Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 21 mars 2019, n° 17/10739

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 21 MARS 2019

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/10739 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3NNN

Décision déférée à la cour : jugement du 24 mars 2017 -tribunal de commerce de BORDEAUX – RG n° 2015F00838

APPELANTE

SAS CAMOZZI MATERIAUX

Ayant son […]

[…]

N° SIRET : 402 613 590

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Michel GADRAT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIME

Maître B X ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société ETABLISSEMENTS JOUGLA

[…]

[…]

Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocate plaidante Me Manon CABARE de la SELARL CABARE-BOURDIER, avocate au barreau de TOULOUSE

PARTIE INTERVENANTE

SCP E-N prise en la personne de Maître D E venant aux droits de Maître B X ès-qualités en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ETABLISSEMENTS JOUGLA

[…]

[…]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocate plaidante Me Manon CABARE de la SELARL CABARE-BOURDIER, avocate au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 janvier 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur P Q, Président de chambre

Madame F G, Conseillère, chargée du rapport

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience par Madame F G dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame H I

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur P Q, Président de chambre et par Madame H I, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Etablissements Jougla (ci-après société Jougla), spécialisée dans la fabrication de blocs de béton, approvisionnait notamment la société Camozzi Materiaux, spécialisée dans le négoce de matériaux de construction, sur différents entrepôts en exécution de contrats de prestations de services conclus chaque année.

Par jugement du tribunal de commerce de Castres du 5 septembre 2014, la société Jougla a été placée en procédure de sauvegarde et Me B X désigné comme mandataire judiciaire.

Le 28 octobre 2014, la société Jougla a cessé ses livraisons au dépôt de Montauban de la société Camozzi Materiaux.

Le 6 mars 2015, le tribunal de commerce de Castres a prolongé la période d’observation de six mois.

A partir du 19 mars 2015, les relations d’affaires ont cessé entre les deux sociétés.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 avril 2015, la société Jougla a, par l’intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société Camozzi Materiaux de lui régler une somme de 300.000 euros en réparation du préjudice subi résultant de la rupture brutale des relations commerciales.

Par lettre du 30 avril 2015, la société Camozzi Materiaux a, par l’intermédiaire de son conseil, réfuté être à l’origine de la rupture des relations commerciales.

Le 10 juillet 2015, le tribunal de commerce de Castres a prononcé la liquidation judiciaire de la société Jougla et désigné Me B X comme liquidateur.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 24 août 2015, la société Camozzi Materiaux a déclaré au passif de la procédure de la procédure collective une créance de 11 110,08 euros TTC au titre du remboursement de la consigne versée pour des palettes.

Se plaignant d’une rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties, Me B X ès-qualités a, par acte exploit en date du 3 juillet 2015, assigné la société Camozzi Materiaux devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement rendu le 24 mars 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

— débouté Me B X, ès qualités, de ses demandes indemnitaires pour le site de Montauban,

— condamné la société Camozzi Materiaux à payer à Me B X, ès qualités, la somme de 15.287,00 euros au titre de l’indemnisation pour insuffisance de préavis,

— débouté Me B X, ès qualités, au titre de sa demande indemnitaire pour mise en liquidation de la société Jougla,

— débouté la société Camozzi Materiaux de sa demande reconventionnelle au titre de la restitution de palettes,

— condamné la société Camozzi Materiaux à verser à Me B X, ès qualités, la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Camozzi Materiaux aux dépens.

La société Camozzi Materiaux a interjeté appel de cette décision le 29 mai 2017. L’affaire a été enregistrée sous le n°17-10739.

Par déclaration du 22 juin 2017, Me X ès qualités a interjeté appel du jugement. L’affaire a été enregistrée sous le n°17- 12570

Par ordonnance du 9 novembre 2017, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction de ces procédures.

Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Castres du 15 mai 2018, la SCP E-N représentée par Me D E a été désignée en lieu et place de Me B X comme liquidateur de la société Jougla.

La SCP E-N représentée par Me D E ès qualités est intervenue volontairement à

l’instance par conclusions du 27 novembre 2018.

Dans ses dernières conclusions du 19 décembre 2018, la société Camozzi Materiaux demande à la cour de :

— dire et juger recevable et fondé son appel contre le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 24 mars 2017 ;

— dire et juger mal fondé l’appel incident formé par la société Jougla représentée par la SCP E N, nommée en remplacement de Me B X ;

En conséquence,

— réformer en toutes ses dispositions le jugement frappé d’appel ;

— débouter la société Jougla, représentée par la SCP E N, nommée en remplacement de Me B X, de l’intégralité de ses demandes ;

Vu l’état des créances de la société Jougla, confirmer la fixation de sa créance au passif de ladite société au titre de l’article L 641-13 du code de commerce, à la somme de 11.110,08 euros ;

— condamner la société Jougla, représentée par la SCP E N, nommée en remplacement de Me B X à lui payer la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Jougla en tous les dépens, dont distraction pour ceux d’appel, au profit de la société Lexavoue Paris-Versailles, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui, la société Camozzi Materiaux dénie être à l’origine de la rupture de la relation commerciale qui existait entre elle et la société Jougla. Elle soutient que c’est la société Jougla qui a souhaité que leurs relations prennent fin. Elle précise que la société Jougla a tout d’abord cessé de livrer le site de Montauban sans son accord, ce qui l’a contrainte à trouver un autre fournisseur. Elle affirme ensuite qu’au cours d’une communication téléphonique du 19 mars 2015, la société Jougla lui a fait part de son impossibilité de poursuivre les relations en raison de l’absence de marge réalisée. Elle ajoute que la société Jougla n’a plus honoré les commandes qu’elle lui a adressées notamment les 20 mars 2015, 23 mars 2015 et 24 mars 2015. En tout état de cause, elle fait valoir que la société Jougla était dans l’incapacité de livrer les marchandises commandées puisqu’elle ne payait plus les transporteurs. Dans ces conditions, elle estime qu’elle aurait été fondée à rompre sans préavis la relation commerciale si la société Jougla n’avait pas auparavant décidé de cette rupture. Sur la durée de préavis, elle dément toute dépendance économique à son égard de la société Jougla, qui ne réalisait que 11,76 % de son chiffre d’affaires avec elle. Elle ajoute que la société Jougla n’avait besoin d’aucun préavis pour réorganiser son activité dès lors qu’elle pouvait vendre directement ses blocs de béton auprès d’entreprises artisanales du bâtiment. Elle soutient en outre que la société Jougla ne produit pas les éléments comptables nécessaires à l’appréciation du préjudice qu’elle allègue. Elle affirme que de surcroît la société Jougla ne pourrait prétendre qu’à la seule perte de marge brute escomptée pendant la durée du préavis applicable. Or en l’absence de marge réalisée, elle ne peut se prévaloir d’aucun préjudice.

Au soutien de sa demande reconventionnelle, la société Camozzi Materiaux fait valoir que la société Jougla a refusé de reprendre 652 palettes pour lesquelles elle avait versé une consigne. Elle soutient que la créance qu’elle a déclarée au titre du remboursement de la consignation a définitivement été admise et a autorité de la chose jugée. En outre, elle affirme n’avoir jamais accepté les conditions générales de vente de la société Jougla de sorte qu’aucun délai de réclamation ne peut lui être opposé.

Dans ses dernières conclusions du 27 novembre 2018, la SCP E-N, ès-qualités, demande à la cour de :

— déclarer recevable et bien fondée son intervention volontaire ;

— déclarer recevable et bien fondé son appel ;

— débouter la société Camozzi Materiaux de l’ensemble de ses demandes ;

— confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

— constaté l’existence de relations commerciales entre les sociétés Jougla et Camozzi Materiaux depuis 1998,

— constaté la rupture brutale des relations commerciales établies à l’initiative de la société Jougla,

— rejeté la demande reconventionnelle de la société Camozzi Materiaux,

— condamné la société Camozzi Materiaux à verser à Me X ès-qualités la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— l’infirmer en ce qui concerne :

— la durée du préavis,

En conséquence,

— dire que la durée du préavis est d’un an la somme allouée au titre des dommages et intérêts résultant de la rupture brutale des relations commerciales,

En conséquence,

— condamner la société Camozzi Materiaux à lui verser la somme de 138 124 euros au titre du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales,

— condamner la société Camozzi Materiaux à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner en tous les dépens.

La société Jougla, représentée par son liquidateur, explique qu’alors qu’elle faisait l’objet d’une procédure de sauvegarde dont la période d’observation venait d’être renouvelée, la société Camozzi Materiaux lui a appris oralement, le 19 mars 2015, l’arrêt de leurs relations d’affaires. Elle dénie être à l’origine de la rupture en faisant valoir que l’arrêt des livraisons sur le site de Montauban avait été décidé au début de l’année 2014 en accord avec la société Camozzi Materiaux en raison des pertes générées par cette activité. Elle ajoute qu’au moment de la rupture totale imputable à la société Camozzi Materiaux, sa situation n’était nullement obérée puisque la période d’observation venait d’être renouvelée. Elle prétend que la société Camozzi Materiaux a cessé toute commande à compter du 19 mars 2015 et que cette rupture, à l’initiative de la société Camozzi Materiaux, n’a été précédée d’aucun préavis écrit. Elle affirme que les relations commerciales ayant débuté en 1998, ont duré 17 ans et que la société Camozzi Materiaux représentait 25% de son chiffre d’affaires de sorte qu’un préavis d’un an aurait dû être observé. Elle conteste également le taux de marge brute de 20% retenu par le tribunal de commerce de Bordeaux pour indemniser son préjudice. Elle fait valoir qu’il aurait dû être retenu un taux de marge brute de 57,54% correspondant au taux de marge réalisé au titre de

l’année 2014 hors site de Montauban.

Sur la demande reconventionnelle de la société Camozzi Materiaux, la société Jougla considère que la demande de remboursement au titre de la consignation des palettes a été formulée hors du délai prévu aux conditions générales de vente de sorte qu’aucune somme n’est due à ce titre.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 décembre 2018.

MOTIFS

Sur la rupture brutale des relations commerciales

Considérant que l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels; que les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ;

Considérant que la relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel; que le critère de la stabilité s’entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial ;

Considérant qu’en l’espèce, l’existence d’une relation commerciale établie entre la société Camozzi Materiaux et la société Jougla n’est pas discutée ; qu’en revanche, les parties s’opposent sur l’origine de la rupture de cette relation;

Considérant que la société Camozzi Materiaux prétend, pour imputer l’initiative de la rupture à la société Jougla, que cette dernière aurait d’abord cessé d’approvisionner son site de Montauban sans concertation avant d’exprimer la volonté de cesser toutes relations;

Considérant qu’en ce qui concerne l’arrêt des livraisons sur le site de Montauban, la société Jougla soutient que cet arrêt a été fait en accord avec la société Camozzi Materiaux ; qu’il ressort de l’attestation de Mme K Z, chef de marché gros oeuvre de la société Camozzi Materiaux, que M. L Y, gérant de la société Jougla, a « demand(é) (à la société Camozzi Materiaux) d’arrêter de (') livrer l’agence de Montauban » en raison de l’absence de rentabilité de cette activité; que M. M A, directeur général de la société Camozzi Materiaux, évoque également, dans son attestation, la demande de M. Y de cesser les livraisons à Montauban ; qu’à aucun moment, il n’est fait état dans ces attestations du refus par la société Camozzi Materiaux de la demande de M. Y ni d’une quelconque difficulté soulevée par cette demande tenant à la recherche d’un nouveau fournisseur ou au respect des engagements pris auprès de la clientèle; qu’il sera observé que la demande d’arrêt a été faite au plus tard en août ou septembre 2014 et que l’arrêt effectif des livraisons sur le site de Montauban a eu lieu le 28 octobre 2014; que dès lors, force est de constater que l’arrêt des livraisons sur le site de Montauban s’est effectué d’un commun accord entre la société Jougla et la société Camozzi Materiaux qui ont poursuivi leurs relations sur les autres sites postérieurement à l’arrêt des livraisons sur le site de Montauban;

Considérant que la société Camozzi Materiaux affirme ensuite M. Y aurait fait part de sa

volonté de cesser toutes relations lors de communications téléphoniques le 19 mars 2015 d’abord avec Mme Z puis avec M. A ; que la société Jougla affirme quant à elle que ce sont Mme Z et M. A qui lui ont annoncé verbalement lors de ces entretiens téléphoniques la rupture de leurs relations ; que s’il ressort des attestations de Mme Z et M. A que M. Y s’est plaint le 19 mars 2015 d’un manque de rentabilité de l’activité générée par leurs relations contractuelles, il n’apparaît nullement qu’il aurait exprimé la volonté de rompre ces relations; que les discussions ont achoppé en revanche sur les conditions tarifaires ; que c’est dans ces circonstances, que selon M. A lui-même, la décision a été prise de recourir à un autre fabricant ; qu’ainsi l’origine de la rupture est bien imputable à la société Camozzi Materiaux; que celle-ci ne saurait donc reprocher à la société Jougla d’avoir refusé d’honorer des commandes les 20 mars 2015, 23 mars 2015 et 24 mars 2015, étant observé qu’il n’est aucunement démontré que ces commandes ont bien été adressées à la société Jougla, ou encore de s’être trouvée dans l’impossibilité d’assurer les livraisons en l’absence de paiement des transporteurs, impossibilité qui n’est pas davantage caractérisée ;

Considérant qu’il est constant que la rupture des relations commerciales à l’initiative de la société Camozzi Materiaux n’a été précédée d’aucun préavis écrit ; que dès lors, le caractère brutal de la rupture est avéré ;

Considérant que le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité;

Considérant que le délai de préavis doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné ;

Considérant que la société Jougla justifie de relations commerciales avec la société Camozzi Materiaux depuis le 31 mars 1998 ; que les relations entre les deux partenaires commerciaux ont donc duré dix-sept ans ; qu’il résulte de l’état comparatif par client du chiffre d’affaires de la société Jougla que cette dernière a réalisé avec la société Camozzi Materiaux un chiffre d’affaires de 228 085 euros en 2014 et de 335.810 euros en 2013, ce qui représente 20% de son chiffre d’affaires total pour ces mêmes années et un chiffre d’affaires hors site de Montauban de 171.985 euros en 2014 et de 234.514 euros en 2013, ce qui représente plus de 25% de son chiffre d’affaires total pour ces mêmes années ; que la part du chiffre d’affaires réalisé par la société Jougla avec la société Camozzi Materiaux pour l’exercice 2012 n’est pas produite aux débats ;

Considérant qu’eu égard à l’ancienneté des relations, au volume d’affaires et à l’absence de spécificité des produits et de dépendance économique, les premiers juges ont justement estimé à six mois la durée du préavis qui aurait dû être respecté ;

Considérant que le préjudice consécutif à la brutalité de la rupture est constitué du gain manqué pendant la période d’insuffisance du préavis et s’évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période;

Considérant qu’en l’espèce, la société Jougla ne justifie pas du taux de marge brute réalisé avec la société Camozzi Materiaux ; qu’elle ne saurait se prévaloir du taux de marge brute réalisé globalement ; qu’à l’inverse, la société Camozzi Materiaux ne démontre pas que la société Jougla ne réalisait aucune marge avec elle ; que dans ces conditions, les premiers juges ont à juste titre estimé à 20% le taux de marge brute; que ce taux sera appliqué à la moyenne du chiffre d’affaires réalisé avec la société Camozzi Materiaux sur les deux dernières années précédant la rupture des relations hors site de Montauban comme le demande la société Jougla ( {171.985 euros + 234.514 euros} /2 = 203.249,50 euros /20%), ce qui équivaut à 40 .650 euros; qu’il sera en conséquence alloué à la société Jougla une somme de 20.325 euros ( 40.650 euros /2) au titre du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef;

Sur la demande au titre du remboursement de la consignation relative aux palettes

Considérant qu’il résulte de la situation du passif de la procédure collective de la société Jougla que la créance de la société Camozzi Materiaux relative au remboursement de la consignation versée au titre des palettes a été définitivement admise par le juge commissaire pour un montant de 11.110,08 euros; que les demandes sur ce point seront donc déclarées irrecevables et le jugement entrepris sera infirmé ;

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société Camozzi Materiaux succombe à l’instance ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée à supporter les dépens de première instance ; que la société Camozzi Materiaux sera en outre condamnée à supporter les dépens de l’instance d’appel qui pourront être recouvrés par la société Lexavoue Paris-Versailles selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile; qu’elle sera encore condamnée à verser à la SCP E-N, ès-qualités, une somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel; que la demande sur ce point de la société Camozzi Materiaux sera rejetée;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

REÇOIT l’intervention volontaire de la SCP E N, représentée par Me D E, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Jougla ;

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 24 mars 2017 en ce qu’il a imputé l’initiative de la rupture des relations commerciales à la société Camozzi Materiaux, a déclarée brutale cette rupture, a fixé à six mois la durée du préavis qui aurait dû être observée et a condamné la société Camozzi Materiaux aux dépens de première instance;

L’INFIRMANT pour le surplus,

Statuant de nouveau sur les points réformés,

CONDAMNE la société Camozzi Materiaux à payer à la SCP E-N, ès-qualités, une somme de 20.325 euros au titre du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales ;

DÉCLARE irrecevables les demandes relatives au remboursement de la consignation versée au titre des palettes par la société Camozzi Materiaux ;

CONDAMNE la société Camozzi Materiaux à payer à la SCP E-N, ès-qualités, une somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

CONDAMNE la société Camozzi Materiaux à supporter les dépens de l’instance d’appel qui pourront être recouvrés par la société Lexavoue Paris-Versailles selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.

La Greffière Le Président

H I P Q

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