Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 10 juin 2020, n° 18/19078

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 10 JUIN 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/19078 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6GK2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juillet 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/16259

APPELANT

Monsieur E-F X

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Jacques ADAM, avocat au barreau de PARIS, toque : D0781 substitué par Me Caroline CLEMENT-BIGORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D781

INTIMÉE

SARL ROGANEL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 313 924 763

[…]

[…]

représentée par Me B C de la SCP d’Avocats BOUYEURE BAUDOUIN C CHAMARD BENSAHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0056

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sandrine GIL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Elisabeth GOURY, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame G-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, le prononcé de l’arrêt, (initialement fixé au 29 avril 2020) ayant été renvoyé en raison de l’état d’urgence sanitaire.

— signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame G-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Aux termes d’un acte sous seing privé du 10 janvier 2008, Mme Z X a donné à bail en renouvellement à la société ROGANEL des locaux à usage commercial situés […], pour une durée de 9 ans à compter du 1er mai 2006 moyennant un loyer de 19 000 euros en principal par an ; la destination contractuelle est la suivante : " commerce de prêt-à-porter, vente de tout matériel et habillement pour la randonnée et le camping, à l’exclusion de tout autre'.

Par avenants des 7 novembre 2009 et 23 octobre 2012, le loyer a été porté à 20 836,02 euros à compter du 1er mai 2009 et à 23 172,77 euros au 1er mai 2012.

Par acte d’huissier de justice du 25 novembre 2014, la société ROGANEL a sollicité le renouvellement du bail pour une durée de 9 ans à compter du 1er mai 2015.

Après avoir notifié un mémoire préalable, M. E-F X, venant aux droits de Mme Z X, a, par acte du 6 novembre 2015, assigné la société ROGANEL aux fins notamment d’obtenir le déplafonnement du loyer en raison de la modification notable des facteurs locaux de commercialité et de voir fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er mai 2015 à la somme annuelle en principal de 140 000 euros.

Par jugement du 5 avril 2016, M. A Y a été désigné et remplacé par Mme G-H I en qualité d’expert avec la mission d’usage pour parvenir à la fixation du prix du bail renouvelé à compter du 1er mai 2015, le loyer provisionnel étant fixé pour la durée de l’instance au loyer en cours.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 12 mai 2017 ; il a estimé la valeur locative annuelle en principal des locaux à 87 500 euros et a arrêté le loyer plafonné à 22 051,46 euros.

Par jugement en date du 16 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

Vu le rapport d’expertise de G-H I,

— Fixé à 22 051,46 euros en principal par an, à compter du 1er mai 2015, le loyer du bail renouvelé entre M. E-F X et la société ROGANEL pour les locaux à usage commercial situés […].

— Dit que les éventuels compléments de loyers dus porteront intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2015, date de l’assignation, puis à compter de chaque échéance contractuelle ;

— Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision

— Ordonné le partage des dépens par moitié, y compris les frais d’expertise.

Par déclaration en date du 27 juillet 2018, M. E-F X a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 26 octobre 2018, M. X demande à la cour de :

— Infirmer le jugement en ce qu’il a :

. fixé le loyer annuel en principal à 22.051,46 € HT/HC à compter du 1er mai 2015

. ordonné le partage des dépens par moitié y compris les frais d’expertise

Statuant de nouveau

— Dire que le loyer doit être fixé à la valeur locative par application des articles L.145-33 et suivants du code de Commerce, en raison de la modification notable et favorable des facteurs locaux de commercialité ;

— Fixer le loyer à un montant de 87.500 euros à compter du 1er mai 2015 pour un renouvellement de 3, 6 ou 9 années à compter de la même date ;

— A compter du 1er mai 2015, il demande les intérêts de droit de cette somme en application de l’article 1155 du Code Civil ;

— Condamner la société ROGANEL aux dépens, y compris les frais d’expertise.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 11 janvier 2019, la SARL ROGANEL demande à la cour de:

PRINCIPALEMENT

— CONFIRMER en son entier le jugement rendu le 16 juillet 2018 par le Juge des Baux Commerciaux du Tribunal de Grande Instance de PARIS qui a fixé le loyer du bail renouvelé au 1er mai 2015.

SUBSIDIAIREMENT ET/OU EN TOUT ETAT DE CAUSE

— FIXER en tout état de cause le loyer du bail renouvelé au 1 er mai 2015 à un montant annuel en principal, hors taxes et hors charges de 22.051,46 €.

— CONDAMNER Monsieur X à payer à la société ROGANEL une somme

de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— CONDAMNER Monsieur X aux entiers dépens, qui comprendront les

frais d’expertise, que Maître B C, de la SCP BOUYEURE BAUDOUIN C CHAMARD BENSAHEL GOMEZ-REY, avocat, pourra recouvrer directement conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 janvier 2020.

MOTIFS

Sur les motifs de déplafonnement

L’appelant critique le jugement entrepris qui a écarté sa demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé. Il expose notamment que le quartier où sont situés les locaux a connu une modification notable des facteurs locaux de commercialité en raison du renouvellement des enseignes de prêt-à-porter et de luxe et de la rénovation totale du BHV ; que le quartier du Marais est l’un des quartiers bénéficiant de la dynamique commerciale la plus soutenue de Paris, accueillant de nombreuses enseignes nationales et internationales s’adressant à une clientèle branchée et internationale. Il soutient que l’offre commerciale de la locataire n’est pas limitée au secteur de la randonnée et du camping mais est composée de produits multimarques de prêt-à-porter susceptibles d’intéresser la clientèle 'branchée’ qui fréquente le quartier. Selon lui, dans ces conditions, la modification notable des facteur locaux de commercialité a eu une incidence notable sur l’activité du preneur. Il ajoute que l’attractivité du quartier s’est accrue, ce que démontre l’augmentation de la fréquentation des stations de métro alentour et l’installation d’enseignes de prêt-à-porter ; qu’il doit être tenu compte de la réouverture du musée Picasso en octobre 2014 ; que la baisse du chiffre

d’affaires du preneur est sans incidence sur le caractère favorable de la modification notable des facteurs locaux de commercialité, le preneur, qui est autorisé par le bail, à exercer l’activité de prêt-à-porter, n’a pas à faire supporter au bailleur les conséquences de son inaptitude à suivre l’évolution du marché.

L’intimée réplique que les commerces indépendants ou de proximité ferment progressivement pour être remplacés par des enseignes internationales ou nationales de prêt-à-porter de luxe et haut de gamme ; que la rénovation du BHV ne lui a pas été profitable car les touristes et les parisiens se dirigent vers les commerces se situant dans le BHV ou vers les concepts stores du BHV, et non vers les commerces indépendants comme le sien ; que le remplacement de Monoprix par des boutiques de luxe lui est défavorable et draine une clientèle qui n’est pas intéressée par les produits qu’elle vend, à savoir la vente de matériel et habits pour le camping et randonnée et du prêt-à-porter masculin, orientés vers des marques plutôt traditionnelles. Elle considère que l’évolution de la fréquentation des stations de métro n’est pas significative ; que la fréquentation des musées, qui attirent essentiellement une clientèle touristique, ne lui profite pas. Elle se prévaut de ce que son chiffre d’affaires a chuté depuis 2007 de plus de 35%, rappelant qu’elle est une entreprise familiale installée dans les lieux depuis plus de 30 ans.

La cour rappelle que l’article L145-33 du code de commerce prévoit que le montant des loyers des baux à réviser ou à renouveler doit correspondre à la valeur locative ; cette valeur locative ne s’applique que lors des fixations judiciaires du loyer révisé ou renouvelé, à défaut d’accord entre les parties.

L’article L145-34 dudit code institue cependant un plafonnement du loyer lors des renouvellements auxquels il peut être dérogé en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° visés par l’article L145-33 du code de commerce.

Aux termes de l’article R. 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité

dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent de manière durable ou provisoire.

Une modification notable des facteurs locaux de commercialité ne peut constituer un motif de déplafonnement du loyer du bail renouvelé qu’autant qu’elle est de nature à avoir une incidence favorable sur le commerce considéré et, plus précisément, pour le commerce effectivement exercé dans les lieux loués, dans le respect de la destination contractuelle. La preuve en incombe au bailleur.

La modification doit être intervenue au cours du bail expiré jusqu’à la prise d’effet du nouveau bail.

Les locaux sont situés […], […], voie à simple sens de circulation, l’immeuble du […] formant l’angle avec […].

La cour renvoie à la motivation du jugement de première instance qui a fait une exacte appréciation des facteurs locaux de commercialité.

Il sera ajouté que la transformation de la partie du quartier du Marais où sont implantés les locaux donnés à bail ressort aussi bien du rapport d’expertise judiciaire que du rapport amiable de M. D Y, établi à la demande de M. X, M. Y précisant que les commerces de proximité ou indépendants ferment progressivement pour être remplacés par des enseignes internationales notamment de prêt-à-porter et que le repositionnement du BHV a pour objet 'd’attirer la clientèle urbaine, chic et moderne autant parisienne que touristique qui fréquente le quartier'. Or si la boutique exploitée par la sarl ROGANEL propose sur son site facebook et sur sa devanture du prêt-à-porter masculin

avec des marques telles que HARRINGTON ou LEVI’S qui sont également vendues au BHV Marais Homme qui commercialise de très nombreuses marques, il n’en demeure pas

moins qu’il s’agit d’une boutique indépendante et familiale, qui ne bénéficie pas de la notoriété et de la diversité du BHV et de ses différents corners ou de la notoriété des enseignes de luxe, haut de gammes (Fendy, Valentino, Givenchy, GUCCI) et/ou 'branchées’ (The KOOPLES), ainsi que de la puissance de leur communication et de leur réseau, qui se sont installées pendant la durée du bail expiré ; qu’au vu des photographies figurant dans le rapport d’expertise judiciaire, la boutique, même si elle commercialise certaines marques dites 'urbaines’ et a ainsi su réorienter pour partie son activité pour être davantage en phase avec l’évolution du quartier est de facture plutôt traditionnelle, peu adaptée à une clientèle branchée à la recherche de nouveaux concepts.

La cour observe que le chiffre d’affaires est en baisse constante depuis 2007 ; que si le bailleur n’est pas l’associé du preneur, le chiffre d’affaire peut néanmoins être un indicateur de l’impact des modifications sur le commerce considéré.

Par ailleurs, la hausse de fréquentation de la station de métro Hôtel de Ville à 250 mètres (+5,30%) et Rambuteau à 500 mètres des locaux, de + 10,40% , n’est pas suffisamment significative pour être prise en compte.

Si la hausse de la fréquentation du centre Georges Pompidou, situé à […], de 34,20% est en revanche significative, il s’agit d’une clientèle qui n’est pas susceptible d’être intéressée par le commerce de la sarl ROGANEL, qui n’est pas une enseigne nationale ou internationale connue. Il en va de même pour la réouverture du musée Picasso le 28 octobre 2014 qui en outre est plus éloigné (700 mètres).

Enfin la population de l’arrondissement est en légère baisse, notamment la catégorie socio-professionnelle constituée par les cadres et professions intellectuelles supérieures.

Au regard de ces éléments, si la modification des facteurs locaux de commercialité est notable, il n’est pas établi que la transformation de la commercialité du secteur attirant une clientèle parisienne et touristique aisée et branchée intéressée par des produits hauts de gamme ou de luxe de notoriété et des concepts innovants ait une influence favorable sur l’activité exercée par la sarl ROGANEL qui est une boutique multimarques indépendante et familiale installée dans le quartier depuis 30 ans.

Par conséquent, le jugement qui a écarté le déplafonnement du loyer du bail renouvelé sera confirmé.

Sur le montant du loyer du bail renouvelé

Le jugement entrepris a retenu un montant du loyer plafonné en fonction des indices de 22 051,46 euros en principal tel qu’il ressort du calcul, non critiqué par les parties, de l’expert judiciaire. Il sera donc confirmé.

Sur les demandes accessoires

Le jugement étant confirmé au principal, il le sera également sur le partage des dépens entre les parties, incluant l’expertise judiciaire qui a été ordonnée afin de pouvoir, dans l’intérêt des deux parties, fixer le loyer du bail renouvelé.

L’équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X succombant en son appel sera condamné aux dépens d’appel avec distraction au bénéfice de l’avocat postulant qui en a fait la demande en application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. X aux dépens d’appel avec distraction au bénéfice de l’avocat postulant qui en a fait la demande en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE



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