Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 8 mars 2019, n° 17/17714

  • Lien hypertexte·
  • Site·
  • Sociétés·
  • Droit d'exploitation·
  • Mise en ligne·
  • Internaute·
  • Huissier de justice·
  • Diffusion·
  • Exploitation·
  • Huissier

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 2, 8 mars 2019, n° 17/17714
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/17714
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 18 mars 2015, N° 14/16629
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 08 MARS 2019

(n°34, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 17/17714 – n° Portalis 35L7-V-B7B-B4DS6

Décision déférée à la Cour : jugement du 19 mars 2015 – Tribunal de grande instance de PARIS – 5ème chambre 2ème section – RG n°14/16629

APPELANTE

Société PUERTO 80 PROJECTS SLU, société de droit espagnol, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

Avda. [N] [L] 93

[Adresse 1]

[Adresse 2])

[Adresse 3]

ESPAGNE

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque L 0050

Assistée de Me Sébastien PROUST plaidant pour HERBERT SMITH FREEHILLS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J 025

INTIMEE

LA LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL

Association, prise en la personne de son président, M. [R] [K], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque L 0053

Assistée de Me Fabrice HERCOT, avocat au barreau de PARIS, toque L 108

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne-Marie GABER, Présidente de chambre

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Vu le jugement contradictoire du 19 mars 2015 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (5ème chambre 2ème section),

Vu l’appel interjeté le 26 juin 2015 par la société Puerto 80 Projects,

Vu le jugement contradictoire du 9 octobre 2015 rendu par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris liquidant l’astreinte à la somme de 375.000 euros, l’arrêt du 26 janvier 2017 de la cour d’appel de Paris rapportant l’astreinte à la somme de 300.000 euros, et la décision de la cour de cassation du 6 décembre 2018 rejetant le pourvoi,

Vu l’ordonnance du 30 juin 2016 rendue par le conseiller de la mise en état ayant prononcée la radiation du rôle de l’affaire,

Vu l’ordonnance du 25 janvier 2018 rendue par le conseiller de la mise en état, ayant ordonné la réinscription de l’affaire,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 11 décembre 2018, de la Ligue de Football Professionnel, intimée et incidemment appelante,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 13 décembre 2018, de la société Puerto 80 projects, appelante,

Vu les conclusions d’incident, tendant au rejet des débats de ces conclusions et des pièces communiquées le même jour, remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 13 décembre 2018 de la Ligue de Football Professionnel,

Vu l’ordonnance de clôture du 13 décembre 2018,

Vu les conclusions d’incident en réponse remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 11 janvier 2019 de la société Puerto 80 Projects,

L’incident a été joint au fond.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la Ligue de Football Professionnel (LFP) est une association composée des clubs professionnels de football, qui organise et gère les championnats professionnels de football en France. Elle a concédé à titre exclusif les droits d’exploitation audiovisuelle des championnats de ligue 1 et ligue 2 aux sociétés [Adresse 6], BeIn Sport, Orange, Google, Dailymotion, l’Équipe.fr et Eurosport moyennant une somme de 610 millions pour la saison 2012-16 et de 726,5 millions pour la saison 2016-20.

La société Puerto 80 Projects (Puerto), créée et dirigée par M. [J] [S], est une société de droit espagnol qui exploite un site internet accessible par les adresses rojadirecta.me et.rojadirecta.es qui permet à l’utilisateur de rechercher des liens hypertextes correspondant à des pages de sites internet sur lesquels sont diffusés en direct des évènements sportifs nationaux et internationaux.

Ayant constaté que sur la période entre le 8 août 2014 et le 3 novembre 2014 au moins 6 matchs de ligue 1 ont été diffusés en direct et en intégralité sur le site rojadirecta.me, la LFP, après avoir mis en demeure la société Puerto et avoir fait établir un constat d’huissier le 2 novembre 2014, a assigné à jour fixe la société Puerto devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 17 novembre 2014.

Par jugement contradictoire du 19 mars 2015, dont appel, les premiers juges ont essentiellement :

— Ordonné à la société Puerto 80':

* De procéder à la suppression sur le site accessible à l’adresse www.rojadirecta.me et/ou www.rojadirecta.es de tout contenu, en ce inclus les liens hypertextes, permettant de visionner en direct ou léger différé depuis le territoire français les matches de Ligue 1, de Ligue 2, de Coupe de la Ligue, du Trophée des Champions ou de toute compétition organisée par la LFP, ainsi que de toute rubrique consacrée exclusivement à ces contenus, sous astreinte de 5 000 euros par jour et par lien constaté qui commencera à courir le 8ème jour suivant la signification du jugement;

* De rendre impossible pour l’avenir la mise en ligne des contenus précités incluant les liens hypertextes en rapport, sous la même astreinte, courant à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement;

— Ordonné la mise en ligne par la société Puerto 80 sur le site internet accessible à l’adresse URL précitée, d’un communiqué informant les internautes de l’illicéité de la publication de liens permettant de visionner en direct en léger différé les matches organisés par la LFP;

— Dit que ce communiqué, placé sous le titre «'DECISION JUDICIAIRE'» devra être rédigé en caractères de taille 12, être accessible dans les huit jours qui suivront la signification du jugement et pendant une durée de 15 jours, soit directement sur le premier écran de la page d’accueil du site, soit par l’intermédiaire, depuis ce premier écran, d’un lien hypertexte identique au titre et en mêmes caractères et ce, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard pendant quinze jours';

— Ordonné l’exécution provisoire concernant les mesures de suppression des contenus et de publicité ci-dessus énoncées';

— Condamné la société Puerto 80 aux dépens ainsi qu’à payer à la LFP la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts et la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande de rejet des écritures

La LFP demande, sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile, le rejet des débats des conclusions de la société Puerto notifiées par voie électronique le 13 décembre 2018, jour de l’ordonnance de clôture, et des pièces (85, 85 bis et 86) communiquées le même jour.

La cour rappelle que le seul fait du dépôt de conclusions le jour où l’affaire est clôturée ne suffit pas à caractériser une atteinte au principe du contradictoire. En l’espèce, les conclusions déposées par la société Puerto le 13 décembre 2018, jour de l’ordonnance de clôture, en réponse aux conclusions de la LFP déposées le 11 décembre 2018, différent des précédentes par quelques développements signalés en jaune, qui sont des précisions factuelles et des réponses aux développements de la LFP, mais qui ne constituent pas un moyen nouveau ni une demande nouvelle appelant nécessairement une réponse de la LFP.

De même, les cinq pièces versées au débat le 13 décembre 2018, jour de l’ordonnance de clôture, comprenant, d’une part, trois décisions de l’OMPI produites en réponse aux dernières demandes d’extension des mesures d’interdiction à d’autres noms de domaine, pour justifier que la société Puerto agit à l’encontre d’utilisateurs non autorisés de son nom de domaine, d’autre part, deux constats d’huissier de justice des 19 et 20 mai 2017 qui avaient déjà été versés au débat devant le conseiller de la mise en état, ne viennent pas au soutien d’un moyen nouveau ou d’une demande nouvelle.

La demande de la LFP d’écarter des débats les conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2018, et les pièces communiquées le même jour sera donc rejetée.

Sur la recevabilité de l’action de la LFP

La société Puerto soutient que l’action de la LFP est irrecevable tant pour défaut de qualité à agir du fait que ses droits sont épuisés dès la première autorisation et qu’elle les a cédés à titre exclusif, que pour absence d’intérêt à agir, faute de démontrer l’impact des liens litigieux sur les sommes qu’elle a perçues au titre de la vente de ses droits d’exploitation.

La LFP, qui commercialise, en application des articles L. 333-2 et R. 333-2 du code du sport, les droits de diffusion des matchs de Ligue 1 et de Ligue 2 dont la valeur financière très élevée tient au caractère exclusif desdits droits consentis aux diffuseurs, agit à l’encontre de la société Puerto en réparation du préjudice qu’elle prétend subir par la diffusion non autorisée des matchs de Ligue 1 et de Ligue 2, qui selon elle porte atteinte à l’exclusivité consentie, fragilise les partenariats conclus et menace la pérennité de ses activités.

S’agissant d’une action en responsabilité engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil, et non d’une action en contrefaçon de droit d’auteur ou de droit voisin, l’épuisement des droits invoqué par la société Puerto au soutien de son moyen d’irrecevabilité, est sans objet, le fait que la LFP a cédé les droits d’exploitation audiovisuelle ne lui retirant pas sa qualité à agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle qui sanctionne une faute et non l’atteinte à un droit privatif.

La société Puerto ne peut pas non plus soutenir que la LFP serait dépourvue d’intérêt à agir du fait qu’elle ne démontrerait pas l’impact des liens hypertextes incriminés sur les sommes qu’elle a perçues au titre de la vente de ses droits d’exploitation alors que la démonstration d’un préjudice relève de l’examen de la demande au fond et que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action. Les fins de non-recevoir opposées par la société Puerto seront donc rejetées.

Sur la qualité d’éditeur de la société Puerto

La société Puerto soutient qu’elle n’a aucun rôle actif sur les liens litigieux qui sont postés par les contributeurs et stockés dans la rubrique 'tv on internet today', que ce sont les internautes qui alimentent la rubrique en copiant le lien d’une page tierce, et qu’elle n’exerce aucun contrôle, de sorte qu’elle n’est qu’un simple intermédiaire soumis au régime de l’article 6 de la loi LCEN.

En application de l’article 6.I.2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCN) qui transpose en droit interne l’article 14 de la directive 2000/31/CE, les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite, ou si dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données.

Toutefois pour que le stockage effectué par le prestataire relève de l’article 14 de la directive 2000/31, encore faut-il que le comportement de ce prestataire se limite à celui d’un prestataire intermédiaire, et les dérogations en matière de responsabilité prévues par cette directive ne couvrent que les cas où l’activité du prestataire de services revêt un caractère purement technique, automatique et passif impliquant que ledit prestataire n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées.

En l’espèce, il résulte du procès-verbal d’huissier de justice du 23 janvier 2015 (pièce 17) qu’aucune page accessible depuis le site rojadirecta.me n’indique comment un internaute peut éditer des liens hypertextes sur le site, ni ne renvoie vers une page 'channel.rojadirecta.me', à partir de laquelle, selon la société Puerto, l’utilisateur pourrait insérer les liens litigieux, l’huissier de justice ayant au contraire constaté 'j’ai cliqué sur l’ensemble des liens actifs présents sur la page d’accueil et je ne suis pas parvenu à accéder à une page internet dont l’adresse serait channel.rojadirecta.me’ .

Il ressort en outre du procès-verbal d’huissier de justice du 29 octobre 2018 (pièce 58) que lorsque l’huissier de justice clique sur le lien positionné en bas à droite de l’écran intitulé 'add broadcast’ qui a été rajouté par la société Puerto sur son site en cours de procédure, il est dirigé vers une page dont l’adresse url est 'channel.rojadirecta.me’ qui mentionne 'new registration are temporarily disabled’ signifiant que la création de nouveaux comptes, supposés permettre de poster des liens hypertextes, est temporairement impossible.

Ces éléments qui établissent, contrairement à ce que tente de laisser croire la société Puerto, que les liens hypertextes incriminés ne sont pas fournis au site par les internautes, sont en outre corroborés par le fait qu’aucun des liens hypertextes prétendument postés par des contributeurs du site ne renvoient à des contenus autres que les évènements sportifs nationaux ou internationaux en cours, ce qui rend peu vraisemblable l’allégation de la société Puerto de ce qu’elle se borne à stocker sans aucun contrôle les informations qui lui seraient transmises.

Les constatations susvisées, dont il s’infère que la société Puerto n’a pas un rôle purement technique et passif, sont également confortées par le fait que pour un seul et même événement sportif, étant observé que l’agenda quotidien du site rojadirecta.me en contient plusieurs dizaines, ledit site répertorie de nombreux liens ainsi qu’il résulte des procès-verbaux des 2 novembre 2014 et 22 septembre 2017 aux termes desquels l’huissier de justice constate pour le premier, l’affichage de 20 liens hypertextes dont 6 sont en français pour visionner le match 'Ligue 1 : Olympique de Marseille – RC de Lens’ à 21 heures, pour le second la proposition de 16 liens hypertextes dont 7 en français permettant le visionnage en direct du match 'Ligue 1 : OGC [Localité 1] -Angers’ à 19 heures. En outre, pour chacun des liens hypertextes ainsi affichés, sont également précisés le débit de données dudit lien (kilobites par seconde 'Kbps') correspondant à la qualité de résolution de l’image, ainsi que la langue de diffusion, ce qui démontre que la société Puerto ne se borne pas à stocker des liens hypertextes mais a la connaissance et le contrôle desdits liens litigieux, qu’elle répertorie et analyse.

Il est enfin démontré que la société Puerto a la maîtrise des informations publiées sur son site ainsi qu’il résulte du procès-verbal du 17 novembre 2017 aux termes duquel l’huissier de justice constate que lorsqu’il clique au sein de l’agenda sportif sur la mention '19:00 France Ligue 1 : Lille – Saint-Etienne', la mention suivante s’affiche 'Afin de nous mettre en conformité avec une décision du tribunal de grande instance de Paris dont nous avons fait appel, nous devons temporairement restreindre l’accès de nos utilisateurs se connectant depuis la France au site Rojadirecta et ce 45 minutes avant le début des matches de Ligue 1, Ligue 2 ou Coupe de la Ligue'.

Il résulte des développements qui précèdent que la société Puerto ne se borne pas à stocker des informations à la demande de destinataires, que son activité ne revêt pas un rôle de prestataire intermédiaire purement technique, automatique et passif, et qu’en conséquence le jugement entrepris doit être approuvé en ce qu’il a dit que la société Puerto n’est pas fondée à solliciter le bénéfice du régime de responsabilité limitée prévu par l’article 6 I.2 de la loi du 21 juin 2004.

Sur les atteintes aux droits de la LFP

La société Puerto fait valoir que les liens hypertextes ne sont pas nécessairement illicites, en ce qu’ils ont pu être mis en libre accès sur un site internet sans mesure de restriction comme les matchs de la coupe de la ligue diffusés sur les site web du groupe France Télévisions, et que la connaissance du fait que le lien renvoie vers une source illicite ne peut être présumée que lorsque la personne qui les diffuse poursuit un but lucratif, ce qui n’est pas prouvé, la LFP ne démontrant aucun rapport entre les profits publicitaires réalisés par la société Puerto et l’exploitation litigieuse des matchs de compétitions qu’elle organise.

La cour rappelle que l’article L. 333-2 du code du sport prévoit que les droits d’exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la ligue professionnelle dans des conditions et limites précisées par décret en Conseil d’Etat, et que l’article R.333-2 du même code dispose que la ligue professionnelle commercialise à titre exclusif les droits d’exploitation audiovisuelle et de retransmission en direct ou en léger différé, en intégralité ou par extraits, quel que soit le support de diffusion, de tous les matchs et compétitions qu’elle organise.

En l’espèce, il est constant que la LFP organise et gère les championnats professionnels de football en France à savoir la Ligue 1, la Ligue 2 et la Coupe de la Ligue ainsi que le trophée des Champions, et assure à titre exclusif en application des articles L. 333-2 et R. 333-2 susvisés la commercialisation des droits d’exploitation desdites compétitions qu’elle organise.

En outre, il résulte du procès-verbal du 2 novembre 2014 que l’huissier de justice, après avoir relevé l’annonce sur le site Rojadirecta.me d’un match de la Ligue 1 : Olympique de Marseille – RC de Lens ainsi que de liens hypertextes permettant de le visionner, a constaté à 21 heures la diffusion en direct du match à partir de trois des liens figurant sur le site Rojadirecta.me.

Ce même constat a été dressé par huissier de justice le16 décembre 2016 sur le site Rojadirecta.es pour un match de Ligue 1 Angers-Nantes, le 21 décembre 2016 pour les matchs de Ligue 1 Monaco-Caen, Bastia-Olympique de Marseille, Dijon-Toulouse, Nantes-Montpellier, PSG-Lorient, et le 22 septembre 2017 pour un match de Ligue 1 Nice-Angers.

Il résulte en outre des procès-verbaux des 16 et 21 décembre 2016 que l’huissier de justice a constaté une publicité sur la fenêtre de visionnage restant quelques secondes à l’écran avant la diffusion des matchs (pièce 43 page 19, 24, 26, 34 ; pièce 44 pages 18, 22, 25, 28, 30, 33, 37, 42) ainsi qu’à la mi-temps une alternance d’images rediffusées de la première mi-temps et des publicités qui s’enchaînent (pièce 43 page 32) de sorte que, contrairement aux allégations de la société Puerto, le caractère lucratif des diffusions litigieuses est ainsi caractérisé.

Il ressort des développements qui précèdent qu’en diffusant dans un but lucratif des liens permettant de visionner en direct sans autorisation des matchs de la Ligue 1 qui ne sont pas libre d’accès, la société Puerto réalise une captation fautive non autorisée d’un flux économique résultant d’événements sportifs organisés par la LFP, engageant de ce chef sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Sur les mesures de réparation

La cessation des agissements fautifs ainsi caractérisés de la société Puerto doit être ordonné de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a fait droit aux demandes de la LFP de supprimer et d’interdire sous astreinte la mise en ligne sur les sites rojadirecta.me et rojadirecta.es de liens hypertextes permettant de visionner les matchs de compétitions organisées par la LFP en direct ou léger différé ainsi que de toutes rubriques consacrées exclusivement à ces contenus.

En revanche, les demandes de la LFP de procéder à la suppression et de rendre impossible pour l’avenir la mise en ligne de tout site ayant pour nom de domaine 'Rojadirecta’ ainsi que de tout site exploité directement ou indirectement par M. [J] [S], seront rejetées, ce dernier n’étant pas dans la cause et l’illécéité de l’exploitation desdits sites n’étant pas caractérisée en l’absence de procès-verbal de constat y afférent.

La LFP sollicite l’indemnisation de son préjudice matériel par l’allocation d’une somme de 8 180 000 euros et de son préjudice moral à hauteur de 100 000 euros.

Si, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, le préjudice moral de la LFP, résultant de sa perte de crédibilité vis-à-vis de ses partenaires pour leur garantir la jouissance exclusive des droits concédés, est établi et doit être justement indemnisé conformément à la demande à hauteur de 100 000 euros compte tenu de l’importance des droits en cause, en revanche la LFP échoue à démontrer un manque à gagner qu’elle aurait subi en relation de causalité avec les faits litigieux, alors qu’elle a concédé les droits d’exploitation audiovisuelle à titre exclusif pour les saisons 2012-2016 puis 2016-2020 respectivement à hauteur de 610 millions et 726,50 millions, et qu’elle ne justifie pas de réclamation de ses partenaires consécutive aux mises en ligne incriminées. Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.

Compte tenu de la nécessité d’informer les internautes du caractère illicite des liens litigieux diffusés sur les sites accessibles par les adresses rojadirecta.me et rojadirecta.es, le jugement entrepris doit également être confirmé en ce qu’il a ordonné la mise en ligne par la société Puerto d’un communiqué placé sous le titre 'décision judiciaire'.

Le communiqué publié par la société Puerto en exécution du jugement du tribunal de grande instance mentionnait que cette dernière avait fait appel dudit jugement. En conséquence, le présent arrêt confirmant la décision de première instance en toutes ses dispositions, il convient de faire droit à la demande de la LFP d’ordonner à la société Puerto de procéder à une publication d’un nouveau communiqué sous astreinte dans les conditions du dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Condamne la société Puerto 80 Projects à publier dans un encart visible en haut de la page d’accueil du site accessible aux adresses rojadirecta.me et rodirecta.se, en caractères lisibles de taille 12 de couleur noire sur fond blanc, un texte informant les internautes de la confimation par la cour d’appel de Paris de l’illicéité de la publication de liens permettant de visionner en direct et en léger différé les matches organisés par la Ligue de Football Professionnel, dans un délai de 8 jours à compter de la signification du présent arrêt, pour une durée de deux mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne la société Puerto 80 Projects aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et vu l’article 700 du code de procédure civile la condamne à verser à la Ligue de Football Professionnel à ce titre pour les frais irrépétibles d’appel une somme complémentaire de 15 000 euros.

La Greffière La Présidente

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 8 mars 2019, n° 17/17714