Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 9 octobre 2020, n° 17/08127

  • Lésion·
  • Arrêt de travail·
  • Gauche·
  • Présomption·
  • Accident du travail·
  • Certificat médical·
  • Victime·
  • Sociétés·
  • État·
  • Intervention chirurgicale

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 13, 9 oct. 2020, n° 17/08127
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/08127
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry, 26 avril 2017, N° 13-01091/E
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 09 Octobre 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/08127 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3QKJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Avril 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 13-01091/E

APPELANTE

Société TRANSPORTS INTERCOMMUNAUX CENTRE ESSONNE (TICE) venant aux droits de la Société TRANSBUSEVRY (anciennement TRANSEVRY)

[…]

[…]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946 substitué par Me Loic COLNAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312

INTIMÉE

CPAM DE L'ESSONNE

[…]

[…]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Juin 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. X REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. X REVELLES, Conseiller

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par M Fabrice LOISEAU greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société Transports intercommunaux centre Essonne, venant aux droits de la société TransbusÉvry, anciennement TransÉvry, d'un jugement rendu le 27 avril 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne .

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':

Les circonstances de la cause ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé.

Il suffit de rappeler que le 19 janvier 2010, Steeve Zulmea, salarié de la société en qualité de conducteur d'autobus et de tramway, a été victime d'un accident déclaré au titre de la législation professionnelle par l'employeur le 21 janvier 2010'; que la déclaration fait mention des circonstances suivantes': «'Le conducteur ['] devait aborder un virage à angle droit et donc tourner le volant complètement, et ['] en tournant le volant il a entendu son épaule craquer et ['] son bras est resté bloqué'»'; que cette déclaration indique au titre de la nature de l'accident, du siège des lésions et de la nature des lésions «'Épaule - gauche'» et «'Douleur effort, lumbago'»'; que le certificat médical initial établi le 20 janvier 2010 fait état d'un «'traumatisme épaule gauche avec douleur de tête humérale'» et d'un arrêt de travail jusqu'au 26 janvier 2010'; que la caisse a pris en charge d'emblée l'accident au titre de la législation professionnelle le 28 janvier 2010'; que la victime a été placée en arrêt de travail continu et a bénéficié de soins jusqu'à la date de sa guérison fixée au 30 septembre 2010'; que la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse pour contester l'opposabilité à son égard de la prise en charge au titre de la législation professionnelle des lésions, prestations et arrêts de travail au titre de cet accident.

La société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry le 30 juillet 2013, sur décision implicite de rejet, aux fins de voir ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces et dans l'hypothèse où des arrêts de travail ne seraient pas en lien de causalité direct et certain avec la lésion initiale, de déclarer ces arrêts inopposables à son égard.

Par jugement du 27 avril 2017, le tribunal a':

-'déclaré la société recevable en son recours mais mal fondée';

-'débouté la société de l'ensemble de ses demandes.

La société a interjeté appel le 9 juin 2017 de ce jugement qui lui avait été notifié le 15 mai 2017. L'affaire a été enrôlée sous le numéro 17/08127.

Par ailleurs la même juridiction par jugement du même jour a également débouté la société d'une demande d'inopposabilité concernant un autre accident dont a été victime le même salarié. L'affaire a été enrôlée sous le numéro 17/08149.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son conseil qui s'y est oralement référé, la société demande à la cour de':

-'la recevoir dans son appel, le disant bien fondé';

-'infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Évry dans toutes ses dispositions';

Et ce faisant,

-'constater que les prestations servies à son salarié font grief à l'entreprise au travers de l'augmentation de ses taux de cotisations AT/MP et que l'employeur conteste le caractère professionnel des lésions, prestations, soins et arrêts de travail pris en charge pendant plus de huit mois';

-'constater qu'il existe un différend d'ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions, prestations, soins et arrêts de travail indemnisés, à l'accident du 19 janvier 2010 déclaré par son salarié';

En conséquence,

-'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale judiciaire confiée à tel expert avec pour mission de':

*'prendre connaissance de l'intégralité des documents détenus et transmis par la caisse, conformément à l'article L.'141-2-2 du code de la sécurité sociale, concernant les prestations prises en charge au titre du sinistre initial';

*'déterminer exactement les lésions initiales provoquées par l'accident et fixer la durée des arrêts de travail et les soins en relation directe avec ces lésions';

*'dire si l'accident a seulement révélé ou s'il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte';

*'en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n'est pas médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à l'accident';

*'fixer la date de consolidation des seules lésions consécutives à l'accident à l'exclusion de tout état indépendant évoluant pour son propre compte';

En tout état de cause,

-'renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du caractère professionnel des lésions, prestations, soins et arrêts en cause.

Y ajoutant, la société a demandé oralement la jonction des deux affaires n°'17/08127 et 17/08149.

En relevant que son salarié avait bénéficié de 254 jours d'arrêt de travail pour une lésion bénigne, la société fait valoir en substance, s'agissant de l'imputabilité des arrêts de travail à l'accident du travail initial, qu'il n'y a pas de continuité de soins et de symptômes et qu'il est démontré l'existence d'un état antérieur préexistant (épaule instable dans un contexte de luxations récidivantes) dolorisé par l'accident de façon temporaire comme l'établit le mémoire médical de son médecin-conseil qu'elle verse au débat. En outre, la société fait valoir que l'état de la victime a été tardivement consolidée dès

lors que son médecin-conseil a pu fixer la consolidation de l'accident du travail au 23 mars 2010, les arrêts postérieurs étant la conséquence de l'intervention chirurgicale corrigeant l'état antérieur. Elle conclut que refuser une expertise à l'employeur qui ne dispose d'aucun autre moyen pour faire la preuve de ses prétentions constituerait une atteinte au principe du droit à un procès équitable.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son représentant qui s'y est oralement référé, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la société à lui payer la somme de 1'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. À titre subsidiaire, la caisse demande à la cour d'ordonner une mesure d'expertise dont la mission respectera le principe de la présomption d'imputabilité. Y ajoutant, elle s'oppose oralement à la demande de jonction.

La caisse réplique en substance que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend aux soins et arrêts qui font suite à l'accident de façon ininterrompue jusqu'à la guérison complète ou la consolidation de l'état de la victime et qu'en conséquence, l'ensemble des arrêts de travail prescrits à la victime à compter du 19 janvier 2010 bénéficient de cette présomption, de sorte qu'il appartient à l'employeur de renverser cette présomption en apportant la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, ce qu'il ne fait pas en l'espèce dès lors qu'il ne se prévaut que de la seule durée de l'arrêt de travail et ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une pathologie indépendante de l'accident évoluant pour son propre compte et n'ayant pas été aggravée par le sinistre.

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties soutenues oralement à l'audience du 29 juin 2020 pour un plus ample exposé des moyens et arguments développés au soutien de leurs prétentions.

SUR CE':

S'agissant de deux accidents du travail distincts, ayant fait l'objet de deux jugements distincts peu important qu'il s'agisse du même salarié, il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction des appels n°17/08127 et 17/08149.

La matérialité et le caractère professionnel de l'accident du 19 janvier 2010, à l'origine de la lésion médicalement constatée le même jour, à savoir un traumatisme de l'épaule gauche avec douleur de la tête humérale, ne sont pas contestés par la société.

Il résulte de l'article L.'411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

Dès lors qu'un accident du travail est établi, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner les mesures d'instruction demandées. Le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté d'ordonner une mesure d'instruction demandée par une partie, sans qu'il ne soit contraint d'y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu'issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pas plus qu'une violation du principe

d'égalité des armes.

En l'espèce, la caisse produit devant la cour l'ensemble des certificats médicaux successifs établis pour la période du 20 janvier 2010 (certificat médical initial) au 30 septembre 2010 (dernier certificat médical de prolongation produit). La caisse établit par les certificats médicaux initial puis de prolongation produits en pièces n°'II et III (soit 12 certificats) une suite d'arrêts de travail ininterrompue du 20 janvier 2010 au 30 septembre 2010, ainsi que la continuité des symptômes et des soins jusqu'à la guérison de l'intéressé intervenue le 30 septembre 2010 au titre d'une lésion de l'épaule gauche.

En effet, force est de constater que tous les certificats médicaux produits font état d'un traumatisme, d'une lésion ou de douleur de l'épaule gauche, peu important que ce ne soit que le second certificat médical, établi le 25 janvier 2010, qui explicite la nature de la lésion, comme le rappelle le médecin-conseil de l'employeur, en ces termes': «'Douleur aiguë épaule gauche avec subluxation de la tête humérale - lésion partielle du sus-épineux à l'échographie'».

De plus, il résulte du compte-rendu d'hospitalisation en date du 27 mars 2010 (pièce n°'III-6 des productions de la caisse) que la victime a subi une intervention chirurgicale le 23 mars 2010 «'pour une douleur importante de l'épaule gauche sur une épaule instable dans le cadre d'un accident du travail'». Ce compte rendu précise que le patient a quitté l'hôpital le 27 mars 2010 avec une «'prolongation d'arrêt de travail en AT pour 45 jours'».

La caisse justifie ainsi du caractère ininterrompu des arrêts du jour de l'accident jusqu'à la date de la guérison, et d'une continuité de symptômes et de soins pendant toute la période en litige, au regard d'une lésion de l'épaule gauche constamment visée aux certificats médicaux, initial et de prolongation et dans le compte-rendu d'hospitalisation.

Dès lors, la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer aux arrêts et soins contestés par la société.

L'employeur invoque au soutien de sa demande d'expertise un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte constitué d'une épaule instable dans un contexte de luxations récidivantes, et se prévaut de l'avis de son médecin-conseil, le docteur X Y (pièce n°'5-1 de ses productions).

Cependant, après avoir décrit le geste réalisé par la victime et la configuration du poste de conduite d'un autobus tels qu'il les analyse, le docteur X Y indique que': «'Pour qu'une épaule se subluxe avec de tels mouvements, il est nécessaire qu'elle soit instable, c'est-à-dire qu'elle ait subi de précédentes luxations. Quant à la lésion partielle du sus-épineux, on ne parvient pas plus à l'expliquer.'» Il ajoute que cette épaule instable a été réparée par l'intervention chirurgicale (24 mars 2010) qui a consisté à poser une butée sur l'épaule gauche, «'intervention [qui] n'est généralement réalisée que dans des contextes d'épaule instable, c'est-à-dire de luxation récidivante, ce qui n'est le cas pour [la victime] que si l'on admet qu'[elle] a subi de précédentes luxations avant l'accident du travail du 19 janvier 2010'». Il conclut donc qu'«'à partir du 27 mars 2010, c'est-à-dire après la sortie du centre médico-chirurgical et obstétrical d'Évry, les arrêts de travail ont été régulièrement prolongés pour convalescence et kinésithérapie en période post-opératoire'».

Toutefois, cette conclusion ne justifie pas la mise en 'uvre d'une mesure d'expertise dès lors qu'en concluant que l'accident «'a simplement dolorisé un état antérieur constitué d'une épaule instable dans un contexte de luxation récidivantes'», ce médecin-conseil forme en réalité des hypothèses, tirées de considérations générales, sur le poste de conduite d'un autobus et les mouvements accomplis par la victime dans son travail avant d'affirmer que cette reconstitution des circonstances du fait accidentel implique nécessairement que la lésion prise en charge dans le cadre de l'accident se réduit à l'épaule instable, laquelle résulterait de précédentes luxations qui pour autant, à les supposer

établies, ne sont pas de nature à créer un doute sur l'existence d'un état antérieur évoluant pour son propre compte totalement étranger au travail, auquel se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail et soins postérieurs à l'intervention chirurgicale venue réparer l'épaule instable blessée dans l'accident, ni de nature à renverser la présomption d'imputabilité dont bénéficie la caisse. Il en est de même de la seule considération de la longueur des arrêts de travail.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré.

La société succombant en son appel, sera condamnée à payer à la caisse la somme de 1'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

DIT n'y avoir lieu d'ordonner la jonction des appels enregistrés sous les n°17/08127 et 17/08149';

DÉCLARE l'appel recevable';

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions';

CONDAMNE la S.A. Transports intercommunaux centre Essonne (TICE) à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 1'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la S.A. Transports intercommunaux centre Essonne (TICE) aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 9 octobre 2020, n° 17/08127