Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 20 décembre 2019, n° 18/00470

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Chronologie de l’affaire

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Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

CA Paris, 20 décembre 2019, RG n°18/00470 Le détournement de la campagne de communication d'autrui peut consister en un acte fautif de parasitisme dès lors qu'il est établi que cette campagne est le fruit d'investissements et que ses éléments caractéristiques ont été repris. Les créations peuvent faire l'objet d'une protection directe lorsqu'un droit privatif est conféré permettant de s'opposer à toute utilisation non autorisée, on songe en premier lieu au droit de la propriété littéraire et artistique qui a vocation à protéger toutes les œuvres, quel qu'en soit le genre au-delà de l'art …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 20 déc. 2019, n° 18/00470
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/00470
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 22 novembre 2017, N° 16/12978
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 20 DECEMBRE 2019

(n°182, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 18/00470 – n° Portalis 35L7-V-B7C-B4XXG

Jonction avec le dossier 19/07433

Décision déférée à la Cour : jugement du 23 novembre 2017 – Tribunal de grande instance de PARIS
- 3e chambre 4e section – RG n°16/12978

APPELANTE

Association LA MANIF POUR TOUS, agissant en la personne de sa présidente, Mme X DLR, domiciliée en cette qualité au siège social situé

115, rue de l’Abbé Groult

75015 PARIS

Représentée par Me Henri DE BEAUREGARD de l’AARPI BeLeM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0182

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE PROVOQUEE

Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX 'SPA', prise en la personne de sa présidente domiciliée en cette qualité au siège social situé

39, boulevard Berthier

75017 PARIS

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque L 0046

Assistée de Me Michaël PIQUET-FRAYSSE plaidant pour la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B 0485

INTIMEE PROVOQUEE

Fondation JEROME LEJEUNE, prise en la personne de son président, M. Jean-Marie Le Méné, domicilié en cette qualité au siège social situé

37, rue des Volontaires

75725 PARIS CEDEX 15

Représentée par Me Antoine BEAUQUIER de l’association BOKEN, avocat au barreau de PARIS, toque R 191

Assistée de Me Antoine BEAUQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque R 191, Me Anaïs MEHIRI, avocat au barreau de PARIS, toque R 191

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne-Marie GABER, Présidente de chambre

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 23 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Vu l’appel interjeté le 22 décembre 2017 par l’association La Manif pour tous ;

Vu l’assignation afin d’appel provoqué délivrée le 13 juin 2018 par l’association Société Protectrice des Animaux 'SPA’ à la Fondation Jérôme Lejeune ;

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 29 mars 2019 infirmant l’ordonnance rendue le 18 janvier 2018 par le conseiller de la mise en état et déclarant recevables les conclusions de la Fondation Jérôme Lejeune notifiées le 18 octobre 2018,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 21 mars 2018 par l’association La Manif pour tous (LMPT), appelante,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 7 mai 2019 par la Fondation Jérôme Lejeune, intimée provoquée,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique le 2 août 2019 par l’association Société Protectrice des Animaux 'SPA', intimée au principal et appelante provoquée,

Vu l’ordonnance de clôture du 5 septembre 2019.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, aux décisions entreprises et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera rappelé que la SPA est une association fondée en 1845, reconnue d’utilité publique, dont l’objet social est la protection des animaux.

L’association LMPT indique avoir pour objet la coordination d’actions de promotion du mariage homme-femme, de la famille, de la parenté et de l’adoption.

La Fondation Jérôme Lejeune expose poursuivre l’oeuvre médicale du professeur Jérôme Lejeune au profit des personnes atteintes de maladies génétiques.

La SPA a lancé le 18 avril 2016 une campagne nationale pour dénoncer la torture faite aux animaux dans le cadre de l’abattage, de l’expérimentation animale et de la corrida.

Exposant avoir découvert le 23 avril 2016 que l’association LMPT avait diffusé sur son site internet lamanifpourtous.fr des visuels reprenant les codes de sa campagne ainsi que l’expression et le hashtag 'Monsieur le Président #JeVousFaisUneLettre’ pour dénoncer la PMA (procréation médicalement assistée) sans père et la GPA (gestation pour autrui), après l’avoir fait constater par huissier de justice, et avoir également constaté que la Fondation Jérôme Lejeune avait aussi détourné à compter du 2 mai 2016 sur son site internet undenous.fr sa campagne nationale pour dénoncer l’avortement 'tardif’ et l’euthanasie, la SPA a fait assigner en référé d’heure à heure, l’association LMPT et la Fondation Jérôme Lejeune devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris.

Par ordonnance en date du 20 mai 2016, le juge des référés a notamment interdit sous astreinte aux deux défenderesses de poursuivre l’utilisation des visuels litigieux, leur a ordonné la publication d’un communiqué sur leurs sites internet respectifs et a accordé à la SPA à titre de provision 1 euro de dommages-intérêts.

La SPA a fait assigner au fond devant le tribunal de grande instance de Paris le 25 août 2016 l’association LMPT et la Fondation Jérôme Lejeune sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du code civil, aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Par jugement dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a notamment condamné l’association LMPT à payer à la SPA la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des actes de parasitisme, dit que la Fondation Jérôme Lejeune est tenue in solidum dans la limite de 5 000 euros, et condamné chacune d’elles à payer à la SPA la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Sur le parasitisme

L’association LMPT fait valoir que les visuels de la SPA, qui n’ont pas d’originalité ne présentent pas de valeur économique individualisée, pas plus que le hashtag associé à la formule 'Monsieur le Président’ qui ne peut faire l’objet d’une appropriation exclusive, et que le fait de suggérer aux gens d’interpeller leurs élus sur un sujet de préoccupation n’a rien de novateur. Elle soutient qu’elle n’a procédé à aucune publication sur Twitter mais a simplement proposé de diffuser sur les réseaux sociaux les visuels inspirés de ceux de la SPA.

La Fondation Jérôme Lejeune fait valoir qu’elle est reconnue d’utilité publique et agit dans un but non lucratif de sorte qu’elle n’est pas un opérateur économique, que les visuels de la campagne publicitaire de la SPA ne présentent aucune originalité, que ceux de sa campagne de communication sont distincts sans aucun risque de confusion, que l’existence d’un effort intellectuel et d’investissement n’est pas démontrée, que le concept de campagne participative pas plus que le hashtag '#Jevousfaisunelettre’ne sont protégeables, qu’elle n’a pas twitté ni profité du retentissement de la campagne de la SPA dont il n’est pas justifié d’une notoriété particulière, et qu’en conséquence sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement du parasitisme.

La SPA prétend que les visuels diffusés par les appelantes reprennent les éléments distinctifs de ceux de sa campagne, à savoir inciter les citoyens à prendre directement contact avec leurs élus sur internet au moyen du hashtag '#JeVousFaisUneLettre’ qui devait permettre de centraliser l’intégralité des réactions du public sur la cause animale dans un fil unique de conversation sur Twitter, et qu’en détournant le concept de sa campagne, elles ont ainsi détourné l’audimat généré et bénéficié d’une exposition qu’elles n’auraient pas eu sans les investissements consentis ainsi qu’il résulte du fil de conversation du hashtag montrant un grand nombre de publications concernant les causes défendues par l’association LMPT et par la Fondation Jérôme Lejeune.

La cour rappelle que le parasitisme, qui consiste pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité indépendamment de tout risque de confusion.

Ainsi que l’a justement relevé le tribunal par des motifs que la cour adopte, le fait que les parties qui sont toutes des associations reconnues d’utilité publique n’ont pas d’activité commerciale n’empêche pas la SPA d’agir sur le fondement du parasitisme, sans préjudicier du bien fondé de son action.

La SPA justifie qu’elle a réalisé à compter du 18 avril 2016 une campagne de communication basée sur un concept participatif incitant chaque citoyen à interpeller les politiques à commencer par le Président de la République, afin de les sensibiliser à la cause de la maltraitance animale, via le réseau twitter en utilisant le hashtag #JeVousFaisUne Lettre, par référence à la célèbre chanson de Boris Vian imaginant la lettre d’un déserteur sur l’horreur de la guerre adressée au Président de la République.

Les trois affiches qu’elle a réalisées à cette fin ont été conçues selon la même mise en page à savoir un onglet en haut à gauche sur fond orange au bord biaisé comprenant un hashtag suivi selon les thèmes des mots #ABATTOIRS, #EXPERIMENTATION ANIMALE, et #CORRIDA, en dessous duquel se trouve un visuel d’animal, respectivement un agneau, un lapin et un taureau occupant la moitié gauche de l’affiche, l’autre moitié reprenant dans les trois cas en gros caractères la question 'LA TORTURE … C’EST LEGAL '', en dessous de laquelle est positionné un cartouche rectangulaire sur fond noir sur lequel est écrit en lettres rouges 'Monsieur le Président', puis au-dessous en lettres blanches #JeVousFaisUneLettre', le bas de l’affiche mentionnant de gauche à droite le site spa.fr, les comptes facebook et twitter de l’association, puis dans l’angle droit son logo.

Cette campagne de sensibilisation à la cause animale a été créée par un studio de création qui a facturé ses prestations à hauteur de 5 775 euros à titre de note d’honoraires pour la création de la campagne d’affiches et sa déclinaison digitale ; les affiches ont été imprimées pour un montant de 15 221 euros et l’achat d’espaces d’affichages effectué par l’agence Havas Média a été facturée à la SPA pour un montant de 129 594 euros correspondant à des réservations sur des 'réseaux locaux’ et de 'Métrobus’ ainsi qu’il résulte des factures versées à la procédure.

Cette opération de communication a donné lieu à de nombreux articles de presse le 18 avril 2016, jour de son lancement, notamment sur les sites des magazines Paris Match, Midi libre, le Point, l’Express, le Figaro, Femme Actuelle, Ouest France mais aussi des radios telle que France Bleue et celui de la chaîne de télévision BFM TV, ces différents articles reprenant les visuels de la campagne et expliquant notamment que la SPA interpelle le Président de la République sur l’abattage des animaux, la corrida et la vivisection en lançant une campagne à laquelle les internautes sont invités à réagir via le hashtag #JeVousFaisUneLettre.

Il n’est pas contesté, ainsi qu’il résulte notamment des écritures des appelantes que l’association LMPT comme la Fondation Jérôme Lejeune se sont inspirées de la campagne de la SPA en affichant sur leurs sites internet respectifs des visuels rappelant celui des affiches de la SPA pour traiter des causes qui leurs sont propres à savoir, pour la première, le refus de la GPA et de la PMA pour les couples de même sexe, et pour la seconde, 'l’eugénisme’ des bébés porteurs de la trisomie 21, l’avortement 'tardif’ et l’euthanasie, ces visuels ayant été diffusés sur le site de l’association LMPT à compter du 23 avril 2016 ainsi qu’il résulte du procès-verbal d’huissier de justice du 3 mai 2016 constatant sur ce site l’annonce de la nouvelle campagne PMA/GPA sous laquelle est indiqué 'post on 23 avril 2016", et sur le site de la Fondation Lejeune à compter du 2 mai 2016 soit respectivement 5 jours et 12 jours après le lancement de la campagne de la SPA.

En outre, les visuels publiés par l’association LMPT et la Fondation Lejeune sur leurs sites internet respectifs reprennent le concept de la campagne de communication de la SPA à savoir l’incitation des sympathisants à interpeller le Président de la République en envoyant un twitt sur le #JeVousFaisUne Lettre.

Ils reprennent aussi la même composition de l’affiche de la SPA à savoir :

— l’onglet en haut à gauche de couleur et de forme biaisée dans lequel se trouve un # suivi de leurs propres sujets de communication à savoir #GPA, #PMA SANS PERE, #AVORTEMENT TARDIF, #TRISOMIE21 ;

— la photographie en gros plan sur la moitié gauche illustrant le thème ;

— le texte en lettres capitales sur la partie droite dont les premiers mots 'VOLONTAIREMENT PRIVE DE PERE', 'CHERCHE PERE DESESPEREMENT', 'L’AVORTEMENT TARDIF’ ou 'L’EUGENISME’ se terminent par trois points de suspension … suivis de la même question que celle de la campagne de la SPA 'C’EST LEGAL '' ;

— sous ladite question, un cartouche rectangulaire sur fond noir identique à celui de la SPA, sur lequel est écrit en lettres de couleur 'Monsieur le Président', puis au-dessous en lettres blanches #JeVousFaisUneLettre’ ;

— le pied du visuel mentionnant de gauche à droite le site de l’association, puis ses comptes facebook et twitter et en bas à droite leurs logos respectifs.

Ces éléments caractérisent le fait que l’association LMPT et la Fondation Jérôme Lejeune ont profité des investissements réalisés par la SPA tant pour la création que pour la diffusion de sa campagne, ainsi que de sa notoriété dont il est justifié par la production d’un baromètre Sofres réalisé en 2013 montrant qu’elle apparaît en 3e position des associations caritatives les plus connues des français, pour se placer dans son sillage en détournant quelques jours seulement après le lancement de sa campagne de sensibilisation à la cause animale, le concept et la composition visuelle de ladite campagne au bénéfice de leurs propres causes tendant ainsi à diluer, brouiller et à parasiter les messages de la SPA pour la protection des animaux, ainsi qu’il résulte notamment du fil de conversation twitter #JeVousFaisUneLettre édité le 9 mai 2016 dont un nombre de publications provient des associations départementales de l’association LMPT (31, 33, 49, 53 …) au sujet des causes qu’elles défendent et des manifestations qu’elles prévoient, étant observé qu’un particulier mentionne sur ledit fil 'je découvre que La Manif pour tous trolle honteusement la campagne #JeVousFaisUneLettre de la SPA', et peu important le fait que lesdits messages sur le fil de conversation, n’émanent pas directement de l’association nationale LMPT et de la Fondation Jérôme Lejeune, lesquelles sont bien à l’origine, ce qui n’est pas contesté, de la diffusion des visuels litigieux sur leurs sites internet respectifs.

Sur la liberté d’expression et l’exception de parodie

L’association LMPT fait valoir, à la différence de La Fondation Jérôme Lejeune qui n’invoque pas ces moyens de défense, que la liberté d’expression garantie notamment par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme (la CEDH) vaut pour les idées y compris celles qui choquent ou inquiètent, ainsi que l’exigent les principes de pluralisme et de tolérance, que les restrictions qui lui sont apportées doivent être rendues nécessaires dans une société démocratique et que le tribunal a appliqué à tort l’adjectif nécessaire non à la limitation susceptible d’être apportée à la liberté d’expression, mais à la manière dont la liberté d’expression avait été utilisée dans le cas d’espèce, et ce alors qu’un sujet d’intérêt général comme celui qu’elle défend justifie de la prééminence de la liberté d’expression sur d’autres droits.

Elle ajoute que l’exception de parodie permet aussi d’échapper au grief de parasitisme, que les visuels litigieux ne poursuivaient aucune fin commerciale, que le risque de confusion est nul, que l’intention était un clin d’oeil humoristique destiné à rappeler sous un mode caustique que si le combat contre la maltraitance animale est légitime, celui de la filiation humaine ne l’est pas moins, ce clin d’oeil étant d’autant plus justifié que quelques mois plus tôt la SPA avait fait un clin d’oeil inverse à sa cause, en représentant un couple d’hommes tenant un chat dans les bras sous le slogan 'A la SPA tout le monde peut adopter', et en conclut que le visuel concerné constitue une parodie qui ne saurait matérialiser un agissement parasite, et qui est tout au plus le détournement d’un visuel sous une forme de pastiche, la gravité du sujet n’excluant pas l’humour.

La SPA prétend que l’association LMPT invoque à tort l’exception de parodie prévue par le code de la propriété intellectuelle alors qu’elle ne revendique pas de droit d’auteur, que la liberté d’expression n’autorise pas le détournement des investissements d’autrui, et que le thème de la campagne des intimées n’a rien d’un clin d’oeil humoristique.

La cour constate effectivement que l’exception de parodie prévue par l’article L 122-4 4° du code de la propriété intellectuelle n’est pas applicable en l’espèce, la SPA ne revendiquant pas de droit d’auteur, de sorte que les développements relatifs au pastiche ou à la parodie doivent être appréciés au regard du droit à la liberté d’expression.

Elle rappelle qu’en application de l’article 10 de la CEDH, est reconnu le droit à la liberté d’expression, lequel comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées, et que l’exercice de ces libertés peut être soumis à certaines restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui doivent constituer des mesures nécessaires, dans une société démocratique, pour atteindre des buts légitimes et notamment la protection des droits d’autrui.

Cette disposition s’applique à la communication sur internet, quel que soit le type de message, de sorte que les messages litigieux des intimées sur leurs sites internet respectifs relèvent de l’exercice du droit à la liberté d’expression, et qu’en conséquence, la condamnation prononcée pour ces faits à leur encontre dans le jugement entrepris dont la SPA demande la confirmation, s’analyse en une ingérence dans celui-ci, laquelle enfreint l’article 10 susvisé de la CEDH, sauf si, elle est nécessaire, dans une société démocratique pour atteindre un des buts légitimes prévus par ledit article et en particulier la protection des droits d’autrui.

En l’espèce, ainsi qu’il a été précédemment expliqué, quelques jours après le lancement d’une campagne nationale par la SPA aux fins de sensibiliser au problème de la maltraitance animale par le biais d’une communication participative incitant les citoyens à interpeller le Président de la République sur cette cause via le site de réseau social twitter et le #JeVousFaisUneLettre, l’association LMPT a lancé sa propre campagne sur son site internet reprenant le concept de la campagne de la SPA en ce compris le slogan et le hashtag 'Monsieur le Président #JeVousFaisUneLettre’ aux fins de les détourner pour ses propres causes. Ainsi, ledit hashtag qui est un moyen pour les utilisateurs de twitter de catégoriser les messages relatifs à un même mot-clé ou sujets, et qui avait été créé par la SPA aux fins d’interpeller sur la cause de la maltraitance animale s’est trouvé sollicité par des twitts de sympathisants de la Manif pour tous défendant leurs propres causes sans lien aucun avec celle de la SPA, de sorte que la campagne de cette dernière a perdu en clarté et en efficacité, a été en partie brouillée en ce qu’elle s’est trouvée associée à des associations et à des causes qui lui sont étrangères voire antagonistes, les sympathisants de la SPA pouvant être tout à fait réfractaires aux thèses soutenues par l’association LMPT, mais aussi affaiblie en ce que sa cause est prétendument moins importante ainsi que le reconnaît la Présidente de l’association LMPT dans son interview du 3 mai 2016 (pièce 4) 'Nous avons voulu détourner cette campagne (…) Parce que ce qui se touche la personne humaine est encore plus grave. (…) ce qui se passe pour les être humains est évidemment plus important', et enfin partiellement préemptée, le fil twitter comprenant des messages de sympathisants de l’association LMPT, et ce alors que les causes qu’elle défend quoique distinctes, et notamment la protection des animaux ainsi que son droit à la liberté d’expression sont tout aussi légitimes.

Il résulte de ces développements que la condamnation de l’association LMPT comme celle de la Fondation Jérôme Lejeune pour des faits de parasitisme au détriment de la SPA sont des mesures nécessaires pour atteindre le but légitime de la protection des droits de cette dernière, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

Sur la réparation du préjudice

La SPA fait valoir qu’elle a investi environ 200 000 euros dans la conception et la diffusion de sa campagne, qu’elle a subi un préjudice moral du fait de la dilution de son message, et demande en conséquence la condamnation in solidum des intimées à lui payer en réparation la somme de 50 000 euros.

L’association LMPT soutient qu’elle a diffusé les visuels sur son propre site internet à l’exclusion de tout réseau social, seulement pendant 14 jours, que seulement 14 twits ont utilisé le hashtag pour évoquer les causes de la PMA et de la GPA, qu’elle n’a utilisé elle-même aucun hashtag se contentant de diffuser des visuels qui en étaient porteurs, outre qu’elle a publié le communiqué ordonné en référé.

La Fondation Jérôme Lejeune soutient que les campagnes publicitaires n’ont pas affecté l’image de la SPA ni entravé sa campagne de sorte qu’elle ne justifie d’aucun préjudice.

La cour constate que la SPA justifie, ainsi qu’il a été précédemment exposé, avoir dépensé une somme totale de 150 590 euros à titre d’honoraires de création, d’impressions d’affiches et de réservation d’espaces d’affichage.

Il n’est cependant pas contesté, ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal, que la campagne de la SPA s’est déroulée selon le planning initialement prévu, et que les visuels litigieux ont été retirés dès le 10 mai 2016, jour de l’assignation introductive d’instance en référé, de sorte qu’ils n’ont perduré que sur une courte période soit 17 jours sur le site de l’association LMPT et 8 jours sur celui de la Fondation Jérôme Lejeune, outre que la publication judiciaire ordonnée en référé sur chacun des deux sites incriminés a permis de réparer en partie le préjudice moral subi. Il est enfin avéré que parmi les twits incriminés sur le fil de conversation #jeVousFaisUneLettre (pièce 13) 14 concernent l’association LMPT et un seul la Fondation Jérôme Lejeune.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le tribunal doit donc être approuvé en ce qu’il a condamné l’association LMPT à payer une somme de 15 000 euros à la SPA en réparation de son entier préjudice subi tant financier que moral, et dit que la Fondation Jérôme Lejeune y est tenue in solidum dans la limite de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne l’association La Manif Pour Tous et la Fondation Jérôme Lejeune in solidum aux dépens d’appel, et à payer, chacune, à l’association Société Protectrice des Animaux – SPA, la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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