Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 6 septembre 2018, n° 16/16378

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2018

(n°2018 -245, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/16378

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01
- RG n° 16/05292

APPELANTE

La SAS WINAMAX, agissant en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 492 155 932 00048

[…]

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée à l’audience de Me Frédéric DUMONT de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

INTIMÉE

La FÉDÉRATION FRANÇAISE DE FOOTBALL, prise en la personne de son représentant

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

Assistée à l’audience de Me Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 juin 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Mme Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Mme Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Marie-Hélène POINSEAUX dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme X-Y Z

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame X-Y Z, greffière présente lors du prononcé.

***************

Vu l’appel interjeté le 26 juillet 2016, par la société Winamax d’un jugement en date du 5 juillet 2016, par lequel le tribunal de grande instance de Paris, sous le bénéfice de l’exécution provisoire à l’exception des mesures de publication judiciaire, a :

— Déclaré la société Winamax responsable de manquements contractuels à raison de la diffusion des trois tweets du 13 novembre 2015 sur son compte Twitter WinamaxSports,

— déclaré la société Winamax responsable d’une faute délictuelle à raison de la diffusion de deux tweets du 17 novembre 2015 sur son compte Twitter WinamaxSports,

— débouté la Fédération Française de Football de sa demande de résolution judiciaire

du contrat du 25 juin 2015,

— condamné la société Winamax à payer à la Fédération Française de Football la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts,

— ordonné la mise en ligne, sur le site internet de la société Winamax, du communiqué suivant : Par jugement du 4 juillet 2016, le tribunal de grande instance de PARIS (5e chambre civile) a condamné la société Winamax à payer des dommages-intérêts à la Fédération Française de Football à raison de la diffusion, par trois Tweets du 13 novembre 2015, d’images issues d’un match de l’Equipe de France de football sur son compte Twitter en violation des droits de ladite Fédération, avec les précisions d’usage,

— ordonné la publication, dans un organe de presse du choix de la Fédération Française

de Football, au frais de la société Winamax et dans la limite de la somme de 6 000 euros HT, d’un communiqué judiciaire, dans le mois suivant la date à laquelle le jugement sera exécutoire, du communiqué suivant : Par jugement du 4 juillet 2016, le tribunal de grande instance de PARIS (5e chambre civile) a condamné la société Winamax à payer des dommages-intérêts à la Fédération Française de Football à raison de la diffusion, par trois Tweets du 13 novembre 2015, d’images issues d’un match de l 'Equipe de France de football sur son compte Twitter en violation des droits de ladite Fédération, avec les précisions d’usage,

— débouté la Fédération Française de Football de toutes ses autres demandes au fond,

— condamné la société Winamax à payer à la Fédération Française de Football la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens qui seront recouvrés par la Selarl Joffe et associés, comme il est disposé à l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 28 mai 2018 aux termes desquelles la société Winamax demande à la cour, au visa des articles 1134, 1159, 1162, 1382 du code civil, antérieurs à l’ordonnance du 10 février 2016 et des articles L. 333-1, L. 333-1-1 et suivants du code du sport, applicables à la cause, d’infirmer cette décision et statuant à nouveau, de :

— Déclarer que la société Winamax n’a pas engagé sa responsabilité délictuelle, violé le

monopole d’exploitation des compétitions organisées par la Fédération Française de Football et manqué à ses obligations contractuelles,

en conséquence :

— Débouter la Fédération Française de Football de l’ensemble de ses demandes,

en tout état de cause :

— condamner la Fédération Française de Football à lui verser la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 mai 2018, par l’association Fédération Française de Football tendant à voir, au visa des articles 1134, 1147, 1184 et suivants et 1382 (anciens) du code civil et des articles L. 131-17, L. 333-1 et L. 333-1-1 du code du sport :

— Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la société Winamax responsable de manquements contractuels mais l’infirmer en ce qu’il n’a retenu qu’une partie des manquements reprochés,

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la société Winamax responsable de

manquements délictuels mais l’infirmer en ce qu’il n’a retenu qu’une partie des

manquements reprochés à ce titre,

— infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Fédération Française de Football de ses

demandes d’interdiction, d’une partie de ses demandes de publication et d’une partie de ses demandes indemnitaires,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Winamax à publier un communiqué judiciaire dans un organe de presse du choix de la Fédération Française de Football à ses frais, et l’a condamnée à verser à la Fédération Française de Football une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

— Condamner la société Winamax à payer à la Fédération Française de Football une somme de 800 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et financier,

— interdire à la société Winamax la publication d’image ou cliché représentant tout joueur de l’équipe

de France et issus de matches de compétition organisé par la FFF sur tout site internet sous astreinte de 50 000 euros par jour et par infraction constatée,

— condamner la société Winamax à publier un communiqué judiciaire sous astreinte de

50 000 euros par jour de retard et/ou par jour de manquement constaté sur ses sites internet,

— ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans un organe de presse du choix de la Fédération Française de Football et aux frais avancés de la société Winamax, dans la limite de 6 000 euros HT, dans le mois suivant la date de l’arrêt à intervenir,

— condamner la société Winamax à payer à la Fédération Française de Football une somme supplémentaire de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Joffe & associés, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile,

—  ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

SUR CE, LA COUR :

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au

jugement déféré et aux écritures des parties ; il convient de rappeler que :

* Le 24 juin 2015, la SAS Winamax a conclu avec la Fédération Française de Football

et la Ligue de Football Professionnelle un contrat de droit aux paris, selon lequel la

Fédération Française de Football et la Ligue de Football Professionnelle lui ont concédé pour cinq ans le droit d’organiser et de proposer des paris, sur les compétitions sportives que chacune organise, sur le site www.winamax.fr et d’en assurer la promotion, moyennant la perception d’un pourcentage des mises sur les compétitions organisées par la Fédération Française de Football, sur le site winamax.fr ;

* le 11 octobre 2015, la société Winamax a diffusé sur sa page du site Twitter, nommé

WinamaxSport, trois tweets contenant des images fixes et animées issues des matchs joués par l’équipe de France de football ;

* le 23 octobre 2015, la Fédération Française de Football a mis en demeure la société Winamax de cesser ces agissements ;

* le 2 novembre 2015, par l’intermédiaire de son avocat, la société Winamax a contesté cette mise en demeure mais s’est engagée à supprimer ces images de son compte Twitter ;

* le 13 novembre 2015, à trois reprises, la société Winamax a publié sur son compte Twitter, à l’occasion du match France – Allemagne, une même photographie issue d’une rencontre antérieure ayant opposé la France au Portugal le 11 octobre 2014 ; un lien hyper-texte à partir de ces tweets renvoyait à son site internet de paris ;

* le 17 novembre 2015, deux nouvelles publications ont été diffusées sur le compte Twitter WinamaxSport à l’occasion du match Angleterre – France joué à Wembley (Grande-Bretagne), comportant chacune une photographie des joueurs de l’équipe de France lors de la minute de silence en hommage aux victimes des attentats de Paris du 13 novembre 2015 ;

* le 19 novembre 2015, la Fédération Française de Football a fait procéder par huissier de justice à un constat sur le compte Twitter de la société Winamax, relevant les publications des 13 et 17 novembre 2015 et le renvoi par un lien hypertexte à son site de paris ;

* le 5 janvier 2016, la Fédération Française de Football a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Paris l’autorisation d’assigner la société Winamax à bref délai devant sa juridiction ;

* le 17 mai 2016, le tribunal de commerce de Paris a relevé son incompétence en raison d’une clause attributive de juridiction et a désigné le tribunal de grande instance de Paris pour connaître du litige ;

* le 5 juillet 2016 est intervenue la décision dont appel ;

Considérant que le rejet de la demande de résiliation judiciaire du contrat n’est pas remis en cause devant la cour ;

Considérant que selon l’article L. 333-1 du code du sport, Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnés à l’article L. 331-5, sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent ;

Toute fédération sportive peut céder aux sociétés sportives, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives organisées chaque saison sportive par la ligue professionnelle qu’elle a créée, dès lors que ces sociétés participent à ces compétitions ou manifestations sportives. La cession bénéficie alors à chacune de ces sociétés ;

Qu’aux termes de l’article L. 333-1-1 du même code, Le droit d’exploitation défini au premier alinéa de l’article L. 333-1 inclut le droit de consentir à l’organisation de paris sur les manifestations ou compétitions sportives ;

Que l’article L. 333-1-2 dispose que Lorsque le droit d’organiser des paris est consenti par une fédération sportive ou par un organisateur de manifestations sportives mentionné au premier alinéa de l’article L. 331-5 à des opérateurs de paris en ligne, le projet de contrat devant lier ces derniers est, préalablement à sa signature, transmis pour avis à l’Autorité de régulation des jeux en ligne qui se prononce dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de ce document.

L’organisateur de manifestations ou de compétitions sportives peut donner mandat à la fédération délégataire ou agréée concernée ou au comité mentionné à l’article L. 141-1 pour signer, avec les opérateurs de paris en ligne, le contrat mentionné à l’alinéa précédent.

Les fédérations sportives et organisateurs de manifestations sportives ne peuvent ni attribuer à un opérateur le droit exclusif d’organiser des paris ni exercer une discrimination entre les opérateurs agréés pour une même catégorie de paris.

Tout refus de conclure un contrat d’organisation de paris est motivé par la fédération sportive ou l’organisateur de cette manifestation sportive et notifié par lui au demandeur et à l’Autorité de régulation des jeux en ligne ;

Que selon l’article L. 333-6 alinéas 1 et 2, L’accès des journalistes et des personnels des entreprises d’information écrite ou audiovisuelle aux enceintes sportives est libre sous réserve des contraintes directement liées à la sécurité du public et des sportifs, et aux capacités d’accueil.

Toutefois, sauf autorisation de l’organisateur, les services de communication au public par voie électronique non cessionnaires du droit d’exploitation ne peuvent capter que les images distinctes de celles de la manifestation ou de la compétition sportive proprement dites ;

Sur les publications du 13 novembre 2015 :

Considérant que la société Winamax, rappelant que le monopole d’exploitation des compétitions sportives, d’interprétation stricte, n’a pas lieu de s’appliquer en l’espèce, soutient que le tribunal a dénaturé les termes du contrat en décidant qu’il s’appliquait aux comptes Twitter et à son compte WinamaxSport, dédié à l’édition d’information décalée sur le sport ;

Qu’elle souligne que la représentation des seuls joueurs de l’équipe de France ne permet pas un rattachement à une compétition et au lieu du match, qu’elle a régulièrement acquis cette photographie auprès d’une banque d’images, que son ancienneté dépasse l’actualité de l’événement auquel le monopole serait limité et que son emploi dans un but d’information n’a pas été pris en compte par les premiers juges ;

Qu’elle conclut que, faute de droit protégé par le monopole de la Fédération Française de Football et mis en oeuvre par le contrat, sa violation ne peut être retenue ;

Qu’elle fait valoir que l’interprétation du contrat par le tribunal en a dénaturé les termes, étendant à son compte Twitter, soit à un réseau social, les dispositions ne visant que son site internet, l’article III.B.3 de l’annexe du contrat ne se référant qu’aux sites internet de tiers, en presse, en radio et en télévision et que l’interprétation de ce contrat d’adhésion aurait du lui bénéficier en application de l’article 1162 du code civil ;

Qu’elle observe que la Fédération Française de Football applique et interprète le contrat de façon discriminatoire à son égard, les opérateurs concurrents ayant publié, suivant l’usage, des images de l’équipe de France sur leurs sites internet et leurs comptes Twitter sans faire l’objet d’une procédure judiciaire ;

Considérant que la Fédération Française de Football soutient la violation de ses engagements contractuels par la société Winamax, les dispositions du contrat lui faisant interdiction de diffuser, sur son site comme hors de son site et notamment sur son compte Twitter, toute image issue des compétitions organisées par la Fédération Française de Football, la publication le 13 novembre 2015 de trois messages constituant la violation plus particulièrement de l’article III-A, III-B-2 et III-B-3 du contrat, lui faisant interdiction de communiquer de manière générale sur une compétition, la FFF, la LFP, une Equipe de France ou un club et Hors de son ou ses Site(s) Internet ;

Qu’elle souligne que, le contrat étant parfaitement clair et n’étant pas sujet à interprétation, elle ne l’a pas appliqué et interprété de manière différente et discriminatoire selon les opérateurs, dont les situations ne sont pas comparables ;

Qu’à titre surabondant, elle recherche la responsabilité délictuelle de la société Winamax, du fait de la violation de ses droits exclusifs sur les compétitions auxquelles participe l’équipe de France et sur l’image de l’équipe de France ;

Considérant que selon l’article III.A Définition des droits concédés du contrat de droit aux paris, Le Droit aux Paris sportifs comprend le droit pour l’opérateur d’utiliser sur son Site internet les éléments suivants :

- le calendrier des compétitions ;

- les dénominations des compétitions ;

- les résultats des matchs, des phases de jeu et des Compétitions.

Tout droit non expressément concédé par la FFF (…) ne peut pas être exploité par l’Opérateur, tel que notamment, sans que ce qui suit soit limitatif, les images, animées ou non, issues des Compétitions ;

Qu’aux termes de l’article III.B.2 alinéa 3, L’Opérateur s’interdit expressément de diffuser, directement ou indirectement, y compris par le biais de liens hypertextes, sur son Site Internet, toutes images, animées ou non, des Compétitions ;

Qu’il est prévu à l’article III.B.3 que Hors de son ou ses Site(s) Internet, c’est-à-dire sur des Sites Internet de tiers, en presse, en radio et en télévision, l 'Opérateur ne peut en aucun cas communiquer de manière générale sur une Compétition, la FFF, la LFP, une Equipe de France ou un club (…) ;

Considérant que la société Winamax a diffusé trois tweets le 13 novembre 2015, avant un match de football opposant la France à l’Allemagne, illustrés d’une photographie de joueurs de l’équipe de France issue d’un match France-Portugal du 11 octobre 2014, mentionnant la cote du match et renvoyant par un lien hypertexte à son site de paris ;

Qu’il n’est pas contesté que tant le match France – Allemagne que le match France-Portugal ont été organisés par la Fédération Française de Football et constituent des Compétitions au sens du contrat ;

Qu’il est également acquis aux débats que le Site internet visé au contrat et sur lequel sont autorisées les publications prévues à l’article III.A est le seul site identifié comme www.winamax.fr ;

Qu’il résulte de ces éléments que la société Winamax s’est engagée à ne communiquer de manière générale sur une Compétition, la FFF, la LFP, une Equipe de France ou un club que sur son ou ses sites internet, soit sur le site www.winamax.fr ; qu’ainsi, toute communication sur son compte Twitter est exclue par ses engagements contractuels;

Que les droits concédés ne portent que sur le calendrier des compétitions, les dénominations des compétitions, les résultats des matchs, des phases de jeu et des Compétitions et que sont expressément exclus le droit non expressément concédé et notamment les images, animées ou non, issues des Compétitions ainsi que la diffusion, directe ou indirecte, y compris par le biais de liens hypertextes, sur son Site Internet, de toutes images, animées ou non, des Compétitions ; qu’il en résulte que la diffusion d’images issues du match France-Portugal, peu important leur ancienneté, lui était expressément interdite, la circonstance que le lien hypertexte figurant à son compte Twitter renvoie à son site internet étant à cet égard inopérante ;

Qu’il s’ensuit que la décision ayant exactement retenu l’engagement de la responsabilité contractuelle de la société Winamax dans la diffusion de trois tweets le 13 novembre 2015 sera confirmée, sans qu’il soit besoin d’examiner la demande subsidiaire de la Fédération Française de Football sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

Sur les publications du 17 novembre 2015 :

Considérant que la société Winamax fait principalement valoir que sa responsabilité contractuelle n’est pas engagée par cette publication, la Fédération Française de Football n’étant ni organisatrice, ni co-organisatrice de ce match et les images n’étant dès lors pas issues de compétitions au sens du contrat ;

Qu’elle conteste également sa responsabilité délictuelle au motif que la Fédération Française de Football, n’étant pas co-organisatrice, ne jouit d’aucun monopole sur les images issues d’un match qu’elle n’a pas organisé et ne peut revendiquer aucun monopole d’exploitation, au sens de l’article L. 333-1 du code du sport, sur le match du 17 novembre 2015 ;

Qu’elle observe que la Fédération Française de Football ne peut invoquer une atteinte à son droit

exclusif sur l’image de l’équipe de France, ce droit n’ayant aucun fondement légal et les conventions individuelles entre la fédération et les joueurs de l’équipe de France lui étant inopposables car communiquées lors de l’assignation et n’habilitant pas la fédération à agir en justice pour la défense d’un droit à l’image individuelle ou collective, mais l’autorisant seulement à l’exploiter commercialement ;

Qu’elle remarque qu’en tout état de cause, l’image publiée le 17 novembre 2015, prise de loin, ne permet aucune identification de joueur et ne donne aucun droit à l’image, individuelle ou collective ;

Qu’elle souligne que les accusations de parasitisme sont dénuées de fondement, faute de risque de confusion dans l’esprit du public quant à l’existence d’un partenariat la liant à la Fédération Française de Football ;

Qu’elle soutient que la diffusion des tweets relève du droit à l’information et qu’elle prend soin de distinguer son activité commerciale, exercée sur son site internet, de son activité éditoriale, pratiquée sur son compte Twitter ;

Qu’elle affirme que le monopole sur les images litigieuses appartient uniquement à la Fédération Anglaise de Football, organisatrice de ce match, et non à la Fédération Française de Football, qu’au demeurant, le monopole de l’organisateur doit être apprécié strictement et n’a pas lieu de s’appliquer en l’espèce, s’agissant d’une image illustrant de manière générique un fait d’actualité, dont le but n’a pas été pris en considération par les premiers juges, sans qu’on puisse la rattacher à une compétition en particulier, soit une photographie d’archive, dont elle a régulièrement acquis les droits d’exploitation ;

Considérant que la Fédération Française de Football répond que le 17 novembre 2015, la société Winamax a utilisé un visuel reproduisant l’image des joueurs de l’équipe de France, en violation des stipulations contractuelles, plus particulièrement, de l’article III-B-1 et III-B-3 du contrat, soit des droits exclusifs détenus par la fédération sur les compétitions auxquelles participe l’équipe de France et sur l’image de l’équipe de France ;

Qu’elle soutient être le seul gestionnaire autorisé de l’équipe de France conformément à l’article L. 131-17 du code du sport et seul titulaire des droits sur l’image collective de cette équipe, exploitée par la société Winamax à des fins purement mercantiles, en violation du droit de l’organisateur et du droit de la fédération sur l’image de l’équipe de France ;

Qu’elle rappelle que le monopole des organisateurs de manifestations sportives s’étend à toute image qui en est issue, quel que soit le nombre d’intervenants dont l’image est reproduite, la couleur de leur maillot ou la date à laquelle elle a été captée et que la détention ou l’acquisition des droits sur des images diffusées à l’occasion de compétitions sportives relevant du monopole d’exploitation défini à l’article L. 333-1 du code du sport ne permet pas pour autant à l’acquéreur de s’exonérer de l’obligation de solliciter l’autorisation de l’organisateur préalablement à leur exploitation ;

Qu’elle affirme que le fait qu’elle ait ou non organisée la compétition n’a pas d’incidence, puisque seul l’organisateur de la compétition ou toute personne à laquelle il concéderait ce droit peut exploiter les images qui en sont issues et non la société Winamax ;

Qu’elle conteste au compte Twitter de la société Winamax une fonction éditoriale et journalistique, étrangère à la vocation commerciale de son site internet, cette société ayant été contrainte d’admettre devant le juge consulaire utiliser des images issues des compétitions organisées par la fédération pour promouvoir les paris qu’elle propose sur son site ;

Qu’elle fait valoir les agissements parasitaires ainsi commis par la société Winamax, laquelle a enfreint délibérément les droits de la fédération au titre du monopole d’exploitation des matchs des

compétitions qu’elle organise et s’associe indûment à l’équipe de France afin de tirer profit sans bourse délier de sa valeur économique et des investissements réalisés par la fédération pour la créer ;

Considérant que la société Winamax a diffusé deux tweets le 17 novembre 2015, avant un match de football opposant à Wembley (Grande-Bretagne) la France à l’Angleterre, illustrés d’une photographie de joueurs des équipes de France et d’Angleterre, observant le jour-même une minute de silence à la suite des attentats de Paris du 13 novembre 2015, portant les mentions Messieurs, merci et La plus belle image du match a eu lieu ;

Que l’article I Objet du cahier des charges du contrat précise que Le Cahier des Charges définit les conditions dans lesquelles la FFF, pour les Compétitions FFF, et la LFP, pour les Compétitions LFP, concèdent à l’Opérateur, pour la Durée, le droit non-exclusif d’organiser et de proposer des Paris Sportifs via un ou plusieurs Sites Internet et d’en assurer la promotion ;

Que la Fédération Française de Football ne conteste pas ne pas être l’organisatrice de ce match ; qu’ainsi, ce match France-Angleterre joué à Wembley 17 novembre 2015 ne rentre pas dans les Compétitions FFF visées au contrat ;

Qu’il s’ensuit que les articles III.B.1 du contrat, selon lequel L’Opérateur s’engage à ne faire aucune publicité, promotion, communication susceptible d’entraîner une confusion dans l’esprit du public quant à une association – de type partenariat ou sponsoring – entre d’une part, la Compétition, le Match, la FFF, la LFP, une Equipe de France ou un club et d’autre part, l’Opérateur et III.B.3, prévoyant que Hors de son ou ses Site(s) Internet, c’est-à-dire sur des Sites Internet de tiers, en presse, en radio et en télévision, l 'Opérateur ne peut en aucun cas communiquer de manière générale sur une Compétition, la FFF, la LFP, une Equipe de France ou un club (…) n’ont pas vocation à s’appliquer à ce match et aux images qui en sont issues et ne peuvent fonder la recherche de la responsabilité contractuelle de la société Winamax ;

Qu’aux termes de l’article L. 131-17 du code du sport, A l’exception des fédérations sportives agréées à la date du 16 juillet 1992, seules les fédérations sportives délégataires peuvent utiliser l’appellation 'Fédération française de’ ou 'Fédération nationale de’ ainsi que décerner ou faire décerner celle d’ 'Equipe de France’ et de 'Champion de France', suivie du nom d’une ou plusieurs disciplines sportives et la faire figurer dans leurs statuts, contrats, documents ou publicités.

Le fait pour le président, l’administrateur ou le directeur de toute personne morale d’utiliser ces appellations en violation des dispositions du premier alinéa est puni d’une peine d’amende de 7 500 euros ;

Que l’article R. 132-10 du même code dispose que Relèvent de la compétence de la fédération : (…) 7° La sélection et la gestion des équipes portant l’appellation d''Equipe de France' ;

Qu’en l’espèce, il ne peut être reproché à la société Winamax ni une utilisation de l’appellation Equipe de France, ni des faits de sélection ou de gestion d’une équipe portant cette appellation ; que ces textes ne peuvent fonder un droit à l’image collective de l’équipe de France de football ;

Mais considérant qu’il a été rappelé que l’article L. 333-1 alinéa 1 du code du sport prévoit que Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnés à l’article L. 331-5, sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent ; que ce droit d’exploitation comprend la diffusion des images, animées ou non, de la compétition ainsi organisée ;

Qu’en l’espèce, la fédération organisatrice du match tenu à Wembley et propriétaire des droits d’exploitation est la Fédération Anglaise de Football ;

Que la Fédération Française de Football justifie, par la production du contrat de concession des droits médias sur ce match en date du 19 novembre 2014 par la Fédération Anglaise de Football de sa titularité des droits sur le territoire français ; qu’ainsi, la Fédération Française de Football a qualité pour défendre les droits d’exploitation de cette compétition, au nombre desquels figure l’image des joueurs ;

Que les photographies diffusées, représentant les joueurs de l’équipe de France réunis en cercle sur le terrain quelques minutes avant le début du match, sont issues de la compétition, l’objectif d’hommage aux victimes des attentats de Paris n’étant pas de nature à en changer l’origine et la vocation éditorialiste du compte Twitter de la société Winamax étant dépourvue d’effet ;

Qu’il résulte de ces éléments que la société Winamax a porté atteinte aux droits d’exploitation de cette compétition, concédés à la Fédération Française de Football, et ainsi engagé sa responsabilité délictuelle ; que par ces motifs propres, distincts de ceux des premiers juges, le jugement sera confirmé ;

Sur les réparations :

Considérant que la société Winamax conteste l’engagement de sa responsabilité et refuse toute réparation, spécialement, comme injustifiée, la mesure de publication ordonnée, en l’absence de violation caractérisée du contrat ou de la réglementation ;

Considérant que l’association Fédération Française de Football réplique que le comportement de la société Winamax justifie sa condamnation à l’indemniser des conséquences dommageables de ses agissements ;

Qu’elle soutient que les agissements de Winamax sont constitutifs d’une violation délibérée des obligations contractuelles et demande réparation de son préjudice représenté par le manque à gagner, soit les sommes que la société Winamax aurait dû débourser pour obtenir le droit d’exploiter les images issues des compétitions pour promouvoir les paris qu’elle organise ;

Qu’elle fait également valoir que le comportement de la société Winamax met en péril l’existence, la pérennité et la valeur des partenariats conclus au titre des compétitions qu’elle organise, porte atteinte à son droit exclusif d’exploiter et de commercialiser les clichés des matchs des compétitions qu’elle organise et l’image collective de l’équipe de France et parasite les investissements réalisés par la fédération pour organiser et promouvoir les compétitions qu’elle organise ;

Considérant que la société Winamax est contractuellement tenue au paiement d’une redevance de 1 % des mises, correspondant, ainsi que l’a relevé le tribunal, à la somme de 32 234,63 euros au titre du 1er trimestre 2016 ; que ses manquements contractuels par la diffusion des trois tweets du 13 novembre 2015 ont causé à la Fédération Française de Football un préjudice aggravé par la concession exclusive au PMU des droits à l’image des joueurs de l’équipe de France et la réclamation de celui-ci, lequel sera réparé par l’allocation de la somme de 30 000 euros ;

Que la faute délictuelle commise par la diffusion de deux tweets le 17 novembre 2015 sur son compte Twitter faisant écho à son site internet de paris sportifs, a permis à la société Winamax de tirer indûment profit de la notoriété du match dont les droits d’exploitation ont été concédés à la Fédération Française de Football par un accord de réciprocité avec la Fédération Anglaise de Football, dans le cadre d’investissements à hauteur de 80,7 millions d’euros pour la gestion des compétitions, le marketing, les affaires internationales et la gestion du football amateur ; que le préjudice ainsi subi par la Fédération Française de Football justifie l’octroi de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros ;

Que la réparation complémentaire du préjudice justifie les mesures de publication ordonnées par les premiers juges, dont la durée de quinze jours est suffisante, le prononcé d’une astreinte n’étant pas justifié ; qu’il sera ajouté, après la mention Par jugement du 4 juillet 2016, celle confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 septembre 2018 ;

Que la nature délictuelle des faits commis le 17 novembre 2015 justifie qu’y soit ajoutée l’interdiction de publication sans autorisation, sous quelque forme que ce soit, d’images ou clichés issus de compétitions organisées par la Fédération Française de Football, sans que le prononcé d’une astreinte soit nécessaire ;

Sur les autres demandes :

Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la Fédération Française de Football les frais irrépétibles engagés pour la défense de ses droits en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement, sauf sur le montant des dommages et intérêts et le rejet de la demande de mesure d’interdiction ;

Statuant à nouveau sur ces points,

Condamne la société Winamax à verser à la Fédération Française de Football la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité contractuelle ;

Condamne la société Winamax à verser à la Fédération Française de Football la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité délictuelle ;

Interdit à la société Winamax de publier sans autorisation, sous quelque forme que ce soit, des images ou clichés issus de compétitions organisées par la Fédération Française de Football ;

Y ajoutant,

Dit que les communiqués publiés, en ligne et dans un organe de presse, comporteront après la mention Par jugement du 4 juillet 2016, celle confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 septembre 2018 ;

Condamne la société Winamax à verser à la Fédération Française de Football la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Winamax aux dépens d’appel, qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE



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Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 6 septembre 2018, n° 16/16378