Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 5, 16 juillet 2019, n° 19/08280

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 16 JUILLET 2019

(n° /2019)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08280 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7YKF

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Avril 2019 Tribunal de Grande Instance de MEAUX
- RG n° 19/00117

Nature de la décision : Réputée contradictoire

NOUS, Anne BEAUVOIS, Présidente, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR :

SA SERENIS ASSURANCES

[…]

[…]

Représentée par Me Catherine KLINGLER, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : E1078

Assistée de Me Frédérique FARGUES, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 138

à

DÉFENDEURS :

Monsieur Y X

[…]

[…]

Représenté par Me Mathieu REYNIER, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Sophie PERIER-CHAPEAU de la SELARL PERIER-CHAPEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, D593

CPAM DE SEINE ET MARNE

[…]

[…]

Non comparante ni représentée à l’audience

MUTUELLE PLANSANTE – GFP

[…]

[…]

Non comparante ni représentée à l’audience

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 11 Juin 2019 :

M. Y X a été victime d’un accident de la circulation le 4 juin 2015, aux alentours de 7h40, alors qu’il pilotait une moto sur la route départementale 405 dans le sens Varredes-Meaux. Il circulait derrière un fourgon Mercedes appartenant à la société France cars, conduit par M. A B, assuré par la société Serenis assurances, lorsqu’un ralentissement s’est produit. Dans des circonstances de fait contestées, M. X s’est retrouvé projeté sur les portes arrière du véhicule avant de retomber au sol.

A la suite de cet accident, M. X est devenu paraplégique.

Par ordonnance rendue le 7 février 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux a ordonné une expertise médicale et une expertise en accidentologie. Il a rejeté la demande de provision.

Les deux rapports ont été déposés.

Par ordonnance rendue le 3 avril 2019 à la demande de M. X, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, a désigné un expert architecte pour évaluer l’accessibilité du domicile de M. X et déterminer au besoin les aménagements nécessaires et, sur le fondement de l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, a condamné à titre provisionnel la société Serenis assurances à lui payer la somme de 250 000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive des préjudices subis par ce dernier lors de l’accident de la circulation, rappelé que la décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

La société Serenis assurances, ci-après Serenis, a fait appel de cette décision le 17 avril 2019.

Par actes d’huissier de justice délivrés les 13, 17 et 20 mai 2019, la société Serenis a fait assigner M. X, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne et la mutuelle PLANSANTE/GFP, sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, devant le premier président de la cour d’appel de Paris afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance précitée, subsidiairement juger que le montant de la condamnation provisionnelle de 250 000 € sera versée dans les livres de la CARPA de Versailles en qualité de séquestre, à charge pour celle-ci de verser à M. X, sous réserve d’une appréciation différente de la juridiction, tous les trois mois, la somme de 4 500 euros.

A l’audience du 11 juin 2019, la partie requérante, reprenant oralement ses conclusions récapitulatives déposées le même jour a soutenu que le juge des référés a violé l’obligation du juge de statuer en droit, statuant en équité alors qu’il avait caractérisé dans la motivation de sa décision, l’existence d’une contestation sérieuse affectant le droit à indemnisation de M. X qui devait conduire à rejeter la demande de provision. Elle estime qu’ainsi la violation de l’article 12 du code de procédure civile est établie.

Elle ajoute que l’exécution aurait pour elle des conséquences manifestement excessives alors que les facultés de remboursement de M. X sont manifestement réduites et que le risque qu’elle ne puisse pas récupérer la provision allouée d’un montant important, en cas d’infirmation de l’ordonnance de référé entreprise est caractérisé.

Subsidiairement, la société Serenis sollicite sur le fondement des articles 524 alinéa 3 et 521 du code de procédure civile le séquestre du montant de la provision et le versement périodique d’une somme trimestrielle estimant que le risque de non-restitution est avéré.

La société Serenis demande également le rejet des demandes reconventionnelles formées par M. X, faute de démonstration de l’intention de nuire alléguée et du caractère prématuré de la demande de radiation en raison de la présente procédure.

M. X, reprenant oralement ses dernières écritures déposées à l’audience, demande, à titre principal, le débouté de la société Serenis de ses demandes visant à l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé du 3 avril 2019 ainsi qu’à la constitution d’un séquestre avec versement périodique, la condamnation de la société Serenis à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la radiation de l’affaire en raison de l’absence d’exécution par la société Serenis de l’ordonnance, la condamnation de la société Serenis à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite également qu’en cas d’exécution forcée, les frais soient supportés par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile et que l’ordonnance à intervenir soit déclarée commune aux organismes sociaux appelées en cause.

M. X soutient qu’aucune violation de l’article 12 du code de procédure civile n’est constituée, estimant que le juge des référés n’a fait que constater qu’en l’état, il n’existait aucune contestation sérieuse à son droit à indemnisation, et que les conséquences manifestement excessives ne sont pas caractérisées, qu’il n’existe aucune raison valable de faire droit à la demande de séquestre. Il estime que la demande de la société Serenis constitue une manoeuvre dilatoire et que la radiation de l’affaire est justifiée par l’inexécution de l’ordonnance.

Les actes destinés à la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-et-Marne et la mutuelle PLANSANTE/GFP ont été remis par l’huissier de justice à des personnes habilitées à les recevoir.

Il est expressément renvoyé aux écritures déposées et soutenues à l’audience pour un exposé détaillé des moyens et des arguments des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les demandes de la société Serenis

En application de l’article 524, dernier alinéa, du code de procédure civile, le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe de la contradiction ou de l’article 12 du code de procédure civile et lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces conditions sont cumulatives.

Les conséquences manifestement excessives s’apprécient par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire. Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.

L’article 12 du code de procédure civile dispose que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. L’erreur commise par un juge dans l’application ou l’interprétation d’une règle de droit ne constitue pas une violation manifeste de l’article 12 du code précité.

A considérer même, comme le prétend la société Serenis, qu’il résulterait des éléments de fait de l’accident et des conclusions de l’expertise en accidentologie, sur lesquels les parties sont en désaccord, que la faute commise par M. X devrait exclure son droit à indemnisation et qu’en conséquence, il existait une contestation sérieuse s’opposant à ce qu’une provision puisse lui être allouée sur le fondement de l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, il n’en résulterait qu’une erreur dans l’application de la règle de droit par le juge des référés et non une violation manifeste de l’article 12 du code de procédure civile.

La société Serenis doit, par conséquent, être déboutée de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

En application de l’article 524, premier alinéa, 2°, précité, le premier président peut prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522 du même code.

Selon l’article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

En l’espèce, il n’apparaît pas nécessaire, au vu des éléments produits tant par la société Serenis que par M. X, qui justifie de ses ressources et de son patrimoine, d’ordonner la consignation de la provision au paiement de laquelle a été condamnée la première, afin de préserver les droits respectifs des parties.

Même si l’exécution provisoire est de droit, M. X n’ignore pas qu’il aura à restituer la provision sollicitée en cas d’infirmation de l’ordonnance de référé dont appel, sans que soit établi le risque de non-restitution allégué.

Il n’y a pas lieu en conséquence de faire droit à la demande subsidiaire de la société Serenis.

Sur les demandes de M. X

L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas suffisante à faire dégénérer l’exercice de ce droit en abus et n’est pas en soi constitutive d’une faute. Aucune circonstance invoquée ne justifie d’un tel abus imputable à la société Serenis en l’espèce.

La société Serenis ayant saisi le premier président sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile pour solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire de droit, il n’y a pas lieu de prononcer la radiation de l’affaire au fond en application de l’article 526 du code de procédure civile.

M. X sera débouté de ses demandes reconventionnelles.

L’ordonnance sera déclarée commune aux organismes sociaux appelés à la cause.

Sur les dépens et l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront à la charge de la société Serenis qui succombe en ses prétentions et elle sera condamnée à payer une indemnité de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

Rejetons les demandes de la société Serenis Assurances, d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé du 3 avril 2019 et constitution d’un séquestre du montant de la provision de 250 000 euros avec versements périodiques d’une somme trimestrielle.

Rejetons les demandes reconventionnelles de M. Y X en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et aux fins de radiation de l’affaire en application de l’article 526 du code de procédure civile.

Déclarons la présente ordonnance commune aux organismes sociaux appelés à la cause.

Condamnons la société Serenis assurances à payer à M. Y X une indemnité de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamnons la société Serenis assurances aux dépens.

ORDONNANCE rendue par Mme Anne BEAUVOIS, Présidente, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente

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