Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 8, 6 août 2019, n° 15/14601

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 8, 6 août 2019, n° 15/14601
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/14601
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bobigny, 15 décembre 2014, N° 2013F00666
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 6 AOÛT 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/14601 – N° Portalis 35L7-V-B67-BWYAF

( Jonction prononcée le 13/10/2015 avec le N° RG 15/17692 )

Décision déférée à la cour : Jugement du 16 Décembre 2014 -Tribunal de commerce de BOBIGNY – RG n° 2013F00666

APPELANTS

Monsieur [X] [G]

Né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 7] (ALGERIE)

Demeurant [Adresse 12]

[Adresse 11]

[Localité 7] (ALGERIE)

Monsieur [F] [G]

Né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7] (ALGERIE)

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 5]

Représentés par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistés de Me Fabienne BERNERON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0617

INTIMÉES

La SARL LE FONTANAS, agissant en la personne de son gérant

Immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 421 838 616

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Assistée de Me Eléonore DANIAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0282

La SARL L’AGORA prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 533 153 748

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Hervé GUYADER, avocat au barreau de PARIS, toque B 339

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la cour, composée en double rapporteur de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [D] [N] dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Véronique COUVET

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière lors de la mise à disposition.

*****

FAITS ET PROCÉDURE:

A la suite du décès de M. [C] [G] et de sa mère, les 14 [Date décès 9] et [Date décès 4] 2009, puis de la cession de ses parts par Mme [O], le 28 mai 2010, le capital de la

Sarl Le Fontanas s’est trouvé ainsi réparti :

— détention de 10 % des parts (numérotées 1 à 50) indivisément par Mmes [T], [E], [P], [A], [L], [A], [W] et [S] [G] et

M. [V] [G] (l’indivision 10 %) ;

— détention de 90 % des parts (numérotées 51 à 500) indivisément par les mêmes et MM. [X] et [F] [G] (l’indivision 90 %).

Une assemblée générale extraordinaire du 16 avril 2010 a agréé tous les indivisaires comme associés et nommé M. [V] [G] aux fonctions de gérant à compter du 30 avril 2010.

Dans le prolongement d’une assemblée générale des associés du 27 juin 2011 ayant autorisé l’opération, la Sarl Le Fontanas, par contrat du 10 octobre 2011,a cédé son fonds de commerce de café brasserie restaurant, tabac, PMU, jeux exploité sous l’enseigne

« La résidence » et situé à [Localité 8] (92) à la société L’Agora pour le prix de 150 000 euros.

Le 14 juin 2013, M. [F] [G] a assigné à bref délai les Sarl Le Fontanas et l’Agora devant le tribunal de commerce de Bobigny en annulation de l’assemblée générale du

27 juin 2011, annulation de la cession du fonds de commerce du 10 octobre 2011 et désignation d’un « administrateur judiciaire » avec pour mission de gérer la

Sarl Le Fontanas et le fonds de commerce « [Adresse 10] ».

Au cours de l’instance, M. [X] [G], intervenu volontairement, et

M. [F] [G] ont, en qualité de propriétaires indivis de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce « [Adresse 10] », formé des demandes additionnelles en paiement de loyers à l’encontre des Sarl Le Fontanas et L’Agora.

Par jugement du 16 décembre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a :

— rejeté les fins de non-recevoir soulevées par les Sarl Le Fontanas et L’Agora pour s’opposer aux demandes en paiement de loyers,

— constaté que l’assemblée du 27 juin 2011 était régulière et n’était pas entachée de nullité ;

— débouté MM. [F] et [X] [G] de leur demande d’annulation de la cession de fonds de commerce intervenue le 11 octobre 2011 ;

— débouté MM. [F] et [X] [G] de leur demande de désignation d’un administrateur provisoire ;

— débouté MM. [F] et [X] [G] de leurs demandes en paiement de loyers dirigées contre les Sarl Le Fontanas et l’Agora ;- condamné solidairement MM. [F] et [X] [G] à payer aux sociétés Le Fontanas et L’Agora la somme de 2 500 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté « les sociétés Auditeurs Associés Conseils » du surplus de leurs demandes;

— condamné solidairement MM. [F] et [X] [G] aux dépens.

M. [X] [G] a relevé appel de ce jugement le 7 juillet 2015 (RG 15/14601) puis, une seconde fois, avec M. [F] [G], le 24 août 2015 (RG 15/17692).

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 13 octobre 2015.

Dans leurs conclusions signifiées le 18 novembre 2015, MM. [F] et [X] [G] demandent à la cour :

— d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

— de déclarer recevable l’intervention volontaire de M. [X] [G] ;

— de déclarer recevable et bien fondée la demande additionnelle en paiement de loyers qu’ils formulent ;

— d’annuler l’assemblée générale ordinaire du 27 juin 2011 et, en conséquence, la cession du fonds de commerce du 10 octobre 2011 ;

— de dire que les parties doivent être remises dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la cession de fonds de commerce ;

— de constater que M. [V] [G] a commis des fautes de gestion et, en conséquence, nommer un « administrateur judiciaire » avec pour mission de gérer la société Le Fontanas et le fonds de commerce « [Adresse 10] », de recueillir la position des indivisions 10 % et 90 %, d’établir les comptes annuels de la

Sarl Le Fontanas pour les années 2010 à 2012, de faire le point sur les comptes courants d’associés au sein de la société (Mme [Y] [O] et M. [C] [G]), et de convoquer toute assemblée générale qu’il jugerait utile à l’intérêt social;

— de condamner la société Le Fontanas à leur payer la somme de 16 718,14 euros au titre des loyers leur revenant en tant que propriétaires indivis des murs du fonds de commerce « La résidence » ;

— de condamner la société L’Agora à leur payer la somme de 24 339,33 euros à parfaire à la date de la décision à intervenir, au titre des loyers leur revenant au

1er novembre 2015 en tant que propriétaires indivis des murs du fonds de commerce « La résidence»;

— de condamner les Sarl Le Fontanas et L’Agora à leur payer 8 000 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens d’appel dont distraction au profit de la Selarl 2H Avocats, en la personne de Me Patricia Hardouin conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions signifiées le 7 janvier 2019, la société Le Fontanas demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes d’annulation de l’assemblée générale ordinaire des associés du 27 juin 2011, d’annulation de la cession du fonds de commerce du 10 octobre 2013 [lire 2011] et de désignation d’un administrateur provisoire à la tête de la société Le Fontanas et de condamner in solidum MM. [F] et

[X] [G] à lui payer 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens, dont distraction au profit de Me Flauraud conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 6 mars 2018, la société L’Agora demande à la cour de rejeter les demandes des appelants, de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du contrat de cession du fonds de commerce et de condamner solidairement MM. [F] et [X] [G] à lui payer 5 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter solidairement les dépens de l’instance.

SUR CE,

— Sur l’annulation de l’assemblée générale des associés de la Sarl Le Fontanas du 27 juin 2011

MM. [F] et [X] [F] invoquent trois causes de nullité de l’assemblée, dont l’absence de représentation valable des deux indivisions par Mme [W] [G], désignée selon eux de manière irrégulière comme mandataire unique de celles-ci. Ils font valoir qu’il a été procédé à cette désignation sans distinguer les deux indivisions, que deux mandataires distincts auraient dû être désignés et que la règle de l’unanimité prévue par les articles 815-3 et 1844, alinéa 2, du code civil a été méconnue dès lors qu’eux-mêmes et

Mme [T] [G], en conflit avec les autres indivisaires, n’ont pas investi

Mme [W] [G] d’un mandat de représentation et que les procurations données par cinq autres indivisaires étaient irrégulières au regard du droit algérien.

La Sarl Le Fontanas réplique que MM. [F] et [X] [G] ne sont pas concernés par l’indivision 10 %, que la désignation d’un mandataire unique commun aux deux indivisions n’est pas contraire à l’article 1844 du code civil, que ce dernier texte, seul applicable à l’exclusion de l’article 815-3 du même code, n’exige pas une désignation du mandataire unique des indivisaires à l’unanimité mais une absence de désaccord et qu’en l’espèce, les huit indivisaires qui étaient soit présents soit représentés en vertu d’un pouvoir valable donné à Mme [W] [G], ont désigné cette dernière à l’unanimité tandis que les trois autres n’ont exprimé aucune objection, notamment MM. [F] et

[X] [G] qui avaient choisi de ne pas se rendre à l’assemblée des indivisaires.

Le 10 juin 2011, M. [V] [G] a adressé aux onze indivisaires :

— une convocation à une « assemblée des copropriétaires de parts sociales indivises de la société Le Fontanas » devant se tenir le 27 juin 2011 à 11 heures à l’effet de désigner « un mandataire unique de l’indivision dont font l’objet les parts sociales » en vue de l’assemblée générale appelée à voter le même jour à partir de 14 heures sur le projet de cession du fonds de commerce de la

Sarl Le Fontanas au profit de Mme [L] [G] épouse [H] et de

M. [J] [H], ou de toute personne morale qui leur serait substituée, pour un prix (hors stocks) de 150 000 euros.

— une convocation à « l’assemblée générale des associés » de la Sarl Le Fontanas devant se tenir le 27 juin 2011 à 14 heures à l’effet de délibérer sur le projet de cession précité.

Selon le procès-verbal de la première assemblée, la résolution relative à la désignation de Mme [W] [G] en qualité de mandataire unique habilité à exercer le droit de vote, au nom et pour le compte de l’indivision, à l’assemblée générale de la Sarl Le Fontanas appelée à délibérer sur la cession du fonds de commerce au profit de M. et Mme [H] ou de

M. [F] [G] a été « adoptée à la majorité des deux tiers».

Quant à la seconde assemblée, désignée par le procès-verbal comme étant une assemblée générale ordinaire, elle a pris acte des deux projets d’acquisition du fonds de commerce, constaté l’impossibilité d’examiner celui de M. [F] en l’absence de celui-ci et autorisé M. [V] [G] à céder le fonds de commerce à Mme [L] [G] épouse [H] et M. [J] [H], ou à toute personne morale qui leur serait substituée, moyennant le prix (hors stocks) de 150 000 euros, le même procès-verbal indiquant que la résolution correspondante « mise au voix, est adoptée ».

Les feuilles de présence des deux assemblées, identiques, mentionnent que Mmes [L] et [W] [G] et M. [V] [G] étaient présents, que MM. [X] et

[F] [G] et Mme [T] [G] n’étaient ni présents, ni représentés et que les cinq autres indivisaires étaient représentés.

Selon la Sarl Le Fontanas, les résultats des votes tels que décrits ci-avant signifient que les résolutions relatives à la désignation de Mme [W] [G] comme mandataire unique de l’indivision et à la cession du fonds de commerce à M. et Mme [H] ont été adoptées à l’unanimité des personnes présentes ou représentées.

Il convient à présent de déterminer si la désignation de Mme [W] [G] comme mandataire unique de l’indivision dans les conditions décrites ci-avant a permis à celle-ci de représenter valablement les indivisaires à l’assemblée générale ordinaire des associés de la Sarl Le Fontanas du 27 juin 2011.

A titre liminaire, et à supposer que la Sarl Le Fontanas ait entendu soulever une fin de

non-recevoir en arguant que MM. [F] et [X] [G] n’étaient pas concernés par l’indivision 10 %, il convient de rappeler que tout associé est recevable à contester la validité des pouvoirs d’une personne qui, comme en l’espèce s’agissant de

Mme [W] [G], a représenté un associé lors de l’adoption d’une décision collective.

L’article 1844, alinéa 2, du code civil énonce : « les copropriétaires d’une part sociale indivise sont représentés par un mandataire unique, choisi parmi les indivisaires ou en dehors d’eux. En cas de désaccord, le mandataire sera désigné en justice à la demande du plus diligent. »

Dans le même sens, l’article 9. III des statuts de la Sarl Le Fontanas stipulent : « les propriétaires indivis sont tenus de se faire représenter par un mandataire commun pris entre eux ou en dehors d’eux. A défaut d’entente, il sera pourvu par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce statuant en référé à la désignation de ce mandataire, à la demande de l’indivisaire le plus diligent. »

Il en résulte que la désignation de Mme [W] [G] comme mandataire unique des indivisaires supposait, pour être valable, qu’elle intervienne d’un commun accord entre ces derniers.

Il convient donc de rechercher si la désignation de Mme [W] [G] peut être regardée comme résultant d’un consensus nonobstant l’absence de participation de MM. [F] et [X] [G] et de Mme [T] [G], en personne ou par l’intermédiaire d’un représentant, à l’assemblée des indivisaires au cours de laquelle il a été procédé à cette désignation.

La Sarl Le Fontanas indique elle-même dans ses écritures que M. [F] [G] n’a pas retiré les deux lettres de convocation – comme en atteste d’ailleurs la mention « non

réclamé » portée par la poste – et que M. [X] [G] a « expressément refusé » la remise de ces lettres.

Par ailleurs, si la Sarl Le Fontanas affirme que les autres indivisaires ont « dûment » accusé réception des convocations, elle n’en justifie pas, notamment s’agissant de

Mme [T] [G].

Dès lors, il n’est pas établi que MM. [X] et [F] [G] et Mme [T] [G] ont eu connaissance de la tenue d’une réunion en vue de désigner un mandataire unique appelé à représenter les indivisaires à l’assemblée générale des associés du 27 juin 2011 ou encore de l’objet de l’assemblée à laquelle ils devaient être représentés.

De surcroît, l’objet même de l’assemblée générale des associés du 27 juin 2011, appelée à délibérer sur deux offres d’acquisition du fond de commerce concurrentes émanant, d’une part, de MM. [X] et [F] [G] (ce dernier ayant indiqué dans un courrier adressé le 8 juin 2011 à La Sarl Le Fontanas qu’il présentait l’offre avec son frère [X]) et, d’autre part, de Mme [L] [G] et de son conjoint impliquait l’existence d’intérêts a priori divergents entre les indivisaires, à tout le moins entre ceux auteurs des offres.

Dans ces circonstances, il ne peut être déduit de l’absence de désaccord exprimé sur la désignation de Mme [W] [G] lors de la réunion du 27 juin 2011 que MM. [F] et [X] [G], membres de l’indivision 90 %, et Mme [T] [G], membre des deux indivisions, ont consenti à celle-ci, fût-ce tacitement.

Il s’ensuit que Mme [W] [G], à la supposer même munie de procurations régulières en ce qui concerne Mmes [E], [P], [A], [A] et [S] [G], n’a pas valablement représenté les indivisaires de l’une et l’autre indivisions lors de l’assemblée générale des associés du 27 juin 2011.

En conséquence, et sans qu’il soit besoin d’examiner les deux autres causes de nullité invoquées, l’assemblée générale des associés du 27 juin 2011, au cours de laquelle aucun vote valable n’a été exprimé (la totalité du capital de la Sarl Le Fontanas étant détenue de manière indivise), doit être annulée.

Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a constaté que l’assemblée du

27 juin 2011 était parfaitement régulière et n’était pas entachée de nullité.

— Sur l’annulation de la cession du fonds de commerce de la Sarl Le Fontanas décidée par l’assemblée générale des associés du 27 juin 2011

A la suite de l’autorisation donnée par l’assemblée générale des associés du 27 juin 2011, le fonds de commerce de la Sarl Le Fontanas a été cédé à la Sarl L’Agora, suivant contrat du 10 octobre 2011 conclu entre ces deux sociétés.

Il résulte des articles 1844-16 du code civil et L. 235-12 du code de commerce que « ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d’une nullité à l’égard des tiers de bonne foi», sauf en cas d’incapacité ou de vice du consentement.

Pour déterminer s’il y a lieu de prononcer l’annulation de la cession du 10 octobre 2011 en conséquence de celle de l’assemblée du 27 juin 2011, il convient, conformément aux dispositions précitées, de déterminer si la Sarl L’Agora, tiers, est de bonne foi comme elle le prétend.

La Sarl L’Agora, immatriculée le 27 juin 2011, a pour gérante et associée

Mme [L] [G] épouse [H], qui détient le capital de cette société à parts égales avec son mari.

Mme [L] [G] est, par ailleurs, copropriétaire de la totalité des parts de la

Sarl Le Fontanas et a participé aux deux assemblées successives du 27 juin 2011 qui ont, respectivement, désigné Mme [W] [G] comme mandataire unique des indivisaires en l’absence de MM. [F] et [X] [G] et de Mme [T] et autorisé la cession du fonds de commerce à la Sarl L’Agora.

Enfin, comme le font valoir les appelants, Mme [L] [G] avait été informée de la proposition concurrente de M. [F] [G] par un courrier du notaire de ce dernier du 28 février 2011 (offrant, à l’époque, un prix de 150 000 euros) ainsi que du maintien de celle-ci pour avoir, d’une part, été rendue destinataire en copie du courrier envoyé par

M. [F] [G] à la Sarl Le Fontanas (offrant désormais un prix de 220 000 euros) et d’autre part, participé aux deux assemblées du 27 juin 2011 au cours desquelles cette proposition a été évoquée.

Dès lors, la Sarl L’Agora est mal fondée à se prévaloir de sa bonne foi.

C’est par ailleurs de manière inopérante que cette société invoque les conséquences économiques désastreuses qu’entraînerait pour elle l’annulation de la cession.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la cession du fonds de commerce intervenue le 10 octobre 2011 et, statuant à nouveau, de prononcer celle-ci.

— Sur la désignation d’un administrateur provisoire pour gérer la Sarl Le Fontanas

Pour conclure à la désignation d’un administrateur provisoire, MM. [F] et

[X] [G] invoquent, d’une part, une situation de blocage liée au conflit existant entre les indivisaires et, d’autre part, diverses fautes de gestion commises par

M. [V] [G].

La Sarl Le Fontanas conteste l’existence d’une situation de blocage et les fautes de gestion alléguées.

La désignation d’un administrateur provisoire suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent.

Si MM. [F] et [X] [G] font état d’un blocage résultant d’un conflit au sein de l’indivision 90 % et de l’absence de pouvoir donné par Mme [T] [G] à

Mme [W] [G], les seules difficultés mises en exergue par les pièces du dossier se résument à celles apparues lors de la cession du fonds de commerce (existence d’offres concurrentes, opposition au versement du prix de vente par MM. [F] et

[X] [G] et Mme [T], action en annulation de l’assemblée générale et de la cession du fonds) et à l’opposition exprimée par M. [F] [G] à la tenue, au mois de juin puis d’août 2013, d’une assemblée générale extraordinaire appelée à délibérer sur la dissolution de la Sarl Le Fontanas.

De telles circonstances, ou encore le courriel d’un notaire du 13 octobre 2011 informant

M. [F] [G] de son impossibilité de le représenter en même temps que

Mme [L] [G] en raison de l’existence d’un conflit d’intérêts, ne suffisent pas à établir l’existence d’une mésentente entre les associés rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d’un péril imminent.

Sont également invoquées par les appelants, à l’appui de leur demande, les fautes de gestion commises par M. [V] [G].

Il est d’abord prétendu que M. [V] [G] n’a pas soumis les comptes à l’assemblée générale des associés et qu’il a convoqué une assemblée générale en juin et août 2013 en vue de dissoudre la Sarl Le Fontanas alors qu’aucun rapport de gestion ni comptes sociaux n’avaient été communiqués « depuis trois ans ».

M. [F] [G] a été convoqué le 9 août 2013 à l’assemblée générale des associés de la Sarl Le Fontanas qui s’est tenue le 26 août 2013, au cours de laquelle les rapports de gestion et comptes sociaux des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011 et 2012 – joints à la convocation – ont été soumis aux associés.

Il a donc été remédié à la situation dénoncée et il ne résulte pas des écritures des appelants qu’elle aurait perduré au titre des exercices postérieurs à 2012.

Ces faits, pas plus que l’absence de dépôt des comptes au greffe au moins jusqu’au

11 juin 2013 (date de la pièce produite par les appelants établissant ce non-dépôt), ne rendent impossible le fonctionnement normal de la société, ni ne menacent celle-ci d’un péril imminent.

MM. [F] et [X] [G] invoquent encore l’existence de détournements et font plus spécialement état, à cet égard, de la « disparition » du prix de cession du fonds de commerce de la Sarl Le Fontanas ainsi que de la situation des comptes courants d’associé de Mme [O] et de M. [C] [G].

S’agissant de l’absence d’inscription du prix du fonds de commerce dans les comptes, les appelants n’indiquent pas de quel document ils la déduisent, étant observé que, comme en atteste la balance générale au 31 octobre 2011, ce prix a bien été enregistré en comptabilité et que l’utilisation qui en a été faite est retracée par l’état comptable du compte séquestre du 12 avril 2013 versé aux débats.

La « disparition » du prix de cession n’est donc pas démontrée.

Quant au compte courant d’associé de M. [C] [G], il résulte des protocoles transactionnels conclus les 29 mars et 13 décembre 2010 entre Mme [O] et les indivisaires (neuf étant signataires du premier protocole et les deux autres, à savoir

MM. [F] et [X] [G], étant signataires du second) qu’il a été considéré par toutes les parties que le solde débiteur de 112 246,33 euros apparaissant dans les comptes de l’exercice 2008 résultait d’anomalies comptables.

Les anomalies ainsi constatées, dont rien n’indique qu’elles recouvrent des détournements, ne sont pas, compte tenu de leur date, imputables à la gestion de M. [V] [G]. En outre, il n’est pas établi qu’elles persistent à la suite de la rectification sollicitée dans un courrier du 11 juin 2010 adressé par neuf indivisaires, dont M. [V] [G], à la Sarl Le Fontanas et à son expert-comptable.

En ce qui concerne le compte courant d’associé de Mme [O], créditeur d’un montant de 97 624 euros dans les comptes de la Sarl Le Fontanas de l’exercice 2008, cette dernière a renoncé à se le faire rembourser par la société dans le protocole transactionnel du

29 mars 2010 et en a informé cette dernière par courrier du 2 juin 2010. L’absence d’inscription au crédit des comptes de l’exercice 2010 de la Sarl Le Fontanas de l’abandon de créance correspondant, à la supposer établie, ne remet pas en cause cet abandon, par ailleurs formalisé de manière incontestable.

Il s’infère des éléments qui précèdent que la situation des comptes courants d’associé de

M. [C] [G] et de Mme [O] ne caractérise pas une impossibilité de fonctionnement normal de la société menaçant celle-ci d’un péril imminent.

Enfin, MM. [F] et [X] [G] font état de l’acceptation d’une offre d’acquisition du fonds de commerce de la Sarl Le Fontanas moins-disante et donc contraire à l’intérêt social ainsi que de deux convocations aux fins de dissolution de la société.

Si l’offre de MM. [F] et [X] [G] était d’un montant supérieur à celle de

M. et Mme [H], il reste qu’elle n’a pas pu être soumise à l’assemblée générale des associés de la Sarl Le Fontanas du 27 juin 2011, faute pour ses auteurs, qui n’avaient pas retiré leur convocation, de s’être rendus à cette assemblée.

Par ailleurs, les appelants ne précisent pas en quoi les convocations – intervenues en juin et août 2013 – à une assemblée générale appelée à délibérer sur la dissolution de la

Sarl Le Fontanas qui, au demeurant, n’ont pas été suivies d’effet, révèlent un fonctionnement anormal de la société la menaçant d’un péril imminent.

Il s’ensuit que les conditions de désignation d’un administrateur provisoire ne sont pas réunies et, partant, qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il l’a refusée.

— Sur les demandes de paiement de loyers dirigées contre la Sarl Le Fontanas et la Sarl L’Agora

En première instance, les sociétés Le Fontanas et L’Agora avaient fait valoir que les demandes en paiement de loyers étaient irrecevables en ce qu’elles n’étaient pas comprises dans l’autorisation d’assigner à bref délai donnée à M. [F] [G] et ne pouvaient être formées par M. [X] [G] par la voie d’une intervention volontaire à défaut de lien suffisant avec les prétentions des parties.

MM. [F] et [X] [G], qui concluent à l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, ne sont pas recevables, faute d’intérêt, à critiquer les deux chefs de dispositif ayant rejeté les fins de non-recevoir évoquées ci-avant.

Sur le fond, ils soutiennent que les onze membres de l’indivision [G] sont propriétaires indivis de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce « La résidence » et sollicitent la condamnation des Sarl Le Fontanas et L’Agora, chacune pour la période qui la concerne, à leur payer la part de loyers leur revenant.

La créance détenue de manière indivise sur un tiers ne confère pas à chacun des indivisaires une créance sur ce tiers à proportion de ses droits dans l’indivision.

En conséquence, les demandes en paiement de loyers dirigées contre les Sarl Le Fontanas et l’Agora seront rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

— Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les Sarl L’Agora et Le Fontanas, qui succombent partiellement, seront tenues aux dépens et condamnées à payer chacune la somme globale de 2 500 euros à MM. [F] et [X] [G] en application de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation prononcée à l’encontre de ces derniers en première instance étant infirmée.

PAR CES MOTIFS

Déclare MM. [F] et [X] [G] irrecevables en leurs demandes d’infirmation des chefs de dispositif du jugement ayant rejeté les fins de non-recevoir soulevées par les Sarl Le Fontanas et L’Agora pour s’opposer aux demandes en paiement de loyers formées à leur encontre,

Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de MM. [F] et

[X] [G] tendant à voir désigner un administrateur provisoire pour gérer la

Sarl Le Fontanas et condamner cette dernière et la Sarl L’Agora au paiement de loyers,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Annule l’assemblée générale des associés de la Sarl Le Fontanas du 27 juin 2011,

Annule la cession de fonds de commerce intervenue le 10 octobre 2011 entre les

Sarl Le Fontanas et l’Agora,

Condamne les Sarl Le Fontanas et L’Agora à payer à MM. [F] et [X] [G] la somme globale de 2 500 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne les Sarl Le Fontanas et L’Agora aux dépens qui pourront être recouvrés par la Selarl 2H Avocats conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 8, 6 août 2019, n° 15/14601