Infirmation 8 janvier 2019
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Sur la décision
| Référence : | CA Paris, pôle 6 - ch. 11, 8 janv. 2019, n° 17/01393 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Paris |
| Numéro(s) : | 17/01393 |
| Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Paris, 4 septembre 2016, N° 15/04851 |
| Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
| Président : | Sylvie HYLAIRE, président |
|---|---|
| Avocat(s) : | |
| Parties : |
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 08 JANVIER 2019
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/01393 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B2PUU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2016 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 15/04851
APPELANTE
Madame Z X
[…]
[…]
Représentée par Me Franc MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0610
INTIMEE
SAS UNIPER FRANCE ENERGY SOLUTIONS
[…]
[…]
Représentée par Me Nicolas CHENEVOY, avocat au barreau de PARIS, toque : J045
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sylvie HYLAIRE, présidente
Monsieur Didier MALINOSKY, vice-président placé
Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Caroline GAUTIER
ARRET :
— Contradictoire
— Mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
— Signé par Madame Sylvie HYLAIRE, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société E.On Energie a employé Mme Z X, née en 1980, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2009 en qualité de cadre, Support Portefeuille Client.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du négoce et de la distribution de combustibles gazeux.
La rémunération mensuelle brute moyenne sur les 12 derniers mois de Mme X s’élevait à la somme de 4.061,33 €.
En dernier lieu, Mme X était Responsable Gestion Court Terme Portefeuille Client & Relation Réseaux, poste auquel elle avait été promue le 1er mai 2011.
Par lettre notifiée le 10 janvier 2014, Mme X a été convoquée à un entretien préalable fixé au 20 janvier 2014.
Mme X a ensuite été licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre notifiée le 31 janvier 2014 ainsi rédigée :
« Faisant suite à votre entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est déroulé le 20 janvier 2014 et auquel vous vous êtes présentée assistée, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle pour les motifs qui vous ont été présentés au cours de l’entretien, vos explications ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Vous avez été embauchée le 1er février 2009 en qualité de Support portefeuille Clients.
Dans le cadre de votre évolution professionnelle, vos fonctions ont évolué vers un poste de Responsable Gestion Court Terme Portefeuille Client & Relation Réseaux à compter du 1er mai 2011.
Dans le cadre de cette évolution vous aviez notamment pour tâches :
- Gérer la demande et l’équilibrage court terme du portefeuille client,
- Gérer les relations avec les Gestionnaires de réseau.
Une dégradation progressive de la qualité de votre travail est intervenue au cours de l’année 2012. Votre taux d’atteinte des objectifs pour cette année 2012, incluant l’atteinte des objectifs globaux, a été de 80% lorsque tous les autres membres de l’équipe ont eu un niveau d’atteinte de leurs objectifs allant de 97.9 à 109.6%.
Au cours de l’année 2013, la situation s’est continuellement dégradée et de multiples erreurs, incompréhensions ont été constatées. Celles-ci vous ont été signifiées par mail ou au cours d’entretiens, notamment par votre responsable, Maud Y.
Il s’agit notamment d’erreurs dans le traitement des entrées/sorties de périmètre, de l’incompréhension de l’environnement au sein duquel vous travaillez, des erreurs dans les saisies sur les différents outils en matière de gestion des écarts en électricité.
Ces points ont déjà été partagés avec vous en septembre 2013 au cours d’un entretien dans lequel nous avons réitéré notre inquiétude face à vos carences et la nécessité de réagir dans les meilleurs délais.
Nous vous avons indiqué faute de réaction que nous serions contraints d’envisager la rupture de votre contrat de travail.
En janvier 2014, après votre période d’absence et dès votre retour, vous avez effectué une programmation de gaz illogique qui a nécessité l’intervention de votre hiérarchie.
Au cours de l’entretien qui s’est déroulé le 20 janvier, nous vous avons exposé lesdites insuffisances. Les réponses que vous avez apportées lors de cet entretien n’ont pas été de nature à modifier notre appréciation des faits.
Vous comprendrez que cette situation n’est absolument plus tenable pour l’entreprise.
C’est la raison pour laquelle nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.
La date de l’envoi de ce courrier fixe le point de départ de votre préavis de 6 mois.
Néanmoins, afin de vous permettre de disposer du maximum de temps afin de vous repositionner nous avons décidé de vous dispenser d’effectuer celui-ci qui sera néanmoins rémunéré aux échéances normales de paie.
Conformément aux dispositions de votre contrat de travail, nous vous remercions de bien vouloir restituer immédiatement le matériel à votre disposition (téléphone portable, matériel informatique, clés, badge') ainsi que les documents appartenant à l’entreprise.
À l’issue de votre préavis vos documents de fin de contrat, solde de tout compte, et attestation pôle emploi seront envoyés à votre domicile ».
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme X avait une ancienneté de 5 ans et la société E.On Energie, devenue société Uniper France Energy Solutions occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles, en l’occurrence 25 salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Mme X a saisi le 21 avril 2015 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 5 septembre 2016 auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes et la société Uniper France Energy Solutions de sa demande reconventionnelle et a condamné Mme X aux dépens.
Mme X a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 20 janvier 2017.
La clôture a été fixée à la date du 17 octobre 2018 et l’affaire a été appelée à l’audience du 16
novembre 2018.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 24 juillet 2018, Mme X demande à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
— juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
— condamner la société Uniper France Energy Solutions à lui payer les sommes suivantes :
* 32.490,64 €, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail ;
* 20.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral qu’elle a subi ;
* avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;
— condamner la société Uniper France Energy Solutions à lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 9 juin 2017, la société Uniper France Energy Solutions s’oppose à toutes les demandes de Mme X et demande à la cour de':
— confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a déboute intégralement Mme X de ses demandes, fins et prétentions,
— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de l’entreprise au titre de l’article 700,
en conséquence de quoi:
— condamner Mme X au paiement de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ses demandes étant particulièrement mal fondées.
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur le licenciement
Il ressort de l’article L. 1235-1 du code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.
Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Mme X a été licenciée pour insuffisance professionnelle pour les faits suivants :
— la dégradation de la qualité de son travail au cours de l’année 2012 qui s’est traduite par un taux d’atteinte des objectifs de 80 %, bien inférieur à celui des autres membres de l’équipe,
— les multiples erreurs, incompréhensions constatées au cours de l’année 2013, notamment dans le traitement des entrées/sorties de périmètre, de l’incompréhension de l’environnement au sein duquel elle travaille, des erreurs dans les saisies sur les différents outils en matière de gestion des écarts en
électricité, tous points partagés au cours d’un entretien en septembre 2013,
— une programmation de gaz illogique en janvier 2014, après une période d’absence et dès son retour.
L’insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.
Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir patronal, l’insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur.
Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciable aux intérêts de celle-ci.
Cependant l’employeur doit assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leurs capacités à occuper un emploi compte tenu de l’évolution des technologies, des organisations et des emplois ; il doit leur proposer les actions de formation nécessaires, à savoir une formation adéquate et un temps de formation correcte leur laissant un laps de temps suffisant pour s’adapter à un nouveau matériel ou à de nouvelles fonctions ; l’employeur ne peut donc invoquer l’insuffisance professionnelle que si tous les moyens ont été donnés au salarié pour qu’ils puissent faire ses preuves.
Mme X soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour les raisons suivantes :
— l’activité gazière constituait la grande majorité de son activité professionnelle, représentant 90 à 95 % de son temps de travail comme cela ressort de sa fiche de poste (pièce n° 6 salarié) ;
— la qualité de son travail ne s’est pas dégradée : elle a réalisé 113 % de ses objectifs en 2010 (pièce n° 11) et 96 % en 2011(pièce n° 12) ; certes en 2012, son taux est de 80 % (pièce n° 14), mais ce taux est en lien avec les conditions de marché rendues plus difficiles ;
— le reproche qui lui a été fait est contredit par la prime exceptionnelle d’un montant de 1.800 € qu’elle a perçues en juin 2012 (pièce n° 25) avec la prime sur objectifs 2012 d’un montant de 4 060,61 € qu’elle a perçue avec son salaire d’avril 2013, conformément aux prévisions contractuelles (pièces n° 27, 83, 84) étant précisé que la lettre d’accompagnement du 30 avril 2013 indique que « la part variable 2012 est basée sur la réalisation des objectifs groupe E.ON en France ainsi que sur votre réalisation des objectifs individuels » (pièce n° 26) et avec la prime exceptionnelle d’un montant de 500 € qu’elle a perçue en octobre 2013 ;
— il importe peu que les membres de son équipe aient réalisé des performances supérieures à la sienne dès lors que ses collègues n’avaient pas la même qualification qu’elle et exerçaient des fonctions différentes, ainsi qu’il ressort des pièces versées aux débats par l’intimée (pièce adverse n° 23) ;
— en ce qui concerne la dégradation professionnelle à partir de l’année 2013, ce qui s’est incontestablement dégradé, c’est sa relation avec sa manager, Mme Y : c’est ainsi que Mme Y a annulé au dernier moment des réunions planifiées de longue date destinées à faire un point sur les dossiers en cours (pièces n° 31 à 46) et qu’elle a fait obstacle à son évolution professionnelle, en reportant ou en s’abstenant de se rendre à des réunions prévues avec la directrice des ressources humaines destinées à évoquer les perspectives d’évolution de Mme X (pièce n° 45) ;
— l’employeur a manqué à son obligation de formation ; sa compétence était essentiellement dans le
domaine gazier et elle ne disposait pas d’une formation suffisante en électricité, les erreurs qu’elle a pu commettre sont révélatrices de ce déficit de formation ;
— il lui est imputé des retards dans la communication d’information, concernant des demandes de raccordement pour de nouveaux clients (déclarations PTID) gaz, en 2013 ; or, la procédure de rattachement prévoyait que les informations devaient être transmises « aux environs du 15 du mois » (pièces n° 29,30) ; c’est donc vainement qu’il lui est reproché de ne pas avoir enregistré les positions « pour les débuts de mois » (pièce adverse n° 13) ;
— elle a été convoquée pour un entretien fixé le 3 septembre 2013 et elle a alors découvert que l’employeur souhaitait rompre son contrat de travail et discuter d’une rupture conventionnelle ; pour les besoins de la cause, et après qu’elle a par lettre datée du 8 septembre 2013 rapporté les termes de l’entretien qui avait eu lieu (pièce n° 54 salarié), l’employeur, sans contester l’existence de la proposition de rupture conventionnelle, affirmait le 26 septembre 2013 que « cet entretien avait pour objet de vous alerter sur ce qui constitue à nos yeux une insuffisance professionnelle » (pièce n° 55) ; cette assertion est mensongère, ce sujet n’ayant jamais été évoqué au cours de l’entretien ; d’ailleurs à la fin de cette réunion, le responsable des ressources humaines lui a remis en mains propres une lettre en date du 3 septembre 2013 la libérant de la clause de non-concurrence prévue dans son contrat de travail (pièce n° 50) ; ainsi l’employeur lui a accordé la faculté de trouver du travail ailleurs, au besoin chez un concurrent, et cette initiative est antinomique avec l’entretien de recadrage et de mise en garde sur l’insuffisance professionnelle que la société Uniper France Energy Solutions invoque mensongèrement ;
— après cet entretien au cours duquel elle a appris que son employeur voulait rompre son contrat de travail, elle a été en arrêt de travail jusqu’au 30 décembre 2013 sans que les avocats des parties parviennent à s’accorder sur les conditions financières de la rupture ; c’est dans ces conditions que quelques jours après sa réintégration, le 7 janvier 2014, l’employeur a tiré prétexte d’une erreur qu’elle a effectivement commise le temps de prendre ses marques sur un nouvel outil mis en production (pièces n° 73 et 74) mais cette erreur, qui a été corrigée, n’a emporté aucune conséquence pour l’entreprise et a même permis ultérieurement de réaliser une marge positive, comme le reconnaissait la directrice commerciale lors de l’entretien préalable (pièce n° 79, p. 4) ;
— les faits ne constituent qu’un prétexte pour la licencier ; en réalité, son poste, qui résultait de la fusion de deux entités de la société E.ON, a été supprimé, après qu’une réorganisation ait eu lieu (pièce n° 28) ; aucune embauche au poste de Responsable Gestion Court Terme Portefeuille Client & Relation Réseaux, qu’elle occupait, n’a été réalisée par l’entreprise.
La société Uniper France Energy Solutions soutient que :
— l’insuffisance professionnelle de Mme X est caractérisée par l’absence d’atteinte des objectifs à partir de 2012, alors que dans le même temps, tous ses collègues atteignaient ou dépassaient les objectifs ; en effet, le taux d’atteinte des objectifs de Mme X était de 78,1%, alors que le taux d’atteinte des 5 autres membres de l’équipe variait entre 97,9% et 109,6% (pièce n° 2 : compte rendu de l’entretien annuel de 2013 de Mme X et pièce n° 23 : comptes rendus d’entretien des collègues de Mme X) ;
— sur toute l’année 2012 et par la suite, Mme X a pourtant bénéficié d’un important support comme le reste de l’équipe avec la réalisation de nombreuses formations communes auxquelles elle participait (pièce n° 22 : programme de formation produit par Mme X en première instance et pièce n° 18 : formations proposées à Mme X) ;
— en novembre 2012, elle a commis des erreurs récurrentes dans l’établissement du document d’entrée et de sortie de périmètre qui relève de sa responsabilité (pièce n°3 : courriels de novembre 2012 sur des erreurs de périmètre), les erreurs portant sur 25% des entrées et sur 50% des sorties (pièce n° 4 :
courriel du 19 décembre 2012 sur de nouvelles erreurs sur le périmètre) ;
— elle a à nouveau commis des erreurs les 11 et 12 mars 2013, sur des commandes d’électricité en confondant les problématiques des prix et des volumes ; ainsi elle a conclu une commande dans un ordre de grandeur disproportionné (par exemple 120 MW sur 10 heures au lieu de 120 MWh), et des contre-ordres ont du être passés, engendrant des pertes financières lourdes d’environ 25.000 € ; elle proposait par ailleurs des prix inacceptables, la demande étant fixée 26 € /MWh ce qui correspondait au prix du gaz, alors que pour l’électricité, le prix était autour de 65 € / Mwh (pièce n° 5 : courriel du 12 mars 2013 ; pièce n° 6 : échange de courriels entre la salarié et sa hiérarchie laissant apparaître une incompréhension des enjeux et pièce n° 8) ;
— entre avril et juin 2013, Mme X a été en retard dans la communication d’informations essentielles à l’équipe relatives à des demandes de raccordement pour les nouveaux clients (pièce n° 9 : courriels des 4 mars sur l’envoi en retard d’une déclaration conjointe ; pièce n° 10 : courriels du 3 avril sur le nouvel envoi en retard de la déclaration conjointe et pièce n° 11 courrier électronique du 4 avril 2013) ;
— en janvier 2014, Mme X a fait une erreur dans la programmation de l’équilibrage de gaz (pièce 17) alors qu’elle avait été coachée pour sa reprise de poste afin de lui permettre de reprendre son activité de façon satisfaisante (pièce adverse n°73) ;
— sur le prétendu licenciement économique, si une restructuration a effectivement été lancée dans une autre entreprise du groupe effectuant de la production d’électricité par le biais de centrales à charbon obsolètes, l’activité de commercialisation de l’entreprise n’était en rien impactée ; cette activité se développe et les effectifs progressent régulièrement, passant de 25 salariés en fin 2013 à plus de 50 salariés aujourd’hui (pièce n° 19 : évolution des effectifs entre fin 2013 et jusqu’à ce jour).
La cour constate que c’est en vain que la société Uniper France Energy Solutions soutient que l’insuffisance professionnelle de Mme X est caractérisée par l’absence d’atteinte des objectifs à partir de 2012, alors que dans le même temps, tous ses collègues atteignaient ou dépassaient les objectifs.
En effet, si le taux d’atteinte des objectifs de Mme X été de 78,1%, (pièce n° 2 employeur) alors que le taux d’atteinte de 5 autres membres de l’équipe variait entre 97,9% et 109,6% (pièce n° 23 employeur), non seulement pour cette année 2012 Mme X a perçu en juin 2012 une prime exceptionnelle d’un montant de 1.800 € (pièce n° 25 salarié), une prime sur objectifs 2012 d’un montant de 4.060,61 € (pièces n° 27, 83 et 84) étant précisé que la part variable 2012 est basée sur la réalisation des objectifs groupe E.ON en France ainsi que sur la réalisation des objectifs individuels (pièce n° 26 salarié) et une prime exceptionnelle d’un montant de 500 € en octobre 2013 ; en outre, les membres de son équipe qui ont réalisé des performances supérieures à la sienne n’avaient pas la même qualification qu’elle et exerçaient des fonctions différentes, ainsi qu’il ressort des pièces versées aux débats par la société Uniper France Energy Solutions (pièce adverse n° 23) : en effet, Mme X était Responsable Gestion Court Terme Portefeuille Client & Relation Réseaux, ce qu’aucun de ses collègues avec lesquels l’employeur la compare n’est.
La cour retient encore que la société Uniper France Energy Solutions ne prouve pas que les retards invoqués à l’encontre de Mme X lui soient imputables et qu’ils traduisent des manquements à des obligations contractuelles, cela ne ressortant aucunement des pièces mentionnées à l’appui de ces faits (pièces n° 9 et 10 employeur).
En revanche les erreurs commises en 2012, 2013 et 2014 sont établies et ne sont d’ailleurs pas contestées.
Cependant, à l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus, la cour estime que ces
erreurs ne constituent pas une cause sérieuse de licenciement et ne constituent en réalité qu’un prétexte pour licencier Mme X.
En effet, les erreurs stigmatisées sont ponctuelles ; elles ont été commises le 15 novembre 2012 (pièce n° 3 employeur), puis le 19 décembre 2012 (pièce n° 4 employeur), puis les 11 et le 12 mars 2013 (pièces n° 5 à 7 employeur) et enfin le 7 janvier 2014 et la société Uniper France Energy Solutions n’établit aucunement que ces erreurs ont occasionné des préjudices ; cela n’est pas le cas pour l’erreur du 7 janvier 2014 (pièce n° 79, p. 4 salarié) et le préjudice allégué à hauteur de 25.000 € pour les autres erreurs n’est pas établi, aucun élément de preuve n’étant versé aux débats à ce sujet.
En outre et surtout à l’examen des pièces produites (pièces n° 9, 10, 50, 54 et 55 salarié) et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que la véritable raison du licenciement de Mme X tient à la dégradation des relations de travail entre elle et sa supérieure hiérarchique qui ont conduit la société Uniper France Energy Solutions à décider de se séparer d’elle en septembre 2013 ;les courriers électroniques objet des pièces n° 9 et 10 (salarié) établissent l’existence d’une situation tendue avec Mme Y, situation qui a justifié l’intervention d’un coach et les pièces 50, 54 et 55 (salarié) montrent que la société Uniper France Energy Solutions a dénaturé la teneur de l’entretien du 3 septembre 2013 et s’est constitué une preuve préparatoire (pièce n° 55 employeur) au licenciement envisagé manifestement dés septembre 2013 au cas où le processus de rupture conventionnelle qu’elle a engagé à cette date n’aboutirait pas : c’est à juste titre que Mme X soutient qu’elle a été convoquée pour discuter de la rupture conventionnelle le 3 septembre 2013, qu’elle a par lettre datée du 8 septembre 2013 rapporté les termes de l’entretien qui avait eu lieu (pièce n° 54 salarié), et que pour les seuls besoins de la cause, l’employeur, sans contester l’existence de la proposition de rupture conventionnelle, affirmait le 26 septembre 2013 que cet entretien avait pour objet de l’alerter sur ce qui constituait à ses yeux une insuffisance professionnelle (pièce n° 55) ; cette assertion est dénaturante, aucun élément ne permettant de retenir que ce sujet a été évoqué au cours de l’entretien comme le montre notamment le fait qu’à la fin de cette réunion du 3 septembre 2013, le responsable des ressources humaines a remis en mains propres à Mme X une lettre la libérant de la clause de non-concurrence prévue dans son contrat de travail (pièce n° 50) étant ajouté que cette faculté de trouver du travail ailleurs, au besoin chez un concurrent, vient tout à fait au soutient de la thèse d’une discussion sur la rupture du contrat alors que cette initiative n’a aucune cohérence dans le cadre de l’entretien de recadrage et de mise en garde sur l’insuffisance professionnelle que la société Uniper France Energy Solutions invoque pour les besoins de la cause.
Il ressort de ce qui précède que l’employeur n’a pas établi, à l’occasion de la présente instance, la cause réelle et sérieuse justifiant, au sens de l’article L. 1235-1 du code du travail, le licenciement de Mme X'; en conséquence, le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme X est justifié et, statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme X sollicite la somme de 32.490,64 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société Uniper France Energy Solutions s’y oppose.
Il est constant qu’à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme X avait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus ; il y a donc lieu à l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme X, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme X doit être évaluée à la somme 30.000 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Uniper France Energy Solutions à payer à Mme X la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’application de l’article L.1235-4 du code du travail
L’article L.1235-4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Le licenciement de Mme X ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l’application de l’article L.1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société Uniper France Energy Solutions aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme X, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme X sollicite la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et fait valoir, à l’appui de cette demande que les relations de travail avec Mme Y ont été éprouvantes, que l’annonce de la rupture de son contrat de travail le 3 septembre 2013 lui a causé un véritable choc traumatique, suivi de quatre mois d’arrêt de travail ; elle verse aux débats les éléments médicaux démontrant qu’elle a fait une dépression (pièce n° 59 à 70), soulignant que le médecin du travail avait d’ailleurs diagnostiqué une situation de souffrance au travail (pièce n° 57).
La société Uniper France Energy Solutions s’oppose à cette demande : Mme X n’a jamais signalé des faits de harcèlement et de souffrance avant l’entretien de septembre 2013, les éléments de preuve produits sont des certificats de complaisance ou n’émanent pas du médecin du travail (pièce n° 57 salarié), les prescriptions de médicament antidépresseurs sont de fin novembre 2013 et Mme X est de mauvaise foi lorsqu’elle invoque l’annulation de réunion.
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que Mme X a fait une dépression consécutivement à l’entretien du 3 septembre 2013 et que cette maladie est imputable aux man’uvres de la société Uniper France Energy Solutions destinées à se séparer d’elle.
Compte tenu notamment des circonstances de la dépression dont Mme X a souffert de septembre à décembre 2013 et des conséquences de cette maladie à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice moral de Mme X doit être évaluée à la somme 3.000 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de
dommages et intérêts pour préjudice moral et, statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Uniper France Energy Solutions à payer à Mme X la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Sur les autres demandes
Les dommages et intérêts alloués seront assortis d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
La cour condamne la société Uniper France Energy Solutions aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Uniper France Energy Solutions à payer à Mme X la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs t développés dans l’arrêt.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Uniper France Energy Solutions à payer à Mme X les sommes suivantes :
— 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Dit que les dommages et intérêts alloués à Mme X, sont assortis d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Ordonne le remboursement par la société Uniper France Energy Solutions aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme X, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,
Condamne la société Uniper France Energy Solutions à verser à Mme X la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne la société Uniper France Energy Solutions aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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