Cour d'appel de Paris, Pôle 1 chambre 3, 15 mai 2019, n° 18/26775

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 ch. 3, 15 mai 2019, n° 18/26775
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/26775
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Meaux, 23 octobre 2018, N° 18/00283
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRÊT DU 15 MAI 2019

(n° 229, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/26775 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ZDG

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Octobre 2018 -Président du TGI de MEAUX – RG n° 18/00283

APPELANTS

Monsieur [F] [O]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Madame [H] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentés et assistés par Me Sophie HADDAD de la SELARL HADDAD/MOUTIER, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIMES

Monsieur [J] [A]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Madame [M] [G]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Association RASSEMBLEMENT POUR L’ÉTUDE DE LA NATURE ET L’AMÉNAGEMENT DE ROISSY EN BRIE ET DE SON DISTRICT, représentée par son président régulièrement habilité à cet effet

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentés et assistés par Me Benoist BUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1916

PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES

Association ROBIN DES BOIS

[Adresse 3]

[Localité 3]

Association PAYSAGES DE FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentées par Me Benoist BUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1916

Assistées par Me Gwendoline PAUL, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie GRALL, Conseillère, et Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre

Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère

Mme Sophie GRALL, Conseillère

Qui ont en délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Anaïs SCHOEPFER

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre et par Anaïs SCHOEPFER, Greffière.

Mme [M] [G] et M. [J] [A] ont acquis le 16 février 2017 les parcelles cadastrées AD [Cadastre 1] et AD [Cadastre 2] situées [Adresse 5] composées d’une maison d’habitation et d’un terrain attenant puis le 12 octobre 2017, un autre terrain attenant cadastré AD [Cadastre 3].

Les parcelles AD [Cadastre 1] et AD [Cadastre 2] se trouvent en zone 'Na’ (zone naturelle) du plan local d’urbanisme.

La propriété limitrophe de ces deux parcelles appartient à Mme [H] [N], épouse de M. [F] [O]. Elle est constituée de deux parcelles cadastrées AD [Cadastre 4] et AD [Cadastre 5], situées [Adresse 1]. Ces deux parcelles sont localisées en zone rouge du plan de prévention des risques inondation et en zone 'Na’ du plan local d’urbanisme.

Des constructions ont été réalisées sur la parcelle AD [Cadastre 5] sans qu’une autorisation d’urbanisme ait été affichée sur place et en mairie.

Après avoir sollicité le maire pour qu’il prenne un arrêté interruptif des travaux, Mme [G], M. [A] et l’association Rassemblement pour l’étude de la nature et l’aménagement de Roissy en Brie et de son district (ci-après : l’association RENARD) ont, par exploit du 14 mai 2018, fait assigner Mme [N] et M. [F] [O] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux sur le fondement de l’article 809 alinéa 1er du code de procédure civile aux fins principalement de voir ordonner la cessation des travaux et la remise en état antérieur.

Par ordonnance du 14 juin 2018, le juge des référés a ordonné avant-dire droit une mesure de consultation confiée à Me [S] [L], huissier de justice, assisté au besoin d’un géomètre, avec mission de dresser un état détaillé de la propriété de Mme [N] en décrivant les constructions, aménagements, travaux en cours et objets meubles s’y trouvant et de déterminer l’altitude NGF des constructions existantes ou en cours d’édification.

Le procès-verbal dressé par Me [L] le 16 juillet 2018 a été adressé à la juridiction des référés.

Les associations Paysage de France et Robin des Bois sont intervenues volontairement à l’instance initiée par Mme [G], M. [A] et l’association RENARD.

Par ordonnance du 24 octobre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux a :

— Dit y avoir lieu à référé ;

— Dit qu’il n’y avait pas lieu de rejeter les pièces n°27-1 et n° 27-2 ;

— Ordonné la cessation des travaux réalisés sur les parcelles AD [Cadastre 4] et AD [Cadastre 5] et la remise en état des lieux avant travaux, conformément à l’état initial résultant de la photographie aérienne de 2014 consistant en la démolition des constructions et aménagements identifiés au plan de géomètre réalisé par la société de géomètres Sogefra dans le cadre du constat d’huissier de Me [L], sous les numéros 1, 2, 3, 3Bis, 4 et 5 (constructions et fondations) et 6 et 7 (stationnements pour caravanes en pavés autobloquants et terrasses) ;

— Dit que la cessation des travaux et les opérations de démolition des bâtiments susvisés interviendraient dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous peine d’astreinte de 500 euros par jour d’infraction passé ce délai ;

— Dit que le juge de l’exécution serait, le cas échéant, saisi du contentieux relatif à la liquidation de l’astreinte ;

— Débouté Mme [G], M. [A] et l’association RENARD, les associations Paysage de France et Robin des Bois de leur demande de cessation de l’activité de couvreur zingueur par ou pour le compte de Mme [N] et M. [O] ;

— Condamné Mme [N] et M. [O] à verser à Mme [G], M. [A] et l’association RENARD d’une part, la somme de 800 euros et à l’association Paysages de France et Robin des Bois d’autre part, la somme de 800 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné les mêmes aux dépens.

Suivant déclaration du 23 novembre 2018, M. [O] et Mme [N] ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par leurs conclusions transmises le 6 mars 2019, les appelants demandent à la cour de: – Les dire et juger bien fondés, dans leur appel ;

— Débouter l’association RENARD, M. [A], Mme [G], ainsi que les associations Paysage de France et Robin des Bois de l’ensemble de leurs demandes ;

par conséquent :

— Infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

— dit y avoir lieu à référé ;

— dit qu’il n’y avait pas lieu de rejeter les pièces n°27-1 et n° 27-2 ;

en conséquence,

— ordonné la cessation des travaux réalisés sur les parcelles AD [Cadastre 4] et AD [Cadastre 5] et la remise en état des lieux avant travaux, conformément a l’état initial résultant de la photographie aérienne de 2014 consistant en la démolition des constructions et aménagements identifies au plan de géomètre réalisé par la société de géomètres Sogefra dans le cadre du constat d’huissier de Me [L], sous les numéros 1, 2, 3, 3Bis, 4 et 5 (constructions et fondations) et 6 et 7 (stationnements pour caravanes en pavés autobloquants et terrasses) ;

— dit que la cessation des travaux et les opérations de démolition des bâtiments susvisés interviendraient dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous peine d’astreinte de 500 euros par jour d’infraction passé ce délai ;

— dit que le juge de l’exécution serait, le cas échéant, saisi du contentieux relatif à la liquidation de l’astreinte ;

— débouté Mme [G], M. [A] et l’association RENARD, les associations Paysage de France et Robin des Bois de leur demande de cessation de l’activité de couvreur zingueur par ou pour le compte de Mme [N] et M. [O] ;

— condamné Mme [N] et M. [O] à verser à Mme [G], M. [A] et l’association RENARD d’une part, la somme de 800 euros et à l’association Paysages de France et Robin des Bois d’autre part, la somme de 800 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné les mêmes aux dépens ;

Y procédant et statuant à nouveau :

— Juger que l’association RENARD, M. [A], Mme [G], ainsi que les associations Paysage de France et Robin des Bois étaient prescrits dans leurs demandes,

— Juger n’y avoir lieu à référé ;

— Juger n’y avoir lieu à trouble manifestement illicite à faire cesser ;

— Juger que les demandes de l’association RENARD, M. [A], Mme [G], des associations Paysage de France et Robin des Bois porteraient une atteinte disproportionnée aux droits de Mme [N] et M. [O] au respect à leur vie privée et familiale, ainsi qu’au respect de leur domicile ;

par conséquent :

— Débouter l’association RENARD, M. [A], Mme [G], ainsi que les associations Paysage de France et Robin des Bois, de l’ensemble de leurs demandes ;

— Les condamner in solidum au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Les condamner également in solidum aux dépens de l’appel, dont distraction pour ceux la concernant à Me Haddad, avocat en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

Ils font valoir que :

— Les pièces n° 27-1 et 27-2 doivent être rejetées car il s’agit d’images de prises de vue aériennes par drone portant atteinte à la vie privée en violation de l’article 9 du code civil et en violation de l’article L. 6211-3 du code des transports ;

— L’action initiée par les intimés soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil est prescrite car les constructions dont est sollicitée la démolition ont été achevées avant le 14 mai 2013 et préexistaient à l’acquisition du terrain par Mme [N] le 22 juillet 2016 ;

— Il n’y a pas lieu à référé car en vertu de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, il revient au juge pénal de statuer en l’absence d’avis du maire sur la mise en conformité des lieux ou ouvrages litigieux ; en l’occurrence, le maire a pris un arrêté qui est contesté par Mme [N] et M. [O] ;

— Le trouble manifestement illicite n’est pas caractérisé et c’est à tort que le premier juge a considéré que les aménagements et constructions litigieux contrevenaient aux dispositions du PLU alors que certains préexistaient à la date d’acquisition du terrain par Mme [N] et il est justifié pour certains d’entre eux d’une autorisation ; pour des aménagements réalisés après l’acquisition du terrain, tel que la terrasse en bois, une demande d’autorisation n’était pas nécessaire ;

— Il a été porté une atteinte disproportionnée aux droits de Mme [N] et M [O] au respect de leur vie privée et familiale et à leur domicile où résident leurs enfants et petits-enfants; le moyen tiré du fait que les constructions se situent dans une zone d’inondation à fort risque n’est pas opérant car un tel risque n’est pas plus important pour Mme [N] et M. [O] que pour leurs voisins.

Par leurs conclusions transmises le 28 janvier 2019, l’association RENARD, Mme [G] et M. [A] demandent à la cour de :

— Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance attaquée ;

Y ajoutant,

— Condamner solidairement Mme [N] et M. [O] à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ;

— Condamner enfin les mêmes aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Busson, avocat au barreau de Paris conformément à l’article 699 code de procédure civile.

Ils font valoir que :

— Les pièces 27-1 et 27-2 sont admissibles car elles sont utiles pour établir les infractions et aucune photographie figurant des personnes n’a été prise ; de plus conformément à l’article 1358 du code civil, la preuve peut être rapportée par tout moyen ;

— Le juge des référés demeure compétent pour ordonner toute mesure provisoire à l’exclusion du juge répressif qui n’a pas compétence exclusive, contrairement à ce qu’affirment les appelants car la mesure prononcée au visa de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme est une mesure réelle et n’a rien à voir avec la remise en état qui est une mesure de réparation ;

— Le trouble manifestement illicite est caractérisé dans la mesure où :

— l’augmentation de la surface des planchers et des surfaces imperméabilisés par les appelants est visible sur le plan du géomètre Sogefra et les constats de l’huissier Me [L] ; les appelants soulèvent la prescription de l’action mais ne démontrent pas que les bâtis litigieux étaient réalisés avant le 14 mai 2013 ; les témoignages des anciens propriétaires ne sont pas produits selon les formes de l’article 202 du code de procédure civile ;

— les constructions litigieuses contreviennent aux articles L. 421-1 et R. 421-1 et L. 480-4 du code de l’urbanisme ; la demande d’autorisation de 2009 dont font état les appelants ne concerne pas les parcelles en cause ; les constructions illicites contreviennent au PLU ; ces constructions ne peuvent bénéficier d’aucune dérogation car elles ne sauraient constituer de simples extensions ; elles contreviennent également au PRI (plan de prévention des risques inondation) car les extensions font plus de 10m2, le nombre de logements a augmenté et les clôtures ne sont pas conformes ;

— le droit au respect du domicile et de la vie familiale au sens de l’article 8 de la CESDH n’est pas en jeu en l’espèce car pour en bénéficier, la Cour de cassation rappelle qu’il faut que les membres de la famille y soient établis depuis plusieurs années ; la démolition du logement d’une personne est conforme à l’article 8 de la CESDH dans la mesure où la construction litigieuse est située en zone inondable avec fort aléa.

Par leurs conclusions transmises le 30 janvier 2019, les associations Paysage de France et Robin des Bois demandent à la cour de :

— Les déclarer recevables et bien fondées comme ayant un intérêt à intervenir à l’appui de la demande principale ;

Et statuant sur le fond de la demande :

— confirmer la décision du président du tribunal de grande instance de Meaux du 24 octobre 2018 ;

— Débouter Mme [N] et M. [O] de l’intégralité de leurs demandes ;

— Condamner Mme [N] et M. [O] à leur payer la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner Mme [N] et M. [O] aux entiers dépens.

Elles font valoir que :

— Elles ont intérêt à agir au regard de leurs statuts et objet social respectifs ; la protection de l’environnement, du cadre de vie, des paysages, la lutte contre les risques naturels et la sensibilité écologique du secteur sont en cause dans le litige actuel ;

— Il existe un trouble manifestement illicite car les parcelles où sont situées les constructions litigieuses sont en zone Na et en zone rouge du PPRI aux dispositions plus restrictives ;

— L’article 8 de la CESDH ne fait pas obstacle au prononcé de mesures conservatoires ou de remise en état dans la mesure où les constructions sont situées dans une zone d’inondation à fort risque et que les règles d’urbanisme répondent à un impératif d’intérêt général.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens respectifs.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire la cour observe que les appelants ne contestent pas l’intérêt des associations RENARD, Paysages de France et Robin des Bois à intervenir dans le cadre de la présente instance compte tenu des statuts de ces associations qui ont pour objet notamment la défense de l’environnement.

— Sur le rejet des pièces versées aux débats

Les appelants sollicitent le rejet des débats des deux photographies produites en pièces 27-1 et 27-2 en ce qu’elles portent atteinte à leur vie privée.

L’article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée.

En vertu de ce texte le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée d’une personne qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, les deux photographies litigieuses sont des prises de vue aériennes des parcelles AD [Cadastre 4] et AD [Cadastre 5] au moyen d’un drone le 28 septembre 2018.

Les intimés qui produisent ces pièces soutiennent que ces photographies prises par drone permettent de se rendre compte de l’ampleur des constructions illicites et leur impact sur une zone naturelle et boisée par contraste avec les parcelles voisines, et constituent un complément du constat de Me [L] qui présente les détails de celle-ci mais pas leur ensemble, pris globalement. Ils ajoutent que les clichés ne montrent aucune personne de sorte qu’il n’y a aucune atteinte à la vie privée des appelants.

Cependant la prise de vue aérienne de la propriété privé des consorts [O] [N] sans leur accord, constitue à l’évidence une atteinte à leur vie privée et ce même si elle n’en montre pas ses occupants.

Ces photographies ne sont nullement indispensables à l’exercice du droit de la preuve des intimés dans la mesure où le juge avait, par décision avant dire droit, ordonné une mesure de consultation confiée à Me [L] avec pour mission de dresser un état détaillé de la propriété de Mme [N], en décrivant les constructions, aménagements et travaux en cours. Ils ne peuvent dès lors justifier du caractère indispensable à la preuve judiciaire et proportionné au but poursuivi de la production aux débats d’éléments portant atteinte à la vie privée.

Il s’ensuit que ces deux prises de vue aériennes de la propriété des appelants sans leur autorisation doivent être écartées des débats, l’ordonnance étant infirmée de ce chef.

— Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite

Aux termes de l’article 809 du code de procédure civile 'Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire'.

L’article L 421-1 du code de l’urbanisme dispose que 'Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire.

Un décret en Conseil d’Etat arrête la liste des travaux exécutés sur des constructions existantes ainsi que des changements de destination qui, en raison de leur nature ou de leur localisation, doivent également être précédés de la délivrance d’un tel permis.'

L’article 1 du Plan Local d’Urbanisme de la commune de [Localité 1] interdit dans les zones 'Na’ le dépôt de toute nature pouvant générer des nuisances ou des risques et les campings, caravaning et habitations légères de loisirs et le stationnement de caravanes ainsi que 'toutes les constructions nouvelles et principales à usage d’habitation.'

L’article 2 dudit PLU permet la réalisation de certaines installations et travaux soumis à autorisation préalable de la mairie. Ainsi sont autorisées en zone 'Na’ les extensions des constructions à usage d’habitation qui ont pour objet unique d’améliorer les conditions de sécurité, d’hygiène et de salubrité des constructions existantes avant la date d’approbation du PLU à concurrence de 30 % maximum de la surface du plancher des constructions à usage d’habitation qui existent avant la date d’approbation du PLU ainsi que les extensions qui seront implantées dans la continuité de la construction principale existante dans la limite de 30 % maximum de la surface de plancher des constructions qui existent avant la date d’approbation du PLU et les abris de jardin dont l’emprise au sol est inférieure à 20 % et 3 mètres de Hauteur maximum au faîtage.

Le plan de prévention des risques d’inondation interdit quant à lui dans la zone rouge les constructions nouvelles à usage d’habitation et l’augmentation du nombre de logements par aménagement ou rénovation.

Les intimés soutiennent que les constructions litigieuses constituent un trouble manifestement illicite en ce qu’elles ont été édifiées en violation du code de l’urbanisme.

Ils sont bien fondés à soutenir que l’article L 480-5 du code de l’urbanisme qui permet au tribunal d’ordonner la remise en état après condamnation d’une personne pour une infraction aux règles d’urbanisme telles que prévues aux articles L. 480-4 et L. 610-1 ne fait aucunement obstacle à une action engagée sur le fondement de l’article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des référés étant compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, l’ordonnance étant confirmée de ce chef.

Les parcelles cadastrées AD [Cadastre 4] et AD [Cadastre 5] acquises par Mme [N] le 22 juillet 2016 situées en zone naturelle 'Na’ en zone rouge du plan local de prévention des risques inondation contenaient ainsi qu’il ressort de l’acte authentique de vente versé aux débats une maison d’habitation élevée sur sous sol total comprenant atelier, garage et buanderie, composée d’un rez de chaussée comprenant une cuisine aménagée, un salon, deux chambres des WC, une salle d’eau et un grenier accessible d’une chambre par un escalier ainsi qu’un bungalow indépendant avec WC, coin cuisine et coin toilettes.

Ni les attestations non conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ni les photographies sans aucune indication de la date à laquelle elles ont été prises ne peuvent à l’évidence contredire la description des lieux objet de l’acquisition par Mme [N] telle qu’elle résulte de l’acte authentique de vente que cette dernière verse aux débats.

L’examen du procès verbal de constat établi par Me [L] le 16 juillet 2018 à la demande du juge des référés permet d’établir que d’autres constructions ont manifestement été édifiées sur ces deux parcelles depuis leur acquisition par Mme [N] le 22 juillet 2016, dont certaines sont en cours, puisque l’huissier a constaté la présence d’une première construction sur la droite d’une surface de 110 m², des fondations en attente d’une surface de 40 m², une maison avec terrasse couverte d’une surface de 26 m², une 2ème maison avec terrasse couverte d’une surface de 12,8 m², un auvent fermé par un mur en parpaing coté parcelle communale d’une surface de 46 m² ave un auvent rattaché de 36 m², un ensemble de voiries en pavés béton autobloquant d’une surface de 374 m² et une terrasse en bois d’une surface de 15 m².

Dès lors, les consorts [O] [N] ne peuvent valablement faire valoir que l’action est prescrite au motif que les constructions et aménagements ont été effectués plus de 5 ans avant l’assignation, le moyen tiré de la prescription de l’action étant rejeté.

Il est constant que ces nouvelles constructions et aménagements sont intervenus sans aucune autorisation préalable de la mairie alors que le PLU et le plan de prévention des risques inondation imposaient la délivrance d’un tel acte préalablement à leur réalisation compte tenu de la localisation des parcelles en zone Na et en zone rouge. Un procès verbal de constatation relatif à une infraction à la législation du code de l’urbanisme a d’ailleurs été dressé le 22 mai 2018 par le technicien territorial assermenté de la commune qui a entraîné un arrêté ordonnant l’interruption des travaux pris par le maire le 13 juin suivant, lequel fait cependant l’objet d’une contestation par Mme [N].

La réalisation des constructions et aménagements sur les parcelles dont s’agit sans autorisation préalable de la mairie en violation des règles d’urbanisme et de sécurité contre les risques d’inondation constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile.

Les intimés sollicitent la cessation des travaux ainsi que la démolition des constructions litigieuses.

Les consorts [O] [N] s’opposent à la demande de démolition en faisant valoir que la démolition entraînerait une atteinte disproportionnée à leurs droits au respect de leur vie familiale et au respect de leur domicile. Ils invoquent l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

En vertu de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile le juge des référés doit apprécier le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu’il constate. La mesure la mieux appropriée à l’objectif poursuivi est celle qui suffit à mettre un terme à la situation litigieuse en compromettant le moins possible les droits ou intérêts de chacune des parties.

Il convient de rechercher si la mesure demandée est proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile prévu à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux termes duquel :

'Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui'.

Contrairement aux affirmations des appelants les mesures sollicitées et ordonnées par le premier juge n’entraînent aucune atteinte à leur domicile puisque leur habitation n’est nullement concernée par la démolition laquelle tend à la suppression des travaux relatifs aux constructions et aménagements non prévus par leur acte d’achat des parcelles daté du 22 juillet 2016 lequel fait état de deux logements (une maison d’habitation élevée sur sous sol ainsi qu’un bungalow indépendant avec WC, coin cuisine et coin toilettes).

Il en résulte que la cessation des travaux et la démolition des construction litigieuses ne porte aucune atteinte disproportionnée à un droit fondamental, garanti notamment par la Convention européenne des droits de l’Homme et que ces mesures sont nécessaires au regard d’une part de la violation des règles d’urbanisme et aux règles du plan de prévention des risques d’inondation et d’autre part de la nécessaire protection de l’environnement, répondant à un impératif d’intérêt général. L’ordonnance doit donc être confirmée de ces chefs ainsi que du chef de l’astreinte, sauf à préciser que la demande de cessation des travaux est sans objet compte tenu de l’arrêté interruptif des travaux pris par le maire de [Localité 1] le 13 juin 2018.

Les parties ne critiquent pas l’ordonnance en ce qu’elle a débouté les demandeurs de la demande de cessation de l’activité de couvreur-zingueur par ou pour le compte de Mme [N] et M. [O].

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

À hauteur de cour, il convient d’accorder à Mme [G], M. [A] et l’association RENARD ainsi qu’aux associations Paysages de France et Robin des Bois, contraints d’exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après.

Paries perdantes les consorts [N] [O] ne peuvent prétendre à l’allocation d’une indemnité de procédure et supporteront in solidum les dépens d’appel lesquels seront recouvrés selon les modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu de rejeter des débats les pièces n° 27-1 et 27-2 et a ordonné la cessation des travaux ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant ;

Ecarte des débats les pièces n° 27-1 et 27-2 produites en appel en pièces 35-1 et 35-2 ;

Dit sans objet la demande de cessation des travaux ;

Condamne in solidum Mme [N] et M. [O] à verser à Mme [G], M. [A] et l’association RENARD d’une part, la somme de 1.500 euros et à l’association Paysages de France et Robin des Bois d’autre part, la somme de 1.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme [N] et M. [O] aux dépens d’appel distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,



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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 chambre 3, 15 mai 2019, n° 18/26775