Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 20 mai 2020, n° 18/19050

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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Charles-édouard Brault · Gazette du Palais · 4 juillet 2023

Sabine Chastagnier · Gazette du Palais · 10 novembre 2020
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 20 mai 2020, n° 18/19050
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/19050
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 6 juin 2018, N° 15/17186
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 20 MAI 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/19050 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6GIC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/17186

APPELANTE

SARL E F G représentée par Madame E F, en sa qualité de mandataire ad hoc désignée comme tel suivant procès verbal du 31 mai 2017

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 503 490 427

[…]

[…]

représentée par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427, avocat postulant

assistée de Me A BEAUGRAND de l’AARPI OB£MA CONSEILS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0457, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur C D Y

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0874

Monsieur C-H Y

né le […] à […],

[…]

[…]

représenté par Me Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0874

Madame Z Y,

née le […] à […]

place de la Halle

[…]

représentée par Me Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0874

Monsieur A Y,

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0874

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Elisabeth GOURY, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le prononcé de l’arrêt, (initialement fixé au 25 mars 2020) ayant été renvoyé en raison de l’état d’urgence sanitaire.

— signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

Par acte sous seing privé du 7 mars 2006, C-I Y, aux droits duquel viennent MM. C-D, C-H et A Y et Mme Z Y, a donné à bail à la société YASMIN’OR, pour l’exploitation d’un 'commerce de détail et demi-gros d’objets – cadeaux et articles de Paris', des locaux à usage commercial occupant la totalité de l’immeuble situé 7 Passage des Panoramas à Paris 2e, pour une durée de 9 ans à compter du 9 janvier 2005, moyennant un loyer annuel de 9.200 euros, hors taxes et hors charges.

A la suite d’une cession de droit au bail en date du 31 mars 2008, la société E F PARIS (la société AGP) est venue aux droits de la société YASMIN’OR, la gérante de la société YASMIN’OR ayant fait valoir ses droits à la retraite, dans le cadre de l’article L145-51 du code de commerce, la cessionnaire entendant exercer dans les lieux l’activité de :'encadrement, commerce de cadres, cartonnages, commerce de produits et articles de dessin, arts graphiques, loisirs créatifs et beaux-arts, cadeaux et objets précieux ou non, cours d’activités manuelles et artistiques dont notamment de dessin, peintures et encadrement'.

Par acte extrajudiciaire du 27 juin 2013, C-I Y a fait signifier à la société AGP un congé à effet au 31 mars 2014 avec refus de renouvellement du bail et offre de paiement d’une indemnité d’éviction.

Par ordonnance du 7 mai 2014, le juge des référés a désigné M. B X en qualité d’expert avec pour mission de donner son avis sur les indemnités d’éviction et d’occupation auxquelles chacune des parties peut prétendre.

M. X a déposé son rapport le 10 juillet 2015. Il a proposé d’évaluer la valeur du droit au bail dans l’hypothèse d’un plafonnement à la somme de 102.000 euros et dans l’hypothèse d’un déplafonnement à la somme de 24.000 euros.

Par acte d’huissier de justice du 5 novembre 2015, C-I Y, aux droits duquel viennent les consorts Y, a saisi le tribunal de grande instance de Paris en fixation de l’indemnité d’éviction qui doit être allouée à la société AGP et en condamnation de cette dernière au paiement d’une indemnité d’occupation.

La société AGP a libéré les locaux le 29 juillet 2016.

Par un jugement en date du 7 juin 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

— Dit et jugé sans objet la demande des consorts Y tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de la société AGP reçues au greffe le 27 octobre 2016,

— Dit que par l’effet du congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction

signifié le 27 juin 2013, le bail a pris fin le 31 mars 2014,

— Dit que l’éviction a entraîné le transfert du fonds de commerce exploité par la Société AGP

dans les locaux appartenant aux consorts Y et situés 7 passage des Panoramas à Paris 2e,

— Fixé à la somme globale de 31.400 euros le montant de l’indemnité d’éviction due par les

consorts Y à la société AGP, qui se décompose ainsi :

. indemnité principal : 24.000 euros,

. indemnités accessoires :

1. pour frais de remploi : 2.400 euros

2. pour trouble commercial : 2.000 euros

3. pour frais administratifs : 3.000 euros

— Condamné les consorts Y au paiement de cette somme,

— Fixé l’indemnité d’occupation due par la Société AGP pour la période courant du 1er avril 2014 au 29 juillet 2016 à la somme annuelle de 14.256 euros, hors taxes et hors charges ;

— Dit que la compensation entre le montant de l’indemnité d’éviction et celui de l’indemnité

d’occupation s’opérera de plein droit,

— Condamné les consorts Y au paiement de la somme de 5.000 euros en application

des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamné les consorts Y aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,

qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure

civile,

— Ordonné l’exécution provisoire,

— Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 27 juillet 2018, la SARL E F G a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 29 mars 2019 , la SARL E F demande à la Cour de :

Vu les dispositions des articles L.145-14, L. 145-28 et L.145-51 du Code de commerce,

Vu le rapport d’expertise judiciaire,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement rendu le 7 juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Paris,

— DIRE ET JUGER la SARL E F recevable et bien fondée en son appel,

— Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a appliqué un abattement de 40% sur la valeur locative des locaux, et ainsi fixé l’indemnité d’occupation annuelle, au 1er avril 2014, à la somme de 14.256 euros.

— CONFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a condamné les consorts Y à indemniser la SARL E F du trouble commercial à hauteur de 2.000 € et des frais administratifs divers à hauteur de 3.000€ et les a condamnés au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise,

— CONFIRMER le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il jugé que la compensation entre le montant de l’indemnité d’éviction et celui de l’indemnité d’occupation s’opérera de plein droit,

— Infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

— DIRE ET JUGER qu’en cas de renouvellement du bail au profit de la SARL E F le loyer aurait été plafonné et infirmer en conséquence le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 7 juin 2018 sur ce point,

— INFIRMER le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 7 juin 2018 en ce qu’il a débouté la SARL E F de sa demande d’indemnisation au titre de ses frais de déménagement et de réinstallation, et statuant à nouveau :

— CONDAMNER les consorts Y à verser à la SARL E F la somme de 102.000 euros à titre d’indemnité principale d’éviction,

— CONDAMNER les consorts Y à verser à la SARL E F la somme de 10.200 euros à titre d’indemnité des frais remploi,

— CONDAMNER les consorts Y à verser à la SARL E F la somme de 9.180 euros à titre d’indemnité des frais de déménagement,

— CONDAMNER les consorts Y à verser à la SARL E F la somme de 19.500 euros à titre d’indemnité de réinstallation,

En tout état de cause :

— DEBOUTER les consorts Y de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

— CONDAMNER en deniers ou quittance les consorts Y à rembourser à SARL E F la somme de 5.338,65 euros correspondant au montant du dépôt de garantie conservé par eux ladite somme portant intérêt au taux légal à compter du 9 septembre 2016,

— CONDAMNER les consorts Y à verser à SARL E F la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— CONDAMNER les consorts Y aux dépens de première instance et d’appel dont dispose l’article 699 du Code de procédure civile dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Laurent MORET, avocat constitué.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 6 décembre 2019 , MM. C D Y, C-H Y, Mme Z Y et M. A Y, demandent à la Cour de :

Vu les dispositions des articles L 145-9, L 145-14 et L 145-28 et suivants du Code de Commerce ;

Vu les dispositions des articles 1289 et suivants du code civil ;

— Dire Messieurs C D, C-H et A Y et Madame Z Y recevables et bien fondé en leurs présentes écritures ;

Y faisant droit,

— Confirmer le jugement rendu le 7 juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a :

« Dit que par l’effet du congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction

signifié le 27 juin 2013, le bail a pris fin le 31 mars 2014 ;

Dit que l’éviction a entraîné le transfert du fonds de commerce exploité par la Société AGP

dans les locaux appartenant aux consorts Y et situés 7 passage des Panoramas à

Paris 2 ème ;

Dit que la compensation entre le montant de l’indemnité d’éviction et celui de l’indemnité

d’occupation s’opérera de plein droit ; »

— L’infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

— Fixer à la somme de 26.650,00 euros le montant de l’indemnité d’éviction qui doit être allouée à la Société E F.

— Condamner la Société E F au paiement d’une indemnité d’occupation de 21.384,00 euros par an charges et taxes en sus conformément aux clauses du bail du 10 juillet 1991 renouvelé, à compter du 1 er avril 2014 jusqu’au 29 juillet 2016, date de la libération des lieux ;

— Débouter la Société E F de toutes ses fins, demandes et prétentions ;

— Condamner la Société E F à payer à Messieurs C D, C-H et A Y et Madame Z Y la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SARL E F ne conteste pas le fait que l’indemnité d’éviction doive prendre la forme d’une indemnité de transfert, mais elle conteste le calcul de la valeur du droit au bail et soutient que la déspécialisation du bail autorisée en cas de départ à la retraite du locataire prévue à l’article L145-51 du code commerce constitue un régime autonome, qui n’autorise pas le bailleur à invoquer la déspécialisation lors du renouvellement qui suit, qu’en décider autrement nuirait à la protection des commerçants désirant prendre leur retraite, surtout lorsque le bail en cours est proche du renouvellement ; de plus, que la modification retenue par le tribunal n’est pas notable, l’ancienne destination des lieux impliquant également l’accueil du public, la notion de locaux d’activité mis en avant par le jugement entrepris ne figurant par au code de l’urbanisme ; que le changement de destination n’a pas modifié de manière notable la valeur locative du bien. Elle souligne de plus que le changement d’activité n’a été que partiel, puisque l’activité de vente de cadeaux et objets précieux a été maintenue ; que dès lors, le loyer du bail renouvelé aurait été plafonné et que la valeur du droit au bail s’établit à la somme de 102.000 euros, conformément à l’expertise judiciaire.

Les consorts Y, concluent à la confirmation du jugement entrepris. Ils soutiennent que l’intention du législateur n’a pas été de créer une rente de situation au bénéfice de l’acquéreur du droit

au bail, dans le cadre du départ à la retraite du commerçant cédant, que la substitution d’activité constitue une modification notable, favorable à l’exploitant car davantage adaptée à la situation.

La cour relève que l’autonomie de l’article L145-51 du code de commerce par rapport aux dispositions des articles L145-47 et L145-48 dudit code, consiste uniquement, pour faciliter la cession au preneur désireux de prendre sa retraite, à maintenir, malgré le changement d’activité autorisé, le loyer au montant antérieur durant le temps plus ou moins long restant à courir du bail, en interdisant au bailleur de réclamer à l’occasion de la cession, une modification du prix, mais ne lui interdit pas d’invoquer ce changement d’activité à l’occasion du renouvellement du bail.

Le déplafonnement peut intervenir lors du renouvellement, en cas de modification notable d’un des éléments de la valeur locative, parmi lesquels figurent selon l’article L145-33 du code de commerce la destination des lieux loués. Il est constant qu’il n’y a pas lieu de rechercher si cette modification a eu une incidence favorable sur l’activité exercée par le preneur.

Certes l’activité de vente de cadeaux a été maintenue, mais l’adjonction d’activité de d’encadrement, de cartonnage de documents ainsi que de cours d’activités manuelles ou artistiques dont notamment de dessin, peinture et encadrement, correspond à un changement de nature de l’activité autorisée, la vente d’objets ne relevant pas de la même sphère d’activité que celle de la tenue de cours ou de l’activité manuelle d’encadrement ou de cartonnage de documents qui relèvent davantage de l’artisanat que du commerce. Le fait que la notion de locaux d’activité existe ou non dans le code de l’urbanisme, est sans incidence en l’espèce, seule devant être prise en compte le changement de la destination des lieux loués. Cette modification qui porte, en l’espèce, sur la nature même de l’activité autorisée est notable.

Il s’ensuit que lors du renouvellement, le montant du loyer aurait été déplafonné.

Les parties s’opposent sur la détermination du coefficient d’emplacement, fixé à 6,5 par l’expert judiciaire et les premiers juges, que la société locataire souhaite voir maintenu alors que les bailleurs demandent qu’il soit ramené à 5,5.

Ce coefficient varie de 4 à 12 pour les boutiques de centre ville en fonction de l’emplacement.

Les locaux dont s’agit sont situés dans le passage des Panoramas, lequel est le plus ancien passage couvert de Paris. Ce passage selon l’expert judiciaire abrite des galeries d’art, des restaurants, des épiceries fines et est historiquement connu pour son commerce de philatélie. Ce passage est implanté sur les Grands Boulevards, secteur très dynamique, notamment en raison de la présence de nombreux restaurants, établissements de nuit, mais également de théâtres et de music-halls.

L’expert judiciaire souligne sa bonne desserte et sa proximité avec la salle de vente aux enchères de l’hôtel Drouot, générant une clientèle susceptible d’être intéressée par l’activité proposée par la société locataire. Par ailleurs, il note que le passage est fréquenté par de nombreux touristes et que l’offre de restauration s’adresse également pour le service de midi aux employés des bureaux voisins.

Ce coefficient est déterminé par rapport à la destination commerciale des lieux, et non par rapport à la partie habitation des lieux ; dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les bailleurs les inconvénients présentés par le logement n’ont pas à être pris en considération pour sa détermination. Il importe peu que l’offre de restauration ait augmenté au détriment de celle de philatélie, le flux de chalands constaté par l’expert judiciaire profitant au commerce considéré.

Dès lors, compte tenu du flux de chalands fréquentant le passage, c’est à juste titre que l’expert judiciaire et les premiers juges ont retenu un coefficient de 6,5 correspondant à un très bon emplacement.

Les parties admettent la surface corrigée de 28m²P pour la boutique et la surface de 50 m² de l’appartement. Elles admettent également une valeur locative de marché de 27.400 euros HT et HC et ne critiquent pas la valeur locative en renouvellement de 420 euros le m² P pour la boutique et de 20euros le m² pour l’appartement, proposée par l’expert.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé à la somme de 24.000 euros la valeur du droit au bail.

Sur les indemnités accessoires

Sur les frais de remploi

Les parties admettent qu’ils soient évalués à 10% de l’indemnité principale.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il les a fixés à la somme de 2400 euros.

Sur le trouble commercial

Les bailleurs contestent l’évaluation proposée par l’expert judiciaire et retenue par les premiers juges, au motif que la société locataire n’a aucun salarié.

Il s’agit par cette indemnité d’indemniser le temps passé à préparer le départ des locaux et à prévoir le remploi de l’indemnité perçue. Dans ces conditions, bien que la société locataire n’emploie pas de salarié, l’indemnisation a justement été appréciée à trois mois d’excédent brut d’exploitation soit 2000 euros.

Sur les frais de déménagement

Les consorts Y soutiennent que ceux-ci ne peuvent dépasser la somme de 3300 euros, et que la société locataire doit être déboutée de sa demande qui présente un caractère excessif qui ne repose sur aucun devis accepté et n’est appuyé par aucun justificatif de paiement.

La société locataire produit une facture en date du 31 juillet 2016 établie par la société AB COURSES d’un montant de 7.650 euros HT et 9.180 euros TTC, pour un chargement à Paris et une livraison à Bû.

Cependant, alors que les bailleurs lui en ont fait la demande, la société locataire ne justifie pas s’être acquittée du montant de cette facture. Dans ces conditions, puisqu’elle a déménagé des lieux pris à bail, elle doit être indemnisée de ce chef de préjudice, mais elle ne le sera que dans les limites de l’évaluation qu’en a fait l’expert judiciaire soit 4.500 euros TTC, puisqu’elle ne justifie pas s’être acquittée du montant de la facture qu’elle produit, alors même que son caractère excessif est mis en évidence par les pièces produites par les bailleurs.

Sur les frais de réinstallation

La société locataire sollicite une somme de 19.500 euros au titre de ses frais de réinstallation. Elle rappelle qu’il s’agit d’indemniser les travaux d’aménagement et de réinstallation dans de nouveaux locaux. Elle soutient qu’elle ne peut justifier d’une réinstallation n’ayant pas les ressources financières pour y procéder depuis son éviction et indique que dans l’attente du versement de son indemnité d’éviction elle a poursuivi son activité en participant à des salons.

Les bailleurs s’opposent à toute indemnité de ce chef et soulignent que la société locataire a transféré son siège social de Paris à Chartres à effet du 9 janvier 2017 puis a fait l’objet d’une liquidation amiable depuis le 4 mai 2017 et a été radiée du registre du commerce et des sociétés à effet du 22

septembre 2017.

La cour relève que les bailleurs apportent la preuve par la production de deux extraits Kbis du registre du commerce de la SARL E F G, que dans un premier temps celle-ci a transféré son activité au 12 rue aux Gois à Bû, cette adresse étant également l’adresse du domicile de sa gérante, à compter du 23 novembre 2016, puis a cessé toute activité à compter du 4 mai 2017, suite à sa dissolution amiable à compter du 4 mai 2017 et à la clôture des opérations de liquidation du 31 mai 2017. La société locataire n’établit pas qu’elle ait engagé des frais d’aménagement des locaux pour cette réinstallation provisoire. La clôture de sa liquidation amiable ayant été prononcée, il est établi qu’elle ne se rétablira pas à titre définitif.

Dans ces conditions il convient de confirmer le jugement entrepris qui l’a déboutée de chef de demande.

Sur les frais de publicité et administratifs

Les bailleurs demandent de limiter à la somme de 1259,79 euros les frais que la société locataire a engagés à ce titre.

La société locataire conclut à la confirmation du jugement qui suivant les préconisations de l’expert judiciaire lui a accordé à ce titre une somme de 3000 euros.

La société locataire justifie avoir engagé des frais de mutation au registre du commerce et auprès de l’INPI pour un total de 1259,79 euros TTC. Outre ces frais, il est d’usage pour une société qui a transféré son siège social d’accorder des frais de publicité.

L’ensemble de ces frais ont été correctement évalués à la somme de 3000 euros.

L’indemnité d’éviction est dans ces conditions d’un montant de 35.900 euros calculée de la façon suivante :

indemnité principale 24.000 euros

frais de remploi 2400 euros

trouble commercial 2000 euros

frais de déménagement 4.500 euros

frais divers : 3000 euros

Sur l’indemnité d’occupation

La société locataire sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité d’occupation à la somme de 14.256 euros après application d’un abattement de 40% compte tenu des désordres affectant les locaux depuis l’année 2013.

Les bailleurs, soutiennent que l’indemnité d’occupation doit être fixée à la somme annuelle de 21. 384 euros HT et HC évalué par l’expert judiciaire, admettant ainsi un abattement de 10%, et demandent d’infirmer le jugement qui a retenu un abattement de 40%. Ils soutiennent que la société locataire n’a fait état d’une fuite d’eau que le 11 juillet 2013, soit postérieurement à la délivrance du congé, puis n’a relancé le bailleur que deux ans plus tard en septembre 2015, que les travaux de renovation intérieure commandés le 30 mai 2016 ont été exécutés entre le 1er et le 10 juin 2016, que dès lors, les locaux ayant été entretenus par les bailleurs il n’y a pas lieu de minorer la valeur locative

du bien.

Les parties admettent la valeur locative des locaux telle que proposée par l’expert judiciaire soit une somme annuelle de 23.760 euros.

La cour relève que si la société locataire a fait une déclaration de sinistre le 6 mai 2013 pour un dégât des eaux dénoncé le même jour au bailleur, lui signalant une fuite dans sa cave et la présence d’insectes, puis un signalement le 11 juillet 2013 aux services municipaux, relatif à la présence d’insectes, indiquant qu’elle avait reçu la visite de l’assureur du bailleur le 21 juin précédent, elle n’établit pas que le local est resté depuis cette époque affecté par ce dégât des eaux, l’expert judiciaire qui a visité les locaux le 20 novembre 2014, n’ayant rien relevé à cet égard. En revanche, la société locataire établit l’existence d’un nouveau dégât des eaux en date du 20 juillet 2015 qui a donné lieu à une expertise amiable de la compagnie d’assurance en date du 7 septembre 2015. Des traces d’humidité sont alors constatées sur le mur du fonds de commerce attenant au WC et dans la cave. L’expert relève une fuite sur le réseau d’évacuation des eaux vannes ainsi qu’un défaut d’étanchéité du mur de façade. La société locataire a fait dresser un constat d’huissier le 6 novembre 2015 montrant de nombreuses traces d’infiltration et de moisissures dans l’arrière-boutique et la cave ; ces dégradations persistaient lors de l’établissement du constat d’huissier du 29 juillet 2016. Elle produit également des échanges avec les services municipaux. L’inspecteur de salubrité de la ville de Paris par un courrier en date du 19 mai 2016, indique avoir constaté le 25 novembre 2015 des infiltrations d’eau en fond de bâti notamment au rez-de-chaussée et en cave en raison de l’état fuyard de canalisation d’alimentation ou d’évacuation des eaux usées, notamment le raccordement de la vidange du wc, et que malgré une injonction au bailleur d’effectuer les travaux dans le mois, la visite du 17 mai 2016 révélait que rien n’avait été fait et que la situation s’était dégradée. Par un courriel du 29 décembre 2015, ce service rappelait que l’état vétuste du mur de façade depuis la parcelle sise […] nouvelle, pouvait favoriser les infiltrations pluviales.

Selon ordre de service en date du 30 mai 2016, les bailleurs justifient avoir fait procéder à la reconstruction d’un muret de structure, aux travaux d’enduit et de revêtement mural dans la cage d’escalier et aux travaux d’enduit et de peinture dans la cave. Ils n’ont justifié d’aucune reprise des canalisations fuyardes.

Dans ces conditions, l’abattement de 10% admis par les bailleurs, sera en conséquence, majoré de 20% à compter du mois de juillet 2015, date de l’apparition des désordres auxquels les bailleurs n’ont pas mis fin malgré l’injonction reçue des services municipaux, puisqu’ils n’ont remédié qu’au problème lié aux infiltrations en façade et non pas à celui provenant des canalisations, une partie des lieux donnés à bail étant, d’après la description donnée par les constats d’huissiers évoqués ci-dessus, fortement dégradée en raison de l’humidité.

Dès lors, l’indemnité d’occupation annuelle due par la société locataire s’élève aux sommes suivantes :

— du 1 er avril 2014 jusqu’au 20 juillet 2015 :23.760 x (1-10%)= 21.384 euros HT et HC

— du 21 juillet 2015 au 29 juillet 2016, date de la libération des lieux: 23.760x (1-30%)=16.632 euros HT et HC

Sur les autres demandes,

La SARL locataire sollicite le remboursement du montant du dépôt de garantie soit 5. 338,65 euros.

Les bailleurs contestent rester redevables à ce titre et produisent aux débats, la copie d’un chèque d’un montant de 5338,85 euros, tiré sur la Caisse des dépôts et consignations par Me Thierry Machet, notaire à l’ordre de la CARPA et le courrier portant transmission dudit chèque entre leur avocat et

celui de la société locataire.

La cour relève en application de l’article 954 du code de procédure civile, qu’elle n’est pas saisie de cette demande de la société locataire qui figure au dispositif de ses conclusions, mais n’est étayée par aucun moyen dans la partie discussion desdites conclusions.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris étant confirmé à titre principal, il le sera également en ce qui concerne le sort des dépens de première instance et celui de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les deux parties succombant partiellement en leurs prétentions, il sera fait masse des dépens de l’appel qui seront supportés par moitié par chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité d’éviction et celui de l’indemnité d’occupation,

l’infirme sur ces points,

statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne MM. C D Y, C-H Y, Mme Z Y et M. A Y à payer à la SARL E F la somme de 35.900 euros au titre de l’indemnité d’éviction,

Condamne la SARL E F à verser MM. C D Y, C-H Y, Mme Z Y et M. A Y, ensemble, une indemnité d’occupation annuelle de :

-21.384 euros HT et HC pour la période du 1 er avril 2014 jusqu’au 20 juillet 2015 ,

-16.632 euros HT et HC pour la période du 21 juillet 2015 au 29 juillet 2016, date de la libération des lieux,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

Fait masse des dépens et dit qu’ils seront supportés par moitié d’une part, par MM. C D Y, C-H Y, Mme Z Y et M. A Y et d’autre part, par la société E F avec distraction au bénéfice de l’avocat postulant qui en a fait la demande en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE



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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 20 mai 2020, n° 18/19050