Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 17 décembre 2020, n° 20/09110

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 1, 17 déc. 2020, n° 20/09110
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/09110
Décision précédente : Bâtonnier de l'Ordre des avocats, 24 juin 2020
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 1

ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2020

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/09110 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCASN

Décision déférée à la Cour : recours contre les élections au Bâtonnier de l’ordre de l’Essonne en date du 25 juin 2020

DEMANDEUR AU RECOURS

Monsieur M N Y

Elisant domicile au cabinet de Me C X

[…]

[…]

Monsieur C X

[…]

[…]

Comparants en personne représentés par Me C X, avocat au barreau d’EVRY

DÉFENDEUR AU RECOURS

LE CONSEIL DE L’ORDRE DES AVOCATS DE L’ESSONNE

[…]

[…]

[…]

et

LE BÂTONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE L’ESSONNE EN QUALITÉ DE REPRÉSENTANT DE L’ORDRE

[…]

[…]

[…]

Représentés par Me Martial M de la SELARL NABONNE-BEMMER-M, avocat au barreau D’ESSONNE

INTERVENANT VOLONTAIRE

Monsieur E F, Bâtonnier nouvellement élu de l’Ordre de l’Essonne

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Novembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

— Mme G H, Première présidente de chambre, chargée du rapport

— Mme N-Françoise D’ARDAILHON MIRAMON, Présidente

— Mme Claire DAVID, Conseillère

— M. I CHALACHIN, Président de chambre

— Mme Dorothée DARD, Présidente

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

MINISTÈRE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. I J, Avocat général, qui a fait connaître son avis.

DÉBATS : à l’audience tenue le 19 Novembre 2020, on été entendus :

— Mme G H, en son rapport

— Me C X,

— Me Martial M,

— Me. E F,

— M. I J

en leurs observations

Me C X a eu la parole en dernier

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par G H, Première présidente de chambre et par Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière présente lors du prononcé.

* * *

MM. M- N Y et C X, tous deux avocats au barreau de l’Essonne, ont introduit devant la cour d’appel de Paris un recours contre les élections du Bâtonnier de leur ordre, organisées à Evry le 25 juin 2020, invoquant initialement une violation du principe de complète information des électeurs et une violation du principe de sincérité des élections en l’absence de publicité du dépouillement.

Ont été convoqués à l’audience du 19 novembre 2020 les demandeurs au recours, et, pour y défendre le Conseil de l’ordre des avocats au barreau de l’Essonne et son bâtonnier en exercice Mme K L, ès qualité, la requête initiale étant transmise au ministère public.

A l’audience du 19 novembre, les parties ont soutenu oralement leurs moyens et demandes, en développant les moyens et demandes énoncés dans des écritures échangées entre eux, datées du 6 novembre 2020 pour les demandeurs, du jour même de l’audience pour les défendeurs, et visées par le greffier.

Le bâtonnier élu au cours de l’élection objet du litige a pris et développé oralement à l’audience des conclusions d’intervention volontaire.

Le ministère public présent a développé oralement ses observations.

MM. X et Y, demandent à la cour d’annuler les opérations électorales du 25 juin 2020 et de statuer ce que de droit sur d’éventuels dépens.

Tout en déclarant renoncer au vu des explications fournies par le Conseil de l’ordre au premier moyen tiré du défaut d’information complète des électeurs qu’ils invoquaient initialement, ils maintiennent

— que même si les dispositions du code électoral ne sont pas applicables aux élections ordinales, les principes généraux du droit électoral doivent, comme dans toute autre élection, y être respectés ;

— que la jurisprudence tant judiciaire qu’administrative intègre la publicité du dépouillement au corpus de ces principes généraux ;

— qu’en l’espèce l’accès aux opérations de dépouillement a été interdit aux électeurs, soit une restriction totale que les impératifs sanitaires ne peuvent justifier, alors qu’il existait une solution alternative qui aurait permis de satisfaire à ces impératifs de façon adaptée et proportionnée, tout en maintenant la publicité du dépouillement.

Le Conseil de l’ordre des avocats au barreau de l’Essonne et Mme le Bâtonnier d’Evry ès qualité demandent à la cour de dire irrecevable pour défaut de base légale la demande d’annulation des opérations, et de confirmer la validité des opérations électorales du 25 juin 2020 en déboutant MM. X et Y de leur demandes, enfin de statuer ce que de droit sur d’éventuels dépens.

En réplique à la position des demandeurs – n’ étant ici exposée que leur position sur le moyen tiré de l’insincérité du vote lié au défaut de publicité du dépouillement qui reste seul en débat -, ils soutiennent

— que les opérations électorales en vue de la désignation d’un bâtonnier, qui relèvent des dispositions du décret 91-1197 du 27 novembre 1991, sont certes soumises aux principes généraux du droit

électoral, comportant notamment le devoir d’ assurer la complète information de l’électeur, son libre choix, l’égalité entre les candidats, le secret du vote, la sincérité du scrutin et le contrôle du juge ;

— qu’en ce qui concerne la sincérité du scrutin, il s’agit de s’assurer qu’il a bien révélé la volonté réelle de l’électeur, qui doit pouvoir être connue de manière certaine, cette sincérité étant garantie par l’égalité, la liberté et le caractère secret du vote, et il n’y a pas lieu d’annuler l’élection pour ce motif si le manquement allégué est resté sans influence sur le résultat ;

— qu’en l’espèce aucune anomalie n’a été constatée ni dénoncée, y compris par les candidats malheureux qui tous se sont rangés au résultat sorti des urnes ;

— que le dépouillement a eu lieu dans la salle du conseil de l’ordre qui, dans la situation sanitaire, ne pouvait accueillir les 248 membres du barreau, mais s’est tenu portes ouvertes, en présence, dans la salle, de deux des candidats et, à l’extérieur, d’autres avocats qui ont pu en suivre le déroulement ;

— que l’alternative proposée par les demandeurs n’est pas réaliste et aurait posé d’autres problèmes moins solubles.

M. F, intervenant volontaire, s’associe pleinement à cette position, en se montrant sceptique sur la valeur probante des attestations produites par les requérants au soutien de leurs affirmations relatives à l’impossibilité d’accéder à la salle du dépouillement, en fustigeant leur mise en doute des attestations contraires produites par le Conseil de l’ordre, et en qualifiant de 'tout aussi ridicule’ l’argument qu’ils prétendent tirer de la tenue d’un moment de convivialité organisé immédiatement après le vote dans la salle où selon eux, le dépouillement aurait pu se tenir.

Dans ses observations orales, le ministère public

— émet une interrogation sur la recevabilité du recours, qu’il retire au vu des vérifications faites sur-le- champ dans l’entier dossier ; .

— se dit d’avis que le recours n’est pas justifié à défaut d’une atteinte effective à la sincérité des opérations électorales.

SUR CE,

Il sera seulement précisé, à titre liminaire, que le recours a bien été déposé auprès des services du secrétariat greffe de Paris le 3 juillet 2020, ce dont fait foi le cachet du greffe civil apposé sur la requête, soit à l’intérieur du délai de huit jours prévu par les dispositions de l’article 12 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991, ce qui justifie que sa recevabilité soit acquise.

Il est constant que la sincérité des débats, en tant que principe général du droit électoral, doit être assurée dans le cadre de toute élection, y compris celles qui, comme des élections ordinales, sont régies par des textes spéciaux distincts de ceux du code électoral.

Si la publicité du dépouillement est une composante de la sincérité des débats, susceptible de l’entacher même s’il n’est pas établi que son défaut ait faussé les résultats, encore faut il que ce défaut de publicité soit avéré.

L’atteinte alléguée ne peut être appréciée séparément des circonstances particulières du déroulement du vote. En l’occurrence, en juin 2020, alors que le premier confinement venait d’être levé, l’état d’urgence sanitaire demeurait, la réouverture des lieux publics étant strictement conditionnée au respect des gestes barrières, avec de fortes recommandations pour limiter tous les rassemblements de personnes, en particulier dans les lieux fermés.

L’organisation des élections dans ce contexte -la question de leur éventuel report n’étant plus discutée
- appelait donc nécessairement de sérieuses mesures de précaution, y compris voire surtout au niveau du dépouillement, soit un moment du processus électoral susceptible de réunir dans la salle du vote le plus grand nombre de personnes.

Il est reproché au conseil de l’ordre défendeur de n’avoir pas fait choix d’une autre salle que celle du conseil de l’ordre, plus grande, pour organiser l’élection. Au vu cependant des photographies de cette salle produites par les demandeurs en cours de délibéré , l’argument du Conseil de l’ordre des avocats au barreau de l’Essonne et de Mme le Bâtonnier d’Evry sur l’incommodité de sa disposition pour le déroulement des opérations de vote apparaît pleinement recevable. Quant à la proposition de tenir les opérations de vote dans la salle du Conseil de l’ordre et de faire ensuite le dépouillement dans cette salle de formation, sa mise en oeuvre aurait supposé un transfert de l’urne, ce qui ne constitue pas, en matière de sincérité d’opérations électorales, la garantie la plus recommandable : il ne peut donc non plus être fait grief au Conseil de l’ordre de n’avoir pas opté pour une telle solution.

La cour n’entend pas arbitrer entre les attestations versées de part et d’autre, toutes établies par des avocats, pour déterminer si une ou deux portes étaient ouvertes ou fermées, et les stores étaient levés ou baissés, chacune des situations étant possible selon le moment du passage des uns et des autres, qui n’est pas toujours précisé.

Elle n’entend pas non plus déférer le serment à M. X, comme il l’a suggéré à la barre, pour établir s’il a été ou non refoulé à l’entrée du local où se tenait le dépouillement.

Elle retiendra d’abord de l’attestation de Maître Z, l’une des candidates, qu’il a été fait choix de n’admettre dans la salle de dépouillement que les scrutateurs et les candidats : la règle restrictive ainsi posée ne pouvait qu’aboutir au refoulement de M. X, celui ci n’étant pas candidat.

Par ailleurs, et sauf pour la cour à entrer dans une querelle qui, si elle apparaît comme le moteur du litige, n’est d’aucun intérêt pour sa solution, il n’y a pas lieu de mettre en doute les attestations de Mmes A et B au seul motif de leur appartenance au même camp syndical que le bâtonnier élu le 25 juin. Or toutes deux attestent avoir assisté au dépouillement depuis la salle jouxtant celle où il avait lieu, l’avoir suivi visuellement par les baies vitrées constituant ses murs et en avoir entendu l’avancée énoncée au fur et à mesure par les scrutateurs par la ou les portes ouvertes.

Il apparaît ainsi qu’en dépit de la restriction indéniable apportée à la possibilité d’y assister dans la salle même où il se déroulait, que le Conseil de l’ordre défendeur déclare assumer pleinement et que la cour considère adaptée et proportionnée aux nécessités du contexte sanitaire, constitutif d’un motif d’ordre public, le dépouillement a été conduit dans des conditions de publicité suffisantes pour assurer la sincérité du vote.

Le recours de MM. X et Y sera en conséquence rejeté.

Les dépens en seront mis à leur charge.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette le recours en annulation des opérations électorales du barreau de l’Essonne en date du 25 juin 2020,

Condamne MM. X et Y in solidum aux dépens du recours.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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