Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 5, 9 octobre 2019, n° 19/11477

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 5, 9 oct. 2019, n° 19/11477
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/11477
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, JEX, 22 avril 2019, N° 19/80576
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 09 OCTOBRE 2019

(n° /2019)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11477 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CACJV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Avril 2019 Juge de l’exécution de PARIS – RG n° 19/80576

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Sylvie KERNER-MENAY, Présidente, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEURS

Monsieur H B

[…] d’or

[…]

Monsieur J Z

[…]

[…]

Madame L C

[…]

[…]

Madame N D

[…]

[…]

Monsieur P E

6 bis rue de la Grange Saint-Pierre

[…]

Monsieur P F

[…]

[…]

Représentés par la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocats postulants au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistés de Me Laura SERRES substituant Me Emmanuel FLEURY de l’AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R169

à

DÉFENDEUR

SARL OUTSOURCIN FINANCE – G

[…]

[…]

Représentée par Me Fabrice ORLANDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0066

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 11 Septembre 2019 :

EXPOSE DU LITIGE

La société anonyme A est une société d’expertise comptable et de conseils aux entreprises. Son capital social était détenu par M. H B, M. J Z, Mme L C, Mme N D, M. P E, M. P V F et M. S T.

M. U Y W-X, expert-comptable a créé en 2005, pour l’exercice de sa profession, sa propre structure, la société OUTSOURCIN FINANCE (G) dont il est le dirigeant.

Par actes sous seing privés en date des 10 novembre et 7 décembre 2011, la société G a fait l’acquisition de l’intégralité des actions composant le capital de la société A et ce moyennant une somme totale de 1.515.100 euros.

Soutenant l’existence d’un dol, M. Y W-X, la société G et la société A ont poursuivi les anciens actionnaires de A devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir la nullité des actes de cession.

Par jugement du 11 décembre 2015, ils ont été déboutés de l’ensemble de leurs demandes et ont formé appel.

Par arrêt rendu le 22 février 2018, la cour d’appel de Paris, infirmant le jugement rendu le 11 décembre 2015 par le tribunal de commerce de Paris, a notamment :

— prononcé la nullité des actes de cession d’actions de la société A en date des 10 novembre 2011 et 7 décembre 2011 ;

— condamné solidairement M. J Z, M. H B, M. S T, M. P E, M. P V F, Mme L C épouse Z et Mme N D à payer à M. U Y W-X, la société Outsourcin finance G et la société A la somme totale de 1.515.100 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’arrêt ;

— les a condamnés solidairement à payer à M. U Y W-X, la société Outsourcin finance G et la société A chacun la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Un pourvoi a été formé à l’encontre de cette décision.

Le 4 février 2018, la société A a introduit une requête en interprétation de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 22 février 2018. Par un arrêt du 16 mai 2019, la cour d’appel de Paris a rejeté la demande d’interprétation en considérant que « le dispositif de l’arrêt est clair. L’annulation de la cession a un effet rétroactif et a pour effet de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient si la cession n’avait pas eu lieu ».

Outre cette requête en interprétation, de nombreuses procédures ont été engagées de part et d’autres, soit pour obtenir l’exécution effective de cette décision soit pour la remettre en cause.

Ainsi, suivant procès-verbaux d’huissier en date des 18 et 20 avril 2018, M. U Y W-X, les société G et A ont, sur le fondement de l’arrêt rendu le 22 février 2018, fait pratiquer des saisies-attributions sur les comptes bancaires de Mme et M. Z et des saisies de droits d’associés et de valeurs mobilières qui se sont avérées fructueuses pour un montant de 1.838.535,04 euros.

Par actes du 22 mai 2018, M. et Mme Z, invoquant l’existence d’une créance de 1.103.900 euros ont fait assigner devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris M. U Y W-X, les société G afin de voir ordonner le cantonnement des saisies-attributions pratiquées à l’initiative de M. U Y W-X, la société Outsourcing finance G et la société A à hauteur de la somme de 400.000 euros, comme ayant été effectivement acquittée par M. Y W-X et la société G au titre des cessions d’actions en date des 10 novembre et 7 décembre 2011qui ont fait l’objet d’une annulation selon l’arrêt rendu le 22 février 2018 par la cour d’appel de Paris et de voir ordonner la mainlevée des saisies-attributions pratiquées à l’initiative de M. U Y W-X, la société Outsourcin finance G et la société A pour le surplus de cette somme.

Par jugement rendu le 25 octobre 2018, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes de mainlevée de cantonnement formées par les époux Z et dit que les tiers saisis seront tenus de payer à chacun des créanciers, M. Y W-X, les sociétés G et A, un tiers de la somme de 1.525.846,12 euros. Il a rejeté une demande de restitution des documents en constatant que l’arrêt du 28 février 2018 ne l’avait pas ordonnée.

Le sursis à exécution de cette décision a été sollicité devant le premier président qui l’a rejeté suivant une ordonnance du 16 janvier 2019.

La société A, estimant qu’une somme plus importante devait lui revenir, a fait appel de la décision.

Par un arrêt du 28 mars 2019, la cour d’appel a confirmé le jugement du 25 octobre 2018 du juge de l’exécution de Paris.

Elle a également déposé plainte le 24 septembre 2018 contre M. Y W-X et contre la société G du chef d’abus de biens sociaux.

Concomitamment, par une ordonnance sur requête en date du 28 mai 2018, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné la SELAFA LJA en qualité de mandataire ad hoc de la société A avec mission de convoquer une assemblée générale aux fins de désignation d’un président. Le 11 juin 2018, la dite assemblée a nommé M. H B en qualité de président de A. Cette désignation est contestée par M. Y W-X.

Par requête en date du 19 juillet 2018, la société A sous la représentation de M. B a été autorisée à assigner en référé d’heure à heure M. U Y W-Tai devant le président du tribunal de commerce de Paris pour obtenir restitution des documents financiers, sociaux et comptables. Suivant une ordonnance de référé du 1er août 2018, le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé au motif de l’existence d’une contestation sérieuse. Cette décision a été infirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 20 mars 2019 qui fait l’objet d’un pourvoi.

Enfin, suivant un acte d’huissier de justice en date du 7 février 2019, la société A ainsi que M. H B, M. J Z, Mme L C, Mme N D, M. P E, M. P V F (les anciens actionnaires) ont assigné la société G et M. Y W-X devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir l’annulation de l’assemblée générale du 31 août 2018. Au terme de l’assignation, il a également été sollicité la condamnation de la société G et de M. Y W-X à payer à la société A les sommes de 1.109.467,78 euros en réparation du préjudice causé par les dividendes fictifs illicitement distribués, outre une somme de 1.500.000 euros correspondant à la valeur d’A. Cette procédure est actuellement en cours.

Par une ordonnance sur requête du 12 février 2019, M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et M. F ont obtenu du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris l’autorisation de pratiquer à l’encontre de la société G, une saisie conservatoire auprès de la banque LCL et de la SELARL d’huissiers de justice Cherki et Rigot, en garantie d’une créance évaluée par eux provisoirement à la somme de 1.515.000 euros.

Par actes d’huissier de justice des 11 mars, 13 mars et 14 mars 2019, la société G a fait assigner M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et M. F devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance aux fins d’obtenir la mainlevée des mesures conservatoires autorisées.

Par jugement du 23 avril 2019, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a :

— rétracté l’ordonnance sur requête en date du 12 février 2019 ayant autorisé M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et M. F à pratiquer, au préjudice de la société Outsourcin Finance (G), des saisies conservatoires ;

— ordonné en conséquence mainlevée des saisies conservatoires pratiquées en exécution de ladite ordonnance, en particulier celle régularisée le 15 février 2019 auprès de la SELARL Cherki-Ragot ;

— condamné M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et M. F à payer à la société Outsourcin Finance 3.000 euros de dommages et intérêts, outre une indemnité de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rejeté pour le surplus toutes demandes contraires ou plus amples ;

— condamné également M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et M. F aux dépens, outre les frais d’exécution ;

— rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.

Par déclaration en date du 7 mai 2019, M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et

M. F ont relevé appel de cette décision.

Par acte d’huissier de justice de justice du 21 juin 2019, M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et M. F ont fait assigner en référé la société Outsourcin Finance (G) devant le premier président de la cour d’appel de Paris aux fins d’obtenir un sursis à exécution de la décision entreprise au visa de l’article R.121-22 du code des procédures civiles d’exécution.

Suivant des écritures déposées et soutenues à l’audience, M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et M. F demandent au premier président de bien vouloir :

— dire et juger qu’ils font état de moyens sérieux de réformation du jugement déféré ;

— dire et juger que l’exécution du jugement du 23 avril 2019 risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives pour la société A ;

— suspendre l’exécution du jugement rendu par le juge de l’exécution de Paris le 23 avril 2019 ;

— débouter la société G de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— condamner la société G à leur payer la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société G aux entiers dépens de l’instance.

Ils soutiennent détenir des moyens sérieux de réformation de la décision de première instance. Ils indiquent être détenteurs d’un principe de créance à l’encontre de M. Y W-X et de la société G d’un montant de 1.103.000 euros correspondant à la part du prix de cession qu’ils ont perçu en provenance des fonds propres de la société A, M. Y W-X et de la société G n’ayant versé que le seul reliquat de 400.000 euros, sans compter une perte de valorisation de la société qu’ils estiment ne pas pouvoir être inférieure à 1.515.000 euros.

Ils précisent que conformément aux dispositions de l’article 511-7 du code des procédures civiles d’exécution, ils ont introduit dans le mois qui a suivi l’exécution de la mesure forcée une action judiciaire en vue d’obtenir un titre exécutoire devant le tribunal de commerce de Paris.

Ils ajoutent que leur action devant le premier président est recevable et que les dispositions de l’article L.622-21 du code de commerce sur la suspension des poursuites individuelles n’a pas lieu à s’appliquer dans le cadre d’une procédure tendant à obtenir un sursis à exécution.

Ils soulignent que contrairement à ce qui a été soutenu par le premier juge, leur action devant le juge de l’exécution est une action ut singuli, à savoir une action menée à titre individuel au nom d’A. Ils affirment que cela résulte tant de la requête devant le juge de l’exécution que de l’assignation au fond. Ils ajoutent qu’ils ne se sont jamais prévalus d’une créance personnelle mais au contraire du pillage des fonds propres de la société A et de la violation des obligations statutaires et légales, outre sa perte de valorisation.

Selon eux, le principe de créance est constitué d’une part de dividendes fictifs versés par la société A au profit d’G qui ont servi au financement d’A et d’autre part à la perte de la valorisation d’A évaluée en 2011 à 1.515.000 euros et désormais privée de tout activité.

Ils n’entendent pas recouvrer le prix de cession des actions, comme soutenu par la partie adverse, mais obtenir la restitution des sommes indûment prélevées sur les comptes d’A par G afin de financer son acquisition.

En ce sens, ajoutent-ils, la requête se réfère à l’assignation au fond et a été produite en pièce jointe et de cette dernière, il résulte qu’ils ont initié une action ut singuli au nom et pour le compte d’A et que A a exercé une action ut universali pour son compte conformément aux dispositions des articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce.

Ils ajoutent que les fautes de gestion commises en 2011 et 2018 telles que développées dans l’assignation au fond dans le cadre de l’action ut singuli sont les fautes dénoncées dans le cadre de la requête déposée devant le juge de l’exécution.

C’est donc selon eux, à tort que le juge de la rétractation a considéré qu’ils s’étaient prévalus uniquement d’une créance personnelle alors même que la requête ainsi que l’assignation qui tendent à l’obtention d’un titre exécutoire déterminent avec précision le fondement de l’action ut singuli initiée par les demandeurs pour le compte d’A.

Ils expliquent qu’eu égard à la contestation formulée par G et par M. Y W X quant à la désignation de M. B comme président de A, il y avait nécessité d’initier une action ut singuli.

Sur le principe de créance, ils rappellent que la somme de 1.103.900 euros correspondant à partie du prix de la cession de A réalisée en 2011 a bien été viré sur ordre de M. Y du compte A pour être versée sur les comptes d’G afin de financer l’acquisition d’A. Selon M. Y et G, cette somme correspond à des versements opérés au bénéfice d’G à titre de dividendes. Ils contestent l’affirmation selon laquelle aucune assemblée générale des actionnaires n’a autorisé une telle distribution, celle du 6 décembre 2011 ayant au contraire décidé d’affecter les dividendes en report à nouveau du résultat de l’exercice 2011.

Ils contestent la réalité du procès-verbal d’assemblée générale du 7 décembre 2011 à 22 heures, soit le jour de la cession au cours de laquelle A aurait décidé une distribution de dividendes à G, actionnaire unique d’A. En conséquence, le prélèvement de 1.103.900 euros opéré le 14 décembre 2011 ne peut être considéré comme des dividendes mais au contraire est constitutif de dividendes fictifs, caractérisant le principe de créance de A et de toute personne agissant pour son compte, sans compter la perte de la valorisation de la société.

Ils affirment encore qu’aucune prescription de cette créance n’est acquise au regard de la chronologie des événements et de leur découverte lors de la désignation de M. B en qualité de président de A à compter du 11 juin 2018.

Enfin, ils invoquent une créance résultant de la perte de la valeur de la société A estimée naturellement à son prix de cession.

Par ailleurs, l’absence de sursis à exécution est selon les demandeurs de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives résultant notamment d’un risque de disparition des fonds alors que A se trouve depuis la décision d’annulation de la cession en déshérence et n’exerce plus aucune activité et qu’elle ne pourra pas se rétablir en cas de levée des mesures conservatoires exécutées à hauteur de 258.039,53 euros outre le fait que la société G soit dans une situation financière délicate puisque bénéficiant d’une mesure de sauvegarde.

Suivant des écritures déposées et soutenues l’audience, la société G demande au premier président de bien vouloir :

— dire et juger qu’il n’existe aucun moyen sérieux de réformation du jugement du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris rendu le 23 avril 2019 ;

— dire et juger qu’il n’existe aucun risque de conséquences manifestement excessives pour les actionnaires de la société A ;

En conséquence,

— rejeter la demande de sursis à exécution formulée par M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et M. F ;

— condamner M. B, M. Z, Mme C, Mme D, M. E et M. F à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour avoir formulé une demande de sursis à exécution manifestement abusive ;

En tout état de cause

— condamner chacun des défendeurs à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner les défendeurs aux dépens.

Elle soutient que l’assignation au fond du 7 février 2019 est irrecevable en application des dispositions de l’article L.622-21 du code de commerce qui pose le principe de la suspension des poursuites individuelles puisque la société G est placée sous sauvegarde.

Elle ajoute qu’il n’existe aucun lien entre la requête du 12 février 2019 et l’assignation subséquente du 7 février 2019 devant le tribunal de commerce de Paris. Elle précise que les demandes contenues dans l’assignation au fond sont faites au nom de la société A et non au nom des actionnaires et que les dettes visées sont des dettes exclusivement sociales invocables uniquement par la société A. Elle considère que le premier juge a fait une exacte application des dispositions de l’article R.511-7 du code des procédures civiles d’exécution.

Elle affirme que la créance invoquée par les anciens actionnaires devant le juge de l’exécution n’est pas fondée en son principe. Elle souligne que la requête du 12 février a été faite en leur nom sans référence à la société A ou à l’intérêt de cette dernière ; qu’ils ne peuvent donc soutenir avoir agi au nom de la société A dans le cadre d’une action ut singuli étant ajouté que l’action sociale même ut singuli bénéficie exclusivement à la société, personne morale juridique distincte des associés et titulaires du patrimoine.

Elle précise que la distribution de dividendes fictifs, à la supposer avérée, est exclusivement une créance sociale entre les mains de la société A. Elle observe encore que les anciens actionnaires poursuivent la compensation de leur condamnation à rembourser le prix de cession qui constitue purement une dette personnelle. Ils invoquent une distribution de dividendes fictifs dont ils ont été les bénéficiaires exclusifs et les débiteurs auprès de la société A. Elle ajoute qu’en toute hypothèse, les conditions de la distribution de dividendes fictifs, à savoir le défaut d’approbation des comptes et le défaut de constatation de sommes distribuables, ne sont pas réunies. Par ailleurs, une éventuelle créance de répétition de dividendes fictifs serait à ce jour prescrite en application des dispositions de l’article L.223-40 du code de commerce. Enfin, il ne résulte pas des énonciations de l’arrêt du 22 février 2018 une quelconque reconnaissance de l’existence d’une distribution de dividendes fictifs.

De la même façon, le principe de créance résultant de la perte de la valorisation de la société A n’est pas davantage établi. Elle explique qu’aucun associé ne peut demander réparation de la perte de la valeur de ses titres quelle que soit la cause de ce préjudice et aucune faute de gestion n’est prouvée pouvant engendrer le préjudice allégué et évalué « comme par hasard », selon elle, au montant dû par les bénéficiaires de l’ordonnance sur requête en date du 12 février 2019.

Enfin, elle conteste l’existence de conséquences manifestement excessives attachées à l’exécution provisoire de la décision du juge de l’exécution du 23 avril 2019.

SUR CE,

En vertu de l’article R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution, en cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation. Elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure. Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. L’auteur d’une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d’un montant maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.

A titre liminaire, il convient de rappeler que le premier président ne peut apprécier la demande de sursis à l’exécution que sur le seul fondement de l’article R. 121-22 susvisé, l’article 524 du code de procédure civile (circonstances manifestement excessives) étant inapplicable de sorte que les développements des parties sur l’existence ou non des conséquences manifestement excessives sont inopérants.

L’existence d’un principe de créance entre les mains des anciens actionnaires à l’initiative de la saisine du juge de l’exécution est au centre du débat.

Les demandeurs au sursis à exécution soutiennent devant le premier président qu’ils ont agi devant le juge de l’exécution dans le cadre d’une action ut singuli pour le compte et dans l’intérêt de la société.

Cette affirmation n’est pas corroborée par l’examen et la lecture littérale de la requête soumise au juge de l’exécution qui ne fait nullement référence à une telle action et ne précise à aucun moment que les requérants agissent pour défendre les intérêts de la société A.

L’existence d’une contestation relative à la désignation des organes de représentation de la société A pour expliquer l’absence de A n’est pas pertinente puisque dans le cadre de l’assignation au fond, les anciens actionnaires agissent au côté de la société A prise en la personne de son nouveau président M. B. Par ailleurs, cette assignation contient pour sa part expressément la mention que les anciens actionnaires agissent dans le cadre d’une action ut singuli pour obtenir réparation du préjudice subi par la société A (page 13 de l’assignation).

Tel n’est pas le cas de la requête soumise au juge de l’exécution de laquelle il résulte d’abord d’évidence que la société A n’est pas partie à l’instance et qu’ensuite les actionnaires n’ont à aucun moment indiqué agir au nom et pour le compte de la société A, précisant au contraire, comme l’a relevé le premier juge « a minima, les actionnaires détiennent ainsi un principe de créance sur M. U Y W-X et G, créance semblant fondée en son principe au vu des faits ci-dessus exposés, d’un montant de 1.103.900 euros correspondant aux fonds propres de la société A, sans compter sa perte de valorisation de la société A qui ne saurait être inférieure à la somme de 1.515.000 euros » (page 4 de la requête aux fins de saisie conservatoire du 12 février 2019).

Ces sommes réclamées en leur nom sont identiques à celles réclamées dans le cadre de l’instance au fond qui vise effectivement à obtenir l’indemnisation d’un préjudice social.

Il suit de ce qui précède qu’il n’existe aucune motif sérieux de réformation, de la décision de rétractation prise par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 23 avril 2019 qui a tiré toutes les conséquences de l’absence de démonstration d’un principe de créance entre

les mains des anciens actionnaires. La demande de sursis à exécution formulée doit être rejetée.

La demande de condamnation pour procédure abusive sera, en revanche, rejetée, le caractère fautif de l’instance introduite n’étant pas établi.

Les demandeurs au sursis à exécution qui succombent doivent être condamnés solidairement à payer à la société G la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Ils seront également condamnés aux dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande de sursis à exécution de la décision du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 23 avril 2019 ;

Rejetons la demande pour procédure abusive ;

Condamnons solidairement H B, J Z, L C, N D, P E, P V F à payer à la société G, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons solidairement H B, J Z, L C, N D, P E, P V F aux dépens de l’instance.

ORDONNANCE rendue par Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente

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