Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 7 juillet 2021, n° 19/00167
CPH Paris 22 novembre 2018
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CA Paris
Infirmation 7 juillet 2021
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CASS
Rejet 1 février 2023

Arguments

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  • Accepté
    Discrimination en raison du sexe

    La cour a constaté l'existence d'une discrimination à raison du sexe, entraînant un préjudice économique pour la salariée, et a jugé que les éléments fournis justifiaient l'octroi de dommages-intérêts.

  • Accepté
    Préjudice moral résultant de la discrimination

    La cour a reconnu que le traitement différencié a causé un préjudice moral à la salariée, justifiant ainsi l'octroi de dommages-intérêts.

  • Accepté
    Violation des accords d'égalité professionnelle

    La cour a constaté que l'employeur a méconnu ses obligations en matière d'égalité professionnelle, justifiant l'octroi de dommages-intérêts.

  • Accepté
    Droit à la capitalisation des intérêts

    La cour a jugé que les intérêts échus produiraient des intérêts à compter de la demande de capitalisation, conformément à la loi.

  • Accepté
    Frais de procédure

    La cour a condamné l'employeur à rembourser les frais de procédure, considérant que la salariée a succombé au principal.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 9, 7 juil. 2021, n° 19/00167
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/00167
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 21 novembre 2018, N° F16/09060
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 07 JUILLET 2021

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00167 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B6774

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 16/09060

APPELANTE

Madame C X

[…]

[…]

Représentée par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

INTIME

EPIC REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (R.A.T.P) prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Graziella HAUDUIN, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Madame Valérie BLANCHET, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE

ARRÊT :

— contradictoire

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Madame Graziella HAUDUIN, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 22 novembre 2018 par lequel le conseil de prud’hommes de Paris, saisi le 28 juillet 2016 par Mme X du litige l’opposant à l’EPIC RATP, son ancien employeur, a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux entiers dépens.

Vu l’appel interjeté le 18 décembre 2018 par Mme X de cette décision qui lui a été notifiée le 29 novembre précédent.

Vu les conclusions des parties auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel.

Aux termes des dernières conclusions transmises le 12 septembre 2019 par voie électronique, Mme X demande à la cour de :

— Réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 22 novembre 2018,

— Dire et juger que Mme X a fait l’objet d’un traitement discriminatoire en raison de son sexe,

— En conséquence,condamner la RATP à verser à Mme X les sommes suivantes :

711 237 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique lié à la discrimination,

50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral lié à la discrimination,

30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des accords relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en vigueur au sein de l’entreprise.

— Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,

— Condamner la RATP à la somme de 5 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et à la somme de 3 500 euros au titre de la procédure d’appel,

— Condamner la RATP aux entiers dépens, y compris les frais d’exécution éventuels.

Aux termes des dernières conclusions transmises le 13 juin 2019 par voie électronique, l’EPIC RATP demande à la cour de :

— Dire et juger que Mme X n’a subi aucune discrimination

En conséquence,

— Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 22 novembre 2018 ;

— Débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— Condamner Mme X au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu la clôture du 6 avril 2021 et la fixation de l’affaire à l’audience du 26 mai 2021.

SUR CE, LA COUR :

Mme X a été engagée le 11 octobre 1982 par la société Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP), selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’attachée technique première catégorie, puis a occupé le poste de responsable de l’unité logistique distribution et revente au département HAL (achats et logistiques), statut cadre.

En septembre 2010, elle a adhéré à un contrat de cessation progressive d’activité (CPA) à échéance de 3 ans avec cumul en fin de période de la réduction d’activité, puis à effet au 1er octobre 2013 a pris sa retraite.

Le 28 juillet 2016, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique pour discrimination, violation d’accord collectif et préjudice moral distinct, toutes prétentions rejetée par jugement dont appel.

Sur la discrimination :

En application de l’article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure de discrimination directe ou indirecte en raison notamment de son sexe.

Il appartient au salarié qui se prétend discriminé de présenter des élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu des ces éléments, il incombe alors à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce, Mme X fait valoir avoir connu une évolution professionnelle effective, même si elle a été lente, depuis 1982 jusqu’à son accession au statut de cadre supérieur en mars 1997, mais n’avoir pas ensuite accédé au niveau de cadre de direction, contrairement à ses collègues hommes. Elle invoque aussi l’absence d’augmentation individuelle de salaire durant plusieurs années, la perception de 2006 à 2012 d’une rémunération fixe moindre que le salarié homme auquel elle a succédé, un désintérêt accru envers elle à partir des années 2009-2010 à l’occasion de la signature en septembre 2010 d’un contrat de cessation progressive d’activité à échéance de trois ans et aussi le versement de primes de résultats inférieures à celles perçues par la moyenne du panel des hommes et le lissage de sa rémunération fixe sur la moyenne des femmes, alors que son époux, également salarié de la RATP, avait un engagement syndical depuis 1983 et avait aussi déposé en 2014 un dossier visant à la reconnaissance d’une discrimination syndicale.

L’analyse des éléments communiqués par la RATP, en exécution de l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Paris en date du 8 janvier 2016, soit «'pour les cadres promus niveau cadre supérieur entre 1994 et 2000, leur nom, date de naissance, sexe, date d’embauche, fonctions et rémunération annuelle brute annuelle dont primes de résultats clairement identifiées de décembre 1998 à décembre 2012 ou à la date de cessation du contrat'», révèle effectivement une sous-représentation importante des femmes dans la catégorie des salariés promus cadres supérieurs et encore plus dans celle des salariés ayant accédé à la direction d’un département, un montant de

rémunération fixe en moyenne inférieure pour les femmes avec un écart se creusant de 6,68% en 1998 à 15% en 2012, avec une distorsion augmentant nettement à partir de 2010, un écart encore plus élevé pour ce qui a trait aux primes de résultat avec un choix à partir de 2007 d’augmenter dans des proportions encore plus accentuées les primes octroyées aux hommes et qu’à partir de la signature de son contrat de cessation progressive d’activité ses primes de résultat ont clairement diminué.

L’ensemble de ces éléments laissent supposer l’existence d’une discrimination.

Le panel de comparaison utilisé par Mme X, soit celui obtenu en exécution de l’ordonnance susvisée du 8 janvier 2016, doit être considéré comme pertinent et non comme le soutient la RATP «'hétérogène et sans logique'». En effet, l’employeur ne peut sérieusement, s’agissant de carrière longues pour tous les salariés concernés, limiter le champs des comparaisons en excluant des salariés au prétexte d’une embauche antérieure à un grade différent, A ou B, ou d’une formation initiale dans une école prétendument supérieure, sauf à prétendre que toutes les carrières devront ensuite suivre un chemin linéaire en fonction de ces seuls critères, soit donc en excluant la prise en compte des compétences, de la personnalité, de la volonté de progression et des capacités d’évolution nécessairement différentes d’un individu à l’autre. En outre, il ressort du tableau que les 14 salariés auxquels elle se compare ont accédé à la catégorie de cadre supérieur entre 1994 et 2000 alors qu’elle l’est devenue en 1997. L’argumentation de la RATP de limiter la comparaison aux seuls MM. Y, Z, A et Tournot ne sera pas en conséquence retenue.

Sur la base de ce panel, il y a lieu de constater que les 14 hommes appartenaient, comme elle, au secteur opérationnel et occupaient des postes de directeur d’unité, comme elle, quand ils ont accédé à des fonctions de direction, la RATP ne pouvant utilement se retrancher derrière l’absence d’exercice par Mme X de fonctions de direction pour expliquer l’évolution moins favorable de sa carrière alors que justement c’est sa décision de ne pas lui confier de telles responsabilités qui a eu pour effet de la bloquer après 1997. L’employeur ne peut non plus, sans mauvaise fois, soutenir que la salariée était satisfaite de la situation qui lui était faite au travers de son courriel du 29 février 2004 adressé à M. E F, son supérieur hiérarchique, alors que la production de cette pièce dans son intégralité et numérotée 24 révèle qu’elle pointe déjà un accroissement de ses responsabilités et de la charge de ses fonctions avec une diminution corrélative de sa rémunération mensuelle.

Il est aussi démontré par Mme X, sans contestation utile de la RAPT, que la comparaison plus particulièrement avec M. B, responsable de l’unité LDR de 2006 à 2012 et auquel elle a succédé démontre qu’elle a perçu une rémunération fixe inférieure à la sienne pour le même poste.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments, alors que les entretiens d’évaluation produits au débat ne démontrent pas que Mme X a en aucune manière démérité, qu’elle a subi depuis 1998 une réelle stagnation dans l’évolution de sa carrière et de sa rémunération que l’établissement échoue à expliquer par des éléments objectifs et étrangers à la discrimination en raison de son sexe alléguée.

Le dernier alinéa de l’article L. 1134-5 précité prévoit que les dommages-intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée, qui doivent aussi prendre en considération l’impact négatif sur ses droits à retraite calculés sur un montant inférieur à celui auquel elle aurait pu prétendre en l’absence de discrimination. Cependant, l’employeur démontre pour ce qui concerne la part variable que la salariée n’a pas connu une diminution de la prime de résultats durant la période allant de 2009-2010 à son départ de l’entreprise. En effet, le montant de la prime de résultats a connu une évolution favorable avec quelques variations dans la première décennie des années 2000 et s’est maintenue entre 6000 et 6900 euros, le versement en 2012 d’un montant de 1 500 euros trouvant son explication dans l’activité à temps partielle durant l’année 2011, ce que la salariée ne conteste pas.

La cour dispose des éléments suffisants, notamment les rémunérations des 14 salariés hommes du

panel et celles perçues par Mme X, pour réparer, par infirmation du jugement entrepris, le préjudice subi par la salariée du fait de la discrimination subie à raison de son sexe tant sur sa rémunération que sur ses droits à retraite à hauteur de la somme de 290 000 euros.

Sur le préjudice moral :

Le traitement différencié subi par Mme X, qui n’a pas démérité professionnellement et s’est investie pour son employeur qui, tout en reconnaissant ses mérites, ne les a pas traduit notamment par l’octroi d’une rémunération plus élevée, durant une longue période durant laquelle elle a assisté à l’évolution favorable en terme de carrière de salariés hommes placés entrés dans l’entreprise à une période concomitante à la sienne, constitue un préjudice moral distinct qui sera valablement réparé, par infirmation du jugement déféré, par des dommages-intérêts de 10 000 euros.

Sur la violation des dispositions conventionnelles relatives à l’égalité hommes/femmes :

Il ressort des éléments versés au débat que, malgré la signature au sein de la RATP de protocoles relatifs à l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes, en 2003, 2008 et 2012, posant un principe de non-discrimination, il existe une sous-représentation générale des femmes dans la catégorie des cadres supérieurs et que Mme X a subi une discrimination salariale à raison de son sexe.

Cette violation des principes édictés par et pour l’employeur lui-même engage sa responsabilité notamment à l’égard de Mme X dont il a méconnu les droits en tant que salariée femme.

Il lui sera donc alloué, par infirmation du jugement entrepris, la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts à ce titre.

Sur les autres dispositions :

Les intérêts échus produiront intérêts à compter du jour de la demande expressément présentée en première instance, dès lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

L’EPIC RATP , qui succombe au principal, sera, par infirmation du jugement entrepris, condamné à supporter les dépens de première instance et d’appel et à verser à Mme X 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande qu’il a présentée de ce dernier chef est, en conséquence, rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant dans cette mesure et y ajoutant :

Condamne l’EPIC RATP à verser à Mme X les sommes suivantes :

—  290 000 euros : dommages-intérêts pour préjudice économique lié à la discrimination à raison du sexe,

—  10 000 euros : dommages-intérêts pour préjudice moral lié à la discrimination à raison du sexe,

—  5 000 euros : dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles relatives à l’égalité hommes/femmes ;

Dit que les intérêts échus produiront intérêts dès lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière, et ce à compter de la demande de capitalisation ;

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Condamne l’EPIC RATP aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme X la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qui comprendront les frais éventuels d’exécution.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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