Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 12 novembre 2020, n° 18/00218

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Chronologie de l’affaire

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www.lbvs-avocats.fr · 27 novembre 2020

Transaction : Formalisme du mandat, numéro de la carte et nullité La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt détaillé du 12 novembre 2020 n°18-00218, revient sur les nullités applicables au formalisme du mandat Hoguet. Dans cette affaire le mandat litigieux ne mentionnait pas le numéro et le lieu de délivrance de la carte professionnelle, le nom et la dénomination sociale et l'adresse de l'entreprise, l'activité exercée, le nom et l'adresse du garant. Par ailleurs, le mandant soutenait que l'exemplaire du mandat qui lui avait été remis ne comportait pas le numéro d'inscription sur le …

 

Cabinet Neu-Janicki · 15 novembre 2020

Concernant la nullité du mandat, la Cour d'appel de Paris fait la distinction entre, d'une part, les nullités relatives comme protégeant un intérêt particulier, régularisables, et seulement invocables par le mandant, et d'autre part, les nullités absolues, invocables par tous et non régularisables entrainant une nullité absolue du mandat. En l'espèce, selon un contrat dénommé « mandat de commercialisation numéro HERIKA01 » conclu le 13 octobre 2014, la société Héridis a confié à la société Kacius la commercialisation de lots de copropriété composant cet immeuble destinés à être vendus à …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 12 nov. 2020, n° 18/00218
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/00218
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 29 novembre 2017, N° 201708612
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2020

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00218 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B4W4K

Décision déférée à la cour : jugement du 30 novembre 2017 -tribunal de commerce de PARIS – RG n° 201708612

APPELANTE

SARL HERIDIS

Ayant son siège social 7 l’Amorier

[…]

N° SIRET : 531 390 201

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier BECHET, avocat au barreau d’ALBI

INTIMÉE

SARL KACIUS

Ayant son siège social […]

[…]

N° SIRET : 499 031 243

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Steve MATÉ de la SELARL REALEX, avocat au barreau de PARIS, toque : G0862

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 mars 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Christine SOUDRY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme A-B C, présidente

Mme Christine SOUDRY, conseillère

Mme Camille LIGNIERES, conseillère

Greffiere, lors des débats : Madame X Y-Z

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme A-B C, présidente de chambre et par Mme X Y-Z, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Kacius exerce une activité de courtage.

La société Héridis est propriétaire d’un immeuble classé Monument Historique, l’hôtel Hutot de la Tour, sis […].

Selon un contrat dénommé « mandat de commercialisation numéro HERIKA01 » conclu le 13 octobre 2014, la société Héridis a confié à la société Kacius la commercialisation de lots de copropriété composant cet immeuble destinés à être vendus à des investisseurs afin de réaliser des travaux d’entretien et de réparation.

Cinq ventes sont intervenues par l’entremise de la société Kacius à savoir :

'vente Greville du 31 décembre 2014, portant sur les lots n°36 et 45, moyennant un prix de 90.498 euros pour le lot 36 ou 335.178 euros avec travaux et un prix de 4.009 euros pour le lot 45 ou 20 043 euros avec travaux ;

'vente Roberto du 31 décembre 2014, portant sur le lot n°39, moyennant un prix de 60.233 euros ou 180.096 euros avec travaux ;

'vente Champigny du 31 décembre 2014, portant sur les lots n° 8 et 9, moyennant un prix de 134.954 euros ou 586.757 euros avec travaux ;

'vente Derrien du 31 décembre 2014, portant sur le lot n°42, moyennant un prix de 40.046 euros ou de 105.384 euros avec travaux ;

'vente Pesquidoux du 21 janvier 2016, portant sur les lots n°55 et 56, moyennant un prix de 124.107 euros ou 358 299 euros avec travaux.

La société Kacius a adressé six factures d’honoraires à la société Héridis :

'facture du 31 décembre 2014 FA114 Vente Greville : 45.221,36 euros

'facture du 31 décembre 2014 FA115 Vente Roberto : 26.611,52 euros

'facture du 31 décembre 2014 FA116 Vente Champigny : 75.410,84 euros

'facture du 31 décembre 2014 FA117 Vente Derrien : 17.646,08 euros

'facture du 31 décembre 2014 FA118 Vente Greville : 7.405,16 euros

'facture du 22 janvier 2016 FA207 Vente Pesquidoux : 42.995,88 euros

Ces factures ont été partiellement réglées par la société Heridis par virements :

'virement du 16 février 2015 FA114 Vente Greville : 45.221,36 euros

'virement du 16 février 2015 FA118 Vente Greville : 2.405,00 euros

'virement du 16 février 2015 FA115 Vente Roberto : 26.611,52 euros

'virement du 16 février 2015 FA117 Vente Derrien : 17.646,08 euros

'virement du 7 septembre 2015 FA116 Vente Champigny : 62.751,71 euros

Par lettre du 4 septembre 2015, la société Heridis a résilié le mandat confié à la société Kacius à effet du 13 octobre 2015.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date des 4 et 14 avril 2016, la société Kacius a mis en demeure la société Heridis de lui régler les sommes de 12.659,13 euros au titre du solde de la facture n°116 et de 42.995,88 euros au titre de la facture n°207.

Le 26 avril 2016, la société Kacius a déposé une requête en injonction de payer la somme de 55.655,01 euros à l’encontre de la société Heridis.

Le président du tribunal de commerce de Carcassonne a, par ordonnance du 16 juin 2016, enjoint à la société Heridis de payer cette somme. Cette ordonnance a été signifiée le 27 juin 2016.

Le 22 juillet 2016, la société Heridis a formé opposition.

Par jugement du 16 janvier 2017, le tribunal de commerce de Carcassonne a, conformément aux termes de l’ordonnance d’injonction de payer, renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 30 novembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

— jugé recevable l’opposition de la société Héridis à l’injonction de payer du 16 juin 2016 du tribunal de Carcassonne, mal mal fondée ;

— condamné la société Héridis à régler à la société Kacius la somme de 55.655,01 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2016 ;

— condamné la société Héridis à régler à la société Kacius la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires :

— ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

— condamné la société Héridis aux dépens.

Par déclaration du 21 décembre 2017, la société Héridis a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a :

— déclaré recevable mais mal fondée son opposition à l’injonction de payer du 16 juin 2016 du tribunal de Carcassonne ;

— l’a condamnée à régler à la société Kacius la somme de 55.655,01 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2016 ;

— l’a condamnée à régler à la société Kacius la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

— l’a condamnée aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 5 juillet 2018, la société Héridis demande à la cour de :

Vu la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 et le décret n°72-678 du 20 juillet 1972,

Vu l’ancien article 1377 du code civil,

— recevoir la société Héridis en son appel ;

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 30 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris ;

Statuant à nouveau,

À titre principal,

— constater la nullité du mandat de commercialisation du 13 octobre 2014 ;

— débouter la société Kacius de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner la société Kacius à lui restituer le montant des commissions qui lui ont été payées, soit une somme de 154.635,65 euros ;

À titre subsidiaire,

— dire et juger qu’elle n’est pas débitrice des commissions de la société Kacius ;

— débouter la société Kacius de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner la société Kacius à lui restituer le montant des commissions qui lui ont été payées, soit une somme de 154.635,65 euros ;

Plus subsidiairement encore,

— fixer le montant des commissions de la société Kacius à la somme de 74.461,54 euros ;

— débouter la société Kacius de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner la société Kacius à lui restituer le surplus des commissions versées, soit une somme de 80.174,01 euros ;

En tout état de cause,

— condamner la société Kacius à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Kacius aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par la société BDL Avocats conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions du 18 juin 2018, la société Kacius demande à la cour de :

Vu la loi n°70-9 du 2 janvier 1970,

Vu le décret n°72-678 du 20 juillet 1972,

Vu les anciens articles 1134 et suivants, 1147 et suivants, 1153 et suivants, 1271 et suivants, 1315 et suivants et 1377 du code civil,

Vu l’article 700 et 1405 et suivants du code de procédure civile,

— confirmer en sa totalité le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 novembre 2017 ;

En conséquence,

— dire et juger que les demandes, fins et prétentions formulées par la société Héridis à son encontre sont mal fondées et les rejeter ;

— condamner la société Héridis au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 6.000 euros ;

— condamner la société Héridis aux entiers dépens ;

— assortir l’arrêt de l’exécution provisoire.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance rendue le 13 février 2020.

***

MOTIFS

Sur la nullité du mandat

A l’appui de sa demande tendant à la nullité du mandat du 13 octobre 2014, la société Héridis se prévaut du non respect des dispositions des articles 6 et 7 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et des articles 72 à 79 et 92 du décret n°72-628 du 20 juillet 1972.

Elle fait ainsi valoir que le mandat litigieux ne mentionne pas le numéro et le lieu de délivrance de la carte professionnelle, le nom et la dénomination sociale et l’adresse de l’entreprise, l’activité exercée, le nom et l’adresse du garant. Par ailleurs, elle soutient que l’exemplaire du mandat qui lui a été remis ne comportait pas le numéro d’inscription sur le registre des mandats. En outre, elle affirme que la clause d’exclusivité n’a pas été stipulée en caractères très apparents. Enfin elle prétend que le mandat ne comporte pas l’indication de la partie qui aura la charge de la rémunération.

La société Kacius répond qu’à supposer les irrégularités précitées établies, elles seraient sanctionnées par une nullité relative qui serait couverte par la ratification ultérieure des actes par son mandant.

A titre liminaire, il convient d’observer que l’application de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, n’est pas discutée en l’espèce.

L’article 1er de cette loi prévoit que :

« Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à : 1° L’achat, la vente, l’échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis ; (…) ».

L’article 6 de la même loi dans sa version applicable au litige dispose que :

I – Les conventions conclues avec les personnes visées à l’article 1er ci-dessus et relatives aux opérations qu’il mentionne en ses 1° à 6°, doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d’un décret en Conseil d’Etat :

Les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d’argent, biens, effets ou valeurs à l’occasion de l’opération dont il s’agit ;

Les modalités de la reddition de compte ;

Les conditions de détermination de la rémunération, ainsi que l’indication de la partie qui en aura la charge.

(…) »

L’article 72 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 précise que :

« Le titulaire de la carte professionnelle portant la mention : « Transactions sur immeubles et fonds de commerce » ne peut négocier ou s’engager à l’occasion d’opérations spécifiées à l’article 1er (1° à 5°) de la loi susvisée du 2 janvier 1970 sans détenir un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l’une des parties.

Le mandat précise son objet et contient les indications prévues à l’article 73.

Lorsqu’il comporte l’autorisation de s’engager pour une opération déterminée, le mandat en fait expressément mention.

Tous les mandats sont mentionnés par ordre chronologique sur un registre des mandats conforme à un modèle fixé par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l’intérieur et du ministre de l’économie et des finances.

Le numéro d’inscription sur le registre des mandats est reporté sur celui des exemplaires du mandat, qui reste en la possession du mandant.

Ce registre est à l’avance coté sans discontinuité et relié. Il peut être tenu sous forme électronique dans les conditions prescrites par les articles 1316 et suivants du code civil.

Les mandats et le registre des mandats sont conservés pendant dix ans. »

L’article 73 du même décret indique que :

« Le titulaire de la carte professionnelle portant la mention « Transactions sur immeubles et fonds de commerce », son ou ses représentants légaux ou statutaires, s’il s’agit d’une personne morale, qui doit recevoir le mandat prévu à l’article 72 ne peut demander, ni recevoir directement ou indirectement, d’autre rémunération ou commission à l’occasion d’une opération spécifiée à l’article 1er (1° à 5°) de la loi susvisée du 2 janvier 1970 que celle dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat.

Le mandat doit préciser si cette rémunération est à la charge exclusive de l’une des parties à l’opération ou si elle est partagée. (…) »

L’article 79 du même décret prévoit que :

« Lorsque le titulaire de la carte professionnelle portant la mention : « Transactions sur immeubles et fonds de commerce » reçoit un versement ou une remise à l’occasion d’une opération visée à l’article 1er de la loi susvisée du 2 janvier 1970, l’acte écrit contenant l’engagement des parties comporte l’indication du mode et du montant de la garantie et celle du garant ou du consignataire. »

Par ailleurs, l’article 92 du même décret indique que :

« Outre les mentions prescrites par les articles 8, 28 et 56 du décret du 23 mars 1967 susvisé et par l’article 72 du décret du 30 mai 1984 susvisé, les personnes visées à l’article 1er de la loi du 2 janvier 1970 doivent faire figurer sur tous documents, contrats et correspondance à usage professionnel :

Le numéro et le lieu de délivrance de la carte professionnelle ;

Le nom ou la raison sociale et l’adresse de l’entreprise ainsi que l’activité exercée ;

Le cas échéant, le nom et l’adresse du garant.

Ces indications ne doivent être accompagnées d’aucune mention de nature à faire croire, d’une quelconque manière, à une assermentation, à une inscription, à une commission, à un accréditement ou à un agrément. »

Enfin l’article 7 de la loi du 2 janvier 1970 prévoit que :

« Sont nulles les promesses et les conventions de toute nature relatives aux opérations visées à l’article 1er qui ne comportent pas une limitation de leurs effets dans le temps.

Lorsque le mandant n’agit pas dans le cadre de ses activités professionnelles :

1° Les modalités de non-reconduction des contrats définies aux deux premiers alinéas de l’article L. 136-1 du code de la consommation sont mentionnées de manière lisible et visible dans les conventions prévues au premier alinéa du I de l’article 6 de la présente loi ;

2° Lorsque ces conventions portent sur des opérations mentionnées aux 1° et 4° de l’article 1er et qu’elles comportent une clause d’exclusivité, elles mentionnent en caractères très apparents les dispositions du deuxième alinéa de l’article 78 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d’application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce, exception faite des mandats portant sur les opérations exclues par les troisième à sixième alinéas de ce même article. »

L’article 78 du décret du 20 juillet 1972 dispose que :

« Lorsqu’un mandat est assorti d’une clause d’exclusivité ou d’une clause pénale, ou lorsqu’il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant, même si l’opération est conçue sans les soins de l’intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d’une stipulation expresse d’un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant. Cette clause est mentionnée en caractères très apparents. (…). »

En l’espèce, il sera tout d’abord relevé que, contrairement à ce que soutient la société Heridis, le mandat litigieux comporte bien l’indication du débiteur de la rémunération en son article VI puisqu’il en ressort que la rémunération est à la charge du mandant. Ainsi les prescriptions de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et l’article 73 du décret 20 juillet 1972 sur ce point sont respectées.

En outre, il sera observé qu’un paragraphe distinct du contrat litigieux est consacré à la clause d’exclusivité consentie au profit de la société Kacius puisque l’article VIII dudit mandat est intitulé « clause d’exclusivité limitée » et que cette clause, rédigée dans les mêmes caractères que l’ensemble du contrat ne comprenant que trois pages, est stipulée de manière très apparente. Il en résulte que les prescriptions de l’article 7 de la loi 2 janvier 1970 et l’article 78 du décret 20 juillet 1972 sur ce point sont également respectées.

La cour s’attachera en conséquence à vérifier le respect des autres dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972 invoquées et ci-dessus énumérées.

Il ressort desdites dispositions d’une part, que l’agent immobilier doit mentionner tous les mandats par ordre chronologique sur un registre des mandats à l’avance coté sans discontinuité et relié, et reporter le numéro d’inscription sur l’exemplaire du mandat qui reste en la possession du mandant et d’autre part, que le mandat doit contenir certaines mentions.

La Cour de cassation jugeait que les dispositions de la loi du 2 janvier 1970, qui sont d’ordre public, et plus particulièrement celles portant sur ses prescriptions formelles, tenant notamment à la tenue du registre des mandats et aux mentions devant impérativement y figurer, comme le numéro d’inscription sur le registre des mandats, étaient prescrites à peine de nullité absolue, pouvant être invoquées par toute partie qui y a intérêt.

Il convient à cet égard de rappeler que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

Par la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, le législateur a entendu, tout à la fois, réguler la profession d’agent immobilier et protéger sa clientèle et la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, comme il ressort de son étude d’impact

répond aux mêmes préoccupations.

L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, a codifié le régime des nullités, aux articles 1178 à 1185 du code civil, consacrant une distinction entre nullité relative et absolue fondée sur la nature de l’intérêt protégé.

Si l’article 9, alinéa 2, de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, prévoit que 'les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne', il n’en demeure pas moins que ce nouveau texte apporte un éclairage nouveau.

Ainsi l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance du 10 février 2016, conduit désormais à apprécier, précisément, l’objectif de chaque disposition légale, selon qu’il tend à la sauvegarde de l’intérêt général ou qu’il vise à la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire pour déterminer si l’irrégularité commise doit être sanctionnée par une nullité absolue ou par une nullité relative.

Tout d’abord, le formalisme prescrit à l’article 72 du décret du 20 juillet 1972 selon lequel l’agent immobilier doit mentionner tous les mandats par ordre chronologique sur un registre des mandats à l’avance coté sans discontinuité et relié, et reporter le numéro d’inscription sur l’exemplaire du mandat qui reste en la possession du mandant a pour objet de conférer une date certaine au mandat et vise donc à la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire. Sa méconnaissance est donc sanctionnée par une nullité relative.

Ensuite, les mentions prescrites aux articles 79 et 92 du décret du 20 juillet 1972 relatives à la garantie du mandataire ont pour objet de permettre le remboursement des fonds, effets ou valeurs éventuellement déposés par ses clients et, ainsi, de protéger ceux-ci contre les éventuels détournements ou dissipations de ces sommes par des intermédiaires indélicats ou victimes d’infortune. Elles tendent donc à la protection d’intérêts privés et leur non-respect doit être sanctionné par une nullité relative.

Enfin, les mentions prescrites à l’article 92 du décret du 20 juillet 1972 sont notamment relatives au numéro et au lieu de délivrance de la carte professionnelle.

Or selon l’article 3 de la loi du 2 janvier 1970, « Les activités visées à l’article 1er ne peuvent être exercées que par les personnes physiques ou morales titulaires d’une carte professionnelle, délivrée, pour une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, par le président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale ou par le président de la chambre de commerce et d’industrie départementale d’Ile-de-France, précisant celles des opérations qu’elles peuvent accomplir. (…)

L’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie établit et tient à jour un fichier des personnes titulaires de la carte professionnelle, selon des modalités définies par décret.

Cette carte ne peut être délivrée qu’aux personnes physiques qui satisfont aux conditions suivantes :

1° Justifier de leur aptitude professionnelle ;

2° Justifier d’une garantie financière permettant le remboursement des fonds, effets ou valeurs déposés et spécialement affectée à ce dernier, y compris les sommes versées au fonds de travaux mentionné à l’article 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis à l’exception toutefois des personnes déclarant leur intention de ne détenir aucun fonds, effet ou valeur, pour les activités mentionnées à l’article 1er, à l’exception de celles

mentionnées aux 6° et 9° du même article dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Seuls les garants financiers ayant mis en place des procédures de contrôle internes, au moyen d’un référentiel et de modèles de suivi des risques, sont habilités à délivrer la garantie financière. Un décret en Conseil d’Etat définit les procédures et les conditions dans lesquelles les garants exercent leurs missions de contrôle sur les fonds qu’ils garantissent en application du présent article ;

3° Contracter une assurance contre les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle;

4° Ne pas être frappées d’une des incapacités ou interdictions d’exercer définies au titre II ci-après.

(…) »

La carte n’est délivrée aux personnes morales que si lesdites personnes satisfont aux conditions prévues aux 2° et 3° ci-dessus et que si leurs représentants légaux et statutaires satisfont aux conditions prévues aux 1° et 4° ci-dessus. ».

Ainsi les dispositions combinées des articles 92 du décret du 20 juillet 1972 et de l’article 3 de la loi du 2 janvier 1970 ont pour objet de réguler la profession d’agent immobilier en s’assurant que ces intermédiaires disposent des compétences requises ainsi que d’une garantie financière et d’une assurance professionnelle et ne sont pas frappés d’incapacités ou interdictions professionnelles. Les mentions imposées à l’article 92 du décret du 20 juillet 1972 relatives au numéro et au lieu de délivrance de la carte professionnelle, en ce qu’elles permettent à tous de s’assurer que le professionnel est bien titulaire de la carte professionnelle, visent donc à la sauvegarde de l’intérêt général et leur méconnaissance doit donc être sanctionnée par une nullité absolue insusceptible de confirmation ou de ratification.

En l’espèce, il convient de relever que le contrat conclu le 13 octobre 2014 entre la société Heridis et la société Kacius ne comporte ni le numéro ni le lieu de délivrance de la carte professionnelle en violation des dispositions susvisées.

En conséquence, il convient de constater la nullité de ce contrat sans que cette nullité absolue puisse être confirmée contrairement à ce que prétend la société Kacius. En effet, seules les nullités relatives sont susceptibles d’être régularisées par une confirmation ou une ratification.

Sur les restitutions

La nullité emporte l’effacement rétroactif du contrat et les parties doivent être remises dans l’état dans lequel elles se seraient trouvées si le contrat n’avait pas été conclu. La nullité entraine en conséquence un droit à restitution pour les parties.

Ainsi la société Kacius sera condamnée à restituer à la société Heridis une somme de 154.635,65 euros perçue à titre de rémunération en exécution du mandat du 13 octobre 2014. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la société Heridis de ce chef et l’a condamnée à régler à la société Kacius la somme de 55.655,01 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2016.

Sur l’exécution provisoire

S’agissant d’une décision insusceptible de voies de recours suspensives d’exécution, la demande d’exécution provisoire est sans objet.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Kacius succombe à l’instance d’appel. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées. La société Kacius sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés par la société BDL Avocats conformément à l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à verser à la société Heridis une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La demande de ce chef de la société Kacius sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement ;

DIT que le contrat conclu le 13 octobre 2014 entre la société Heridis et la société Kacius est nul en ce qu’il ne comporte ni le numéro ni le lieu de délivrance de la carte professionnelle en violation des dispositions de l’article 92 du décret du 20 juillet 1972 et que cette nullité est une nullité absolue insusceptible d’être couverte par une confirmation ou une ratification ;

CONDAMNE la société Kacius à restituer à la société Heridis la somme de 154.635,65 euros perçue à titre de rémunération en exécution du contrat du 13 octobre 2014 ;

CONDAMNE la société Kacius à verser à la société Heridis une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Kacius de la demande qu’elle a présentée de ce chef ;

CONDAMNE la société Kacius aux dépens de première instance et d’appel ;

AUTORISE la société BDL Avocats à procéder au recouvrement des dépens d’appel conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

X Y-Z A-B C

Greffière Présidente



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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 12 novembre 2020, n° 18/00218