Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 19 juin 2019, n° 17/12127

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 19 juin 2019, n° 17/12127
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/12127
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 15 mai 2017, N° 12/09327
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 19 JUIN 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/12127 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3RVB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 12/09327

APPELANTES

Madame X-N, X-D, E A veuve Y

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée par Me Laurence TAZE B, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Assistée de Me Sabine CHASTAGNIER de l’AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J082, avocat plaidant

SCI MR GRAVILLIERS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Venant aux droits de Madame X-N A veuve Y, ainsi qu’il résulte de l’attestation notariée établie par Maître COLLETTE, Notaire associé, le […].

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 790 057 939

[…]

[…]

Représentée par Me Laurence TAZE B, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Assistée de Me Sabine CHASTAGNIER de l’AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J082, avocat plaidant

INTIMÉE

SA CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 572 105 450

[…]

[…]

Représentée par Me Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0716

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame I THAUNAT, présidente de chambre

Madame X-Annick PRIGENT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame X-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame I THAUNAT, présidente de chambre et par Madame X-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE:

Suivant acte sous seing privé en date du 21 février 2002 Mme Z donnait à bail à la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H (ci-après SA BRICOURT) divers locaux commerciaux situés au 2e étage d’un immeuble situé à PARIS 3e , […], à destination d’activités conformes à l’objet social de la société preneuse, tel que figurant a u K b i s a n n e x é , p o u r u n e d u r é e d e ' n e u f ' a n n é e s ' à ' c o m p t e r ' d u ' 1 e r 'février'2002'pour’se’terminer’le'31'janvier'2011, moyennant le paiement d’un loyer annuel’ hors’ charges’ de’ 11.433,68' euros’ HT,' payable’trimestriellement’ et’ à’ terme’ échu,' faisant’ l’objet’ d’une’ indexation’annuelle.'

Par acte du 23 février 2011, la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H a demandé le renouvellement de son bail.

Par acte du 20 mai 2011, Mme Z a refusé le renouvellement, sans offre d’indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes, arguant de la violation des stipulations contractuelles interdisant la

sous-location, la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H ayant sous-loué les locaux à plusieurs sociétés, dont les sociétés TEXTIGROS et LB 4.

Mme Z est décédée le […]. Sa légataire universelle Mme X-F A veuve Y, est venue aux droits et obligations de la défunte.

Par jugement en date du 2 octobre 2012, sur demande du bailleur, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de PARIS a fixé le loyer à la valeur locative pour un montant de 48.803 euros en principal à compter du 5 juin 2009.

La société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H a interjeté appel du jugement du 2 octobre 2012. Suivant arrêt du 8 octobre 2014, la cour d’appel a confirmé le jugement sauf en ce qui concerne les intérêts moratoires.

La société MR GRAVILLIERS a acquis l’immeuble pour moitié le 23 décembre 2013 et pour la moitié restante le 30 décembre 2013, et ce pour un prix global de 2.400.000 euros, prix correspondant à l’estimation du bien lors de la succession au […] de Mme Z.

Suivant acte introductif d’instance du 11 avril 2012, la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU LINGERIE G H a saisi le tribunal de grande instance de PARIS afin de contester le motif du refus du renouvellement du bail et solliciter une indemnité d’éviction.

Par un jugement du 16 mai 2017, le tribunal de grande instance de PARIS a :

— Déclaré recevable la société MR GRAVILLIERS en son intervention volontaire.

— Déclaré valide le refus de renouvellement du bail notifié le 25 avril 2011 à la SA CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARIS G H mais dit qu’en 1'absence de motifs suffisamment grave et légitimes, il ouvrait droit à son profit au paiement d’une indemnité d’éviction prévue à l’article L.145-14 du code de commerce et au maintien dans les lieux jusqu’au versement de cette indemnité, et au profit de la bailleresse au paiement d’une indemnité d’occupation qui sera due à compter du 1er avril 201l.

Avant dire droit sur le montant des indemnités d’éviction et d’occupation,

COMMIS : Mme FRANCOISE MAIGNE-GABORIT

[…]

[…]

Téléphone :01.40.7l.01.70

en qualité d’expert avec mission :

— de se faire communiquer tous documents et pièces utiles,

— de visiter les lieux, les décrire, dresser le cas échéant la liste du personnel employé par la locataire,

— de rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, tous éléments permettant de déterminer le montant

a – de l’indemnité d’éviction dans le cas:

1°) d’une perte du fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents a la cession d’un fonds d’importance identique, de la réparation du trouble commercial ;

2°) de la possibilité d’un transfert de fonds, sans perte conséquence de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente et, en tout état de cause, le coût d 'un tel transfert comprenant acquisition d’un titre locatif avec les mêmes avantages que 1'ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial ;

b- de l’indemnité d’occupation statutaire due par le locataire pour l’occupation des lieux, objet du bail, depuis le 1er avril 2011 jusqu’à leur libération effective ; sur les bases utilisées en matière de fixation de loyers de renouvellement, abattement de précarité en sus.

A titre de renseignement, préciser si à son avis le loyer aurait été ou non déplafonné en cas de renouvellement de bail.

— Dit que l’expert commis procédera à sa mission les parties dûment convoquées ; qu’ il les entendra contradictoirement en leurs dires et explications, y répondra et procédera à la vérification des faits par elles avancés ; qu’il dressera de ses opérations un rapport qui sera déposé au service de la18ième chambre civile du TGI de Paris(esca1ier F, 1er étage) avant le 1er juin 2018.

— Fixé à la somme de 3.500€ (TROIS MILLE CINQ CENT EUROS) le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, que la société MR GRAVILLIERS ou, à défaut, la partie la plus diligente sera tenue de consigner à la Régie du Tribunal de Grande Instance (escalier D, 2e étage) avant le 3 juil1et 2017 faute de quoi la désignation de l’expert deviendra caduque et privée de tout effet.

— Fixé1'indemnité d’occupation provisionnelle au montant du dernier loyer en cours.

— Renvoyé l’affaire à1'audience de procédure du jeudi 14 septembre 2017 a 11h00 pour vérification du dépôt de la consignation.

— Ordonné 1'exécution provisoire du présent jugement.

— Réservé les dépens et les demandes fondées sur l’artic1e 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 16 juin 2017, la SCI MR GRAVILLIERS a interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 21 novembre 2018, la SCI MR GRAVILLIERS et Mme A veuve Y demandent à la cour de :

[…]le'16'mai'2017,''

Vu’les’articles'328'et’suivants’et 367 du’code de procédure civile,''

Vu’les’articles’L'145-14,'L'145-7-1'I°'et’L'145-31'du’code’de’commerce,'

Vu’la’convention’locative’du'21'février'2002,'

Vu’les’dispositions’de l’article'1382'du’code civil,'

''Dire’la’société’MR’GRAVILLIERS’et’X-F’A'veuve’Y' bien’fondées’en’leur’appel,'et’ce’faisant,'

''Déclarer’la’société’CHEMISERIE’ET’LINGERIE’DU’MARAIS’G'H’mal’ fondée’en’sa’demande’en’omission’de’statuer’et’en’son’appel’incident.'

'' Confirmer’la’recevabilité’de’la’société’MR’GRAVILLIERS’en’son’intervention,''

''Confirmer’la’validité’du’refus’de’renouvellement’du’bail’signifié’le'20'mai'2011'à’ effet’du'31'mars'2011,'

'

Pour’le’surplus,'infirmer’le’jugement’entrepris’et':''

'' Dire’ qu’en’ s’abstenant’ de’ respecter’ les’ prescriptions’ de’ l’article’ L’ 145-31 :' information’du’bailleur’de’l'intention’de’sous-location’et’formalité’du’concours […]sous-locataires,'la’sociétéCHEMISERIE’ET’LINGERIE’DU’MARAIS’G'H’a' […]irréversible,''

'' Dire’ en’ conséquence’ que’ la’ société’ MR’ GRAVILLIERS’ venant’ aux’ droits’ de’ Mme’Y' est’ parfaitement’ fondée’ à’ opposer’ à’ la’ société’ CHEMISERIE’ ET’ LINGERIE’DU’MARAIS’G'H’un’refus’de’renouvellement’pour’motif’ g r a v e ' e t ' l é g i t i m e ' e t ' à ' l u i ' d é n i e r ' t o u t ' d r o i t ' à ' i n d e m n i t é ' d ' é v i c t i o n comme’au’maintien’dans’les’lieux’dans’les’termes’de’l'article’L'145-28'du’code de’commerce.'

'' Condamner’ la’ société’ CHEMISERIE’ ET’ LINGERIE’ DU’ MARAIS’ G’ H’ a u ' p a i e m e n t ' d ' u n e ' i n d e m n i t é ' d ' o c c u p a t i o n ' d e ' d r o i t ' c o m m u n , ' s o i t ' à ' l a ' s o m m e ' d e ' 6 6 . 9 9 0 ' € ' ( S O I X A N T E – S I X ' M I L L E ' N E U F ' C E N T ' Q U A T R E – V I N G T – DIX’EUROS)'par’an’hors’taxes,'outre’les’charges,' taxes 'et’accessoires’prévus’ par la’convention’ locative’ échue du 1er avril'2011'et’jusqu’à 'restitution’ complète 'des locaux’ occupés’après’ justification des’obligations’ lui’incombant 'en 'termes 'de’remise en’état des’locaux’ dans’les’termes’du’bail,''

'' Ordonner’ l’expulsion’ de’ la’ société’ CHEMISERIE’ ET’ LINGERIE’ DU’ MARAIS’ G’H'et’de’toute’personne’dans’les’lieux’de’son’fait,'[…]lieu,'

''Ordonner’le’transport’et’la’séquestration’des’meubles’et’objets’mobiliers 'garnissant’leslieux’ dans’tel’garde-meubles’ qu’il’plaira’ à’la’Cour’de’désigner, et’ ce’ en’garantie des indemnités d’occupation’et’des 'réparations 'locatives’ qui’ pourront’être dues,' -Débouter’ la’ société C H E M I S E R I E ' E T ' L I N G E R I E ' D U ' M A R A I S ' H E N R I ' B R I C O U T ' de’l'intégralité’de’ses’demandes,'fins’et’conclusions,''

Subsidiairement,'et’si’par’extraordinaire’la’Cour’confirmait’ le’jugement’querellé’en’ce’ qu’il’a validé’ le refus’ de’ renouvellement’ du’ bail,' mais’ dit’ qu’en’ l’absence de’ motifs suffisamment 'graves’et’légitimes’cela’ouvrait’droit’au 'profit de’la’société’ CHEMISERIE

Et’LINGERIE’DU’MARAIS’G'H’au’paiement’d'une’indemnité d’évictionnn’prévue’ par’l'article’L'145-14'du’code’de’commerce':'

'' Dire’ et’ juger,' s’agissant’ d’un’ transfert’ de’ bureaux,' que’ l’éviction’ de’ la’ société’ l o c a t a i r e ' n e ' p e u t ' e n ' a u c u n ' c a s ' e n t r a î n e r ' l a ' p e r t e ' d ' u n ' f o n d s ' d e ' c o m m e r c e ' n i ' même’une’quelconque’valeur’de’ droit’ au’ bail,' et’ ce’ selon’ les’ critères’ habituels'

relevant’ de’ l’article’ L145-14' du’ Code’ de’commerce,'

''Fixer’en’ ce 'cas 'l’indemnité d’occupation 'due’ensuite 'de’l'exercice’ de’ son 'droit au’ maintien’ dans'

les’lieux’et’prévu’par’l'article’L'145-28'du’Code de’commerce,'à’la’somme de'49.927'€' (QUARANTE-NEUF’MILLE’NEUF’CENT’VINGT’SEPT’EUROS) par an

à’compter’du'1er avril'2011,'outre’les charges,'taxes’et’accessoires’prévus’par’la convention locative’échue,'et’jusqu’à'restitution’définitive’des’locaux’évincés,'et’ à 'titre infiniment’ subsidiaire’si’la’Cour’confirmait’qu'[…],'comme le’Tribunal,'aux’fins’de’chiffrer’l'indemnité’ d’occupation,' fixer’ le’ montant’ de’ l’indemnité’ d’occupation’ provisionnelle’ au’montant’ du’ dernier’ loyer’ en’ cours,' outre’ les’ charges,' taxes’ et’ accessoires’ prévus’ par la’convention’locative’échue’et’ce’ pendant’ la’durée’de’l'instance.'

— Débouter’ la’ société’ CHEMISERIE’ ET’ LINGERIE’ DU’ MARAIS’ G’ H’ de’l'intégralité’de’ses’demandes,'fins’et’conclusions,''

En’tout’état’de’cause':'

— Condamner’ la’ Société’ CHEMISERIE’ ET’ LINGERIE’ DU’ MARAIS’ G’ H’au’paiement’de’la’somme’de'10.000'€'(DIX’MILLE’EUROS)'au’titre’de’l'article’ 700'du’Code’de’Procédure’Civile,'

'' Condamner’ la’ Société’ CHEMISERIE’ ET’ LINGERIE’ DU’ MARAIS’ G’ H’au’paiement’de’la’totalité’des’frais’d'huissier’ainsi’qu’aux’entiers’dépens, dont’le’recouvrement’sera’ poursuivi’ par’ Maître’ Laurence’ TAZE-B’ en’ application’ des’ dispositions’ de’l'article'699'du’Code’de’Procédure’Civile.'

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 14 novembre 2017, la SA CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H demande à la cour de :

— De confirmer le jugement entrepris,

En conséquence,

— De constater que le refus de renouvellement avec refus d’indemnité d’éviction notifié le 20 mai 2011 par Mme Z est dépourvu de tout motif légitime,

— De condamner solidairement Mme Y venant aux droits de Mme Z, décédée le […], et la société MR GRAVILLIERS à payer à la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H une indemnité d’éviction à défaut de motif légitime concernant le refus de renouvellement, et ce conformément à l’article L.145-14 du code de commerce,

— Avant dire droit, sur le montant de l’indemnité d’éviction,

— De confirmer la mesure d’expertise ordonnée et la charge de la consignation au bailleur,

— De surseoir à statuer dans l’attente du dépôt du rapport sur le montant de l’indemnité d’éviction,

— Réformant la décision entreprise qui a omis de statuer sur ce point,

— De fixer le montant de l’indemnité d’occupation provisionnelle due par la locataire durant son droit au maintien à concurrence du montant du loyer tel que résultant de la fixation par révision actuellement pendante avec abattement de 10 % à raison de la précarité de l’occupation, dans l’attente de l’éviction, et ce depuis la prise d’effet du congé,

— De débouter Mme Y et la société MR GRAVILLIERS de l’intégralité de leurs demandes,

— De rejeter l’appel interjeté, mal fondé,

— De dire en effet qu’aucun motif grave et légitime ne vient justifier le refus de renouvellement,

— De débouter les bailleurs de leurs demandes au titre d’indemnité d’occupation et de l’indemnité d’éviction réduite,

— De condamner en revanche Mme Y et la société MR GRAVILLIERS à payer à la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— De les condamner également aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître HERMET-LARTIGUE, Avocat, conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile,

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 décembre 2018.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a déclaré recevable, en son intervention volontaire, la société MR GRAVILLIERS, venant aux droits de Mme A veuve Y, en tant qu’acquéreur de l’immeuble, cette disposition n’étant pas contestée.

Sur le refus de renouvellement du bail

La société MR GRAVILLIERS et Mme A veuve Y, font valoir que’ l’autorisation’ de’ sous-louer’ ne’ vaut’ pas’ renonciation’ par’ le’ bailleur’ à’l'accomplissement’ des 'formalités’ de l ' a r t i c l e L 1 4 5 – 3 1 s o i t l ' i n f o r m a t i o n d u b a i l l e u r , qu’une’sous-location’irrégulière’peut'[…], que l’omission’ du’ preneur’ d’appeler’ le’ bailleuràconcouriràl’actenepouvantêtrerégularisé une’sous-location’irrégulière’peut’être’sanctionnée’ […]sans paiement’d'indemnité’d'éviction, que cette omission ne’ peut’ être’ régularisée, s’agissant d’une’ formalité’ préalable,' que le’refus’de’renouvellement’est’d'autant’plus 'justifié’lorsque’la’sous-location est’prohibéepar’le’bail,' et’ qu’au’ surplus’ l’activité’ du’ sous-locataire’ n’est’ pas’ conforme’ à’ la’ destination’ du’ bail’principal, que force’ est’ de’ constater’ que’ la’ locataire’ principale’ n’a' jamais’ démontré’ l’existence’ d’un’groupe,' ni’ en’ droit,' ni’ même’ en’ fait,' étant’ observé’ que’ la’ présence’ d’actionnaires/associés’communs’ avec’ les’ sociétés’ sous-locataires’ ne’ fait’ pas’ nécessairement’ coïncider’ leurs’ intérêts’économiques.''

'

La SA CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H répond qu’aux termes du dernier bail liant les parties, il lui a été consenti une libre faculté de sous-location exclusivement partielle à une filiale ou à une société du groupe H, sous la seule condition essentielle que la société preneuse demeure garante et responsable de son sous-locataire, que par cette faculté de sous-location partielle au bénéfice d’une filiale ou d’une société du groupe, il apparaît qu’aux termes du bail, la clause 6-1-13 édicte une dérogation à l’obligation légale de faire concourir le bailleur à l’acte de sous-location, que le bail ne fait pas référence à un groupe de sociétés, mais aux sociétés du Groupe H, ce qui signifie qu’il est fait référence au groupe familial H et non au groupe de la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H.

Aux termes de l’article L.145-17 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant.

L’article L145-31 du code de commerce énonce que 'Sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite.

En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l’acte.

Lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d’exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale, augmentation qui, à défaut d’accord entre les parties, est déterminée selon une procédure fixée par décret en Conseil d’Etat, en application des dispositions de l’article L. 145-56.

Le locataire doit faire connaître au propriétaire son intention de sous-louer par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Dans les quinze jours de la réception de cet avis, le propriétaire doit faire connaître s’il entend concourir à l’acte. Si, malgré l’autorisation prévue au premier alinéa, le bailleur refuse ou s’il omet de répondre, il est passé outre.'

Par acte d’huissier de justice du 21 mai 2011, Mme Z a refusé à la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H de lui accorder le renouvellement du bail sans indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes en ce qu’elle lui reprochait d’avoir sous-loué les locaux, sans autorisation, à plusieurs sociétés dont les sociétés TEXTIGROS et LB 4.

Figure au bail la clause suivante au paragraphe : 'Sous-location'-''mise’à'disposition':' «'La’ preneuse’ n e ' p o u r r a ' s o u s – l o u e r ' t o u t ' o u ' p a r t i e ' d e s ' l i e u x ' l o u é s , ' s a u f ' a u t o r i s a t i o n expresse’de’la’bailleresse,'laquelle’devra’être’dûment’appelée’à'intervenir’au’contrat’ de s o u s – l o c a t i o n ' p a r ' a c t e ' e x t r a j u d i c i a i r e ' s i g n i f i é ' a u ' m o i n s ' q u i n z e ' j o u r s ' a v a n t la’signature,'sauf’sous-location’ partielle 'à’ une 'filiale’ ou 'à’ une’ société’ du’ groupe H,' sous’la condition essentielle que 'la’ société 'preneuse 'demeure garante’et’responsable de’son’sous-locataire'».'

«Toute’mise’à' disposition,'fut-ce’à'titre’gratuit,'est’interdite’ à’l'exception’de’celles’qui peuvent’être’consenties’par’la’preneuse’aux’partenaires’qui’peuvent’bénéficier’de’ sous-locations.''

Il résulte du procès-verbal d’huissier de justice dressé le 17 octobre 2014 les constatations suivantes :

'Dans les parties communes de l’immeuble est affichée dans un panneau vitré, la liste des occupants de l’immeuble sur laquelle je relève les noms suivants :

G H SA : 2è Face Bat.Dte

LB4 : 2è Face Bat.Dte

Geneco : 2è Face Bat.Dte

[…]

Sur la boîte aux lettres , je relève les noms suivants : G H SA, Chemiserie lingerie du Marais, Geneco, LB4.

Sur la porte d’accès aux locaux situés au deuxième étage, sur la porte palière figure un plaque sur laquelle est inscrit : 'G H'.

L’huissier de justice a rencontré sur place Mme I C qui lui a indiqué :

— que les sociétés LB4 et TEXTIGROS recevaient leur courrier à cette adresse mais qu’elles n’avaient aucune activité dans l’immeuble du […]

— qu’aucun contrat de sous-location, ni aucun contrat de mise à disposition n’existait pour ces deux sociétés (LB4 et TEXTIGROS)

L’huissier de justice a également demandé à Mme I C l’identité et le poste occupé par chacun des salariés présents, sur les lieux.10 salariés exerçaient leur activité sur place. 8 travaillaient pour la société H, un graphiste exerçait pour la société Geneco et une comptable intérimaire était également présente. Mme I C a remis à l’huissier de justice les fiches de paie de toutes les personnes rencontrées sur place, sauf pour la comptable intérimaire.

Il résulte d’une attestation de la SARL EXPERTA, société d’expertise comptable, en date du 5 novembre 2013, que la société Geneco est une filiale de la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H ; la sous-location est donc autorisée pour elle, sans autorisation préalable du bailleur, tel que stipulé au bail.

Mme Y et la société MR GRAVILLIERS opposent que le groupe de sociétés est un ensemble constitué par plusieurs sociétés, ayant chacune leur existence juridique propre mais unies entre elles par des liens divers en vertu desquels l’une d’elles, dite société mère, qui tient les autres sous sa dépendance, exerce un contrôle sur l’ensemble et fait prévaloir une unité de décisions, que la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H, personne morale, n’a aucun contrôle sur les sociétés LB4 et TEXTIGROS et n’en est aucunement actionnaire, le seul lien existant entre ces sociétés est l’existence d’associés, personnes physiques, ce qui insuffisant pour constituer un groupe.

La cour constate que le bail fait référence non au groupe de sociétés mais aux sociétés du groupe H.

La SARL EXPERTA, société d’expertise comptable, en date du 5 novembre 2013, atteste que la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H, est une société anonyme qui été créée en 1946 par les parents de l’actuelle dirigeante, Mme I H épouse C et dont l’actionnariat a toujours été fermé, purement familial.

L’expert-comptable a attesté que la répartition des titres, conformément aux statuts de chaque entité était la suivante :

SA H (titres :1000) TEXTIGROS

(titres :100)

LB4 (titres : (500)

I C

992

60

100

K C

(époux)

6

40

300

L C (fille)

1

50

M C(fille) 1

50

Le caractère familial des trois sociétés est ainsi démontré. Le bail est un contrat passé entre deux parties de nature à permettre l’exploitation de l’activité exercée ; il est donc évident qu’en insérant cette clause de sous-location au bail, la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G

H a entendu favoriser les sociétés du groupe familial G H et non viser une interprétation juridique ne correspondant pour elle à aucune situation concrète. La contrepartie concédée au bailleur et expressément stipulée comme condition essentielle est que’la’société’preneuse’ demeure’garante’et’responsable’de’son’sous-locataire et que la sous location demeure partielle.

En l’espèce, la clause telle qu’elle est rédigée, stipule que la sous-location doit être soumise à l’autorisation du bailleur, selon les modalités prévues sauf sous-location en faveur d’une filiale ou d’une société du groupe H ce qui implique que dans cette hypothèse, aucune démarche d’autorisation ou d’information du bailleur n’est exigée.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a jugé qu’aucune infraction au bail relative à la clause de sous-location n’avait été commise par la preneuse qui face au refus de renouvellement du bail, qui lui a été notifié par le bailleur, par acte extrajudiciaire du 25 avril 2011, est fondée à solliciter le paiement d’une indemnité d’éviction prévue à l’article L 145 -14 du code de commerce, et à demeurer dans les lieux jusqu’au versement de celle-ci.

Sur l’indemnité d’éviction

Faute d’éléments suffisants, le tribunal a ordonné une expertise afin de lui permettre de chiffrer le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation à la charge du preneur.

La société MR GRAVILLIERS et Mme A veuve Y refusent à la preneuse le droit à une indemnité principale et le droit à une indemnisation au titre d’une quelconque valeur du droit au bail aux motifs que les locaux seraient à usage exclusif de bureaux et concluent en conséquence à l’absence de nécessité d’une expertise.

La société H oppose le fait que les locaux ne sont pas à usage exclusif de bureaux, qu’elle reçoit dans les locaux loués les clients et fournisseurs qui consultent les modèles pour participer à leur conception, qu’il doit être tenu compte de la destination stipulée au bail et de la date de renouvellement du bail pour apprécier l’usage autorisé des locaux.

La société H est fondée à obtenir une indemnité d’éviction en fonction de la perte ou non du fonds de commerce ou de son transfert ; l’expertise a pour but de fournir des éléments permettant à la juridiction d’évaluer le préjudice subi par la preneuse. L’expertise sera maintenue afin de permettre aux parties de discuter les éléments de l’indemnité d’éviction après que l’expert aura effectué les constatations utiles et proposé aux parties des éléments d’évaluation sans qu’il y ait lieu d’ores et déjà de statuer sur ces éléments.

Sur l’indemnité d’occupation

Aux termes de l’article L.145-28 du code de commerce, la preneuse doit en contrepartie du maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré, au bailleur une indemnité d’occupation dont le montant est fixé à la valeur locative des locaux .

Par jugement du 2 octobre 2012, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a fixé, après expertise, le loyer à la somme de 48'803 € à compter du 5 juin 2009, correspondant à la valeur locative. Les parties sont d’accord pour prendre en compte ce montant pour fixer l’indemnité d’occupation, sauf pour le bailleur à solliciter l’actualisation de cette somme 'au'1er avril’ 2011,' date’ d’effet’ du’ congé,' pour’ un’ montant’ de’ 49.927' €/an’ en’ principal’ et pour la preneuse à solliciter une minoration de 10 % au regard de la précarité de sa situation ramenant cette indemnité annuelle à 43.922,70 euros.

Les parties s’opposant sur le montant de la valeur locative devant servir de fondement au calcul de

l’indemnité d’occupation et sur la minoration de celle-ci, le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a étendu la mission de l’expert à la recherche d’éléments de nature à déterminer le montant de l’indemnité d’occupation et fixé celle-ci à titre provisionnel dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise au montant du dernier loyer ; s’y ajouteront les charges et taxes prévues au bail.

Sur les frais accessoires

La société MR GRAVILLIERS et Mme A veuve Y succombant seront condamnés aux dépens de la procédure d’appel et à verser à la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H la somme de 4000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par décision contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que l’indemnité d’occupation provisionnelle comprendra outre le montant du loyer en cours, les taxes et charges prévues au bail,

Condamne la société MR GRAVILLIERS et Mme A veuve Y à payer à la société CHEMISERIE ET LINGERIE DU MARAIS G H la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société MR GRAVILLIERS et Mme A veuve Y aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 19 juin 2019, n° 17/12127