Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 19 février 2019, n° 17/22917

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 5, 19 févr. 2019, n° 17/22917
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/22917
Sur renvoi de : Cour de cassation, 19 septembre 2017, N° 15/01995
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 5

ARRET DU 19 FEVRIER 2019

(n° 2019/ 048 , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/22917 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4U66

Décision déférée à la Cour : sur renvoi après arrêt de la Cour de cassation en date du 20 septembre 2017 – Pourvoi n° B16-18.42, emportant cassation partielle d’un arrêt de la Cour d’appel de PARIS du 15 janvier 2016 – RG n° 15/12848, sur appel d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS du 21 mai 2015 – RG n° 15/01995

DEMANDERESSE A LA SAISINE

SARL X Y, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

[…]

N° SIRET : 500 702 493 00015

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de Me Gilles HITTINGER ROUX de la SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497

[…]

L’INSTITUT DU MONDE ARABE, représenté par son Président du Conseil d’Administration domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

N° SIRET : 320 607 922 00038

Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assisté de Me Andrée FOUGERE de la SELAS D’AVOCAT ANDREE FOUGERE, avocat au barreau de PARIS, toque : J050, substitué par Me Julien RIETZMANN, avocat au barreau de

VAL-DE-MARNE, toque : PC 437

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Monsieur Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président, dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

— signé par Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président de chambre et par Madame Catherine BAJAZET, Greffière présente lors de la mise à disposition.

'''''

L’Institut du Monde Arabe (Y) est un établissement privé chargé d’une mission de service public, exerçant dans un immeuble et sur un terrain appartenant à la Ville de PARIS en vertu d’un bail emphytéotique. Cette fondation est soumise au contrôle de la Cour des comptes. Six personnalités désignées par l’état siègent au conseil d’administration et ses président, vice-président et trésorier sont choisis sur proposition de l’État.

Dans ce cadre, la société X Y, spécialiste de cuisine libanaise, s’est portée candidate et a remporté l’appel d’offres en 2007 ayant pour objet l’exploitation des espaces de restauration de l’Y. Un contrat de prestations de service de restauration commerciale et de restauration administrative sur le site de l’Y à l’exception de l’espace « MÉDINA » a été signé entre l’Institut du Monde Arabe et la SARL X-Y le 1er octobre 2007 pour une période de dix ans. Le contrat mentionne que cette délégation ne constitue pas un bail commercial mais seulement une mise à disposition de locaux.

En réalité, la société X Y est chargée d’assurer la restauration dans le restaurant gastronomique LE ZYRIAD situé au 9e étage (déjeuner et dîner), le self-service « Le Moucharabieh » (déjeuner) et le café dit « Café Littéraire » situé au rez-de-chaussée, aux heures d’ouverture de l’Y. Ce contrat comporte un certain nombre d’obligations et de contraintes à la charge de X Y ainsi que le paiement par celle-ci d’une redevance annuelle de 150.000 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2014, l’Institut du Monde Arabe a notifié à la société X Y sa décision de résilier le contrat de délégation pour faute grave en application de l’article 14-2 du contrat. Il sollicitait la libération des lieux à la date du 21 avril 2015 après avoir notifié à la société X Y d’avoir à remédier à divers manquements dans un délai

de 30 jours.

Faisant suite au refus de la société X Y de libérer les lieux, l’Y obtenait une autorisation à assigner la société X Y à jour fixe le 17 février 2015.

Par jugement du 21 mai 2015, le tribunal de grande instance de PARIS a :

— déclaré irrecevable, dans le cadre de la présente procédure à jour fixe, la demande additionnelle en paiement de factures d’un montant de 42.000 euros,

— dit et jugé n’y avoir lieu à renvoi d’une question préjudicielle au tribunal administratif ou au tribunal des conflits,

— rejeté toutes les autres exceptions et fins de non-recevoir,

— déclaré l’Y mal fondé en ses demandes tendant à la résiliation anticipée du contrat et à l’obtention de dommages et intérêts et l’en a débouté,

— donné acte à l’Y de son offre de parking de substitution tant que dure la prohibition de stationnement sur l’esplanade en raison du plan Vigipirate renforcé,

— condamné l’Y à payer à la société X Y la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice consécutif à la notification de résiliation anticipée et 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit et jugé non fondée la facturation émise par l’Y le 10 février 2015 pour un montant de 16.158,90 euros,

— rejeté toutes autres demandes principales et reconventionnelles,

— condamné l’Y aux dépens et dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

L’Institut du Monde Arabe a interjeté appel de ce jugement par acte du 19 juin 2015 et, par arrêt du 15 janvier 2016, la cour d’appel de PARIS, autrement composée, a confirmé le jugement attaqué, sauf en ce qu’il a déclaré l’action de la société X Y recevable sur la demande de requalification du contrat de prestation litigieux en contrat de bail commercial et les demandes additionnelles en indemnisation de divers préjudices liés à des manquements imputés à l’Institut du Monde Arabe (Y) dans l’exécution de clauses contractuelles et sur le montant du préjudice moral lié à la demande de résiliation du contrat. Statuant à nouveau sur ces chefs de demandes, la cour a déclaré irrecevables, dans le cadre de cette instance, les demandes présentées par la société X Y en requalification du contrat de prestation litigieux en contrat de bail commercial et les demandes additionnelles en indemnisation de divers préjudices liés à des manquements imputés à l’Y dans l’exécution de clauses contractuelles, a condamné l’Institut du Monde Arabe à payer à la société X Y la somme de 80.000 euros au titre du préjudice moral, a débouté les parties de toutes autres demandes et a laissé à chaque partie la charge des frais et dépens liés à la procédure d’appel.

Aux termes de son arrêt rendu le 20 septembre 2017, la première chambre civile de la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 15 janvier 2016 par la cour d’appel de PARIS, mais seulement en ce qu’il a condamné l’Institut du Monde Arabe à payer à la société X Y la somme de 80.000 euros au titre du préjudice moral, et a remis en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de PARIS autrement composée. Elle a également condamné la société X Y aux dépens et a rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 12 décembre 2017, la société X Y a saisi la cour d’appel de PARIS et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 février 2018, elle demande à la cour de juger que le caractère fautif de la résiliation anticipée du contrat par l’Y est passé en force de chose jugée et de juger qu’il y a lieu d’élargir sa réparation au titre de la tentative de résiliation anticipée du contrat.

Elle lui demande en conséquence de condamner l’Institut du Monde Arabe à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation de ses entiers préjudices comprenant la réparation de son préjudice moral, de débouter l’Institut du Monde Arabe de toutes ses demandes contraires et de le condamner aux dépens ainsi qu’à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 9 avril 2018, l’Institut du Monde Arabe sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à la société X Y la somme de 30.000 euros au titre de son préjudice consécutif à la notification de résiliation anticipée.

Il lui demande de dire et juger que sa résiliation anticipée n’a jamais été fautive et que le prétendu caractère fautif invoqué par la société X Y n’est jamais passé en force de chose jugée, qu’il n’a commis aucun abus de droit en estant en justice pour demander la résiliation anticipée du contrat de prestation de service de restauration, que la demande de dommages et intérêts complémentaires formée par la société X Y au titre d’un prétendu harcèlement permanent est irrecevable et mal fondée. Il lui demande ainsi de débouter la société X Y de toutes ses demandes, fins et conclusions, de la condamner à lui payer la somme de 12.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture a été ordonnée le 19 novembre 2018.

MOTIFS

Considérant que la société X Y soutient que la cour d’appel a définitivement jugé que les fautes qui lui ont été imputées, n’étaient pas fondées et que celles-ci ne pouvaient pas justifier la résiliation unilatérale ou judiciaire du contrat de prestations en cause ;

Que tant le jugement que l’arrêt de la cour ont reconnu la réalité du préjudice supporté par la société X, ce qui justifie que la somme de 250 000 euros lui soit allouée au titre de son préjudice moral ;

Considérant que l’Institut du Monde Arabe soutient que ni le jugement ni l’arrêt de la cour n’ont jugé que l’Y aurait commis une faute en notifiant à X la résiliation anticipée du contrat de délégation, et que l’Institut démontre qu’il n’a commis aucune faute en notifiant à X une résiliation anticipée du contrat quand bien même cette décison a été jugée mal fondée, sachant par ailleurs, que X Y ne justifie d’aucun trouble dans l’organisation de son activité ni dans une image qu’elle a cultivée, en s’arrogeant des prérogatives qu’elle n’avait pas et en ce que l’Y établit qu’il pouvait légitimement ester en justice pour faire statuer sur le bien fondé d’une action en résiliation anticipée ;

SUR CE

Considérant que la cour rappelle que les demandes de 'dire et juger’ ne saisissent pas la cour de prétentions au sens des articles 4 et 954 du Code de procédure civile ;

Considérant que le tribunal dans son jugement du 21 mai 2015 a statué sur les griefs faits à la société X par l’Y constitués par la qualité culinaire, les carences aux règles de l’hygiène et de la sécurité, la communication des documents prévus au contrat et les 'autres manquements allégués', en

estimant pour chaque poste, qu’il n’était pas démontré la réalité d’une faute d’une particulière gravité, d’une carence grave, de nature à entraîner la résiliation anticipée du contrat en cause ;

Que s’agissant des préjudices subis par X Y les juges du premier degré ont retenu ce que suit :

— En revanche la notification à X Y d’une résiliation anticipée de deux ans du contrat en cours pour des motifs prétendus d’une particulière gravité et non légitimes, le lancement prématuré d’appels d’offres concurrents sont constitutifs d’un trouble dans l’organisation et les prévisions de l’entreprise, son image de marque auprès du public et des tiers, qu’il y a lieu d’indemniser par l’allocation d’une somme de 30 000 euros ;

Considérant que la cour dans son arrêt du 15 janvier 2016 concernant la qualité culinaire a retenu qu’il n’était pas établi que la cuisine préparée par l’entreprise X ne reflétait pas la diversité de la gastronomie arabe, et que les manquements invoqués à ce titre étaient mineurs et ponctuels et qu’ils ne caractérisaient pas une faute d’une particulière gravité, justifiant la résiliation anticipée du contrat, que sur les diverses carences reprochées à la société X Y, les divers manquements mineurs de celle-ci dans l’exécution du contrat de prestation de services de restauration ne constituaient pas une faute d’une particulière gravité, justifiant la résiliation unilatérale du contrat avant l’échéance ;

Que la cour également s’agissant de la demande de dommages-intérêts de la société X a noté que cette dernière présentait une demande de condamnation à hauteur de 250 000 euros au titre de son préjudice moral, lié au harcèlement permanent dont elle a fait l’objet et aux méthodes vexatoires et humiliantes mises en oeuvre pendant 24 mois pour l’évincer ;

Que la cour a retenu que le tribunal à ce titre avait à bon droit relevé que la notification anticipée de deux ans de la résiliation du contrat en cours pour des motifs prétendus d’une particulière gravité mais non légitimes et le lancement prématuré d’appels d’offres concurrents sont constitutifs d’un trouble dans l’organisation et les prévisions de l’entreprise, et l’image de marque auprès du public et des tiers ;

Que la Cour de cassation a cassé l’arrêt dont s’agit seulement en ce qu’il a condamné l’Institut du Monde Arabe à payer à la société X la somme de 80 000 euros, car le dispositif des conclusions d’appel ne comprenait pas de demande à ce titre, soit une prétention en dommages-intérêts pour un préjudice moral ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il a été définitivement jugé qu’il y a eu un caractère fautif à la notification de résiliation anticipée du contrat qui liait la société X à l’Y, puisque tant les juges de première instance que la cour ont retenu et jugé que cette notification anticipée de deux ans de la résiliation du contrat pour des motifs prétendus et non légitimes et le lancement prématuré d’appels d’offres avaient été à la source d’un préjudice, ce qui caractérise au préalable un comportement fautif qui y a donné naissance, le dommage étant le résultat d’une attitude fautive ;

Qu’il peut donc être constaté que le caractère fautif de la notification à X Y de la résiliation anticipée du contrat en cause par l’Institut du Monde Arabe est passée en force de chose jugée, la Cour de cassation ayant limité sa cassation à l’indemnisation accordée au seul motif que celle-ci n’avait pas été demandée dans le dispositif des conclusions d’appel ;

Considérant sur la réparation sollicitée, que X Y estime que son préjudice se trouve caratérisé par les éléments suivants, en ce qu’il doit être examiné à l’aune de la tentative de résiliation anticipée :

— que l’Y a contesté sa qualité culinaire et a fait état de carences en hygiène et sécurité, ce qui a été relayé dans la presse nationale par l’Y pour l’évincer des lieux, que ces affirmations ont été écartées par les juridictions qui ont statué, que l’Y n’a pas fait preuve de principes éthiques dans sa relation contractuelle et qu’il a été l’auteur de déloyauté, cela d’autant que dès le 6 février 2015, alors qu’aucune décision judiciaire n’avait été rendue sur la résiliation du contrat en cause, l’Y a procédé à un appel d’offre pour lui succéder ;

— que les reproches que l’Y a imputé à X, ont été accompagnés d’une publicité dans la presse et les réseaux sociaux et ont constitué une flétrissure pour son restaurant ;

Considérant s’agissant de la qualité culinaire, des carences en matière d’hygiène et de sécurité et des motifs invoqués pour justifier selon l’Y sa décision de résilier le contrat de délégation pour faute grave, par son envoi du 17 octobre 2014, ainsi que les manquements reprochés au préalable par lettre recommandée du 17 juillet 2014, qu’il apparaît que ces éléments ont été écartés par les décisions de première instance et d’appel rendues en l’espèce, sachant que le 7 avril 2014, l’Y s’était plaint de la cuisine servie 'libanaise et de qualité médiocre', ce qui a manifestement constitué pour la société X une atteinte morale, alors que celle-ci est réputée comme un vrai professionnel de la restauration libanaise avec la fierté nationale légitime qui y est attachée ;

Que par ailleurs la société X Y justifie par les pièces N° 48, 49, 50, 51, 52 et 53, qu’elle verse aux débats, qu’elle bénéficie d’une réputation certaine et d’une implantation sur le territoire national qui ne soulève pas de difficultés, en ce compris pour des lieux d’un certain prestige avec une clientèle exigeante ;

Qu’il résulte par ailleurs de la pièce N°66, que le litige qui a opposé l’Y à la société X a été largement diffusé dans les médias dès le début de l’année 2015, ce qui a été de nature à fragiliser la situation de la société X dans sa gestion et la poursuite de son activité au sein de l’Institut du Monde Arabe, le conflit opposant X au président de l’Y ne pouvant avoir qu’un effet négatif, le journal le PARISIEN dans une édition du 13 février 2015 faisant état d’une guerre sans merci entre la direction de l’Institut du Monde Arabe et le traiteur libanais X ;

Que la cour trouve dans les pièces produites aux débats, soit les multiples échanges de correspondances entre les parties, les éléments lui permettant de considérer que les relations entre celles-ci ont commencé à se dégrader dès le mois de mars 2013, par la disparition d’un climat de confiance, notamment à la lecture du courriel de monsieur Z A du 14 mars 2013, puisqu’il apparaît, ce qui n’est pas contesté, que lors d’une réunion du 7 mars 2013, le remplacement de X avait été évoqué ;

Que comme cela a déjà été rappelé, indépendamment de la position de l’Y, la décision prise par cet institut de publier un appel d’offres pour le remplacement de la société X et cela dès le 6 février 2015, soit après l’assignation du 28 janvier 2015 saisissant le tribunal de grande instance de Paris, a constitué une pratique manquant de loyauté, de déstabilisation du fonctionnement de la société X, puisque cet appel d’offres laissait penser, en réalité comme quasiment acquis, le départ accéléré de la société X, ce qui était de nature à favoriser une désorganisation interne pour cette société et ses équipes, en y créant un climat anxiogène et de démobilisation pour le service de la clientèle ;

Considérant dans ces conditions, qu’il peut être affirmé que l’utilisation d’une notification de résiliation prématurée en 2014 pour un contrat qui s’achevait le 1er octobre 2017, pour des motifs qui ont été qualifiés de prétendus et de non légitimes, ainsi que le recours à un appel d’offres lancé dans la foulée de l’instance engagée devant le tribunal de grande instance de Paris, pour lequel d’ailleurs faisant état de l’urgence l’Y a obtenu une procédure à jour fixe, le tout complété par la diffusion médiatique accordée au litige ainsi révélé, ont été de nature à constituer pour la société X, un véritable préjudice provoqué par des pratiques vexatoires s’inscrivant dans un contexte de reproches

répétés;

Que la cour trouve les éléments pour accorder à la société X à ce titre la somme de 80 000 euros de dommages-intérêts, qui est satisfactoire, en ce que la société en cause ne démontre pas qu’elle a subi des conséquences financières particulières dans les autres secteurs où elle a investi, autre que l’Y, établissement pour lequel elle ne rapporte pas la preuve également qu’elle aurait supporté une baisse de son chiffre d’affaires conséquent sur les années à envisager, et une forte désaffection de sa clientèle du fait du litige l’opposant à la direction de l’Y ;

Que la somme allouée tient compte des effets de la tentative de résiliation anticipée comme cela a été explicité ci-dessus par la cour ;

Considérant que la cour apprécie ce montant sans avoir à prendre en considération les prétendues inexécutions de l’Y pour ses obligations en matière d’affichage, de respect de l’exclusivité des prestations traiteur, de l’utilisation des terrasses, du refus de mise à disposition de locaux appropriés, et de contestations de certaines factures, en ce que ces moyens ont été écartés par la cour dans son arrêt du 15 janvier 2016, ne sont pas repris par la société X et ne font pas partie de la saisine après cassation ;

Que le même constat s’impose pour ceux soulevés par l’Y s’agissant des principes contractuels que la société X aurait méconnu ( problème des terrasses, publicités outrancières, appropriation des noms des restaurants, huissier intervenant durant une exposition, refus de règler des redevances) puisque les griefs allégués à ce titre ont été tranchés par les précédentes juridictions et ne font pas partie de la saisine de la cour qui doit se prononcer uniquement sur la réparation du préjudice moral de la société X, et que celui-ci a été apprécié au visa des éléments ci-dessus rappelés qui excluent les reproches précédemment invoqués ;

Considérant enfin que la réparation du préjudice fixée par la cour ne retient pas l’abus de droit d’ester en justice qui serait imputable à l’Institut du Monde Arabe, mais les circonstances dans lesquels celui-ci a été exercé, sans qu’il soit retenu contre l’Y une faute caractérisant l’abus de droit, ce qui n’est d’ailleurs pas spécifiquement allégué par la société X qui dénonce l’usage de la notification anticipée, le lancement d’offres d’appels concurrents et un comportement vexatoire et harcelant ;

- Sur les autres demandes:

Considérant que l’équité permet d’accorder à la société X la somme de 6000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et d’écarter la réclamation présentée à ce titre par l’Institut du Monde Arabe qui supportera les dépens;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu en dernier ressort et par mise à disposition au Greffe,

— Constate que le caractère fautif de la résiliation anticipée du contrat en cause, notifiée par l’Institut du Monde Arabe est passé en force de chose jugée ;

— Infirme le jugement entrepris du tribunal de grande instance de Paris du 21 mai 2015, en ce qu’il porte sur le chef suivant : le montant de dommages-intérêts accordé à la société X pour son préjudice consécutif à la notification de la résiliation anticipée, et statuant à nouveau :

— Condamne l’Institut du Monde Arabe à payer à la société X les sommes suivantes:

—  80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

—  6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

— Déboute les parties de toutes leurs autres demandes en ce compris celle présentée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile par l’Institut du Monde Arabe ;

— Condamne l’Institut du Monde Arabe en tous les dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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