante, une résidence comportant des chambres d’hôtes qui impliquerait nécesssairement que Mme Y réside sur place, mais un « meublé de tourisme » ou gîte rural, et qu’il n’est pas impossible à la gérante de déléguer l’accueil et le suivi de la clientèle à une tierce personne, dès lors qu’elle aurait établi sa résidence principale dans l’appartement occupé par les époux X, l’exploitation de ce gîte rural dans une province éloignée de la capitale rend invraisemblable le motif allégué et conduit à douter de la volonté sincère de Mme Y d’occuper les lieux.
D’autant plus que l’étude notariale Delouis et C a fait parvenir aux époux X un courrier daté du 31 janvier 2017, les informant que la […] avait pris la décision de vendre l’appartement occupé et que ce courrier a été suivi d’un congé pour vendre signifié le 12 avril 2017.
Même si ce congé ne peut démontrer à lui seul que Mme Y n’a jamais eu l’intention et la volonté sincère d’habiter dans l’appartement occupé par les époux X, le motif sérieux et légitime du congé pour reprise devant s’apprécier à la date de délivrance du congé litigieux, soit en avril 2014 et les projets de Mme Y ayant pu évoluer en trois ans, il constitue néanmoins un élément, qui ajouté à celui évoqué dans le paragraphe précédent, et situé dans le contexte, laisse accroire que Mme Y poursuivait déjà, en avril 2014, une autre fin que la reprise pour habiter des lieux donnés à bail.
Compte tenu de ces éléments qui viennent s’ajouter à une absence de justification du congé par la bailleresse au sens de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 modifiée, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré nul le congé pour reprise délivré aux époux X le 28 avril 2014.
II) Sur la demande de résiliation du bail formée à titre subsidiaire par la […]
La […] sollicite la résiliation judiciaire du bail au motif que les locataires ont fait preuve de retard systèmatique dans le règlement de leurs loyers, et ne respectent pas la destination du bail à usage exclusif d’habitation, Mme X ayant domicilié son agence au […], dans les lieux loués.
Les époux X, intimés, répliquent que :
— les retards de paiement invoqués ne leurs sont pas imputables, l’encaissement des loyers se faisant par un intermédiaire, le cabinet Burger, qui gère la location et qui, après avoir encaissé le produit des loyers, le reverse à la bailleresse,
— il n’existe, dans le bail, aucune clause résolutoire visant un non-respect de la destination des lieux à usage d’habitation principale et l’enseigne « James Immobilier »est le nom commercial de l’entreprise individuelle de Mme X ; enfin le domicile des consorts X n’est utilisé qu’à titre de simple domiciliation administrative, Mme X n’exerçant pas son activité professionnelle à son domicile.
Sur ce
Sur le premier moyen tiré du défaut de règlement des loyers à leur échéance, il convient de rappeler qu’en application des dispositions de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus et qu’il appartient au locataire de justifier du paiement, en vertu des dispositions de l’article 1315 du Code civil.
En l’espèce, le bail des époux X stipule que le loyer est payable, le premier de chaque mois, entre les mains du cabinet Maurice BURGER.
La […] verse aux débats un tableau – pièce n°22 – faisant apparaître que les loyers sont payés systématiquement avec des retards variant de 3 à 95 jours.
Toutefois, en l’absence de toute dette locative, les retards invoqués ne sauraient justifier une résiliation du bail, dès lors que le tableau versé aux débats par la […], à défaut de précision sur la date à laquelle les paiements ont été reçus par la société gestionnaire du bien, ne permet pas de démontrer leur imputabilité aux locataires et non au cabinet Burger, chargé de la gestion du bien loué, et alors que les époux X justifient au contraire avoir réglé ponctuellement et au terme convenu leur loyers et notamment celui du mois d’octobre 2015, à propos duquel la […] fait état dans son tableau d’un retard de 95 jours, sans fournir d’explication sur le fait que le chèque bancaire des locataires, remis au cabinet Burger le 19 octobre 2015, n’a été crédité que le 4 janvier 2016.
Sur le deuxième moyen tiré du défaut de respect de la destination des lieux loués à usage d’habitation, il apparaît que le bail est à usage d’habitation et que le siège social de la société de Mme X, selon l’extrait K bis versé aux débats, a été fixé dans les lieux loués.
Toutefois, cette domiciliation ne saurait caractériser un manquement par les époux X aux obligations du bail justifiant la résiliation du contrat de location, dès lors que la domiciliation dans les locaux loués du siège d’une entreprise commerciale ne suffit pas à conférer à leur utilisation un caractère commercial, et qu’en l’espèce, la […] ne rapporte pas la preuve de l’exercice effectif d’une activité commerciale dans les lieux donnés à bail, alors même que les intimés justifient, par la production d’une attestation du gérant de la société Locameg, que Mme X, entrepreneur individuel, exerce son activité professionnelle dans les locaux de la société Locameg, sis […] à […]
En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a débouté la bailleresse de sa demande de résiliation judiciaire du bail, formée à titre subsidiaire.
Partant, la […] sera déboutée de ses demandes subséquentes en paiement d’une indemnité d’occupation, expulsion et enlèvement des objets mobiliers garnissant les lieux loués.
III) Sur la demande de condamnation des époux X au paiement de la somme de 5 286,74 euros au titre des indemnités de retard
La société DE TARCISSE, dès lors qu’elle ne rapporte pas, comme il a été dit au paragraphe précédent, la preuve que les retards de paiement dont elle fait état, seraient imputables à ses locataires, sera déboutée de sa demande en paiement.
IV) Sur la demande en paiement par les époux X de la somme de 697,40 euros au titre de la facture réglée auprès de la société Rapid Cle
Les époux X exposent à la Cour avoir été confrontés à un dysfonctionnement de la serrure de leur logement le 17 décembre 2017, les empêchant de retirer la clef engagée dans la serrure et, partant, de fermer la porte de leur logement. Il font valoir qu’ils ont été, dès lors, contraints de faire appel aux services d’un serrurier qui a constaté la vétusté du cylindre de la serrure et procédé à son changement et que, s’agissant d’une dépense incombant au bailleur, qui doit faire pendant la durée du bail toutes les réparations nécessaires et assurer le clos et le couvert, ils sont bien fondés à solliciter le remboursement de la dépense justifiée par une facture à hauteur de la somme de 697,40 euros.
La […] réplique que la vétusté de la serrure n’est pas établie par les photographies versées aux débats par les intimés et que ces derniers avaient de leur propre initiative déjà changé la serrure lorsqu’ils sont entrés dans les lieux.
Sur ce
Il résulte de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 que le bailleur est tenu d’entretenir les locaux et l’immeuble en état de servir à l’usage prévu et d’effectuer les réparations autres que locatives, nécessaires au maintien en l’état et à l’entretien normal des lieux. Si le bailleur ne respecte pas son obligation, le preneur doit le mettre en demeure de le faire. En l’absence de mise en demeure, adressée au bailleur d’avoir à effectuer des réparations, et de décision de justice autorisant le preneur à les faire exécuter, et sauf s’il y a urgence à les faire réaliser, le bailleur n’est pas tenu d’en supporter la charge. Enfin, le locataire ne peut demander à son bailleur le remboursement des dépenses engagées à sa place qu’à la condition qu’elles l’aient été de la manière la plus économique possible.
En l’espèce, le remplacement du cylindre d’une serrure n’est pas une réparation locative et incombe, de ce fait, au bailleur. La vétusté du cylindre de la serrure et la nécessité de pourvoir à son remplacement, sont, contrairement à ce que soutient l’appelante, démontrés par l’attestation de la société ASP, qui a procédé à l’intervention. Le fait que le dysfonctionnement du cylindre empêchait de retirer la clef engagée dans la serrure et donc de fermer la porte du logement, caractérise l’urgence de l’intervention à laquelle le serrurier a procédé et justifie que les époux X aient pu faire procéder aux travaux sans mise en demeure préalable de leur bailleur. La facture délivrée et produite par les intimés justifie de la dépense pour le montant demandé, 697,40 euros toutes taxes comprises, et fait apparaître que la dépense engagée l’a été de la manière la plus économique puisque le déplacement de jour, soit 44,21 euros, et la main d’oeuvre pour un montant de 59,46 euros, ont été offerts aux clients.
Les allégations de la […], contestées par leurs locataires, et selon lesquelles les époux X auraient déjà procédé au changement de la serrure lors de la prise de possession des lieux ne sont pas établies.
Par suite, la […] sera condamnée à payer à M. et Mme X la somme de 697,40 euros.
V) Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formées par les époux X
Les époux X font grief au premier juge de les avoir déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour intention de nuire et de ne leur avoir alloué que 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral. Ils sollicitent la condamnation de leur bailleresse à leur payer, à titre de dommages et intérêts, une indemnité de 5 000 euros pour intention de nuire, outre une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu’ils estiment avoir subi du fait que leur bailleresse a formé une demande d’accès à leur appartement sans aucun fondement légal et continue de porter sur les avis d’échéance qu’elle leur fait parvenir, sans aucune raison du fait des décisions de justice déjà intervenues, la mention " indemnité d’occupation « au lieu de » loyer".
La […] conclut au débouté des époux X de leur demande de dommages et intérêts en alléguant de la mauvaise foi de leurs locataires.
Sur ce
L’intention de nuire aux époux X est insuffisamment caractérisée non plus que le préjudice moral causé aux locataires par la demande d’accès aux lieux et le fait de porter, à tort, sur les avis les avis d’échéance la mention « indemnité d’occupation » au lieu de « loyer ».
Par suite, le jugement querellé sera infirmé en ce qu’il a condamné la […] à payer une somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé aux époux Z ; le jugement déféré sera, en revanche, confirmé en ce qu’il a débouté les époux Z de leur demande de dommages et intérêts pour « intention de nuire ».
VI) Sur les demandes accessoires
La […], qui succombe pour l’essentiel, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement querellé relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces dépens étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’ exception de celle ayant condamné la […] à payer à M. D X et Mme E F, épouse X, une somme de 300 euros en réparation de leur préjudice moral ;
Statuant à nouveau de ce chef
Déboute M. D X et Mme E F, épouse X de leur demande de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ;
Ajoutant au jugement entrepris
Condamne la […] à payer à M. D X et Mme E F, épouse X, une somme de 697,40 euros ;
Déboute la […] de ses demandes ;
Vu l’article 700 du Code de procédure civile, condamne la […] à payer à M. D X et Mme E F, épouse X, une indemnité de 2 500 euros ;
Condamne la […] aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
Textes cités dans la décision