Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 4, 4 juin 2019, n° 17/13213

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 4

ARRÊT DU 04 JUIN 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/13213 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3U47

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2017 -Tribunal d’Instance de PARIS 16e arrondissement – RG n° 11-14-001147

APPELANT

Monsieur A X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Maître Thierry TORDJMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0949

INTIMEES

Madame B Y

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée par Maître Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Maître Isabelle HUGUES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0872

Syndicat des copropriétaires DE L’IMMEUBLE SIS 11 CHAUSSEE DE LA MUETTE […] représenté par son syndic en exercice, la […]

Société par Actions Simplifiée à C D, dont le siège social est […], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

c/o […],

[…]

[…]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Avril 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Christian PAUL-LOUBIERE, Président et M. François BOUYX, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christian PAUL-LOUBIERE, Président

M. François BOUYX, Conseiller

Mme Marie MONGIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme E F

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Christian PAUL-LOUBIERE, Président et par M. Sébastien SABATHÉ, Greffier présent lors de la mise à disposition.

******

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 29 décembre 2003, à effet au 20 février 2004, la société GECINA a consenti à Madame B Y et à Monsieur G H, aujourd’hui décédé, un bail d’habitation pour une durée de six ans renouvelable, portant sur un logement situé au septième étage droite du […] à Paris 16e arrondissement.

Par avenant régularisé le 14 août 2009 avec Monsieur A X, nouveau propriétaire de l’appartement depuis le 20 avril 2007, ce bail a été étendu à un local de 6m² attenant à 1'appartement et donnant accès aux parties communes et à l’ascenseur.

Aux termes de cet avenant, le loyer a été fixé à un montant mensuel de 1.485 euros en principal, outre 135 euros à titre de provisions sur charges.

Madame I J, épouse X est propriétaire depuis mars 2006 d’un appartement situé au […] du même immeuble.

A la suite de plusieurs dégâts des eaux dans l’appartement loué, Madame B Y a fait assigner, par acte d’huissier du 30 juillet 2014, Monsieur A X devant le tribunal d’instance du 16e arrondissement de Paris aux fins de solliciter, pour l’essentiel :

— la condamnation de Monsieur A X au paiement de la somme de 29.839,85 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

— la réduction du loyer de 33 % de novembre 2009 à mai 2014 et de 50 % à compter de juin 2014, soit le versement de la somme de 995,15 euros hors charges pour la première période et 746,7 euros pour la deuxième,

— la condamnation de Monsieur A X au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

— la condamnation de Monsieur A X à faire réaliser les travaux visés au devis

ATRIUM,

— la nullité du commandement de payer délivré le 8 août 2012,

Par acte d’huissier du 24 novembre 2014, Monsieur A X a fait assigner le

syndicat des copropriétaires de l’immeuble représenté par son syndic, la société par actions

simplifiée VINCI IMMOBILIER GESTION, aux fins de jonction de ce dossier avec celui 1'opposant à Madame Y, ainsi que, pour l’essentiel, de condamnation du syndicat des copropriétaires à le garantir de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 janvier 2015, Monsieur X a donné congé des lieux loués à Mme Y pour le 14 août 2015, aux fins de reprise à titre personnel.

Par acte d’huissier du 15 décembre 2015, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 11 CHAUSSÉE DE LA MUETTE […] (le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES) représenté par son syndic, la société par actions simplifiée VINCI IMMOBILIER GESTION, a fait appeler la société anonyme GECINA en garantie.

Par acte d’huissier du 8 février 2016, Mme Y a fait assigner M. X devant le tribunal d’instance du 16e arrondissement de Paris , aux fins de solliciter, pour l’essentiel, la nullité du congé délivré, la fixation du loyer, et, subsidiairement, de l’indemnité d’occupation, à la somme de 634 euros par mois, et, plus subsidiairement, l’octroi d’un délai de trois mois pour quitter les lieux, ainsi que la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 15 mai 2017, rendu après réouverture des débats, cette juridiction :

— ORDONNE la jonction des différents dossiers,

— CONSTATE le caractère abusif de la clause n° 2.9.11 du contrat de bail signé entre les parties le 29 décembre 2003 et REJETTE la fin de non recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Paris 16e, représenté par son syndic, la société VINCI IMMOBILIER GESTION,

— DÉCLARE nul le congé délivré le 22 janvier 2015 pour le 14 août 2015 en fraude des droits de la locataire,

— CONDAMNE Monsieur A X au paiement de la somme de 41.334,79 euros à Madame B Y en réparation de son préjudice de jouissance,

— CONDAMNE Madame B Y au paiement à Monsieur A X de la somme de 24.541,59 euros au titre des loyers et charges dus au 30 avril 2016 et ORDONNE la compensation de cette somme avec les dommages et intérêts accordés en réparation de son préjudice de jouissance,

— CONDAMNE Monsieur A X au paiement de la somme de 10.000 euros à Madame B Y en réparation de son préjudice moral,

— CONDAMNE Monsieur A X au paiement de la somme de 835,71 euros à Madame B Y au titre des frais de remplacement des toilettes,

— CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Paris16ème, représenté par son syndic, la société VINCI IMMOBILIER GESTION à rembourser à Monsieur A X la somme de 3.594 euros au titre des travaux de remise en état de l’appartement,

— CONDAMNE Monsieur A X au paiement de la somme de 4.000 euros à Madame B Y au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Paris16ème, représenté par son syndic, la société VINCI IMMOBILIER GESTION au paiement de la somme de 3.000 euros à Monsieur A X au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis […] à Paris 16e, représenté par son syndic, la société VINCI IMMOBILIER GESTION à garantir Monsieur A X de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de la présente décision, exception faite de la condamnation au paiement de la somme de 835,71 euros en remplacement des toilettes,

— DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ou contraires,

— CONDAMNE Monsieur A X aux entiers dépens,

— ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Le 30 juin 2017, M. X a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe par la voie électronique.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 1er mars 2019, il demande à la cour de :

— LE DÉCLARER recevable et bien-fondé en son appel principal,

— INFIRMER la décision entreprise, seulement en ce qu’elle a déclaré nul et de nul effet le

congé aux fins de reprise pour habiter délivré par lui à Madame B Y et octroyé à Madame B Y des dommages et intérêts, en réparation de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral pour une période durant laquelle celle-ci avait qualité d’occupante sans droit ni titre,

— PRENDRE ACTE qu’il s’en rapporte et s’C aux chefs d’infirmations, demandes et moyens formulés dans les écritures signifiées par le Syndicat des copropriétaires du 11 Chaussée de la Muette – […] le 11 décembre 2017,

Statuant à nouveau,

— VALIDER le congé aux fins de reprise pour habiter délivré par lui à Madame B Y après avoir constaté la réalité et la consistance du projet de reprise envisagé par les époux X,

— REPORTER la date d’effet du congé à la date d’échéance contractuelle, soit au 19 février

2016,

— DÉCLARER en conséquence Madame B Y occupante sans droit ni titre à compter du 20 février 2016,

— ORDONNER l’expulsion de Madame B Y et de tous occupants de son chef, ainsi que de ses biens, avec si besoin était l’assistance d’un serrurier et de la force publique,

— AUTORISER Monsieur A X à faire constater les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet, assisté, s’il l’estime utile, d’un technicien, et séquestrer les effets mobiliers qui en sont susceptibles pour sûreté des loyers échus et des charges locatives,

— CONDAMNER Madame B Y au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle correspondant au loyer contractuel majoré de 30 %, hors charges, et ce à compter

de la date d’effet du congé jusqu’à la libération effective des lieux et la remise des clés,

RAMENER le quantum des dommages et intérêts alloués à Madame B Y à la somme de 40.014,79 € en réparation de son préjudice de jouissance et 9.700 € en réparation de son préjudice moral, eu égard à sa qualité d’occupante sans droit ni titre à compter du 20 février 2016,

— DÉBOUTER Madame B Y de l’intégralité de ses prétentions, fins et conclusions,

— CONDAMNER Madame B Y à lui verser la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— LA CONDAMNER aux entiers dépens de l’instance en cause d’appel.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 11 mars 2019, Mme Y demande à la cour de :

— CONFIRMER le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

— DÉCLARER le syndicat irrecevable en son appel sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile et au surplus mal fondé,

— LA DÉCLARER recevable en ses demandes,

— DÉBOUTER Monsieur X et le syndicat du 11 chaussée de la Muette de toutes leurs demandes,

— DIRE et JUGER que Monsieur X ayant confirmé son absence d’intention de réaliser les travaux d’agrandissement et de jonction de l’appartement objet du bail en contradiction avec la motivation du congé reprise pour réaliser des travaux d’agrandissement pour habiter, les devis et plans établis deux ans et neuf mois après le congé, sont insusceptibles d’établir la réalité de la motivation du congé en janvier 2015, particulièrement dans le contexte procédural de l’époque,

— CONFIRMER la nullité du congé,

Si par extraordinaire la Cour validait le congé

— DIRE et JUGER que le préjudice de jouissance et moral ne saurait être interrompu par l’éventuelle fin du bail, le bailleur demeurant tenu de la décence du logement en contrepartie du versement par la locataire d’une indemnité d’occupation,

— DIRE et JUGER que cette indemnité d’occupation sera égale au montant du loyer plus charges,

— DIRE ET JUGER que le bailleur a failli à son obligation de mise à disposition d’un logement décent et plus particulièrement à son obligation d’assurer le clos et le couvert,

— CONDAMNER Monsieur X à payer à Madame Y 44 662,60 € de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance pour la période de novembre 2009 jusqu’à avril 2016 et 10 000 € au titre du préjudice moral,

— CONDAMNER in solidum Monsieur X et le syndicat du 11 chaussée de la Muette à payer à Madame Y 4 000 € d’article 700 du Code de procédure civile au stade de l’appel,

— CONDAMNER in solidum Monsieur X et le syndicat du 11 chaussée de la Muette en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL BDL AVOCATS sur le fondement de l’article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 11 décembre 2017, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 11 CHAUSSÉE DE LA MUETTE […] demande à la cour de :

— DIRE qu’il s’en rapporte et s’C quant aux mérites des moyens et demandes présentés par Monsieur X devant la cour,

— DIRE que Madame Y est irrecevable en ses demandes.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté le caractère abusif de la clause numéro

2.9.11 du contrat de bail du 29 décembre 2003,

— INFIRMER le jugement entrepris en qu’il a déclaré nul le congé délivré le 22 janvier 2015 et en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevé par lui,

— INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a retenu comme préjudice de jouissance de Madame B Y la somme de 41.334,79 euros outre 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,

— DÉBOUTER Madame Y de ses demandes et subsidiairement, les réduire à de plus justes proportions,

— CONDAMNER Madame Y à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’en tous les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes des parties

Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES, rejoint par M. X, oppose à Mme Y l’irrecevabilité de ses demandes du fait de :

— la clause du bail par laquelle elle s’interdit de rechercher la responsabilité du bailleur et celle du gardien de l’ensemble immobilier,

— son statut d’occupante sans droit ni titre par l’effet du congé,

— de l’intervention d’un assureur tant qu’elle ne justifie pas des sommes reçues,

Mme Y réplique que le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES est sans qualité pour

solliciter le débouté d’une demande de nullité de congé sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile.

Elle estime que la clause de non recours du bail n’est pas valide et que la présence d’un assureur ne rend pas sa demande irrecevable.

***

* Le débat sur le point de savoir si le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES est recevable à soulever l’irrecevabilité des demandes formées par Mme Y est sans grande portée concrète puisque M. X reprend à son compte les moyens soutenus et les prétentions formées par cette partie.

Au demeurant, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES, appelé par le propriétaire d’un lot de la copropriété en garantie des conséquences d’un dégât des eaux subi par sa locataire, est recevable à opposer dans le cadre d’un appel incident à cette dernière tous moyens de défense utiles en ce compris l’irrecevabilité de ses demandes.

* S’agissant de la clause du bail n° 2.9.11 par laquelle le preneur s’interdit de rechercher la responsabilité du bailleur notamment en cas de dégâts des eaux dans les lieux donnés à bail, l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que ses dispositions sont d’ordre public de sorte que le bailleur ne peut y déroger conventionnellement spécialement en ce qui concerne les règles relatives à la décence du logement et à l’obligation de délivrance en bon état de réparation pesant sur lui.

De plus, l’article 4 m) de la loi du 6 juillet 1989 répute non écrite toute clause qui interdit au locataire de rechercher la responsabilité du bailleur ou qui l’exonère de toute responsabilité.

La clause litigieuse n’est donc pas abusive, comme l’a jugé le tribunal au visa de l’article

L 212-1 du code de la consommation lequel ne s’applique qu’aux rapports entre professionnels, ce qui n’est pas le cas de M. X, et consommateurs, mais réputée non écrite en application de l’article 4m) de de la loi du 6 juillet 1989 et en ce qu’elle contrevient à son article 6.

* Le statut d’occupant sans droit ni titre, qui suppose acquise la validité du congé délivré par le bailleur, n’interdit pas à Mme Y de solliciter l’indemnisation du trouble de jouissance éprouvé avant le terme du bail.

L’éventuelle intervention d’un assureur ne la prive pas davantage du droit d’agir en réparation de son préjudice matériel et moral.

Ses demandes doivent donc être déclarées recevables étant précisé que les moyens développés par le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES et M. X relèvent, pour le surplus, du fond de

l’affaire.

Sur la sincérité du motif du congé

M. X estime que le premier juge a outrepassé ses pouvoirs en exerçant a priori un contrôle d’opportunité en vérifiant la viabilité du projet alors que la réunion des deux appartements sans l’assentiment préalable des copropriétaires était parfaitement réalisable.

Il soutient que cette réunion était indispensable à la vie familiale, techniquement réalisable et qu’il avait la volonté de le mener à terme dès l’achat du bien et a fortiori lors de la délivrance du congé, les pièces produites le démontrant.

Il considère que le congé, quoique délivré trop tôt, a néanmoins produit ses effets le19 février 2016.

Mme Y réplique que le congé est frauduleux puisque son motif initial (faire des travaux aux fins de joindre les deux appartements) s’est transformé en la possibilité d’utiliser l’appartement objet de la reprise comme annexe du logement principal sans réelle intention de les réunir, les pièces datés d’octobre 2017 n’étant pas de nature à rapporter le preuve de l’intention de faire des travaux au jour de la délivrance du congé.

Elle critique en tant que de besoin le montant de l’indemnité d’occupation réclamé qui ne correspond pas à la valeur locative des lieux.

***

L’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 dispose que :

Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise.

En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

Ainsi que l’a justement fait observer le tribunal, le fait que le congé ait été délivré dans le cours de l’instance opposant Mme Y à son bailleur ne suffit pas à établir son caractère frauduleux.

En l’espèce, l’acte litigieux est rédigé ainsi qu’il suit :

Conformément à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, je vous informe par la présente de mon intention de ne pas renouveler le bail afin de reprendre possession du logement pour l’occuper moi-même à titre de résidence principale.

En effet, ma femme et moi souhaitons agrandir notre logement qui est voisin et contigu à celui-ci en réunissant nos deux appartements afin notamment que nos deux enfants puissent avoir chacun leur propre chambre et envisager l’arrivée d’un troisième enfant.

Le terme 'agrandir’ suppose la fusion des deux appartements en un seul au moyen de la création d’un passage suffisant dans le mur qui les sépare voire de sa suppression totale.

L’objet du congé ne se limitait donc pas, comme l’indiquait M. X dans ses conclusions de première instance (page 5, pièce Y n°33) , à la simple utilisation concomitante des deux appartements en passant par le pallier, au demeurant difficilement compatible au quotidien avec la vie d’une famille de quatre personnes en terme de praticité comme l’a justement indiqué le tribunal

par des motifs adoptés par la cour.

Or, il ne ressort d’aucune des pièces produites que la réunion des deux appartements, alors que les époux X sont pourtant propriétaires de ces biens depuis 2007 et qu’ils indiquent avoir eu la volonté de les joindre dès l’acquisition du deuxième appartement, avait dépassé le stade d’une simple intention au jour de la délivrance du congé en janvier 2015.

Ce n’est d’ailleurs que plus de deux après, en septembre 2017, qu’ils feront établir les plans d’aménagement du futur ensemble immobilier ainsi qu’un devis de travaux et qu’ils solliciteront l’autorisation de réunir leurs deux lots auprès de l’assemblée des copropriétaires, autant de manifestations concrètes donnant une véritable consistance à ce qui n’était encore qu’un projet d’agrandissement en janvier 2015.

C’est donc à bon droit que le tribunal a refusé de valider le congé pour reprise, la réalité du motif allégué concomitamment à la délivrance du congé n’étant pas établie.

Sur le trouble de jouissance éprouvé par la locataire

Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES conteste l’existence d’un préjudice moral qui n’a pas été réellement caractérisé par le tribunal et demande à la cour de réduire à de plus juste proportion le préjudice né du trouble de jouissance artificiellement majoré par la locataire.

M. X s’C à ces moyens et ajoute que le préjudice de la locataire doit être réduit au prorata du temps écoulé depuis le19 février 2016, date à laquelle elle est devenue occupante sans droit ni titre.

Mme Y s’y oppose, le bailleur demeurant tenu de la décence des lieux en contrepartie du versement d’une indemnité d’occupation et rappelle l’importance du trouble apporté à la jouissance des lieux en raison des infiltrations d’eau très importantes supportées pendant 7 ans du fait de l’inertie du syndicat qui n’a aucun droit de regard sur l’exécution du contrat de bail et le chiffrage des dommages et intérêts dûs par le bailleur à sa locataire.

***

C’est par des motifs précis et circonstanciés, adoptés par la cour, que le premier juge, après avoir rappelé les dispositions de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et celles du décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, a relevé que les infiltrations d’eau en provenance de véritables ouvertures dans la toiture dont l’état était désastreux, faits constatés par huissier et analysés par expert judiciaire, étaient d’une ampleur telle qu’elles affectaient l’étanchéité de deux pièces sur trois du logement si bien qu’il ne répondait plus aux critères légaux de décence depuis 7 ans pour réparer le préjudice de jouissance éprouvé par la locataire dans la proportion de 33 % du montant du loyer soit un total de 41 334,79 euros pour la période courant de novembre 2009 à avril 2016 inclus.

Mme Y ne forme aucune critique du jugement en ce qui concerne le calcul de l’indemnisation de ce chef de préjudice mais sollicite néanmoins la somme de 44 662,60 euros à ce titre, sur la même période, dans le dispositif de ses conclusions sans toutefois s’expliquer sur ce montant.

La cour retiendra donc la somme de 41 334,79 euros telle qu’elle résulte des calculs explicites du premier juge.

C’est également par des motifs précis et circonstanciés, adoptés par la cour, que le tribunal a jugé que Mme Y avait subi un préjudice moral distinct du trouble apporté à la jouissance des lieux né des désagréments inhérents à la dégradation progressive de son milieu de vie pendant de nombreuses années, sans perspective d’amélioration à court ou moyen terme, alors que son compagnon,

aujourd’hui décédé, était gravement malade et lui a alloué la somme de 10 000 euros en réparation de ce préjudice.

Devant la cour, le bailleur et le syndicat n’invoquent aucun moyen nouveau et M. X n’est pas fondé à revendiquer le statut d’occupante sans droit ni titre de Mme Y dans le but d’obtenir une limitation de son droit à indemnisation, le congé n’ayant pas été validé.

La décision entreprise, qui n’est pas autrement critiquée, sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

Il est équitable d’allouer à Mme Y la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et M. X ainsi que le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES, qui succombent en leur appel, seront condamnés in solidum aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe ;

Déclare recevable l’appel incident du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 11 CHAUSSÉE DE LA MUETTE […] ;

Déclare recevables les demandes de Mme B Y ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a constaté le caractère abusif de la clause n° 2.9.11 du contrat de bail signé entre les parties le 29 décembre 2003 ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Dit que la clause n° 2.9.11 du contrat de bail signé entre les parties le 29 décembre 2003 est réputée non écrite ;

Condamne in solidum M. A X et le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 11 CHAUSSÉE DE LA MUETTE […] à verser à Mme B Y la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;

Condamne in solidum M. A X et le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 11 CHAUSSÉE DE LA MUETTE […] aux dépens d’appel lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT



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