Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 8 janvier 2020, n° 17/09761

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 4, 8 janv. 2020, n° 17/09761
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/09761
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 10 mai 2017, N° F16/01122
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 08 JANVIER 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/09761 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZG3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2017 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F16/01122

APPELANTE

SA PSA AUTOMOBILES

[…]

[…]

Représentée par Me Hélène DE SAINT GERMAIN SAVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0098

INTIMÉE

Madame Z X

[…]

[…]

Représentée par Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0619

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Bruno BLANC, président de chambre

Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, conseillère

Monsieur Olivier MANSION, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Monsieur Bruno BLANC, président de chambre et par Mme Victoria RENARD, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOS'' DU LITIGE :

Mme Z X, née en 1982, a été engagée à compter du 2 mai 2012 en qualité de contrôleur de gestion, statut cadre, par la société PSA Automobiles qui l’a détachée, pour l’exécution de ses fonctions, au sein d’une autre filiale du groupe à savoir la société Banque PSA Finance (BPF). La salariée est néanmoins restée juridiquement liée à son employeur originel et elle percevait, en dernier lieu, une rémunération mensuelle brute de 4.980,83 € (moyenne des douze derniers mois).

La relation de travail était soumise à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie et aux accords applicables au sein du groupe PSA, dont un accord collectif en date du 23 octobre 2013 intitulé 'nouveau contrat social' instaurant un 'dispositif d’adéquation des emplois et des compétences' (DAEC) destiné à lutter contre une situation de sureffectif en favorisant des départs volontaires.

Lors d’un entretien avec son supérieur hiérarchique M. B Y le 26 novembre 2015, Mme X qui avait recherché une solution de reclassement en externe a fait savoir qu’elle souhaitait bénéficier de ce dispositif. Elle a confirmé sa demande par un mail du même jour.

La société PSA Automobiles lui a fait savoir qu’elle ne pouvait pas relever de ce dispositif compte tenu du fait qu’elle occupait un poste passé 'en tension' lors du dernier observatoire des métiers le 5 novembre précédent.

Après plusieurs échanges de courriers entre l’entreprise et l’avocat de la salariée, par un courrier du 25 janvier 2016, la société PSA Automobiles a indiqué à Mme X qu’elle était considérée comme démissionnaire puisqu’elle avait indiqué le 4 janvier 2016 à son manager qu’elle ne serait plus présente à compter du 25 février.

Mme X a été placée en arrêt maladie du 29 janvier au 3 avril 2016 (date correspondant au terme du préavis de démission).

Parallèlement et le 2 février 2016, elle a saisi le conseil des prud’hommes de Paris en paiement de dommages et intérêts pour privation injustifiée du dispositif de départ volontaire, subsidiairement pour légèreté blâmable quant à la communication des informations sur la base desquelles elle avait pris des engagements auprès d’un nouvel employeur ainsi que pour résistance abusive.

A titre reconventionnel, la société PSA Automobiles lui a réclamé des dommages et intérêts pour procédure abusive.

La cour statue sur l’appel principal de la société PSA Automobiles – et l’appel incident de Mme X – contre le jugement du 11 mai 2017 qui :

— a condamné l’employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

*16.519,89 € à titre de dommages et intérêts pour privation injustifiée du dispositif de départ

volontaire,

*27.970,02 € à titre d’indemnité complémentaire d’incitation,

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement

*700 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— a débouté la salariée du surplus de ses demandes et l’employeur de ses demandes reconventionnelles.

Vu les dernières conclusions, transmises le 23 octobre 2019 par la société PSA Automobiles, qui demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, après avoir constaté que la salariée n’était pas éligible au plan de départ volontaire dit DAEC 2015 et qu’elle avait démissionné de manière claire et non équivoque :

— la débouter de l’ensemble de ses demandes,

— à titre subsidiaire, ramener les montants accordés aux sommes de :

*4.214,26 € bruts à titre d’indemnité de départ volontaire,

*27.970,02 € bruts à titre d’indemnité complémentaire d’incitation,

— condamner la salariée à lui régler la somme de 3.000 € au titre de la procédure abusive outre 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions (n°4), transmises le 28 octobre 2019 par Mme X, aux fins de voir :

— confirmer le jugement entrepris sauf sur le montant des condamnations prononcées et le rejet de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

— l’infirmer de ces derniers chefs et condamner la société PSA Automobiles à lui payer les sommes suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Paris, et avec capitalisation :

*54.689,14 € à titre de dommages et intérêts pour privation injustifiée du dispositif de départ volontaire, se décomposant en :

—  14.842,50 € au titre de l’indemnité de départ volontaire,

—  39.846,64 € au titre de l’indemnité incitative complémentaire

*Subsidiairement : 54.689,14 € à titre de dommages et intérêts en raison de la légèreté blâmable dont a fait preuve la société PSA Automobiles dans la communication des informations sur la base desquelles elle a pris des engagements auprès d’un nouvel employeur,

*5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

*5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 29 octobre 2019,

A l’issue des plaidoiries le 13 novembre 2019, la cour a proposé aux parties de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel au plus tard le 27 novembre 2019. Elles les a avisées qu’à défaut, l’affaire était mise en délibéré pour être rendue le 8 janvier 2020 par mise à disposition au greffe. Aucun accord en ce sens n’ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

SUR CE :

Sur la rupture du contrat de travail :

Au soutien de son appel, la société PSA Automobiles fait valoir que Mme X ne pouvait bénéficier du dispositif de départ volontaire lorsqu’elle a fait connaître sa décision de rompre son contrat de travail et qu’en maintenant sa décision malgré les explications qui lui ont été données sur l’évolution de son poste de travail et le fait qu’il avait été classé 'en tension' lors du dernier observatoire des métiers, elle avait manifesté la volonté de démissionner, ce qui la privait du bénéfice des indemnités dont elle réclamait le paiement.

L’employeur reproche au jugement d’avoir – pour le condamner à payer des dommages et intérêts pour privation injustifiée du dispositif de départ volontaire et une indemnité complémentaire d’incitation – considéré que le refus opposé à la salariée à bénéficier du dispositif de départ à l’amiable dans le cadre du DAEC n’était pas justifié et avait placé la salariée – qui s’était engagée auprès d’un autre employeur – dans une situation inextricable.

La cour constate que la société PSA Automobiles a signé avec plusieurs organisations syndicales un accord collectif intitulé 'nouveau contrat social’ le 23 octobre 2013 prévoyant un 'dispositif d’adéquation des emplois et des compétences' (DAEC) permettant des départs volontaires de salariés positionnés sur des métiers qualifiés de 'sensibles' ou 'à l’équilibre' et ce, dans le cadre de 'mesures de mobilité externe sécurisées'. Cet accord prévoit notamment que les règles d’éligibilité aux mesures du DAEC sont définies sur la base de la qualification des métiers par 'l’observatoire des métiers et des compétences', à savoir un organisme paritaire interne à l’entreprise.

Il ressort également des explications des parties ainsi que des pièces versées aux débats que les partenaires sociaux ont prévus d’une part que cet 'observatoire des métiers et des compétences' se réunirait deux fois par an, la réunion du second semestre étant notamment centrée sur la mise à jour des métiers 'sensibles', 'en tension' et 'à l’équilibre' et, d’autre part, que les travaux effectués donnent lieu à des actions de communication collectives et individuelles.

Les parties s’accordent encore sur le fait que le métier occupé par Mme X a été classée 'à l’équilibre' à l’occasion de la réunion de l’observatoire des métiers et des compétences du 10 juin 2015 mais que, suite à une nouvelle réunion qui s’est tenu le 5 novembre 2015 'certaines fonctions des domaines gestion centrale (…)' sont passés d’ 'équilibre' à 'tension'.

Il est par ailleurs établi que, souhaitant bénéficier du dispositif, Mme X a effectué des recherches d’emplois et qu’elle s’est vu proposer par la SNCF une promesse d’embauche en qualité de contrôleur de gestion projet, qu’elle a signé le 24 novembre 2015, raison pour laquelle elle a demandé officiellement à bénéficier du dispositif de départ volontaire le 26 novembre suivant.

La cour relève également que la société PSA Automobiles ne justifie pas que la salariée ait été destinataire d' 'actions de communication collectives et individuelles' qui lui aurait permis de savoir – avant d’accepter la promesse d’embauche de la SNCF – que son poste relevait désormais des métiers classés 'en tension' ce qui lui faisait perdre le bénéfice du dispositif de départ volontaire.

Au contraire, il ressort de l’attestation de Mme E C D, occupant le poste de 'HRBP', qu’elle a reçu la salariée 'en entretien RH (…) Le 26 novembre 2015 suite à son entretien avec son N+2, B Y, dans lequel Mme X avait fait part de son souhait de bénéficier du DAEC'. Cette salariée précise que 'M. Y lui ayant indiqué son inéligibilité au DAEC depuis le dernier observatoire des métiers du 5 novembre' précédent, elle l’avait alors reçue 'afin de lui confirmer l’inéligibilité de sa fonction au dispositif'.

Par ailleurs, la cour observe que cette inéligibilité n’était pas certaine – ce qui a poussé Mme X à en discuter, avec l’aide de son conseil, dans le courant du mois de décembre 2015 et janvier 2016.

En effet, la société PSA Automobiles ne fournit aucune information sur la date d’entrée en vigueur des nouveaux classement des métiers par l’observatoire ad’hoc et – au vu des pièces versées aux débats – la salariée pouvait légitimement penser que le nouveau classement prendrait effet à compter du 1er janvier suivant.

Par ailleurs, les seuls éléments auxquels l’employeur se réfère sont :

— un document classé 'confidentiel' envoyé par mail le 12 novembre 2015 aux délégués syndicaux centraux et au secrétaire de l’observatoire, indiquant que 50% des postes relevant de la gestion des coûts et de la finance (dont les conseillers de gestion et les contrôleurs de gestion) évoluaient de la classification 'équilibre' à celle de 'tension',

— la réponse apportée par Mme C D à la salariée le 26 novembre 2015 indiquant que, s’agissant des métiers 'Gestion/coûts', 'certaines fonctions des domaines gestion centrale, industrielle, commerce et banque (étaient passées) d’équilibre à tension'.

Il résulte de ce qui précède que la société PSA Automobiles a commis une faute à l’égard de Mme X en lui refusant le bénéfice du dispositif de départ volontaire en cause. La salarié était donc légitime à réclamer l’indemnisation du préjudice matériel et moral qu’elle a subi du fait de ce refus illégitime et du fait qu’elle a été considérée comme démissionnaire alors que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Par suite, la cour infirmera le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée 16.519,89 € à titre de dommages et intérêts pour privation injustifiée du dispositif de départ volontaire et 27.970,02 € à titre d’indemnité complémentaire d’incitation mais, statuant à nouveau, elle condamnera la société PSA Automobiles à verser à Mme X une somme qu’elle estime pouvoir fixer à 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour refus injustifié du bénéfice du dispositif de départ volontaire après que la salariée ait fait connaître qu’elle avait été embauchée par un nouvel employeur sur la base des informations à sa disposition à l’époque.

Sur les autres demandes :

La créance de nature salariale à caractère indemnitaire produira des intérêts au taux légal à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées (44.489,91 € à compter du jugement et le surplus à compter du présent arrêt).

La capitalisation des intérêts est de droit conformément à l’article 1343-2 nouveau du code civil (ancien 1154 du code civil), pourvu qu’il s’agisse d’intérêts dûs au moins pour une année entière.

Mme X réclame également des dommages et intérêts pour résistance abusive. La cour rappelle cependant que l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas, en soi, constitutive d’une faute susceptible de justifier l’octroi d’une indemnité pour procédure ou résistance abusive. Il n’y a donc pas lieu de faire droit aux prétentions de la salariée de ce chef alors notamment qu’elle se

contente d’affirmations non prouvées sur le fait que l’employeur aurait été plus arrangeant avec d’autres salariés.

Quant à la demande réciproque d’indemnité pour procédure abusive présentée par la société PSA Automobiles, la cour constate qu’elle est dépourvu de tout fondement.

Il serait inéquitable que Mme X supporte l’intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la société PSA Automobiles qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition et contradictoirement :

Déclare l’appel recevable ;

Infirme le jugement rendu le 11 mai 2017 par le conseil des prud’hommes de Paris sauf sur la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens et le rejet des demandes reconventionnelles de la société PSA Automobiles ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société PSA Automobiles à payer à Mme X la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour refus injustifié du bénéfice du dispositif de départ volontaire ;

Dit que cette créance indemnitaire produit des intérêts au taux légal à compter et dans la proportion de la décision qui l’a prononcée ;

Ordonne la capitalisation des intérêts produits, pourvu qu’ils soient dûs pour une année entière ;

Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire ;

Condamne la société PSA Automobiles aux dépens d’appel et à payer à Mme X la somme de 2.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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